Le dîner
Write by Farida IB
Khalil…
Je passe un instant de sidération mêlée d’une déferlante de sentiments, instant pendant lequel j’hésite. Je n’ose me retourner par peur d’être déçu si cela s’avère être une illusion auditive.
Moi balbutiant : Aynia ?
Nahia ricanant : et oui, c’est bien moi (aux autres) salam aleik les gars.
Ils répondent par un hochement de tête alors qu’elle fait le tour de la table pour se planter devant moi. Un sourire naît sur mon visage une fois que je me rend à l'évidence. Je l'observe sans trop savoir quoi dire ni faire.
Salim : qu’est-ce qui t’arrive tout à coup ? Mademoiselle asseyez-vous !
Nahia lui souriant : merci.
Elle s’assoit face à moi et me lance un regard moqueur.
Jemal : expliquez nous ce qui se passe, nous sommes dans le bleu.
Moi (sortant de ma stupeur) : Salim, Jemal, je vous présente Nahia. Nahia (les pointant du doigt) Salim, Jemal.
C’est à leur tour de la regarder surpris, elle finit par éclater de rire devant leur air abasourdi.
Nahia : non messieurs ce n’est pas le fruit de votre imagination, je suis bien assise à cette table avec vous.
Jemal (au bord de l’hébétude) : c’est elle Nahia ?
Je hoche la tête.
Jemal : mais mais ?
Salim (passant son regard d'elle à moi) : tu savais qu’elle était ici ?
Moi : du tout (m’adressant à Nahia) tu m’expliques ?
Nahia : on aura tout le temps pour ça t’inquiète.
Salim : tout un plaisir de te connaître pour de vrai, mâcha Allah pour une surprise s’en est une.
Nahia : n’est-ce pas ? (tout en regardant Jemal) J’ai eu peur un instant qu’il vende la mèche.
Salim (fixant Jemal du coin de l’œil) : il faut d’abord qu’il te reconnaisse pour ça.
Nahia : il était trop pressé ce matin pour qu’on fasse les présentations.
Jemal : ce n’est pas juste que ce soit elle Nahia.
Salim et moi lui lançons un regard désapprobateur.
Jemal soupirant : quoi qu’il en soit, je suis enchanté de faire ta connaissance.
Moi brusquement : les mecs, on doit y aller.
Salim (sourire moqueur) : on te comprend, vas-y. Nahia soit la bienvenue chez nous, à tout moment.
Nahia : merci à tout moment, Jemal à tout de suite.
Jemal dans sa barbe : umh.
Il est même sérieux lui là ?
Je prends la main de Nahia en me moquant des regards et ne la lâche qu’au moment où je lui tiens la portière devant laquelle elle se fige les yeux feignant de sortir de leurs orbites.
Moi : tu n’entres pas ?
Nahia : attends, tu conduis une voiture en or ?
Moi haussant l'épaule : c’est courant par ici.
Nahia pendant qu’elle monte : tu m’en diras tant.
Je monte à mon tour et dès que la capote se referme sur nous, elle fond sur mes lèvres et s’empare de ma bouche. Je réponds avec voracité et l’embrasse à en perdre l’haleine. C’est elle la première à se détacher.
Nahia (reprenant son souffle) : Manaar et moi c’est fini pour de bon.
Je bloque un moment silencieux pour enregistrer l'information.
Moi : fini, fini, fini ?
Nahia : oui fini, fini, fini.
Je souris et l’enlace par la taille pour la rapprocher plus avant de capturer ses lèvres mutines. Elle y répond langoureusement.
Moi (lorsqu’on se détache) : qu’est-ce que tu fais à Abu-Dhabi ?
Nahia encore dans les vapes : je suis ici pour notre travail.
Moi : c’est pour ça que tu ne m’as pas appelé ?
Nahia hochant la tête : je voulais te faire une surprise.
Moi ravi : c’est réussi !
Elle se tourne complètement dans ma direction pour me regarder en plissant les yeux, mais ne dit rien. Ce qui me fait plisser les miens à mon tour.
Moi : qu’est-ce qu’il y a ?
Nahia : je te trouve changé et puis c’est quoi cette barbe ?
Moi (me mettant à caresser ma barbe de plusieurs jours) : c’est le mood au Moyen-Orient.
Nahia : lol (s’adossant au siège) tu me ramènes chez monsieur Singh ? Je dine avec vous ce soir.
Moi : ah bon ?
Nahia : oui, ta mère m’a invité.
Moi ouvrant les yeux : quoi ? Tu as déjà rencontré ma mère ?
Nahia hochant la tête : ce matin chez monsieur Singh. Au passage, elle est vraiment belle hein ta mère.
Moi : c’est tout elle, donc comme ça elle t’a invitée ?
Nahia : c’est ce que je viens de dire.
Moi : et tu veux venir ?
Nahia (se tournant vers moi intriguée) : tu préférerais que je ne vienne pas ?
Moi : ce n’est pas ça, enfin j’aurais préféré qu’on passe du temps rien que toi et moi avant de te faire affronter ma famille. Surtout mon père !
Nahia amusée : je me prépare psychologiquement depuis ce matin (me prenant la main qu’elle caresse doucement) il ne va quand même pas me tomber dessus juste comme ça. Je viens ce soir en tant que ta collègue et non ta copine.
Moi : tu as raison, mais nous ferons les présentations avant que tu ne rentres.
Nahia l'air paniqué : et tu penses qu'ils n'y verront pas d'inconvénients ?
Khalil : ils devront se conformer à mon choix.
Elle soupire et je porte sa main à mes lèvres et y dépose un chaste baiser.
Moi : je suis content que tu sois là, il s’en fallait peu pour que je débarque en Belgique.
Nahia riant : et moi, je suis contente d’être ici plutôt qu’en Belgique. Même si je suis un peu triste pour mamie.
Moi : en fait je t’ai manqué.
Nahia (ne cherchant pas à nier) : oh que oui, tu n’imagines pas à quel point !
Moi : c’est agréable à entendre, il faut maintenant qu’on y aille. Ma mère n’aime pas le retard.
Nahia : ça, c’est vrai. Tu me déposes et tu viens me chercher dans une heure.
Moi : ok princesse.
Nahia : au fait, ta mère a dit qu’on devrait dîner avec les vizirs de ton père, c’est qui eux ?
Moi : ses conseillers.
Nahia arquant le sourcil : il a des conseillers ?
Moi : oui, pour ses affaires.
Nahia : ah ok.
Je démarre et roule jusqu’au domaine des Singh à Khalifa City. Je m’identifie à la grille avant de me garer plus tard sur le parking des visiteurs.
Moi (pendant qu’elle détache sa ceinture) : je reviens te chercher dans une heure pas plus.
Nahia : pour une fois, que je suis aux honneurs quelque part, je serai plus qu’à l’heure.
Moi : lol.
Nahia : à toute mon chéri.
Moi : à toute bébé (je la regarde descendre) heppepp et mon bisou ?
Nahia : quelqu’un peut nous voir Khalil.
Moi : et alors ?
Elle contourne et se met à la portière de mon côté.
Nahia : ton rival ne va pas du tout aimer nous voir coquiner.
Elle fait un geste de tête vers l’air de jeux où se trouve le neveu de Jemal.
Moi amusé : un adversaire de taille.
Nahia : en plus, il est plus beau et jeune et fort que toi.
Moi : tu deviens cougar ?
Nahia (clin d’œil) : il y a intérêt, son grand-père est riche.
Moi : lol.
Elle me fait un smack avant de partir. Je la regarde marcher vers le perron et soupire. Je suis dans la merde, mais vraiment ! Je n’ai pas prévu qu’elle se pointe à Abu-Dhabi bien que je sois plus qu’heureux qu’elle soit là. Notre histoire n’a pas commencé qu’elle possède déjà une fin, parce que c’est ce qui m’attend du fait de l’histoire avec Jedah. D’autant plus que je n’ai pas de solution immédiate surtout en ce qui concerne mon père. Tout ce dont je suis sûr, c’est que ce mariage n’aura pas lieu. Je lui en parlerai aussitôt que j’en aurai la chance et j’appréhende sa réaction parce que votre copine là ! Elle a peut-être tempéré ses ardeurs depuis un bon moment, mais son impulsivité n’a pas bougé d’une semelle.
Quand j’arrive à la maison, je passe directement à la cuisine où tout est sens dessus dessous. Elles sont au moins une dizaine à s’activer devant les fourneaux, je fais une bise à Yumna qui découpe du namoura (gâteau de semoule) en losange et lance un regard bref à Jedah qui elle assiste maman à qui je fais une bise également.
Moi : il paraît que tu as invité Nahia au dîner de ce soir.
Yumna ton surpris : qui Nahia ?
Moi simplement : Nahia.
Yumna : Nahia de Lomé ?
Je hoche la tête.
Yumna stupéfaite : elle est à Abu-Dhabi ?
Maman : oui et elle dîne avec nous ce soir.
Yumna : ah, ça, il y a des informations cruciales comme ça que vous cachez aux autres ?
Moi la fixant : en quoi est-ce que cette information t’est cruciale ?
Yumna au bord de l’excitation : Nahia est à Abu-Dhabi, ta Nahia, enfin Nahia quoi !
Maman passe son regard interrogateur d’elle à moi avant de me fixer avec instance, je lui réponds en haussant les épaules.
Moi : tu aurais dû me prévenir avant de l'inviter.
Maman : j'ai simplement voulu me saisir de l'occasion pour la remercier pour son hospitalité envers toi.
Moi : ce n'était pas nécessaire, mais bon ! Je vais me débarbouiller et aller la chercher.
Maman : d’accord, ramène-la tôt s’il te plaît.
Moi : ok.
En sortant, je fais un mouvement de tête à Yumna qui me suit sans se le faire répéter deux fois. Elle me tombe dessus dès que nous sommes hors de portée.
Yumna : comment penses-tu t’en sortir ce soir ?
Moi : justement, j'ai besoin de ton aide pour ça. Certainement que je serai avec papa ce soir donc je veux que tu t'occupes d'elle à ma place. Il ne faut surtout pas que quelqu'un fasse l'amalgame entre Jedah et mariage.
Yumna : comptes sur moi, mais cherche à régler définitivement régler cette histoire avant que ça ne se complique. Tu as une solution ?
Moi : pour le moment, non. Je verrai bien.
Yumna : quoi qu'en soit ton choix, tu peux compter sur moi.
Moi : merci
Yumna avec enthousiasme : j'ai quand même une petite préférence pour Nahia.
Moi : lol (du tic au tac) dis moi ce que tu traficotes à sortir en douce de la maison dernièrement.
Yumna (balayant l’air de la main) : trois fois rien, je chille en ville avec Cartia.
Moi : donc ce sont tes chills avec Cartia qui te donnent les yeux pétillants d’un seul coup comme ça ?
Yumna hochant la tête : mouais, on s’amuse beaucoup.
Moi : j’espère pour toi que ce n’est pas un schlag qui te prend la tête, je ne vais pas rechigner à lui passer dessus.
Yumna : lol toi-même tu gères les sœurs des autres !
Moi : en toute légalité et légitimité.
Yumna : on parle de laquelle là ?
Moi : de l’authentique.
Yumna taquine : je commençais à désespérer de revoir ce sourire lumineux sur ton visage.
Moi : go casse Cheikha.
Yumna : krkrkrkrkr…
On se sépare sur cette note et pendant que je longe le couloir débouchant sur les escaliers, je sens une présence derrière moi. Je me retourne pour voir Jedah.
Moi soupire agacé : qu’est-ce que tu veux ?
Jedah : je voudrais qu’on discute un peu s’il te plaît.
Moi (sans m’arrêter de marcher) : eh bien moi, je n’en ai pas envie.
Jedah : je veux qu’on parle de Nahia.
Je m’arrête brusquement et me tourne complètement vers elle.
Moi : viens.
Elle me suit docilement, je m'assure qu'on soit entre les quatre murs de mon appartement avant de parler.
Moi : qui t’a parlé d’elle ?
Jedah : je vous ai entendu toute à l’heure dans la cuisine. C’est ta petite amie ?
Moi : ce n’est absolument pas ton problème.
Jedah : je demande afin de pouvoir prendre mes prédispositions lorsqu’elle sera là. Je ne veux pas semer le trouble dans ton couple.
J'emets un rictus amer.
Moi : non mais tu te fous de moi !?
Jedah : je suis sérieuse, je veux que tu me laisses arranger tout ça.
Moi sarcastique : vraiment ? Et comment tu penses réaliser ce miracle ?
Jedah : maintenant que je ne suis plus sous le joug de mon père, je peux le confronter. Le plus urgent pour moi c’était de quitter cette prison dorée.
Moi avec humeur : c’est pour ça que tu m’as laissé te prendre ta virginité tout en sachant que tu étais fiancé à quelqu’un d’autre depuis ton enfance ?
Jedah posément : Khalil, je ne t’avais pas caché que c’était pour me rebeller contre mon père.
Moi lui criant dessus : pour ensuite me faire passer pour le méchant dans l’histoire, tu te rends compte que la position de mon père est menacée ? (hurlant) Est-ce que tu vois tout ce que ta rébellion fout comme boxon dans nos vies ?
Jedah la petite voix : je suis désolée (expliquant) c’était le seul moyen que j’ai trouvé pour échapper à mon mariage forcé. Je savais, enfin, j’étais certaine que dès la minute où il saura que je n’ai plus ma virginité, je serai éconduite de chez lui parce que c’était le gage entre les Moctar et lui. Tu as été témoin de la façon dont il s’est débarrassé de moi sans états d’âme.
Moi : et tu n’as pas pensé une seule seconde à demander mon avis avant de me prendre pour le dindon de la farce. (tapant des poings) Non mais bon sang, ça ne se fait pas, surtout pas à un inconnu !!! Il faut être à la masse pour agir comme tu l'as fait et c'est dommage parce que ce n'est pas ça l'image que j'avais gardé de toi.
Jedah la voix tremblante : je vais rattraper le tir, je t’en donne ma parole.
Moi cinglant : tu as intérêt parce que t’épouser est la dernière que je ferai même avec le couteau sous la gorge.
Jedah (sanglot dans la voix) : je suis désolée… Je…
Moi las : j’en ai assez entendu Jedah ou Khadija peu importe !
Elle s'en va sans demander son reste.
Nahia…
Moi (téléphone) : comment ça, ils ne veulent pas entrer dans sa chambre ?
Amou : ils nous ont fait une grosse crise de larmes, leur tante a dû les ramener à la maison.
Au fait, ils sont partis d’urgences à Louvain parce que mamie a fait une sorte de crise dont on n’en sait pas plus.
Moi : c’est quoi encore cette histoire ? Comment va mamie ?
Amou : elle va mieux, elle reprend des forces.
Moi : mais elle souffre de quoi au juste ?
Amou : franchement, je ne sais pas. Les docteurs n’ont pas été plus explicites que ça.
Moi : hmmm, je vous rejoins après ma tournée. Je pense que je vais raccourcir mon séjour ici.
Amou : pas besoin, on s’en tient au programme initial. Je suis là et ses enfants aussi, toi saisis cette deuxième chance que la vie t’offre pour te chopper gueule d’Arabe. (menaçante) Si tu viens me trouver ici sans avoir conclu, tu vas me sentir.
J'éclate de rire.
Amou : je suis sérieuse.
Moi : d’accord, j’ai compris dada Amou.
Amou : tchuiiip !
J’ai prévu qu’on lui annonce cela tous les deux une fois qu’on montera sur Belgique. Enfin, je le ferai que Khalil vienne avec moi ou pas.
Moi (jetant un coup d’œil à la montre) : je dois te laisser, il vient me chercher dans quelques minutes.
Amou : pour dîner chez eux, c’est ça ?
Moi : oui
Amou : pardon, il faut faire bonne impression là-bas ohh. C’est peut-être ta future belle famille.
Moi : lol en quoi ?
Amou : fais seulement ce que je te dis tchrrr.
Moi : ook, je dois vraiment y aller. Tu embrasses mamie pour moi, je l’appellerai plus tard.
Amou : ok bye bisou ma puce.
Moi : bisou sœurette !
On se raccroche et je repasse devant le miroir pour observer mon reflet, soit dit en passant ma coiffure et mon maquillage de ce soir ont été faits par une spécialiste sous la supervision de madame Singh. Je me saisis ensuite de ma pochette dans l’intention d’aller prévenir madame Singh pour mon départ, Khalil ne devrait plus normalement plus tarder. En refermant la porte, je croise Samira qui me complimente sur ma tenue, je lui réponds par un sourire et me retrouve sans tarder dans les escaliers où je croise la copine Alisha qui répond à ma salutation par un regard sans plus ni moins. Je ne sais pas du tout ce qui lui prend, je mets ça sur le compte de la méfiance de l’inconnu. Enfin, elle m’a démontré cet après-midi que je suis bien logée sur sa liste des personnes indésirables en refusant de m’escorter au club. C’est le chauffeur de la famille qui m'a finalement emmener là-bas. À part elle tout le monde est gentil avec moi, madame Singh et sa fille sont au petit soin.
Là, j’appréhende un peu ma rencontre avec les Ben Zayid. Je dis quoi même, je balise grave. Leur impression compte beaucoup pour notre futur. Je sais que la mère est commode, Ben Zayid père cependant, c’est une autre histoire. Si au téléphone il me met en émoi, je me demande ce qu’il en sera une fois que je lui ferai face. Je pose la question à son fils dix minutes plus tard lorsqu’on se met en route, il rit d’abord avant de me répondre.
Khalil : évite juste de le fixer droit dans les yeux, le reste laisse moi gérer. De toute façon, tu y vas en tant que collègue et invitée de ma mère, tu n’as rien à craindre.
Moi : j’espère qu’on va dîner en paix.
Khalil riant doucement : dans la paix absolue.
Moi : je compte sur toi.
Khalil (me jetant un coup d’œil) : tu es resplendissante ce soir.
Moi ravie : merci
C’est tout ce qu’on dit et pendant le reste du trajet, il met la musique pour meubler le silence. Je lui jette des coups d’œil furtifs par moment, convaincue qu’il a un problème. C'est inscrit sur son front. Toutefois, je ne veux plus insister, il finira par me le dire lorsqu’il jugera utile de le faire.
Plus tard nous traversons une grande porte et nous engouffrons dans une allée longue carrossable et bordée de palmiers abritant des réverbères allumés. De là où je suis-je peux voir une gigantesque et impressionnante maison, je dirai plus forteresse parce qu’il y a toute une armée qui loge de part et d’autre des jardins luxuriants qui surplombent la cour.
Moi : c’est une impression ou tu habites une forteresse ?
Il acquiesce un sourire.
On descend tous les deux lorsqu’il gare sur le parking devant la maison et j’attends qu’il me rejoigne pour le suivre à l’intérieur après avoir pris un grand souffle. Main dans la main, nous pénétrons le hall puis traversons un dédale de couloirs bondé de monde. Enfin, nous croisons plusieurs femmes qui s’inclinent à chaque fois à notre passage pour me lancer ensuite des regards curieux. Par la suite, nous nous retrouvons à deux étages plus hauts formant chacun un grand carré voûté, tout entouré de balcons dorés. Pendant notre progression, j’ai les yeux écarquillés par tant de beauté comme une villageoise. De m'excuser seulement, il faut voir ce que mes yeux voient. L’intérieur est tout simplement majestueux. La décoration est faite de mosaïques, de verre, d'argent et d'or. Je croyais que c’était le luxe feutré à l’état pur chez monsieur Singh, mais ici, c’est carrément un autre level.
Moi sortant de ma contemplation : c’est ça votre maison ?
Khalil : oui, je te ferai visiter plus tard.
Je veux ajouter autre chose quand sa mère qui vient de sortir de l’une des pièces toute souriante tombe directe dans mes bras.
Mère Khalil : sois la bienvenue ma fille, tu es tellement belle ce soir.
Moi flattée : merci oumi, mais c’est vous qui êtes magnifiques.
Mère Khalil (faisant une grimace de la main) : ne flatte pas la vieille !
Moi riant doucement : c’est vrai que vous avez de beaux restes. Je suis heureuse de vous revoir.
Mère Khalil : je suis encore plus heureuse de t’accueillir ce soir, j’espère que tu t’y plairas parmi nous. Viens que je te présente aux autres.
Khalil : papa a demandé à ce que je l’amène directement le voir.
Hein ?
Mère Khalil : d’accord fait ça et ramène la moi dans la grande salle.
Khalil hochant la tête : ok.
Moi dès qu’elle s’en va : ton père veut me voir ?
Khalil ton rassurant : tu es à l’honneur ce soir.
Moi perplexe : hmmm.
Nous prenons la voie opposée à celle de sa mère et déambulons dans les mêmes couloirs ensuite il pousse les portes de la salle de conférence de son père qui demandent à l’assistance de nous laisser seuls. Une trentaine d’hommes, presque tous d'âges mûr, s’exécutent sans attendre.
Père Khalil se levant : entrez, c’est Nahia n’est-ce pas ?
Khalil (pendant qu’on avance vers lui) : oui oui.
Moi bredouillant : bonsoir,
Père Khalil : bonsoir comment tu vas ?
Moi : je vais bien et vous ?
Père Khalil : alhamdulilah je vais bien aussi.
Il nous désigne les sièges devant lui d'un geste de la main avant de s'asseoir à son tour. Je prends le temps de l'observer, c’est aussi un très belle homme qui entretient une belle musculature malgré son âge et ses cheveux gris. Il n'a pas l'air méchant, néanmoins son regard noir possessif confirme qu'il ne faut vraiment pas le fixer longtemps.
Père Khalil : je tenais tout particulièrement à te souhaiter la bienvenue, j’aurais bien aimé t’accueillir dans ma demeure si Sharif m’avait prévenu de ta venue.
Khalil et moi, nous lançons un regard intrigué.
Moi : ça s’est décidée à la dernière minute.
Père Khalil : je vois, toutefois ça me fera un grand bien que tu passes quelques jours avec nous ici.
Moi : sans soucis, je m’arrangerai avec monsieur Singh.
Père Khalil : ok Khalil, amène la voir ta mère et revient me voir.
Khalil : ok.
Père Khalil (grimaçant un sourire) : on se voit toute à l’heure.
Moi : d’accord.
Soulagée est un piètre mot après cette petite entrevue. Khalil accroche son bras au mien jusqu’à une autre grande porte avant de nous faire entrer dans la pièce. Tous les regards se tournent vers nous, par réflexe, je baisse la tête gênée. C’est sa petite sœur qui vient à la rescousse.
Yumna : salam, je commençais à m’impatienter. Maman m’a dit que vous étiez parti voir papa. Aller vient, tu vas t’asseoir avec nous. (me sondant du regard) Tu es encore plus belle en vrai.
Moi : merci.
Khalil me libère le bras et me fait un petit sourire avant de faire volte-face. Je suis Yumna qui me trimballe partout pendant que sa mère supervise les dernières retouches. Elle me présente au reste de la famille, en dehors de leur frère, il y a leur cousin et une autre jeune femme en burqua dont je connais simplement le prénom. Il y a également leurs amis respectifs, le reste ce sont des invités de Ben Zayid père. J’ai cru comprendre que c’est une personne importante ici parce qu’on les vénère presque tous autant qu’ils sont. Dans tous les cas, je poserai la question à Khalil. Quand on finit de s’installer, je m’enquiers du fin mot de son histoire avec Eddie. Elle me raconte leur dernière discussion et m’informe de sa disparition soudaine avant de me détailler le sujet de la discorde qui se trouve être en ce moment même à Abu-Dhabi. Je souris en pensant à Amou et Liam.
Moi (après son récit) : tu l’aimes ?
Yumna la petite voix : je crois que oui.
Moi : et tu veux être avec lui ?
Yumna : pour te dire sincèrement, il y a deux parties en moi qui lutte en arme égale, la première rêve nuit et jour de lui et l’autre partie plus réaliste réfrène mes envies. Par-dessus tout, il y a l’effet grisant qu’il me fait, je n’arrive à opposer aucune résistance devant lui.
Moi souriant : ça s’appelle l’amour et tu es dans de beaux draps ma belle. J’étais toi, je me laisserais aller tout en sachant raison garder. Si ça aboutit tant mieux sinon tu auras vécu une belle histoire que tu chériras toute ta vie. Au moins tu ne regretteras pas de ne pas avoir essayé.
Elle hoche la tête en souriant.
Yumna : c’est exactement ce qu’il a dit.
Moi : alors fait contre mauvaise fortune bon cœur.
Yumna hochant la tête : merci.
Moi : tout le plaisir est pour moi.
C’est l’arrivée de Khalil et son père qui amorce le dîner proprement dit. Il reste près de son père et ses convives et moi du côté des femmes entourée de sa mère et de sa sœur qui n’a pas tari de conversation toute la soirée. De temps en temps Khalil, arrime son regard au mien sous le regard interrogateur des personnes présentes dans la salle. D’aucun chuchote entre eux en espérant savoir qui je suis réellement. À table il y a un nombre incalculable de plats typiques d'ici que Yumna m’a présenté un par un même si je n’ai pas tout retenu. Je me suis tout de même régalée comme il faut. Le dîner laisse place aux festivités, en l’occurrence un concert de danse orientale. Tard, dans la soirée, je me retrouve avec la fratrie à discuter de la pluie et du beau temps lorsque leurs parents m’invitent à prendre du thé avec eux. On s’installe dans un salon où on nous sert du thé et des petits gâteaux faits par miss Yumna, elle a tenue à le souligner (rire). Nous sommes assis deux à deux sur chacun des canapés de la salle à l'exception de Khadija qu’on a presque obligé à rester avec nous qui s'est assise sur une chaise un peu plus loin. Je suis inondée de questions sur ma vie et la raison de présence sous leurs cieux, questions auxquelles je réponds patiemment tout en suivant les faits et gestes Khadija avec intérêt. En fait, elle soulève à chaque fois son voile pour porter la nourriture à sa bouche. Ça doit être un vrai travail ça.
Père khalil : vous allez donc reprendre votre collaboration mon fils et toi.
Moi fixant ce dernier : c’est exacte.
Père Khalil : ça vous prendra combien de temps cette fois ?
Khalil qui répond : le temps qu’il faut, pourvu que le travail soit bien fait.
Ussama (s’adressant à Khalil) : bro tu retournes au Togo ?
Yumna : naturellement.
Mère Khalil : vous pouvez aussi vous arranger pour travailler sur place.
Moi : j’aurais bien aimé, mais je ne peux pas abandonner mon agence trop longtemps.
Père Khalil : et on comprend.
Yumna : et ton fils ? Nabil n'est-ce pas ?
Elle a à peine parlé que les autres braquent leurs yeux tout ronds sur elle.
Moi répondant néanmoins : oui Nabil, il va très bien.
Yumna plissant le front : quoi ? J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?
Père Khalil : tu as un enfant, tu es mariée ?
Moi : oui, non je ne suis pas mariée.
Il me lance un regard qui ne cache pas du tout son indignation.
Père Khalil : est-ce tu sais que c’est un acte blâmable que d’avoir des rapports sexuels avant le mariage ?
Mère Khalil : par Allah, Al-Amine ?
Père Khalil : je ne suis pas là pour te juger, ce n'est pas mon rôle. Ce que je peux juste te conseiller, c'est le rappel et le retour à Dieu.
Les lèvres de Khalil tremblotent et sa respiration commence à monter, signe qu’il est en colère. Je fais pression sur sa main tout en hochant la tête à son père. Il contracte sa mâchoire, mais ne dit rien.
Père Khalil continuant : franchement, tu viens de descendre dans mon estime. (secouant la tête dépité) La jeunesse d’aujourd’hui vous ne respectez rien des principes religieux, vous...
Khalil (ne le laissant pas terminer sa phrase) : papa je ne….
Je lui lance un regard suppliant, il se met à jurer entre ses dents. Un silence lourd s’installe dans l’habitacle, au bout d’un moment son père se lève et s’en va après m’avoir quand même souhaité une bonne nuit. Il est suivi par sa femme qui me présente ses excuses et me souhaite également bonne nuit.
Khalil (la voix rauque de colère) : je te ramène à tes hôtes.
Moi sourire faible : d’accord.
On se lève et sort du salon tous ensembles, il marche avec son frère derrière Yumna et moi qui se confond en excuses pour avoir fomenté le malaise. Khadija nous laisse dans le hall d’entrée et les frères sur le parking. Ce n’est qu’une fois hors de la contrée que Khalil s’adresse à moi.
Khalil : je suis désolé pour mon père, ne suis pas ses choses.
Moi sur un ton dérisoire : ne t’inquiète pas, et il a raison. Nous jeunes de nos jours ne respectons rien.
Il sourit.
Khalil : je vais lui parler.
Moi : ce n’est pas la peine.
Khalil : je vais quand même lui parler. (changeant de sujet) Au fait, on ne se verra que dans trois jours, c’est bien ça ?
Moi : c’est cela oui.
Khalil : alors j’ai une surprise pour toi dans trois jours. Mon frère viendra te chercher, d’accord ?
Moi intéressée : c'est quoi comme surprise ?
Khalil : Aynia dit seulement d’accord.
Moi : d’accord.