Légitime défense...

Write by Tiya_Mfoukama

Chapitre VI

Ah la honte ! Merde ! Vive la crédibilité !

Je tire un max sur mon t-shirt pour cacher le plus gros et bredouille des explications confuses.


-Je…j’étais dans la salle de bain et …Et il est apparu. J’ai eu peur ….Il est encore là !


La femme me regarde avec scepticisme tandis que son compagnon semble plus enclin à me croire, ou à garder le plus longtemps possible les yeux rivés sur mes jambes dénudées.


-Faut me croire, je vous jure !
-Okay, mais tenez, mettez ça. Me dit le compagnon en retirant sa veste qu’il me tend.
-Humm Hyppolite. Souffle la femme. En coulent vers lui une œillade meurtrière.

Ce n’est clairement pas le moment de jouer un remake de la femme jalouse madame. Où pensez-vous que je puisse aller avec un homme qui s’appelle « Hyppolite », aussi petit de taille et avec un regard vicelard!


-Oh mais Sandrine, je ne fais rien, je lui viens simplement en aide.

Oui Sandrine, il ne fait rien si ce n'est me venir en aider !
Alors qu’elle s’apprête à répondre un employé de l’hôtel fait son apparition derrière le couple. Il a une espèce de lassitude dans le regard, lorsqu’il se tourne vers moi, puis s’avance vers la Sandrine en lui expliquant qu’il ne sert à rien de me taper, qu’il faut rester digne.

-Les grandes dames comme vous ne se laissent pas submerger par les situations du genre. 

Les situations du genre ? Mais de quoi parle-t-il celui là ?
Un peu perdue, je comprends au bout de quelques secondes qu’il pense qu’elle nous a attrapés Hyppolite et moi en train de nous exercer au Monkey style.
Mais il est complètement con celui là ! C’est pas possible !

Tu penses que si j’avais envie de taper dans du vieux j’aurai pris ça ? Cette espèce d’Oncle Phil* tassé ? Beurk ! J’ai envie de vomir !

-Ce n’est pas mon … Ce n’est pas ce que vous croyez. Dis-je entre la peur et l’agacement. L’agacement ayant pris le dessus.
-Il y a un voleur dans sa chambre, enfin c’est ce qu’elle dit. Ajoute Hyppolite.
-Ah ! Oh d’accord…. Donc il y a un voleur dans votre chambre ? C’est vous qui l’avez fait rentrer ?

Hein ?
Pause. 
Je me pince l'arête du nez et souffle deux secondes. A ce stade, je ne sais pas trop ce que je dois faire. Rire, pleurer, hurler, faire les trois. Je ne sais pas. C’est tellement déconcertant. Me demander si j’ai fait entrer le voleur et avec cet air sérieux !

-Oui, c’est moi qui l’ai fait entrer. Dis-je énervée sur un ton exagérément maniéré. Je m’ennuyais un peu et je me suis dit “tiens, ce serait sympa de faire rentrer un voleur dans ma chambre, ça devrait être fun !” 
-Non mais bon, peut-être que c’était votre ami et puis il vous a volé, je ne sais pas. Je vous soumets des idées.

Mais personne ne t’a demandé de nous soumettre tes idées de merde. J’ai envie de lui dire mais je m’abstiens, et pousse un long soupir.
Honnêtement, si je n’étais pas en sous –vêtements devant tout ce monde, que je n’étais pas la personne à qui cette péripétie était en train d’arriver, j’aurais probablement éclaté de rire. C’est même certain. Mais ce n’est malheureusement pas le cas. Je décide de prendre sur moi et de lui relater les faits lentement, tout en boutonnant la veste de l'hyppocrite pardon de L'Hyppolite venu gentiment à mon aide. 
Par contre, il serait peut-être temps pour lui qu'il fasse un régime; je suis obligée de faire des noeuds autour de ma taille pour faire tenir la veste.
 
-Il est encore dans la chambre ? Me demande l’employé.
-Normalement oui. Je réponds avec une petite voix.

Avec tout ce que je lui ai mis dans la gueule, il ne peut pas en être autrement mais comme on est sûrs de rien, je préfère marcher derrière Hyppolite et l’employé lorsque ce dernier propose d’inspecter la chambre.
En y pénétrant, nous entendons un ruissellement d’eau et lorsque nous arrivons devant la porte de la salle de bain ouverte, nous surprenons le voleur penché au dessus du vasque, gémissant tout en nettoyant ses blessures.
Non mais les voleurs sont devenus courageux dans Brazzaville. 
A coup sûr c’est un ancien bébé-noir fumeur de chanvre qui a grandi et a gardé la même mentalité.
Moi je ne m’approche pas de lui. Tout le courage que je possédais et toute l’adrénaline qui m’a permis de lui asséner des coups se sont barrés. Il ne me reste plus que ma peur et mon trouillomètre monté à mille. J’aurais dû faire comme la Sandrine et rester en arrière.

-Hey, vous là, qu’est-ce que vous faites ici ? Lance Hyppolite en bombant le torse.

Non mais Hypollite, qu’est-ce qu’il se passe ? Tu vas te calmer oui ? Il se peut que nous soyons face à un bandit de haut rang et je doute fortement que du haut de ton mètre cinquante-cinq, tu réussisses à l’immobiliser, même si l’employé te venait en aide. Moi pour le mettre à terre, j’ai eu une chance que je ne m’explique pas, et je suis quasi-certaine que je ne pourrais pas recommencer le même exploit une seconde fois.

-C’est ma chambre. Répond le voleur en se retournant au trois-quarts vers nous. Et elle vient de m’agresser. Ajoute-il en me pointant du doigt.
-Ce n’est pas votre chambre, c’est la mienne. J’hurle alors que tous les regards sont tournés vers moi. Regardez !


Je me dirige vers la table de chevet, où trônent les documents de ma réservation et le leur montre pour attester mes propos, en plus du pass de la chambre.
Les regards se tournent de nouveau vers le voleur, qui sort de sa poche la même clé que moi et rajoute la main sur le nez :


-Okay, prenez le temps d’observer deux minutes l’environnement où vous êtes, il n’y a que des affaires d’homme !


Ah c’est vrai qu’il n’a pas tort je me dis en balayant la pièce du regard. Sur les bords du vasque, un gel douche pour homme, ainsi qu’une brosse à dent et un peigne sont discrètement posés. Et sur le plan de travail, on peut y voir une serviette et un rasoir électrique.
C’est vrai qu’en y regardant de plus près, on pourrait se dire que la voleuse ici…. Bah c’est moi. Et on dirait qu’ils, Hyppolite et l’employé, sont en train de se dire la même chose.


-Ecoutez, mon père a fait une réservation tout à l’heure, je ne suis pas une voleuse. Pourquoi j’aurai crié au secours ?Tenté-je de me justifier.
-Je peux voir vos clés? Me demande l’employé. A vous également monsieur.


Nous lui remettons tous les deux lesdites clés et remarquons le changement sur son visage. Je n’espère sincèrement pas pour lui qu’il va me sortir le coup du « on a donné la même chambre à deux personnes différentes » parce que je risque de leur faire une très mauvaise pub ! Qu’il se le tienne pour dit !


-Okay, je pense qu’il faudrait aller à la réception et régler tout ça là-bas. Propose Hyppolite.
-Oui, oui, c’est une bonne idée. S’empresse d’ajouter l’employé comme s’il allait pouvoir échapper à une sentence.
-Je suis également d’accord. Allons-y maintenant. Je dis en me dirigeant vers la porte d’entrée.


Il y a moins de trente minutes que je suis là, le réceptionniste se souviendra de moi à coup sûr !
Punaise, il n’ y a qu’à moi que ce genre de galère peut arriver !


-Mademoiselle ? M’interpelle Hyppolite.
-Oui ?
-Vous devriez mettre quelque chose. Dit-il en baissant les yeux.
-Comment ça…. Ah oui, mon pantalon. Bonne idée. Où est-il d’ailleurs ?


Je balaye la pièce du regard pour le trouver sur le lit et l’attrape avant de demander au voleur de sortir de la douche. Non sans me traiter de folle, de psychopathe ayant besoin de se faire soigner, il me cède le passage et j’enfile mon pantalon avant de tous les rejoindre dans le couloir. La Sandrine aussi est toujours là et me regarde en biais.
Nous nous rendons à la réception en silence, j’en profite pour envoyer un message à mon père, et lorsque nous arrivons devant le réceptionniste, une cacophonie monstre se fait entendre. 
Entre les propos du voleur, ceux de l’employé, les miens et Hyppolite qui tente d’apaiser la situation en voulant imposer sa grosse, voix, comportement typique de congolais –pour ne pas dire africain – pour ne pas changer.


-Attendez, calmez-vous tous s’il vous plait. Je ne comprends pas. Dis le réceptionniste.
-ECOUTEZ-MOI ! Hurlé-je. Je suis venue avec mon père tout à l’heure, et vous m’avez attribué une chambre sauf que ce monsieur prétend que cette chambre, celle que vous m'avez attribuée est également la sienne.
-Et c’est la mienne espèce de folle !
-Continuez à m’appeler la folle et je vais en finir avec vous, espèce de voleur !
-Pour rappel ce sont mes affaires déballées qui se trouvent dans la chambre. Ah quel moment aurais-je eu le temps de les déballer hein ? Entre le moment où vous m’avez agressée ou celui où vous êtes revenue avec ces deux personnes? A moins d’être stupide, myope et de manquer de logique, vous en convaincrez que c’est tout bonnement impossible ?


Euh, c’est moi où il est en train de copieusement m’insulter ?


-Monsieur, s’il vous plaît. Intervient le réceptionniste. Nous allons essayer de régler cette histoire dans le calme sans faire usage de mots qui pourraient blesser.
-….
- Pourrais-je s’il vous plait avoir votre nom ?
-Bemba, Bemba Michael.
-Merci monsieur. Je reviens.


Pendant que le réceptionniste tente de mettre en lumière cette histoire, je continue à informer mon père via message. Il est déjà en chemin d’après sa dernière réponse et ne devrait plus tarder.

Quand j’y pense, c’est drôle à quel point j’ai vite assimilé la notion « d’aide paternelle ». Dans ma jeunesse, j’ai toujours voulu dire « continue et j’appelle mon père » ou me retrouver dans une situation qui nécessitait son intervention. Je l’ai tellement voulu, souhaité, que sans jamais voir ce moment arrivé, j’ai fini par me persuader que je n’avais plus besoin d’aide paternelle. Qu’il fallait que j’oublie cette notion. Et aujourd’hui, alors même que je suis à ses côtés depuis moins d’une journée, je me surprends à le solliciter comme si je l’avais toujours fait.


-Je crois comprendre ce qu’il s’est passé. Lance le réceptionniste de retour. Votre départ était prévu pour aujourd’hui, mais vous avez décidé de prolonger votre séjour. Mon collègue qui a accusé réception de votre demande, l’a inscrit sous forme de note et non de réservation. C’est la raison pour laquelle votre chambre apparaissait libre. Nous nous excusons pour ce désagrément monsieur.
-Soit, maintenant que la vérité a été rétablie, je veux qu’on l’arrête pour agression. Lance le Michael en me pointant du doigt. Elle m’a cassé le nez!

Ah non !
Non, non, non, impossible, je ne peux pas aller en prison, encore moins dans une prison en Afrique. Et puis ce n’est pas comme si j’ai volontairement voulu l’agresser. D’abord, j’étais en état de légitime défense, même si les éléments constitutifs ne sont pas tout à fait réunis mais c’était de la légitime défense, la cour me croira, je n’ai pas une tête de menteuse. Et s’il essaie de me faire passer pour telle, j’objecterai comme dans New York police judiciaire.
On peut objecter ici ? je demande un peu inquiète.

Alors que je suis déjà en train de m’imaginer vêtue d’orange –même si je doute fortement que l’on remette un quelconque uniforme aux détenus ici – les pieds et poings liés, marchant vers un petit espace insalubre de 5m² avec des codétenues aux visages douteux, mon père fait son apparition tel un prince sur son fidèle destrier, s’imposant face à tous et faisant fi des petits gens au gros cœur qui veulent me faire arrêter.
Il lui suffit de décliner son identité et de demander à parler au directeur, et seulement qu’à lui, pour que la situation qui se présentait quelques secondes plus tôt en ma défaveur se décante et tourne à mon avantage.
Me voilà donc positionnée derrière lui, un petit air de victime apeurée plaqué sur le visage, en train de lui murmurer assez fort pour que tout le monde puisse entendre, les évènements tels qu’ils se sont déroulés en instant particulièrement sur la volonté de l'autre.
Une fois mon récit terminé, il a simplement secoué la tête en me disant, que tout irait bien, que je n’avais pas à m’inquiéter d’une éventuelle arrestation.
Et c’est ce qu’il s’est passé. Tout s’est arrangé, on m’a réattribué une nouvelle chambre avec les sincères excuses de l’hôtel, et l’ex voleur –je n’en démords pas, il a une tête de voleur – après quelques mots échangés avec mon père et la promesse de recevoir des soins adéquats n’a plus émis le souhait de me voir derrière les barreaux.
Comme quoi, avoir un papa, c’est top !


-Normalement, tu ne devrais plus avoir de problèmes, mais si c’était le cas, comme tu l’as fait, tu n’hésites surtout pas à m’appeler d’accord ?
-Oui papa.
-Je te laisse pour de bon cette fois-ci, et on se voit demain pour faire le point. Cela te convient ?
-Parfaitement.
-Evite entre temps de casser la figure de qui que ce soit. Dit-il en riant. A demain.
-Je vais essayer. Je lui réponds sur le même ton. A demain papa.


Je le laisse partir, puis vérifie qu’il n’y ait aucune affaire dans la chambre et dans la salle de bains, ne sait-on jamais, et une fois l’inspection faite, je vais prendre une douche relaxante non déméritée.
Je suis tellement fatiguée de ce début de journée, et de toutes ces péripéties que je vais m’affaler sur le lit, pour me réveiller que le lendemain.
A mon réveil, je constate que j’ai plusieurs messages de mon père m’invitant à le rejoindre à l’Olympique palace pour prendre un petit déjeuner et discuter des postes qu’il a en réserve pour moi.
Je ricane pendant trois bonnes minutes en relisant son message. Ces messages sont toujours pompeux et vieillot. A croire que c’est un homme de l’époque de Louis XIV qui écrit.


-Bon, à la douche cocotte. Me motivé-je en me levant.


Quarante-cinq minutes plus tard, je dépasse la réception pour me rendre au lieu de rendez vous, lorsque je croise Michael. Le mec que j’ai amoché la veille. Il a un pansement sur le nez et un gros bleu au niveau de la tempe droite. Mince, on voyait pas autant de parties violacées de son visage hier. Je l’ai sacrément amoché, faut le reconnaitre.
Mon côté sans honte a envie de tracer son chemin tout en sifflant près de lui « c’est bien fait », mais mon côté hyper honteuse et confuse en toute chose ressent le besoin de lui présenter des excuses. C’est mon second côté qui l’emporte, et même s’il fait une vilaine grimace lorsque je m’approche de lui, je n’en tiens pas rigueur et lance la conversation avec une petite voix timide que je ne me connais pas.

-Bonjour.
-….
-Vous allez bien ? Question conne, bien sûr que non, vous n’allez pas bien. Je vous ai littéralement pété la gueule, enfin la figure ! Je veux dire la figure. M’empressé-je de corriger. Sachez que j’en suis navrée, sincèrement.
Vous devez avoir envie de me tuer, et je le comprends totalement mais pour ma défense, je ne m’attendez pas à trouver une autre personne que moi dans ma chambre, enfin dans la salle de bains. Je vous ai pris pour un bandit et je n’ai pas cherché à voir plus loin que l’idée que je m’étais faite, alors j’ai mis une bonne partie des
techniques de self-défense apprises durant mes cours, et....
-Je m’en fous. Me balance t-il en me coupant la parole avant de continuer son chemin.

Très bien. Au moins ça c’est dit. 
Je vais faire comme s’il ne venait pas de me rabrouer comme une vieille chaussette sale percée de partout et aller rejoindre mon père, c’est mieux.


 Oncle Phil: référence à l'oncle de Will (Smith) dans la série "Le prince de bel air". 


Si je vous vois plus enthousiaste, je pourrai éventuellement publier un autre chapitre avant le milieu de la semaine !

Des bisous en pagaille,

Tiya ;) 

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