LES ESPOIRS DE CLAYFE : ENTRE RÉALITÉS ET SONGES (Suite de l'histoire)

Write by Akagami

PARTIE 2 


- Mais Georges, où étais-tu passé durant tout ce temps ?

- J’étais en mission à Kaolack. Tu ne me présentes pas ton nouvel ami ?

- C’est Ibris voyons ! Il m’a accompagné à l’église. Arriva-t-elle à dire sans masquer son embarras. Tu n’as pas de reproches à me faire d’ailleurs sur mes fréquentations. Tu m’as laissée sans rien dire. Tu trainais sûrement avec ces sombres chiennes. Tu en as réussi à sauter combien ? Dis le moi ! Dis le moi, merde ! 

Georges ne semblait pas se préoccuper de la scène de sa femme. Il se dirigea vers Ibris qui tentait de réconforter Yvonne.

- Je t’ordonne d’ôter tes sales mains de ma femme. Et en joignant l’acte à la parole, il dégaina son automatique et lui flanqua deux balles dans chaque pied. Le bruit retentit dans la nuit. Pétrifiée, Yvonne alla se réfugier dans la chambre. Ibris perdait son sang, il hurlait telle une bête.

- Alors, comme ça, à mon absence on se tape ma femme ? Elle t’a satisfait ? Les rumeurs qui circulaient en ville étaient donc fondées. Sale chien, tu me le paieras. Il le traina jusque dans la cave souterraine de leur maison et l’y enchaina. Il prit soin également de lui fermer la bouche avec du ruban adhésif. Puis il retourna flanquer une correction à sa femme.

Les mois passèrent. Yvonne commençait à avoir un bide qui pointait. Georges ne lui adressait même plus la parole et elle non plus d’ailleurs. On ne parlait plus d’Ibris. Un noir qui disparaissait n’empêchait personne d’avoir une bonne nuit de sommeil. On finit par dire qu’il s’était rendu dans son village à Louga. Yvonne vécut sa grossesse à l’abri des regards. Georges évita à tout prix que la nouvelle se sache. Alors sa femme vivait cloitrer.

Yvonne finit par accoucher. Dès sa sortie de la maternité, Georges lui arracha le bébé et le confia à une association catholique qui faisait également office d’orphelinat. Cet enfant y grandira. Personne n’en voulait. Qui voulait s’enticher d’un mulâtre ? Cela susciterait beaucoup trop de questions. Néanmoins il grandit à l’orphelinat, entouré des sœurs et suivit ses cours au Lycée Municipal de Ouakam.

                                                                               

Nous sommes en plein milieu des années 60. Les pays africains, pour la plupart, accèdent à l’indépendance. Armin Harry vient de terminer les 100 mètres en dix secondes. Comment parler de cette période sans évoquer les Beatles ? Les quatre garçons dans le vent venaient à peine de faire leur début sur la scène tandis qu’à Medellin, Escobar faisait quant à lui, son bref passage dans une université privée. 

Clayfe, lui également changeait le monde à sa façon. Du moins comme il pouvait. Il venait de commettre son premier meurtre. Ses relations sociales n’étaient pas au beau fixe. Il n’était jamais à l’abri des préjugés. Les questions fusaient tout le temps à son arrivée. Il passait son temps à refaire le monde à sa façon. Entre la réalité et le songe, il n’y a qu’un simple pas. Il évitait de suivre certains cours mais pour continuer de bénéficier de l’aide des bonnes sœurs, il faut bien ramener des bulletins acceptables. Mais ce n’était pas son cas. Il n’était ni doué dans les matières scientifiques ni dans celles littéraires. Pour espérer avoir la moyenne, il lui fallait trimer deux fois plus. Ce qui n’était pas tâche aisée. D’autant plus, que sa chambrette ne disposait que d’une lampe tempête comme seule source d’éclairage. Souvent, lorsque tous les occupants de l’orphelinat sont couchés, il lui arrive de rédiger des lettres qu’il embouteille et qu’il jette par la suite à la mer. Quoique, toutes les bouteilles jetées à la mer ne rapportent pas de réponse. Il semblerait qu’il nourrissait son délire. Cependant, ses lettres adressées à ses parents avaient le don de le calmer et au fil du temps, cela était devenu une habitude, non une sorte de rituel plutôt.

« Vous ne me croirez jamais, mais aujourd’hui j’ai réussi à reproduire les schémas que notre prof de sciences naturelles nous avait demandé de faire. C’est incroyable, pas vrai ? A l’école, on me pointe du doigt. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Ils sont méchants. Ou peut-être qu’ils n’ont pas conscience de leurs actes. Des tas d’histoires circulent. Selon certaines d’entre elles, je serai l’enfant d’un djinn. Mais Sœur Penelope a démenti en disant que j’étais un enfant de Dieu. D’ailleurs, nous le sommes tous. Mais moi je garde à l’esprit que vous êtes quelque part en train de m’observer. J’ai foi. De la folie ? Non du bon sens je me dis. La nuit, lorsque tout semble aller contre moi, je me poste juste à la devanture de l’orphelinat, dans un coin bien reculé, et j’admire les étoiles. C’est si beau. Il m’arrive parfois d’apercevoir des étoiles filantes. Alors je ferme les yeux et je prononce mes vœux (c’est comme ça que font les enfants dans les bandes dessinées que nous rapporte souvent la sœur Penelope.). Mon vœu le plus cher est de vous retrouver. En bonne santé et me souriant tout en me tendant les bras. Mais quelque part au fond de moi, il subsiste un doute. Ce n’est pas que je doute de vous, bien au contraire mais je ne sais pas comment l’exprimer. Je ne reconnais que la constellation du bonhomme d’Orion. Le gardien de l’orphelinat, vous vous souvenez de lui pas vrai ? Il se nomme Isaac. Il m’a promis de m’apprendre les légendes qui entourent ces constellations. C’est grâce à lui que j’ai su qu’Orion était, selon la mythologie, un chasseur très puissant. Il m’a aussi dit qu’il a été tué par le scorpion de feu d’Artémis et que c’est la raison pour laquelle, la constellation du Scorpion se trouve à l’opposé de celle d’Orion afin d’éviter qu’ils ne se croisent même dans les cieux. Ça a l’air vraiment intéressant toutes ces histoires. J’ai hâte de les découvrir. Lorsque j’admire les étoiles, et que j’en aperçois deux, plus brillantes que les autres, je me dis que c’est vous deux, papa et maman. Alors, à l’aide d’un bâton, je trace sur le sol, des visages qui me sont si proches et si lointains à la fois. Je dessine des visages que je ne reverrai plus jamais, que je n’ai jamais vu d’ailleurs… »

ET SI C'ÉTAIT APATÉ...