Le salon de coiffures.

Write by Liseur

Je m’appelle Kassi Joanna GBègnon à l’Etat civil.  Kass pour les intimes. Je suis mère-célibataire de deux enfants et je suis coiffeuse. Mes enfants et mon salon de coiffure sont mes deux raisons de vivre.  Ma situation matrimoniale est cochée à la case "compliquée". Tout cela mis bout à bout me fait mener, tout de même, une vie qui me plaît beaucoup.

Bien évidemment, chaque vie est unique puisque aucune n’est comparable à l’autre. Toutefois, il m’arrive certains jours de préférer la mienne à toutes les autres. Une conviction qui se confirme au fil des clientes qui défilent devant moi, chacune avec leur histoire aussi rocambolesque les unes que les autres.

En effet, le salon de coiffure est à l’image d’un restaurant Thaï. Il dispose d’une vitrine mais aussi, par la force des événements, d’une arrière-boutique. Elle n’abrite pas des équipements de renseignements comme les restaurants de barbouzes, mais elle me sert d’officine pour un service d’assistance à cœur de femmes en détresse.

Mon institut de beauté (cela fait plus style que salon de coiffures) est très sélect. Il est fréquenté par des femmes du monde souvent fortunées.  Le service offert étant de pointe. Il comprend outre la coiffure et la tresse, tous les autres artifices indispensables à une femme pour se sentir belle et désirée. En mettant au bas de l’enseigne « tout pour vous sentir bien dans votre peau», Je ne pensais pas que les clientes allaient me prendre aux mots. Car, en sus des soins corporels, je devais aussi, dans bien des cas, m’occuper de leur morale. Je suis devenue, la psy, la conseillère conjugale et aussi une "confesseuse". La migration s’est faite progressivement à mon insu et à mon corps défendant. Eh oui ! Mes clientes, viennent dans l’institut en portant sur elles leurs nombreux problèmes conjugaux.

Irma, est l’une de celle qui a récemment bénéficié du Service Complet. Elle fréquente le salon depuis peu. Irma, à son apparence, me faisait penser à ces dames qui, par un seul coup d’œil, vous font comprendre que vous n’avez en commun que l’air que vous respirez. Pourtant, son caractère volubile a contribué à briser la glace entre nous. Puis un jour, elle perdit de sa superbe.

Je lui  passais le  mascara. Je remarquai que le pinceau me revenait mouillé. J’ai cru à une illusion. Mais,  j’ai dû me convaincre que j’avais affaire à des larmes. Je lui demandai, l’air soupçonneux.

-          Que t’arrive-t-il ma chère ? Pleures-tu ?

Ma question a ouvert une fontaine. Un flot de larmes s’est mis à jaillir des yeux d’Irma. Elle ne pouvait plus se retenir. Déjà de gros sanglots défiguraient son visage de dame du monde. Je réagi vite. Dûment sensibilisée, je compris qu’un gros orage s’annonçait. Il fallait que je la dérobe du regard des autres femmes présentes. Notamment de celui de mes assistantes, véritables colporteuses de ragots.

-          Venez Madame. Venez avec moi dans mon bureau. Je lui dis en la saisissant par la poignée droite.

Elle comprit aussitôt mon intention et ne s’y opposa pas. Nous nous retrouvâmes dans  l’espace qui me sert de loge et aussi, accessoirement, de bureau et de clinique des cœurs brisés. Je la fis asseoir sur le sofa. Je lui accordai le temps nécessaire pour qu’elle se remette de ses émotions.

Malgré mon insistance, Irma ne pouvait prononcer un seul mot, tandis que ces yeux rougissaient et que les nerfs de sa tempe menaçaient d’éclatement. Je changeai de tactique. Je me mis à la cajoler tel un enfant. Le mouvement de mes doigts sur sa chevelure très fournie, fini par la décider à s’épancher.

- Je n’en peux plus, furent ces premières paroles. Ma vie est devenue un enfer. Poursuivit-elle. Bientôt, un an que n’en dors plus. Mes nuits sont une suite de questions sans réponse.

- Ma chérie, c'est pareil chez plusieurs personnes, y compris moi. Lui avais-je dis, pensant qu’elle était simplement soucieuse de son quotidien.

- Tu n'as pas idée de quoi tu parles. Il s'agit de sujets qui sont difficiles à aborder. A- t-elle dit en agitant la tête de gauche à droite avant de se plonger à nouveau dans un état second, le regard vide.

Je la pris de vitesse, pour lui éviter les sanglots qui m'auraient ramené à la case-départ.

- Dis-moi tout, ma Chérie. Une peine partagée est à moitié allégée. Qu'est ce qui te fend le cœur?

Je ne finis pas la question qu’elle s'est mise à me raconter une histoire  difficile à croire :

- C'est mon mari qui veut ma mort,  dit-elle sans autre préambule.

- Ton mari veut ta mort? Repris-je l'air dubitatif. Je n'en crois rien. Ajoutai-je.

- Et pourtant c'est la pure vérité. Cela fait bientôt trois mois qu'il me harcèle.

A cet instant, je ne compris plus grand-chose de ce qu'elle disait. C'est du délire, pensai-je bas. Comment un mari peut-il harceler sa propre femme ?

- Que veux-tu dire? Te force-t-il? Est-ce ce que tu veux dire ? Dans ce cas, explique-lui que tu es malheureuse. Il changera. Certainement qu’il pense te faire plaisir, ce faisant.

- Mon amie, me répondit-elle avec une moue, si ce n’était que cela, pense-tu que je m’en plaindrais. Je trouverais bien le moyen de l’en dissuader. Il veut plutôt que je me donne à son Patron.

-Sans blague ! M’écriai-je, désarçonnée. Ma chérie, quel grand malheur qui te frappe là.

La rumeur est donc vérifiée. Car, ce n’est pas la première fois que j’entends parler d’un tel sujet dans mon salon. Des femmes qui sont contraintes, je dis bien contraintes par leur propre mari, de coucher avec d’autres hommes.

Le dernier cas ayant fait objet de rumeur, faisait état d’un homme qui livrait sa femme à de coreligionnaires tous les vendredis de pleine lune. Je n’avais pas accordé foi à ce que je qualifiais de ragots. Alors, lorsqu’Irma évoqua son cas, ma curiosité exacerbée ne put se contenir longtemps. Il fallait que j’obtienne plus de précisions pour me faire définitivement une idée. Je la relançai.

-          Comment est-ce possible ? Et pour quelles raisons veut-il t’imposer un tel supplice ?

-          Il est membre d’une secte. C’est ce qu’il m’a expliqué hier nuit. Il s’est mis à me supplier pour que j’accepte. Si je refuse, selon lui, il tomberait malade. Il perdrait tous ses biens. Pire,  certains membres de la famille pourraient en mourir.

L’évocation du trépas certain d’un de ses proches a été l’élément déclencheur de la nouvelle vague de larmes. Après l’avoir consolé du mieux que je pu, je la recommandai à un ami prêtre exorciste. J’espère qu’elle a fini par trouver satisfaction. Au moment où je réfléchissais aux mots que j’allais employer pour la consoler, mon esprit vagabonda vers le cas d’une autre cliente. Elle était assise sur le même sofa il y a quelques semaines avant Irma.

Elle s’appelait Fallone. Elle était belle. Une beauté épanouie par une toilette raffinée. Habituée des grandes avenues et des grands magasins d’outre-mer. Son parfum, je peux jurer qu’elle l’achète par camion-citerne. Lorsqu’elle sortait de voiture, la senteur de ses flagrances la précédait dans le salon. Certains piétons, s’arrêtaient, dans la rue, un moment, pour humer l’air  embaumé et profiter du bien-être qu’il procure.

Fallone, c’était la perfection de ce que le mariage peu apporter à une femme. Son mari est un riche  multimillionnaire au bas mot. Il a pion sur rue. Il fait partie du gotha national. Bref, un homme influent du fait de sa richesse. Même le président de la république le traite avec respect et considérations. Fallone était sa femme.

Le jour où Fallone fit sa crise, elle était entrée dans le salon, comme à son habitude, le sourire aux lèvres. Je finissais les soins, à l’exception des cernes, qui exigeaient plus d’attentions, sur lesquelles je m’attardais. C’est alors que la chaîne musicale, captée à la télévision, enchaina avec  le clip d’un artiste chanteur, beau comme un ange. Elle regarda le clip avec un certain intérêt qui ma surprise. Au moment où je m’apprêtais à mettre la touche finale à mon maquillage, Fallonne enleva d’un coup sec le foulard que je venais de poser avec beaucoup de délicatesses.

-          A quoi bon tout ça. Je ne sais vraiment pas pourquoi je me donne toute cette peine. Dit-elle, dépitée.

-          Que veux-tu dire ma chérie. C’est pour te rendre encore plus belle pardi ! Tentai-je pensant répondre à son découragement.

-          Plus belle. Et après ? Les femmes se font belles pour se plaire et plaire à leur homme. Moi, je ne peux même pas profiter de ma beauté.

-          Comment cela ? Tu ne peux profiter de ta beauté. Lui demandai-je, le peigne à queue à la main un tantinet perplexe.

-          Oui, c’est comme tu l’entends. Hector ma mit un cadenas de chasteté. Pense-tu qu’une femme peut jouir de sa beauté si elle ne la partage avec un homme. Moi je ne le peux pas.

-          Non, tu n’es pas sérieuse là.

J’étais déjà tout ouï. Il n’était plus question de peignes et de fer à friser. Je ne fus pas déçue. Elle me raconta l’incroyable.

-          Je ne le suis que trop. La seule et unique fois qu’il m’a touchée, c’est lors de la nuit de noce. Après son acte, j’ai constaté qu’il y avait un liquide très gluant entre mes jambes. J’ai cru que cela venait de lui et que c’était la conséquence d’une grande jouissance. J’en étais, pendant quelque secondes, très fière de l’avoir fait ainsi jaillir. J’ai dû me rendre à l’évidence lorsque le liquide s’est mis à se plastifier. Il ne fallut que quelques minutes pour que ma fente de femme ne se ferme entièrement. Plus rien à la place de mon sexe. Depuis, je vis ainsi avec mon chagrin.

-          Et c’est tout ?

Ma relance ressemblait à un besoin de satisfaction de curiosité. Mais au contraire, je voulais savoir si elle n’a rien fait contre cette bizarrerie atroce. Elle me comprit.

-          Tu penses bien que je ne suis pas restée sans réagir. Je me suis jetée sur lui de toute mes forces et avec toute la violence du désespoir et de l’incompréhension qui me gagnaient. Mais lui, il est resté calme et imperturbable. Il me regardait, nullement surpris. De toute évidence, Il s’attendait au résultat de ce rapport sexuel diabolique.

-          Je ne comprends pas. Il ne t’a donné aucune explication.

-          Bien sûr qu’il s’est expliqué. Il m’a tout simplement dit qu’il était désolé. Qu’il n’avait pas le choix. Qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour m’adoucir ma nouvelle vie. Depuis lors, il me comble de cadeaux.

-          Que valent ces babioles face à l’intégrité de ton corps. Ma chère, j’en ai entendu de toutes sortes depuis que j’ai ouvert mon salon, mais ton cas est tout simplement inimaginable.

En lui disant cela, je n’avais pas menti. J’ai consolé tellement de femmes. Mais j’étais à mille lieux d’imaginer qu’un mari pouvait obstruer le sexe de sa femme pour des raisons qu’il est le seul à connaître. Je me demande combien de femmes, dans cette ville vivent le  même calvaire. Quelles autres débilités, je vais encore connaître ?

Tenez, le mois dernier seulement, j’ai été réveillée en pleine nuit par une de mes clientes. Elle parlait au téléphone, la voix voilée. Il était presque minuit.

-          Il a repris. M’avait-elle dit.

-          Il a repris quoi ? Insistai-je, feignant de ne pas avoir compris que quoi il s’agissait. Or, je n’avais pas de doute. Je voulais me donner du temps pour bien réagir.

-          Il s’est endormi le téton de mon sein dans sa bouche. Tu peux imaginer çà?

Bien sûr que je ne souhaite pas imaginer la scène. Un homme, la cinquantaine révolue, Directeur de société qui ne peut se passer de téter sa femme.

Dans la matinée de ce jour, elle était dans le salon. En voulant reprendre un bocal qui s’était glissé sur ses cuisses, ma main à effleuré un des deux mamelons. Elle a réagi comme si j’avais touché une blessure ouverte.

-          Sssiiittt ! C’est sensible m’avait-elle dit, en portant la main à l’endroit, comme pour le protéger d’une nouvelle agression.

-          Sensible autant ? Mais c’est bien. Cela doit faire plaisir à ton mari.

Sans mot dire, elle souleva sa camisole et me dévoila les seins tuméfiés. Je compris pourquoi elle ne porte pas de soutien-gorge. J’avais devant moi des tétons déformés. Le gauche, le plus gros, est enflé comme deux noix. Comme elle devait me le préciser plus tard, c’est le téton de prédilection de son gros bébé. Le droit un peu moins, du fait de la place que chacun d’eux occupe sur le lit conjugal.

-          Bien sûr que cela lui fait plaisir. C’est en recherchant son plaisir qu’il a déformé mes seins ainsi. Il n’arrive pas à dormir que le sein entre les lèvres. Au début de notre union, j’ai pris la chose comme une fantaisie. Un fantasme qui va vite lui passer, pensais-je. Je le lui donnais avec plaisir. Cela m’amusait de le voir si fragile, mes seins entre les lèvres. Mais avec le temps,  l’habitude est devenue une addiction.

-          Tu veux dire que la situation dure depuis longtemps ?

-          Il a bien fallu du temps pour que les tétons prennent cette forme. Lors de la naissance de notre troisième enfant, ce dernier n’a pas pu prendre le sein gauche. Sa petite bouche ne pouvait le saisir. Le téton était depuis longtemps dédié à mon mari. Souvent, j’ai dû leur donner la tétée à eux deux, simultanément. Il en raffole.

-          Je t’avoue que je n’ai jamais entendu rien de pareil.

-          Je pensais aussi être seule dans le cas. Mais lorsque j’ai commencé à en parler autour de moi, plusieurs autres femmes m’ont fait des confidences similaires. L’une d’elles, selon les dires de cette dernière, est obligée de tirer le lait dans un verre et de le conserver au frigo pour le mari  qui le boit, frais, dès qu’il rentre du travail.

Les déviances comportementales sont multiples. Dans le cas de cet appel nocturne, sans être un spécialiste, je comprends que c’est un trouble qui ne se guérit pas sur simple prescription médicale. Ma cliente devra faire preuve de beaucoup de tacts pour sevrer son mari, sans dommage pour son couple.  Elle avait besoin d’aide, je ne pouvais pas me dérober.

-          Ma chérie, explique lui que tu as besoin de dormir et reporte la séance à demain matin.

Le ton de ma voix était suffisamment persuasif pour lui insuffler le courage nécessaire à sa révolte.

-          J’ai déjà essayé. Me dit-elle à voix lasse.

-          Alors, dis-lui que tu risques de perdre ton sein..

-          Il réfute tout argument relatif à ma santé depuis qu’un médecin a affirmé à la télévision que téter la femme lui évite le cancer du sein.

-          Eh bien, il ne nous reste qu’un argument. Menace-le d’une séparation temporaire. Il finira par entendre raison.

Elle me promit timidement de le faire. J’imagine que toute la nuit la séance de tétée à continuer. Pauvre d’elle !

Fallonne, quant à elle, quelques années plus tard, tomba dans une dépression profonde. Elle a vécu le reste de sa courte vie de femme mariée, recluse chez elle. On la retrouva, un matin, morte, sur son lit. A ses funérailles, plusieurs versions circulaient sur les raisons de son trépas.

                Nikè, elle, a fini dans un asile. Nikè est rentrée dans l’institut, un soir, où je fermais boutique.

-          C’est fermé, Madame, on ne reçoit plus, lui avait dit les filles.

Mais elle ne l’entendait pas de cette oreille. Elle franchit le seuil d’un pas décidé. Les filles s’écartèrent pour lui laisser le passage.

-          Je veux voir votre patronne.

On devine, qu’elle a l’habitude de commander à une domesticité. Ayant suivi la scène, j’ai cru avoir affaire à une réclamation. Je m’avançai vers elle.

-          Madame, c’est moi la directrice Que puis-je pour vous ?

-           Je voudrais me tresser?

-          Madame, je vois bien, mais nous devons fermer. Il fait nuit.

-          Oui, je sais bien, mais il faut que je me fasse tresser cette nuit-même.

 En voilà une, avec une demande saugrenue, avais-je pensé.

-          Mais Madame, le personnel est à bout. Les filles ne peuvent plus tenir une heure de plus.

-          Je le sais bien. Cela ne va pas duré. Juste de temps de m’arranger un peu ce que j’ai sur la tête. Je dois me faire belle.

-          Il est possible de se faire belle demain aussi.

-          Madame, il faut me comprendre, je pressens qu’il va entrer en action cette nuit. Il faut que je sois éblouissante pour détourner son attention.

Je sais bien qu’elle me parle de son mari. J’ai acquis suffisamment d’expérience pour ne plus avoir de doute sur la personne qui les affole. Entre-temps, les filles, ouvrières et apprenties se sont attroupées dans un coin du salon observant la scène. Elles imaginaient sûrement, la manière dont elles vont narrer à leurs copines, l’intrusion d’une dame, apparemment de bonne extraction,  dans un institut, un soir, cherchant à se refaire d’urgence une beauté.

J’entrepris de la faire parler. J’espérais qu’à l’issu de l’entretien, elle consentirait à rentrer sagement chez elle, quitte à revenir le lendemain. Je fais des miracles en les faisant parler.

Parler libère mes clientes de leurs angoisses. J’arrive,  par ce biais, à leur faire entendre raison.

Certaines fois, une séance de soins esthétiques prend des allures d’une consultation psychiatrique. De fait, je ne compte plus les make-up avortés, les foulards à poser jamais défaits de leur emballage, les poses d’extension inachevées, parce que l’émotion, entre-temps, a rendu tous ces artifices vains. Wèri est classée dans les occurrences qui me font fermer tard dans la nuit. Il fallait que j’évite une énième fermeture tardive. Je sors ma botte secrète : la flatterie.

-          Madame, je peux vous assurer que vous êtes déjà éblouissante.

-          Non, non, non. Si vous saviez qui me fait concurrence, vous sauriez qu’il m’en faut plus. Je vous en prie ne prenez pas ma demande à la légère.

-          Dites toujours.

En l’invitant à parler, je comprends que je cours le risque de me retrouver embarquée dans une nouvelle histoire déchirante. Mais, en ce moment-là, j’étais trop lasse pour être cohérente.

-          C’est  la bonne. Elle nous a été recommandée par une de mes belles-sœurs. Dès son arrivée j’ai senti qu’elle a le diable au corps. Son manucure me faisait douter qu’elle soit venue pour les travaux domestiques. Depuis trois mois qu’elle est là, mon mari n’a  d’yeux que pour elle. Toutes conversations tournent autour de la prétendue bonne de maison.

-          Alors là c’est du sérieux.

Je l’invitai à s’assoir face à la coiffeuse. Je pouvais alors distinguer dans le grand miroir qu’elle était plutôt belle-femme. Par contre, elle s’évitait de se  regarder. Seule la préoccupaient les rondeurs menaçante de sa rivale.

-          C’est vraiment sérieux. Il me faut réagir. Sinon, avec ses formes plantureuses, ses yeux de biche qui invitent à la dévorer je vais perdre mon foyer. Ce matin même, j’ai surpris mon mari et elle dans une attitude compromettante.

-          Dans ce cas, il faut la chasser de chez-vous.

-          Je ne le peux pas. Comme elle a été recommandée par ma belle-sœur, je risque de vexer cette dernière. Elle est mon pire cauchemar dans mon foyer. Comme administratrice de l’immense fortune de leur père, mon mari lui obéît au doigt et à l’œil.

Au fil de la conversation, je compris que Wèri est la femme d’un fils à papa qui a hérité d’une grande fortune qui se refuse à baisser malgré la dépense intensive. Elle est habituée à un style de vie dont elle aura du mal à se départir, dans le cas où elle viendrait à être évincée par une autre femme.

Le cas Wèri est illustratif de toutes les femmes qui viennent au salon pour que je leur redonne le visage de leurs vingt-cinq ans. Le motif est généralement similaire : alors qu’elles sont gavées de cadeaux de luxe, elles sont délaissées soit pour la secrétaire, soit pour la boniche. Bien souvent, une proche parente  est la cause de leur tourment. Tel est le cas de Wèri qui partage le lit conjugal avec sa propre sœur.

Le jour où j’ai posé les yeux sur elle, je me suis dit intérieurement que le créateur a favorisé. Wèri a tout obtenu de lui. Son visage aurait pu être ciselé par un laser qu’il n’aurait pas été aussi parfait. Wèri est une splendeur de femme. A trente et cinq ans, elle était assez mâture pour satisfaire l’attente du plus exigeant des hommes. Et pourtant, Weri est malheureuse.

L’histoire a commencé lorsque sa jeune-sœur, prénommée Bénie, a obtenu son baccalauréat. Elle quitta une ville secondaire pour la rejoindre à la capitale. La filière qu’elle a choisie est ouverte dans une université privée située à quelques pâtés de maisons du domicile conjugal de sa grande-sœur, Wèri.

Bénie pria sa sœur de l’héberger. Wèri à son tour supplia Fawaz son mari d’accepter la présence de sa petite-sœur auprès d’eux. Ce à quoi il consenti par esprit d’obligation envers sa belle-famille. La suite du mélodrame c’est wèri qui me la raconte :

-          Puis vint un jour, Bénie préparait sa soutenance de licence. Trois années déjà qu’elle vit avec nous. Elle s’est muée en une jolie jeune-fille de vingt-deux ans. Son sex-appeal avait la force d’un électro-aimant. Elle dégage une assurance qui a déjà fait des victimes dans le rang de ses professeurs et de jeunes écervelés de l’université qui y ont brulé leurs épargne-études.

-          Jusque-là, vous ne vous êtes pas inquiétez à propos d’une complicité avec votre mari ?

-          Pas du tout. Je la savais suffisamment occupée avec ses copains pour qu’elle soit pour moi une menace à domicile. Cependant, comme je vous le disais, mon mari était un peu trop impliqué dans les préparatifs de la soutenance.

-          L’histoire devait avoir commencé plus tôt. Disons que vous n’avez pas remarqué leur rapprochement.

-          Il y avait bien quelques signes. Mais je les avais négligés. Comme par exemple, le fait que mon mari se proposait spontanément, d’aller faire le shopping avec elle. Il leur arrivait même de passer du temps dans un café-terrasse. Je prenais tout cela pour une occupation innocente.

-          Ma chérie, vous avez été naïve. Nous vivons dans un monde où il est admis qu’une femme ne doit même plus présenter son petit-ami à sa sœur. Elles sont nos pires rivales.

-          J’ai été non seulement naïve  mais aussi imprudente. A présent, je n’ai plus mes yeux que pour pleurer. Si vous pouviez savoir avec qu’elle arrogance elle me traite… Je dois me faire toute petite pour ne pas attirer sur moi sa fureur.

La semaine suivante, je me suis occupée personnellement du cas de Wèri. Durant 48 heures d’affilées, je n’ai pu me présenter au salon. Après avoir, grâce à l’entremise d’une de mes amies, par ailleurs amie du couple, je suis intervenue auprès du mari. Ce dernier nia vertement toute intention lubrique. Cette même nuit,  Wèri m’informa, que la bonne est passée à la casserole. A ce stade, je quittai le jeu. Wèri quant à elle poursuivit ses démarches de récupération de son lit conjugal. Elle  intervint auprès de la mère de son mari dans le but que cette dernière amène son fils à la raison. Mais mal lui en a pris. Cette dernière, après l’avoir longuement écouté, laissa tomber sa sentence : «Wèri rentre dans ton foyer. Encore heureuse que ce soit avec ta sœur. Au moins tu as encore un tout petit peu d’emprise sur elle. Cela aurait pu être pire.» Fin de la discussion. Depuis, Wèri vit avec cette compromission, circulant dans la ville capitale à bord de sa luxueuse voiture objet de désir de nombreuses autres femmes. (A suivre)

 

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