Le fin mot de l'histoire

Write by Farida IB

 *** Deux ans plus tard ***

 

Yumna….

Le soleil darde encore ses rayons généreux sur Masdar lorsque Mustapha gare devant le gigantesque portail avec l’inscription en anglais « Cheikh Ben Zayid Palace » de même qu’en arabe. Après s’être identifié par son nom et son code personnel à côté d’une cabine reliée par des barrières levantes automatiques, il s’engouffre à l’intérieur et roule sur une certaine distance avant de me fixer à travers le rétroviseur.

 

Mustapha : soyez la bienvenue à la maison ma fille.

 

Moi sourire lumineux : merci Mustapha (regardant autour de moi) tant de choses ont changé par ici.

 

Mustapha : tout à fait mademoiselle, notre Cheikh a relevé avec succès le défi de rebâtir Abu-Dhabi (ajoutant) sur tous les plans.

 

Moi (souriant en hochant la tête) : j’avais remarqué.

 

Au fait, Mustapha a pris sa retraite en tant que pilote de l’aviation royale, il y a plus de deux ans. Mon père l’a toutefois gardé comme chauffeur privé de la famille.

 

En effet, deux années ont passé depuis les derniers événements et j’étais exilée en Australie durant le même laps de temps qui correspond en réalité au délai de prescription de mon délit. Parce que oui, c’était l’ultime décision que Khalil avait rendue à ses vizirs le jour de la sentence et à la satisfaction de tout le monde. Khalil a non seulement pu conserver sa crédibilité auprès du peuple et le trône par ricochet, mais il est également devenu le roi le plus apprécié des ÉAU bénéficiant même d'une popularité sans précédent.

 

 On ne peut pas dire la même chose des vizirs, enfin des anciens vizirs qui ont été pris dans un scandale sexuel quelques mois plus tard et contraint de démissionner. Une jeune femme à la vie sexuelle délurée a publié le détail de leurs relations sur les réseaux sociaux. Soit dit en passant, on a découvert plus tard que " la jeune femme " était tout simplement la Youri d’Ussama. L'affaire a fait la une et mon scandale est vite devenu de l'histoire ancienne. Mais bon, j’étais déjà partie en exil et j’avais déjà entamé un nouveau parcours donc les choses sont restées en l’état en ce qui me concerne.

 

Moi (gambergeant) : exil ? C’est en l’occurrence un bien grand mot puisque ça a eu ses avantages. Disons que Khalil m’a offert de me faire disparaître pendant un certain temps afin de me faire oublier et de terminer mes études par la même occasion. Là, je reviens libre comme de l’air et avec mon accréditation complète pour exercer où bon me semble. En dehors de ça, cette expérience s’est révélée si formatrice. Loin de m’avoir laissée sur le carreau, elle m’a rendue plus forte.

Quoique, il faut le dire, les revers n’ont jamais manqué. Le plus sombre encore plus dévastateur que le travail acharné, les levers tôt et les couchers tardifs, le stress et la mélancolie permanente face à mon dépaysement, c’était l’éloignement de papa. Il est resté de marbre depuis tout ce temps, j’ai même l’impression qu’il m’en veut encore plus tous les jours. Je ne l’ai pas revu depuis le dernier petit déjeuner que nous avons partagé tous ensemble. J’ai fini par me résigner à ne plus l’appeler vu tous les râteaux qu’il m’a fait prendre et je dois vous avouer que c’était la mort dans l’âme.

 

Avec ma mère, tout est redevenu comme avant, même si elle est devenue un tarpin intrusive. À l’instar de Cartia, elle me rendait visite une fois dans le mois en plus de m’appeler quatre fois par jour. Ussama, Abdallah, Nahia tout comme Eddie et sa chérie venaient aussi souvent peut se que faire. Khadija par contre passait presque tous ses week-ends avec moi jusqu’à ce qu’elle entame l’année dernière son immersion dans des écoles gouvernementales à travers les villes les plus influentes du monde. Donc après Boston, San Francisco, Londres, elle est à Dubaï en ce moment et mettra le cap sur New York et Shanghai à la prochaine rentrée. Quant à Khalil, je l’avais en coup de vent entre deux ou trois visites officielles. Il faut reconnaître qu’il est overbooké.

 

Tandis que Mustapha reprend le protocole d’identification à l’accès 2, je continue mon inspection en commençant par les jardins qui surplombent l’imitation de la rivière aux eaux d’or, les écuries et le parc historique d’où jaillissent des milliers de visiteurs. Nous sommes en plein mois de juillet, une période qui connait souvent un  boom touristique. Mustapha franchit ensuite la barrière de l’accès 3 et je descends pour saluer le vieux Balram qui sort de la cabine de contrôle pendant que je fouille mon sac à la recherche de mon portable qui s’est mis à sonner. Je le retrouve en même temps que Balram arrive à ma hauteur. J’attends de saluer Balram promptement et de remonter dans la 4x4 pour décrocher mon portable.

 

Moi (d’entrée de jeu) : salam toi, arrivée parfaite.

 

Elias : Aleyk salam miss, masha Allah (accent arabe s’il vous plaît !) alors l’accueil se passe bien ?

 

Moi : je le saurai dès que j’aurai rencontré les miens.

 

Du regard, je suis Mustapha qui bifurque dans l’allée bordée de cocotiers venant du parking extérieur et menant à l'entrée principale avant d’ajouter.

 

Moi : je suis en passe d’arrivée à l’entrée principale.

 

Elias : okay, je te rappelle donc. Tout va bien se passer avec qui tu sais, je croise les doigts pour toi azizati (ma chérie).

 

Mustapha passe sous le pont qui enjambe la rivière artificielle et s’enfile dans le parking extérieur.

 

Moi : merci mon namour. On s’appelle plus tard, je veux descendre de la voiture.

 

Elias : ok bisou.

 

Moi : bisou.

 

Il raccroche et je descends aider Mustapha avec les bagages que les gardes viennent récupérer quelques minutes après. Je jette un regard circulaire dans la cour avant de les suivre à l’intérieur.

 

Ahhh tiens ! J'allais oublier ! Trois semaines après mon départ et la fête du trône de Khalil, Elias a été libéré et escorté à New York par sa mère que Khalil a fait venir exprès pour ça. N’empêche qu’elle a livré une guerre froide contre moi depuis lors. Elle jure ses grands dieux qu’elle ne veut plus entendre parler de moi. Elias a longtemps essayé de lui faire entendre raison sans succès. J’ai moi-même usé de tous les stratagèmes possible en plus de ceux proposés par mes belles sœurs pour rectifier le tir, et pourtant c’est coton. Si bien qu’au final, j’ai pris mes distances avec elle. Elle trouve quand même le moyen de me lancer des piques et menacent  qui me glissent sur le corps comme le dit Nahia (rires). Sérieux, à un moment c’est bon quoi ! Elle abhorre le fait qu’Elias se soit converti, d’accord !! Oh ouii, j’ai bien compris que c’est ce qui la dérange le plus dans cette histoire. Elle a le droit de ne pas adhérer au choix de son fils, mais est-ce que c’est l’enfant de Ben Zayid qui l’a poussé à cette décision ? Je n'étais même pas au courant d’abord ! D’autant plus que son fils n’est pas le seul à avoir subi cette épreuve !!

 

Épreuve qui je dois bien admettre a renforcé notre couple. Notre amour s’est intensifié malgré la distance qu’on s’est tacitement imposée ces dernières années. Notre histoire comme certains plats cuisinés, se réchauffe un peu chaque jour comme si la recette devenait meilleure avec le temps. Je soupire d’aise au moment où je débouche sur notre bâtiment. Il y a d'autres visiteurs qui émergent des salles d’audience et certains des galeries que je salue au passage lorsque ma petite boule d’amour déboule d’un couloir. Ensuite, une jeune femme accourt vers elle.

 

Elle (affolée) : par Allah Noora, tu m’as fait peur. Qu’est-ce que tu fais ici ?

 

Noora : biddi jeddati. (je veux ma grand-mère.)

 

Elle (la soulevant) : aaywa, mais ta grand-mère est au souq en ce moment.

 

Noora (pas contente) : hmm hmm biddi jeddati !!!

 

Elle se met à gesticuler dans tous les sens pendant que je les suis discrètement amusée par la scène, puis elle stoppe net au moment où son regard croise le mien. Son visage s’illumine aussitôt d’un sourire béant.

 

Moi (sourire enjoliveur) : salam ma petite pucette adorée.

 

Elle sourit encore plus.

 

Au cas où vous vous êtes posés la question (NON) ce n’est pas ma fille lol, par contre son prénom Noora vient de moi. Je l’ai proposé à ses parents à leur demande et ils l’ont choisiiii. Laissez seulement, je le dis à qui veut l’entendre krkrkr. Même vous-même ! Ce n’est pas donné à n’importe qui de choisir le prénom d’un bébé, adulé par des millions de fans et convoité par les plus grands de la mode arabe. Et pour cause ! Son visage angélique et ses iris bleu azur à l’image de sa grand-mère paternelle, le corps plantureux comme celui de sa grand-mère maternelle. Bizarrement, ses parents s’étaient amusés à combiner les prénoms de ces dernières bien avant sa naissance. Hasard ? Destin ? Coïncidence ? Lâ Anrif ! (je ne sais pas !) Quoi qu’il en soit, je vous présente le bébé d’Abu Dhabi j’ai nommé Cheikha Noora Shaïka (K"a" de Koulsoum) Ben Zayid. La vanille au chocolat de Khalil et Nahia, dixit Khalil.

 

Noora (tapant dans ses petites mains) : am…tiii, amti !!! (tata)

 

La jeune dame, assurément sa nounou se tourne vers moi et me sourit à son tour avant de la poser sur le sol. Elle court vers moi en me tendant ses bras, je la prends et la serre tout contre moi.

 

Moi (la bombardant de bisous) : oulaahhh s’lut toi !

 

Noora (riant aux éclats) : amtiiii !

 

Moi : oui ma chérie je suis rentrée, amti est là.

 

Pendant qu’elle me pince le nez, je lui fais un bisou sur le sien puis me tourne vers sa nounou.

 

Moi : où est sa mère ?

 

À peine ai-je posé la question qu’on entend la voix de Nahia dans un autre couloir.

 

Nahia (voix lasse) : ouh nardinamouk (nom de Dieu !) où est-ce que cette petite terreur est encore passée ?

 

La nounou : nous sommes ici votre majesté.

 

Nous l’entendons soupirer de frustration alors que nous marchons à son encontre, la petite toujours dans mes bras. Nous débouchons dans le couloir en question avant même qu’elle ne puisse traîner son baby bump à mi-chemin. Je dois vous dire que cette grossesse ne lui rend pas du tout justice. À six mois elle est mé-con-nais-sa-ble. Pardon, de ne surtout pas répéter ça devant elle ohh. Ce sera à vos dépens lol.

 

Son visage se détend dès qu’elle m’aperçoit et comme sa fille elle a un grand sourire.

 

Moi taquine : il faut que mon frère t’enceinte plus souvent, tu es belle comme un cœur.

 

Nahia (la moue boudeuse) : moque-toi bien, ton tour arrive.

 

Moi : parole d’honneur, tu n’as jamais été aussi belle.

 

La nounou détourne sa tête, je suis prête à parier qu’elle rit sous capte. C’est lorsqu’on arrive à la hauteur de Nahia et qu’elle longe le couloir qu’elle se lâche complètement. Il me semble que celle là n’a pas envie de faire long feu ici. 

 

Nahia : je sais que je n’ai jamais été élue miss univers, mais là c’est un autre level.

 

Moi dans ma lancée : crois-moi, tu es beaucoup trop belle pour rentrer dans une case. 

 

Nahia : Ben Zayid emshi ! (dégage !) En fait, tu peux le redire encore une fois ? C’était si agréable à entendre.

 

Je ris franchement, elle me fait la bise par la suite.

 

Nahia : nous sommes en train d’outrepasser les bonnes manières, soyez la bienvenue chez vous votre honneur.

 

Moi riant : lol merci votre majesté.

 

Nahia amusée : je suis trop contente que tu sois rentrée, je vais me sentir moins seule.

 

Moi tout sourire : je suis contente moi aussi.

 

On se sourit avant de passer dans leurs appartements, il y a « Tombé » de Matt Pokora qui nous accueille dès qu’elle ouvre la porte. C’est sa chanson en cas de petit coup de blues.

 

Moi (refermant la porte derrière moi) : on dirait qu’il y a someone qui manque à somebody ici.

 

Nahia (ne cherchant pas à nier) : et pas qu’un peu !

 

Moi : oh ma pauvre ! (elle a un sourire en coin) Il rentre quand ?

 

Nahia : après demain normalement, j’ai juste hâte que Nabil termine ses examens.

 

Moi : pour que vous puissiez enfin souffler Nabil et toi ou parce que Khalil va pouvoir enfin rentrer ?

 

Nahia la voix aigüe : pour Nabil et moi.

 

Moi : le mensonge ne te réussit pas ma belle !

 

On se dirige vers le salon en riant. Nabil passe son bac en France cette semaine donc Khalil est parti l’assister puisque Nahia est confinée pour le moment (you know how it is). Une fois installées sur le tapis du salon, je m’enquiers des derniers potins. Elle pose ses mains à plat derrière avant de répondre.

 

Nahia : bof ! Rien de spécial.

 

Moi faisant la moue : laisse tomber, j’ai posé la question à la mauvaise personne.

 

Nahia : tu as vu juste ahah, Cartia et Oumi ne vont pas tarder à rentrer.

 

Moi : ok, heu et le cheikh sénior ?

 

Nahia (relevant la tête pour me fixer) : c’est l’heure de son émission.

 

Moi : je vois ! En tout cas, cette émission remporte un franc succès. Surtout lorsqu’il fait allusion à ma vie ou celles de ses enfants en général.

 

Nahia : lol, c’est sa manière de digérer tout ça.

 

Moi : deux ans ??

 

Nahia : qu’est-ce qui te fait penser qu’il ne t’a peut-être pas pardonné depuis belle lurette ?

 

Moi : parce que toi-même tu n’es pas sûre de ce que tu dis et son silence ces deux dernières années m’informe suffisamment.

 

Nahia haussant l’épaule : sait-on jamais ! (changeant de sujet) Alors c’est quoi la suite ?

 

Moi : bof à priori le travail. J’ai déjà postulé dans quelques hôpitaux par ici et j'ai obtenu deux entretiens pour la semaine prochaine.

 

Nahia (plissant les yeux) : je pensais que tu rêvais d’ouvrir un cabinet propre à toi ?

 

Moi : et c’est toujours mon rêve, mais tu connais les réalités de notre beau pays. Mon avenir avec Elias est encore flou donc je suis obligée de faire avec les moyens de bord.

 

Nahia : ta vie avec Elias, je te le concède. Sinon rien ne t’empêche d’ouvrir ton cabinet. Ça a changé par ici, tu sais ? Ton frère a beaucoup œuvré pour la cause des femmes et ça a porté ses fruits. Il y a deux femmes dans le collège des conseillers par exemple, chose impossible avant ! Sans compter le fait que j’ai pu ouvrir mon agence de conseil en communication en plus d’arriver à faire tourner mon magazine.

 

Moi : tu travailles à domicile !

 

Nahia : quand bien même ! Enfin l’éthique sexuelle est toujours d’actualité, je dirai moins rigide qu’au temps jadis cependant les femmes sont dorénavant libres de leurs mouvements.

 

Moi : hmm, tant de choses ont changé à Abu-Dhabi. J'aurai du mal à retrouver mes repères.

 

Nahia : t’inquiète nous sommes là pour aider à ta réinsertion, je te sers de guide si ça te dit. Comme ça, je pourrai enfin sortir de cette prison.

 

Moi : pardon ne me met pas en conflit avec le KHALIL (surnom que ses amies lui ont donné) c’est moi qu’il étranglera à ta place.

 

Nahia (balayant l’air d’un revers de main) : ne calcule pas ! Je n’ai pas moi-même envie de me montrer avec cette tronche de pastèque sinon Khalil aboie seulement, il ne mord pas.

 

Moi : parle pour toi ! Franchement, c’est toi-même qui sais comment tu le gères. Encore qu’il est devenu pire que son père depuis qu’il a pris la relève.

 

Sérieusement !

 

Nahia : tu as senti inh krkrkr la rigueur partout ! (sérieuse) Mais bon ça c’est une carapace qu’il revêt pour s’affirmer dans sa fonction.

 

Moi sceptique : hmm, c’est toi qui le dis.

 

Nahia : et je le confirme (sourire béat) c’est quand même le cheikh de mon cœur.

 

Moi moqueuse : n’est-ce pas ?

 

Nahia : bien sûr ! Alors toi dis moi ça fait quoi d’être à la maison ?

 

Moi (lancée comme si on m’avait branché) : ça fait un bien fou, une merveilleuse sensation de liberté comme si quelqu'un m'avait retiré un poids énorme de mes épaules. C’est vrai que je pouvais tout le temps compter sur votre présence et vos encouragements, mais être ici de corps et d’esprit, c’est juste (soupire d’aise) sensas.

 

Nahia : j’imagine ton état d’âme actuel. On peut même te gifler, tu souriras pour ajouter.

 

Moi riant : trop vrai krkrkr tu imagines que je vais pouvoir passer l’Aid ul Adha avec ma famille (regardant Noora qui s’est endormie sur moi trois doigts dans la bouche) aider ma fille à souffler sa deuxième bougie…

 

Nahia m’interrompant : c’est dans deux mois !

 

Moi au taquet : je serai calée (elle rit) et aussi pour la naissance de son frère et le mariage d’Ussama les  mois suivants. Je serai même aux premières loges.

 

Nahia (se caressant le ventre l’air ravi) : tout le plaisir sera pour nous amti ! Bon, il faut qu’on prévienne Khadija que tu es là, elle n’a pas arrêté de faire sonner mon téléphone depuis le matin.

 

Moi : yup, je vais nous organiser un trip pour lui rendre une petite visite à Dubaï. 

 

Elle me lance un coup d’œil.

 

Moi : ah pardon, t’inquiète tu pourras y aller toi aussi (narquoise) dans six mois !

 

Nahia : Yumna imbécile ! 

 

Moi : kiakiakia.

 

C’est de son téléphone qu’on appelle Khadija avec qui nous papotons pendant la demi-heure qui suit. Elle nous informe de la date de leur relâche scolaire et de sa venue imminente à Abu-Dhabi. Par la suite, elle nous donne les vrais docs sur leurs noces. Son père a décidé qu’il est plus que temps pour eux de faire ce mariage. Vous comprendrez qu’il a toujours mainmise sur leur couple. En revanche il ne jure plus que par elle et Ussama est devenu le gendre idéal d’autant plus qu’il est devenu un magnat du pétrole. Il (le Sultan) consulte Ussama avant de prendre des grandes décisions concernant son pays. Les gars chillent même ensemble. Un truc de dingue !   

 

Après avoir bordé Noora, je laisse Nahia pour regagner mon appartement. Je longe le couloir et à mesure, j’entends comme un murmure de voix confondues qui se rapprochent progressivement. À un moment je distingue la voix claire et cuivrée de papa et le timbre légèrement grave de la voix d’Ussama. Je ralentis ma démarche partagée entre l’idée de me retourner et celle de hâter le pas lorsque…

 

Papa : Yumna ?

 

Je reste statique le cœur battant sans être capable de faire le moindre mouvement dans sa direction.

 

Ussama : c’est elle !

 

J’entends quelqu'un hâter ses pas puis vient me prendre dans ses bras. C'est la fragrance insolence de Guerlain qui me renseigne sur la personne.

 

Ussama : tu es rentrée !!

 

Moi : on dirait que oui frangin.

 

Ussama (me serrant plus fort) : ce n’est pas, on dirait. Tu es vraiment là.

 

Moi : oui, mais là tu me fais mal.

 

Ussama se détachant : oh pardon !

 

Je lui souris et c’est le moment que choisi papa pour arriver. Mon sourire se fige aussitôt puis la seule chose qui me vient en tête, c’est de m’abaisser devant lui. Je joins l’acte à ma pensée, mais bien trop vite il m’aide à me relever d’une main pendant que l’autre vient se poser sur mon épaule droite.

 

Moi : salam papa.

 

Je me jette dans ses bras et me mets systématiquement à pleurer.

 

Papa : Yumna halass, arrête de te donnes en spectacle devant les clients de ton frère.

 

Je me rends compte en ce moment de la présence desdits clients qui me dévisagent avec une grande curiosité. Est-ce que ça m’empêche même de continuer à sangloter ?

 

Ussama (à eux) : messieurs, par ici s’il vous plaît.

 

Papa (lorsqu’ils s’en vont) : tu es rentrée quand ? Je n’ai pas appris que tu venais, ta mère savait que tu devais rentrer ?

 

Moi : euh oui oui

 

Papa (fronçant les sourcils) : ah bon ? Elle ne m’a rien dit pourtant. Mais bon, tu es rentrée c’est l’essentiel. (me tapotant l’épaule) Bienvenue donc !

 

Moi en larmes : merci papa.

 

Il hoche la tête et s’en va. Je rentre dans l'appartement toujours en larmes et durant le coup de fil que je passe à Elias pour lui raconter notre rencontre.

 

Elias (commentant) : mais babe c’est formidable ! Mais tu pleures quoi ?

 

Moi : ce sont des larmes de joie.

 

Elias : je vois, je suis heureux pour toi. C’est bien mérité.

 

Moi : merci mon chéri.

 

Elias : je t’en prie ! Bon je te laisse prendre tes aises, je te rappelle avant le coucher. Tiens ! Rappelle-moi que j’ai quelque chose à te montrer.

 

Moi : quoi ça ?

 

Elias : c’est une surprise, à toute azizati.

 

Moi : bye hanouni.

 

Je laisse mon téléphone sur le lit et vais faire mes bails. C’est Cartia qui vient me dénicher un moment plus tard pour les préparatifs du dîner. Elle me traîne vers la grande cuisine et pendant notre progression, je suis étonnée de voir le personnel domestique s’activer dans tous les sens.

 

Moi (à Cartia) : c’est quoi tout ce vacarme ? Qu’est-ce qui se passe ?

 

Cartia : abî donne un festin ce soir.

 

Moi arquant le sourcil : en quel honneur ?

 

Cartia : au tien !

 

Ma bouche s’ouvre légèrement et je cligne plusieurs fois des yeux presque pour être sûr d’avoir bien entendu.

 

Moi : naaahhhh

 

Cartia : et si (me souriant) le retour du printemps ?

 

Moi (lui rendant son sourire) : je crois bien que oui.

 

Dans la cuisine, après des retrouvailles émouvantes entre ma mère, la gouvernante et moi, nous ne tardons plus à effectuer les deux dernières prières de la journée pour passer ensuite à table. Nous mangeons dans un beau vacarme rythmé par les zozotements de Sanna et Noora et le débat sur l’organisation du mariage d’Ussama. Vous connaissez ma mère et son enthousiasme pour ce genre d’événements. Cette fois-ci, elle bénéficie du support du Sultan qui veut un mariage grandiose pour sa fille. Du coup ça part vraiment en vrille. À côté de ce qu’ils ont prévu Khalil et Nahia n’ont rien fait. Donc on est tous là à deviser sur le sujet.

 

Nahia : ça veut dire que tu iras vivre dans son pays après le mariage ?

 

Ussama : non (la regardant les yeux plissés) pourquoi je ferai ça ?

 

Moi agitant ma main devant lui : hello !? Ecoles gouvernementales égale succession imminente !

 

Ussama haussant l’épaule : elle ne veut pas.

 

Maman : elle n’a pas le choix, c’est la seule héritière de son père par conséquent l’héritière du trône.

 

Ussama : si ça s’avère être le cas nous serons obligés de vivre dans deux pays différents.

 

Cartia : mais pourquoi ?

 

Ussama : c’est la femme qui doit suivre son époux !

 

Moi le fixant : c’est très réducteur de ta part de penser que l’épouse est la seule à faire ce genre de concessions, de sacrifices. Et puis l’endroit où vous restez ne devrait pas importer si vous êtes avant tout heureux, si vous vous y sentez bien.

 

Quand je lève mon regard sur lui pour les poser sur mon plat, je vois ceux de toute la tablée braqués sur moi. Je déglutine mal à l’aise.

 

Moi (ajoutant inaudible) : bien qu’au final, la décision te revient.

 

Papa : ce n’est pas comme s’il avait le choix non plus, d’abord c’est eux qui l’épousent…

 

Ussama : papaaaaa !!

 

On éclate de rire nous autres.

 

Papa imperturbable : est-ce que c’est faux ? Ton beau-père prend en charge les dépenses de ton mariage (précisant) toutes les dépenses.

 

Ussama : sans mon accord !

 

Papa : en tout cas ! (tournant son regard dans ma direction) Et toi ?

 

Moi larguée : moi quoi papa ?

 

Papa : quand est-ce que ton type vient laver ton honneur ?

 

Moi (prise de court) : euhhh.

 

Papa : j’espère que tu sais dans quel ghetto, on le trouve parce que ça fait deux ans qu’il a disparu des radars. Il pense peut-être qu’il peut ramoner ma fille à sa guise et s’en sortir aussi facilement ? (secouant la tête) Nannnn, il me remboursera centime par centime tout ce que j’ai dépensé pour toi depuis ton enfance incluant ces deux dernières années qui m'ont coûté la peau des fesses. Je dois préciser que je connais le montant exact pour avoir soigneusement tout reporter.

 

Il donne un montant qui donne le tournis, Abdallah pouffe de rire.

 

Cartia : aaaah ???

 

Maman : Al-Amine tu n’es pas sérieux ?

 

Papa (à maman) : je n’ai jamais été aussi sérieux et comme je suis généreux, je lui laisse trois mois pour rassembler cette somme. (me fixant) Tu lui porteras l’information, enfin si tu le retrouves.

 

Je le regarde seulement estomaquée avec le cerveau qui tourne très vite.

 

Moi : papa comment tu sais qu’il a disparu des radars ?

 

Papa (se grattant la barbe) : j’ai repris ma bonne vieille méthode le jour où je me suis rendu compte que j’ai eu tort de vous accorder votre liberté.

 

Nahia me lance un regard entendu et moi je tourne vers mon père un regard stupéfait à la fois touchée et émue. Ça redonne du baume au cœur de réaliser qu’il veillait sur moi tout ce temps.

 

Moi (la voix tremblante) : il viendra Pa 'a.

 

Papa : et je l’attends de pied ferme (me regardant droit dans les yeux) avec l’argent.

 

Moi tout ce qui suit je ne prête même plus attention, une déferlante d’émotions m’emporte toute la soirée qu’on passe ensemble. On regagne nos appartements juste à temps pour l’appel du soir d’Élias. Quoique ce soit l’après-midi à Bronx. Je branche le kit oreillette de ma tablette que je cale sur la liseuse du lit une fois la vidéo lancée. Il apparaît nu comme un ver de terre.

 

Moi m’écriant : soubhannallah Élias qu’est-ce que c’est que ça ?

 

Elias : bah vise un peu, je me suis fait enlevé tous mes tatouages ! Tu n’es pas la seule à t’être acquittée de tes dettes envers la justice.

 

Moi (me cachant le visage d’une main) : rhooo hanouni un peu de quand même ! En tout cas, toutes mes félicitations même si je me serais passée volontiers des preuves visuelles.

 

Il se gratte la tête l'air étourdi.

 

Moi : bébé va t’habiller s’il te plaît.

 

Il s’exécute.

 

Moi (lorsqu’il revient) : mon père appréciera que tu viennes le voir dans cette tenue kiakiakia.

 

Il me lance un regard perdu.

 

Moi : bah dans ton simple appareil comme tout à l’heure.

 

Elias (toujours perdu) : Lol tu déconnes.

 

Moi : nop, il t’attend et pour la dot il veut que tu lui rembourses la totalité de ce qu’il a dépensé pour moi tout au long de ma vie.

 

Il ouvre les yeux et me regarde hébété avant de froncer les sourcils.

 

Elias posément : ton père veut que je vienne te doter ?

 

Oui de la tête.

 

Elias (mine stupéfaite) : il l’a dit lui-même, c’est sorti de sa bouche ?

 

Moi : oui si tu as la somme qu’il demande.

 

Elias : heu c’est combien ?

 

Moi : parce que tu penses pouvoir rassembler tout ça avant trois mois ?

 

Elias : dis toujours!

 

Moi : on parle de plusieurs centaines de milliers de dollars.

 

Elias (se grattant la tête) : ce n’est pas négociable ?

 

Moi (faussement indignée) : tu veux négocier ma dot ?

 

Elias : non bébé ce n’est pas ça. Bon je vais voir ce que je peux faire.

 

Moi me frottant les mains : je suis curieuse de connaître le fin mot de cette histoire.

 

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