L'espoir fait vivre

Write by Les Chroniques de Naty

Chapitre 36

****Martine****

J'étais comme un être enfermé dans une bulle de verre, et tout le monde me voyait, mais personne ne m'entendait. Et moi, ce que je voulais, c'était casser la bulle pour que quelqu'un m'écoute.

Il faut qu’ils sachent que je vais bien et que je ne suis pas touchée. Je suis juste fatiguée et j’ai soudain mal à la tête. Et pourtant je me sentais très bien tout à l’heure.

Puis les souvenirs affluent dans ma tête et dans mon cœur endoloris.

—Monsieur Asseu commença le maire, voulez-vous prendre pour épouse Mlle Memel ici présente.

Il s’est tourné vers moi. Il m’a regardé droit dans les yeux. Son regard était tendre et caressant. Doux mais tellement doux que je me suis promise de lutter chaque jour de ma vie pour qu’il continue de me regarde ainsi.

—Oui ! Je le veux.

C’était simple et sans superflue.

Ce oui aussi simple mais tellement plein de promesses. Je savais que ça n’allait pas être facile, je l’ai toujours su. Mais je savais aussi que je l’aimais et que je voulais bien faire les choses ; je saurais bien faire les choses avec lui. Je ne vais pas tout foutre en l’air, comme avec les précédents.

Le oui de Moctar était pour moi la plus belle preuve d’amour qui puisse exister. Il a fait de moi la femme la plus heureuse ce jour-là. Je me sentais belle, je me sentais reine, parce que j’étais avec un roi. J’étais aimé par un roi.

Je repense à toutes nos années de mariage. Ça n’a pas été le bonheur pur et sans douleur. Ça n’a pas été un conte de fée. Mais qui a dit que je voulais d’un conte de fée ?

Moi je voulais juste être aimé par ce merveilleux homme qu’était mon mari.

Puis je revois nos fils. Orphée mon bébé. Ely. Mon Dieu. Que se passe-t-il ?

Surement que j’ai dû mal entendre ce qu’as dit Yannick et je ferai mieux de lui demander au lieu d’être assise là inerte. Cependant, je n’arrive pas à bouger. J’entends la voix de Nouria, brisée par les sanglots. Fatou qui renifle doucement au-dessus de moi. Elle me caresse le bras et essaie de me réveiller. Yannick qui est encore au téléphone. Que font-ils ?

Mais je ne dors pas. Putain je ne dors pas. Comment pourrais-je dormir dans ces circonstances ?

Il faut que je sois rassurée. Oui rassurée moi.

—Elle bouge Yannick. L’interpella Fatou.

—Martine ? Appela –t – il.

Je veux répondre, mais je n’y arrive pas. Je me sens comme morte à l’intérieur. Il faut que je bouge un doigt, ne serait-ce qu’un doigt. Oui tu le peux Martine m’encouragea ma conscience endolorie.

J’inspire bruyamment. Puis me détend les muscles de l’épaule.

—Que se passe –t – il ? Ais je demandé.

—Martine ! Oh Martine. Il faut que tu sois forte pour toi et tes enfants. Je sais que tu souffres mais…

—Mais quoi ? Fatou qu’est ce qu’il Ya.

Elle ne répond pas et se détourne de moi en pleurant de plus belle. C’est donc vrai ce qu’a dit Yannick.

Moctar est mort. Il est parti et je ne le reverrai plus jamais de ma vie.

—Non c’est faux. Je vous en prie dites-moi que c’est faux.

Je me suis mise à crier comme une folle. Parce que je suis folle de tristesse à l’intérieur de moi. Mon cœur commence à se contracter. Ça fait mal mon Dieu.

N’en pouvant plus, Yannick est sortir de l’appartement pour émettre des appels. Fatou et moi étions encore au salon et Nouria s’est réfugié dans les toilettes. La pauvre vomissait tout ce qu’elle avait dans le ventre.

Ça fait mal.

C’est fou comme c’est douloureux cette sensation de vide dans le cœur.

—Fatou commençais je. Tu es sûr que Yannick ne s’est pas trompé. Je ne sais pas moi, peut-être qu’il a mal entendu, ou même mal compris ce qui se passe. Il faut que ça soit ça… mon cœur ne supporterais pas qu’il soit parti pour toujours. Que vais-je dire à ses enfants ? Je t’en prie Fatou ; aide moi…

Mon amie ne sachant quoi dire, me prends dans ses bras pour me réconforter. Elle a raison de ne pas parler. Que pourrait-elle bien me dire qui pourrait me faire me sentir bien et calmer cette peine qui ne cesse de m’envahir ?

Que s’est-il passé ?

Comment cela est-il arrivé ?

Rester dans l’ignorance est encore pire que tout.

 

**********

Quelques heures plus tard, Yannick revient suivi de Sié et de tonton Kouadio.

La peine se lisait sur le visage de tous. La douleur est sans nom, mais surtout l’incrédulité nous rend encore plus morne.

Sié alla retrouver sa femme dans la chambre, d’où nous entendions maintenant de fort sanglot. Tout ça est tellement irréel que je me surprends à me pincer afin d’être sûr que je ne rêve pas éveiller.

Mais la voix calme et posée de tonton Kouadio me ramené à la dure, mais oh combien triste réalité.

—Mes filles je sais que vous êtes toutes secouées par cette triste nouvelle. Je n’en suis pas en reste pour aussi. La nouvelle m’a tellement chamboulé que j’ai même oublié mon portefeuille à la maison. Et je suis sortie sans rien sur moi comme argent et c’est Yannick même qui a payé la course.

Lui aussi semble encore plus hébété. Moctar était comme un fils pour lui. Alors j’imagine la douleur et la consternation qui doivent être sienne.

—Mais c’est la vie mes enfants. Dit-il en s’asseyant face à nous. Il faut accepter la volonté de Dieu et ne pas se rebeller. Tout arrive pour une raison et je suis tellement désolé pour toute cette histoire. Surtout pour toi Martine, ainsi que tes enfants. Pour vivre ta vie, tu dois être capable de faire trois choses : aimer ce qui est susceptible de mourir, le serrer contre tes os comme si ta vie en dépendait, et quand vient le temps de le laisser s'en aller, laisse le s'en aller. Alors je te demande de ne pas tomber dans l’abime et d’être forte. Je sais que tu souffres car en dépit de tout, Moctar était ton mari et le père de tes enfants. C’est triste ma fille. Mais c’est la vie et nous finiront tous par y passer un jour.

Plus il parlait, et plus je me rendais compte que c’est effectivement fini.

Ça ne devait pas finir comme ça. Non pas comme ça. C’est tellement injuste. J’ai envie de dire à tonton Kouadio que la vie est injuste et qu’elle n’a pas le droit de rendre mes garçons orphelins de père. La vie devait les laisser se retrouver et être heureux ensemble. La vie devait accorder une seconde chance à Moctar de se repentir, mais surtout de prendre conscience de tout ce qui s’est passé entre nous ces dernières années. Et quand je pense à la façon dont nous nous sommes quittés, mes larmes ne peuvent s’empêcher de couler à flot.

Ça fait un mal de chien. Mais c’est la vie comme le dit tonton Kouadio. Et il a surement raison.

—Mon fils, s’adressa-t-il à Yannick ; est ce que la maman de Moctar est informée ?

—Non tonton. Et c’est pour cela que je t’ai appelée. Je ne sais pas comment le lui annoncer sans créer de dégât. Dit-il en se grattant la tête.

—Ok tu as bien fait. Je vais informer les autres membres de la famille. Je prendrais deux autres personnes et ensemble nous irons lui annoncer la nouvelle. Aujourd’hui n’est pas un jour facile. Pour aucun d’entre nous ça ne l’est. Alors soyons fort les uns les autres, afin de nous soutenir les uns les autres. Le mal est déjà fait ; nous ne pouvons qu’accepter la volonté de Dieu et ce sans rechigner.

L’oncle prend les choses assez vite en mains et appelle tous ceux qui doivent être informé. Il précisait à chaque fois que la mère de Moctar n’en savait d’abord rien ; alors il fallait rester discret et ne pas l’appeler pour lui présenter les condoléances.

A mon tour, j’ai appelé mon père pour qu’il informe maman. Je ne cessais de pleurer en pensant à mes bébés. Comment vais-je leur expliquer tout ça ? comprendront –ils ce qui se passe ? Et même si je décide de le leur cacher, que vais-je répondre lorsqu’ils me demanderont d’après leur père ? Surtout Orphée qui l’aimait tellement.

Tout ça est si injuste mon Dieu.

Mes parents sont consternés par la nouvelle. Je les rassure quand ils veulent savoir comment je me porte, je leur mens sur mon état. Je suis toute en plat. Mon moral est en l’air. Fichu comme la batterie d’une voiture. Mais leur dire ça, les inquièteraient et c’est ce que je veux éviter. Qu’ils prennent soins des enfants. Je les tiendrai informer de ce qui sera décidé.

Le plus dur ça été quand ma mère a voulu savoir ce qui s’est passé.

Comment répondre vu que moi-même je n’en sais absolument rien. Jusque-là Yannick ne nous a encore rien dit et j’ai peur de demander. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai un petit espoir que cela ne soit pas vrai. Donc si jamais je lui demande de m’expliquer les détails, cela reviendrait à dire que j’ai accepté la mort de Moctar et pourtant je ne l’accepte pas.

Non je ne peux pas accepter que tout se termine ainsi.

Akabla, qu’as-tu fais à Moctar ? Qu’as-tu fais au père de mes enfants ?

Parce que je sais que tout ça est de la faute de cette femme de malheur. Où qu’elle soit, j’espère qu’elle ne finira jamais de payer tout le mal qu’elle a fait à ma famille.

 

****Quelques heures plus tard****

Nous sommes tous assis dans le salon de maman Justine.

L’ambiance est mortuaire. Lugubre et tellement funèbre que j’ai envie de hurler aux gens de parler.

Qu’ils parlent et qu’ils arrêtent de pleurer et de me regarder avec autant de tristesse. Sinon je vais perdre la tête. Depuis que nous avons quitté chez Nouria, j’ai arrêtée de pleurer. Pas parce que je suis fatiguée de le faire, non. C’est juste que pleurer, reviendrai à accepter la mort de Moctar. Alors je refuse de verser une larme de plus et j’attends qu’on nous dise que c’est surement une erreur.

Yannick est toujours au téléphone avec je ne sais qui. Tout ça me donne de l’espoir. L’espoir fait vivre, alors je le garde avec moi pour ne pas mourir de tristesse.  

Maman Justine n’est pas là. Sa petite protégée a dit qu’elle était allée raccompagner le pasteur et qu’elle ne tarderait pas. J’aimerais tellement bloquer le temps afin qu’elle ne revienne pas. Que va-t-elle faire ?  Comment va-t-elle réagir à cette nouvelle ?

Seigneur, tout ça est tellement sordide et morbide.

C’est vrai que nos rapports n’étaient pas assez cordiaux, mais avec le temps j’ai appris à aimer cette femme. J’ai compris beaucoup de choses. Elle a souffert par le passé et je ne jugeais qu’en apparence. Que ne donnerais je pas pour lui éviter toute la peine qui s’apprête à s’abattre sur elle ?

Puis les phrases de tonton Kouadio me reviennent à l’esprit. C’est la vie et on ne peut, on ne doit que faire avec. On peut supporter n'importe quelle vérité, si destructrice soit-elle, à condition qu'elle tienne lieu de tout, qu'elle compte autant de vitalité que l'espoir auquel elle s'est substituée.

Il a raison l’oncle.

Sa voix me tira de mes pensées.

Elle est là. Mais elle n’a pas l’air tellement surprise de nous voir tous réunis dans son salon. Les yeux hagards et le visage durs. Elle salue puis se dirige vers moi pour me prendre dans ses bras.

Pourquoi fait-elle ça ?

Mon corps se crispe.

Elle accepte sans même avoir espérer. Comment sait-elle ? Et puis que sait-elle ?

—Ça ira ma fille. Dit-elle simplement. Tout ira bien avec le temps ; il est notre allié. Et puis la tristesse passera, elle aussi, comme le bonheur, comme la vie, comme les souvenirs qu’on oublie pour moins souffrir.

Je ne la comprends pas. Je ne veux pas accepter aussi facilement. Mais je me calme. Elle s’assoit à mes côtés et Fatou me serre la main comme pour me dire qu’elle aussi est là avec moi. Nouria quant à elle est couchée dans la chambre da sa mère. Son mari est à son chevet ; elle est encore sous le choc de la nouvelle. Ce dernier ne voulait pas qu’elle nous suive jusque chez sa mère, mais elle s’est entêtée à venir. La douleur comme la joie est mieux quand elle est partagée.

Tonton Kouadio a pris la parole. Il a tellement parlé que j’en ai eu mal à la tête. Tout ça pour nous dire qu’il est mort.

Ma belle-mère ne semblait pas surprise.

Pourquoi ? Je ne saurais le dire.

Elle est restée digne et stoïque. Elle n’a pas versé une seule larme. Comment a-t-elle fait ? Je ne saurai le dire encore une fois. Je ne sais pas l’attitude que j’aurai si jamais l’on venait m’annoncer la disparition d’un de mes garçons. J’en fais des frissons rien que d’y penser. Mais elle est là, le regard perdu. Elle semble loin de nous et surement plus proche de son fils là où il est. Il y a des choses évidentes, elles sont rares mais elles existent et quand on en croise une, il faut soutenir son regard, la voir en face et la saisir, lui faire un baiser sur la bouche et danser avec elle. C’est surement ce qu’elle essaie de faire. Elle essaie d’accepter la mort de Moctar et d’en faire une partie intégrante de sa vie.

Et puis les choses sont allées tellement vite. Tellement vite que j’en ai encore le tournis. Oncle Kouadio est sorti avec les autres hommes. Je ne savais pas où ils partaient et je ne voulais pas le savoir. Yannick quant à lui est revenu au salon ; Nouria s’est réveillé. Et nous étions tous là. C’était des soupirs à n’en point finir. Et pourtant il fallait parler ; il fallait qu’on discute des mesures à prendre afin de procéder à l’enterrement.

Enterrement !

Ce mot est vide de sens et de vie pour moi.

—Maman, s’éleva la voix de Nouria. Elle a tellement pleuré qu’elle arrive à peine à bien parler. J’imagine qu’elle doit avoir les cordes vocales enrayés par tous ces cris.

—Oui ma chérie.

—Il est donc partir ? Moctar nous a quitté ainsi ?

Maman Justine soupira longuement. J’ai vu une larme pointée au coin de ses yeux, puis une autre ; et ce fut maintenant un torrent de larmes qui coulait. Elle a mal ; la douleur de la perte d’un enfant n’est comparable à aucune autre. Elle est pire que la douleur de l’enfantement, car celle-ci est suivie de joie et de vie. Contrairement à celle-là qui vous écorche vif, et vous transperce le cœur comme un glaive. Je ne peux décrire cette douleur, parce que je ne la connais pas. Je l’imagine juste et j’espère imaginer juste. Si elle va au-delà de ce que je pense ou conçoit, alors le cœur de maman Justine doit être en morceau à l’instant T.

—Ma chérie ; ma fille. Ton frère s’en est effectivement allé. Répond-t-elle la voix brisée par les sanglots.

Elle ne pleurait pas fort. Elle pleure profondément. La douleur est ancrée en son âme. Elle lui ravage son cœur de mère.

—Mais comment ? Pourquoi ?

— Que puis-je te répondre mon enfant. Et pourtant je sentais cette séparation. Mon cœur et mon instinct de mère se sont mis en alerte la dernière fois que nous nous sommes vus. Mais il m’a rassuré qu’il reviendra. Qu’il reviendra remettre de l’ordre dans sa vie et les nôtres. J’ai même fais un songe dans lequel il était loin de moi et très triste. Mais je ne faisais que prier car mon cœur ne cessait de battre à chaque fois que je pensais à lui. Puis elle se tourne vers moi et m’explique ce qu’a fait Moctar dans les derniers instants de sa vie.

Je ne savais pas tout ça. Et j’ai encore plus mal pour lui et pour nous.

—Martine, mon fils était redevenu l’homme qu’il était. Celui que tu as connu et que tu as épousé. Nous serions passés te voir et vous auriez parlé pour mettre tout à plat. Je lui ai dit que …. Je lui ai dit que lui pardonnerai à lui ; car à moi tu as tout pardonné…

Elle n’arrivait pas à parler ; les sanglots étaient bien trop forts.

—Il voulait revenir dans vos vies martine. Dans nos vies, devrais-je dire. Termina Nouria. Mon frère a changé et je suis sûre que c’est pour cela que cette femme l’a tuée. Et puis comment est –il mort ?

Sa question nous réveilla tous.

Oui comment est-il mort ? Que s’est-il passé ? Nous nous tournons vers Yannick, qui jusque-là n’avait pas dit un seul mot. Son silence me fait penser que rien de bon ne sortira de sa réponse.

Ce dernier baissa la tête pour fuir nos regards vitreux.

—J’attendais d’avoir plus de courage avant de vous en parler. Parce que jusqu’à présent, j’ai du mal à y croire moi-même.

—Parle mon fils ; qu’as-tu découvert sur la mort de Moctar ? Comment l’as-tu su ?

Il se racle doucement la gorge et fixe un point imaginaire. Sa voix me semble venir de loin, comme s’il parlait depuis l’outre-tombe. Je me sens mal sans savoir la cause de mon mal. L’envie de vomir me prends jusqu’au tripes.

Quelle sinistre histoire !

—Tout c’est tellement invraisemblable que j’ai encore du mal à y croire maman. Après que nous soyons partis de chez toi, avec Moctar, nous avions convenu de nous revoir le surlendemain afin de parler de ce qu’il ya à faire quant à ses affaires. Il voulait arrêter son partenariat avec le marocain pour que nous pussions reprendre lui et moi notre collaboration. Je devais donc entrer en contact avec son assistante et faire d’autres courses dans ce sens. Mais jusqu'à ce jour, je n’avais pas de nouvelles de lui. Son téléphone sonnait sans réponse. J’ai été voir son assistance qui m’a dit ne pas l’avoir vu depuis plusieurs jours déjà. Raisons pour laquelle nous ne sommes pas retournés chez toi pour peaufiner la visite chez Martine. J’étais mort d’inquiétude et je ne savais pas quoi faire. Je ne voulais pas non plus t’inquiéter. Alors j’ai essayé de gérer de mon côté. Avec l’aide d’autres amis, nous avons mené notre enquête pour voir les dernières personnes qu’il a vu ; mais tous étaient unanimes sur un fait, personne ne l’avait vu, nulle part. J’ai été chez lui, cependant la maison était fermée. Il n’y avait personne là-bas. J’ai interrogé les voisins et nous étions sans réponse. Même le monsieur qui gardait la maison avait mystérieusement disparu.

—C’est quoi cette histoire que tu me raconte mon fils ? Il a disparu ou bien il est mort ? Parce que je ne comprends plus rien à tout ça.

—J’en viens maman. Calme-toi s’il te plait. Tout ça n’est pas facile à raconter pour moi ; Moctar c’était plus qu’un ami pour moi et je peux dire que j’ai toujours du mal à croire que je vous parle de lui au passé.

—Il a raison maman. Renchérit Sié. Il faut que tu te calme ; cette histoire n’est facile pour aucun d’entre nous. Mais toi tu dois faire attention à ta tension.

—Au stade où j’en suis, la mort serait une libération pour moi. Murmura-t-elle pour elle-même.

—Ne dis pas une chose pareille maman. Dis-je compatissante. Nous avons encore besoin de toi.

Elle soupire et je serre doucement la main pour lui transmettre le peu d’espoir que j’ai en moi. Et pourtant je me sens tellement vide. Une seule envie, celle de dormir. Ma tête est lourde et mes paupières se ferment toutes seules. Ça fait trop d’informations à gérer à la fois. Moctar qui avait changé sans que je ne le sache ; il voulait me demander pardon et reprendre attache avec ses enfants.

Seigneur ! Pourquoi si tôt ?

—Avec le groupe, nous avons continué de chercher et avons informé plusieurs plateformes de recherches sur les réseaux sociaux. Je ne voulais pas baisser les bras sans avoir eu de ses nouvelles. Et Dieu sait combien de fois j’ai prié pour ne pas me laisser envahir par le pessimisme. Mais le pire dans tout ça, c’est que je ne devais rien dire lorsque tu m’appelais pour demander des nouvelles de Moctar vue que toi non plus tu n’arrivais pas à le joindre. Puis j’ai reçu une lettre anonyme pour m’informer de me rendre au cimetière de Williamsville. Pourquoi au cimetière me suis-je dis ?

Nous commencions tous à pleurer. Tout ce que Yannick dit est tellement difficile à entendre que j’ai envie de fermer les oreilles et m’enfuir loin d’ici.

—Seigneur. Souffla-t-il comme s’il revivait l’atrocité du moment. Le courrier a été laissé au vigile de la boite que je gère. Et ce dernier n’a pas pu me dire qui l’a laissé là. Il m’a juste dit que c’est une femme qui est venu lui remettre ça en lui intimant de me le donner dès que j’arriverai au boulot.

Il déplie la lettre et nous la montre. Elle est froissée et sale. L’écriture est grossière.

« Si tu veux revoir ton ami, tu n’as qu’à te rendre au cimetière de Williamsville. »

Aussi simple que ça.

—J’ai eu peur de comprendre tout ça. Même si au fond j’avoue que je savais ce que cela signifiais. Parce que nous savons tous que cet endroit n’est pas un hôtel, ou encore une résidence où nous pourrions le retrouver vivant. Je m’y suis donc rendu mercredi dans l’après-midi. C’était horrible. J’ai soudoyé le gardien pour lui demander les informations dont j’avais besoin. Il m’a en effet confirmé qu’un corps avait été clandestinement enterré la semaine surpassée. Il m’a dit qu’il pleuvait très fort et qu’ils lui ont remis une forte somme d’argent afin de pouvoir faire leur sale besogne. Il m’a donc emmené à ladite tombe.

Il se tait un instant pour inspirer profondément. Il se donne une nouvelle contenance et continue, plus ému que jamais.

—Ce n’est pas une tombe maman… crois-moi. C’est …. C’est un trou dans lequel ils ont… ils ont jeté le corps de Moctar. Si je m’étais aventuré à creuser juste avec la main, je suis sûr et certain que j’aurai pu toucher…. J’aurai pu toucher son corps.

Un cri de douleur s’échappa de ma gorge. Nouria n’en pouvant plus éclata en sanglot, elle est imitée en cela par Fatou. Ma belle-mère avait toujours le regard perdu. Comme si elle attendait la suite. Moi j’en ai assez entendu. Je n’en peux plus. C’est trop pour mon pauvre cœur.

—J’ai entamé la procédure pour exhumer le corps. Ça n’a pas été facile de le faire en si peu de temps. Mais j’ai pu me faire aider en cela par des personnes qui ont le pouvoir de faire vite décanter certaines situations. Et avec de l’argent on peut bien faire accélérer des procédures dans ce pays. Hier j’ai eu l’autorisation. Ça donc été fait… et…

—Tu l’as donc vu ? C’est bien lui ?  Tu as vu mon fils Moctar, ton ami Moctar… tu l’as bien vue, et c’est lui ?

Yannick ferme les yeux comme si la réponse qu’il donnera viendra à jamais briser le peu d’espoir que nous avions. Pour ma part, je me sens plus morte que vive. J’ai perdu tout espoir que j’avais depuis le début.

—Puisse Dieu soulager nos peines et nos cœurs. Dit-il plus pour lui-même que pour nous.

C’est ce moment que choisi maman Justine pour se mettre à pleurer. Comme si c’est maintenant qu’elle se rend compte de la portée de ce qui se dit.

Il y a beaucoup de façons d’avoir du courage. Ça exige parfois d’offrir sa vie pour quelque chose de plus grand que soi ou pour quelqu’un. D’autres fois, le même but exige de renoncer à tout ce qu’on a connu, à tous ceux qu’on a aimés. Mais pas toujours.
Parfois, le courage, c’est juste de serrer les dents contre la souffrance et de s’efforcer d’avancer au jour le jour, lentement, vers une vie meilleure. C’est aussi d’accepter que la vie ne nous appartient pas et qu’à tout moment celle-ci peut nous être retirée. Un peu comme si un prêt nous a été fait ; le quel prêt qu’il faille absolument retourner au propriétaire. A savoir Dieu ; qui es le seul et le véritable détenteur de nos vies.

Nous venions tous de nous rendre malheureusement compte que Moctar est bel et bien parti et qu’il ne reviendra plus jamais.

Nous n’entendrons plus sa voix.

C’est aussi cela la triste réalité. Accepter et avancer.

 

**** le jour des obsèques****

J'ai toujours voulu jouer la carte de la sincérité. Depuis petite je pense que si on se dévoile, si on fait part de ce qu'on ressent sans omettre les détails importants de l'histoire, on sera forcément entendu. J'avais cette manière de faire comprendre des choses aux gens. Quand certains souhaitent manipuler leur monde par le mensonge et le vice, moi j'essaye de faire comprendre les choses aux gens de la manière la plus simple et la plus saine que je connaisse : l'authenticité. Ce n’est pas toujours facile, bien sûr, et mine de rien il y a certaines personnes qui se banderont les yeux pour ne pas voir cette carte. Passent leur vie à jouer des jokers. Mais au moins, moi je sais où j'en suis dans mes sentiments, mes pensées et mes idées. En tout cas j'essaie, je crois que j'y arrive la plupart du temps. Parfois j'ai l'impression d'être perdue mais de savoir où. Ça rejoint un peu Véga, l'étoile que l'on suit où que l'on aille.

On sait qu'on est là, qu'on existe. Pas besoin de connaître le lieu précis parce qu'on n'est rattaché à rien si ce n'est au monde.

Mais là je ne sais plus de quoi est fait mon monde. Je nage tellement en eau trouble et je crois ne pas être la seule.

 Notre douleur n’a pas de nom. Ça fait un mal de chien d’avoir aussi mal. Mais d’être quand même obligé de sourire à la vie. De faire croire aux gens que tout va bien et de faire semblant d’entendre leur mot de réconfort.

Les gens prétendent te connaître mais s’ils savaient. S’ils savaient que tu ne montres que ce que tu veux. S’ils savaient que tu peux cacher une larme par un sourire. S’ils savaient que tu es capable de donner les meilleurs des conseils mais incapable de les appliquer. Ils pensent te connaître en tant que personne forte, souriante, qui n'a peur de rien et tout le tralala qui va avec. Mais s’ils savaient que tu es forte le jour parce que tu pleures la nuit, que tu es souriante car tu ne veux pas montrer tes douleurs, que tu as peur de tellement de choses que tu ne peux plus les compter. Les gens pensent te connaître mais au final ils ne savent rien. Ils ne connaissent que les conséquences, pas les causes.

Ils ne connaissent que les conséquences de tout ça. Mais savent-ils seulement où et quand cela a commencé.

Je regarde le cercueil de Moctar descendre dans le caveau et j’ai du mal avec cette vision. Comment en est-on arrivé à cet extrême ?

Fatou est là. Heureusement. Maman et papa sont également là. Nous sommes tous là. Mais nous sommes tellement absents en même temps.

Ces derniers jours ont été les pires de ma vie. Je n’ai pas revu mes enfants depuis ; je ne pouvais pas faire semblant devant eux. J’aurais craqué et j’aurai tout balancé. C’est le coup dur de trop.

Nous avons été à la morgue pour voir le corps de Moctar, ou devrais-je dire ce qu’il en restait. C’était horrible à voir ; j’ai vomi toutes mes tripes. Je me suis rendu compte que c’est l’homme avec lequel je me suis marié qui était couché là et ce n’était pas acceptables pour mon cœur. J’ai vite détourné le regard et je suis sorti de là.

Non Moctar, ce n’est pas cette image que je veux garder de toi. Je t’ai connu beau et fort. Je t’ai connu vivant et souriant. Je t’ai connu comme un homme de valeur avec un cœur en or. Mais ce corps qu’on dit être le tien, m’indispose et me rend malade. Je préfère garder cette belle image du jour de notre rencontre et du jour de notre mariage à l’esprit. C’est de ça que je parlerai avec tes enfants. Je parlerai de toi en tant qu’un homme bon, un époux aimant et tendre et un père doux et protecteur.

Après cela, il fallait après gérer la paperasse pour ne pas faire durer l’enterrement. Alors ça été rapide, un peu trop rapide. Comme si on voulait se débarrasser de lui ; comme s’il était devenu du coup indésirable.

Est-ce donc le but de la vie ? Naitre et mourir.

Ce n’est juste pas juste.

Alors après la veillée religieuse et traditionnelle, nous voici en ce samedi matin au cimetière de Williamsville. Sauf que cette fois il aura une plus belle tombe que le trou dans lequel il a été retrouvé. Vivre en homme et être enterré en chien.

C’est juste pathétique.

Après quoi nous sommes retournées chez maman Justine. Cette dernière n’était plus que l’ombre d’elle-même. Un peu comme nous tous d’ailleurs. Elle vient de perdre son seul fils ; Nouria et Sally ont également perdu leur unique frère. Yannick a perdu son meilleur ami. Pareil que leurs différents amis ; ils ont tous perdu un ami, un frère, un collègue, un partenaire d’affaire. Mes enfants ont perdu leur père. Celui qui était censé les guider sur ce chemin périlleux qu’est la vie. Ce sentier inconnu de tous, sur lequel si nous n’avons personne pour nous servir de repère, cela peut s’avérer être dangereux, voir même fatal.

Et moi qui ais je perdu ?

Surement le seul homme que j’ai aimé dans cette vie. Le savoir vivant avec une autre femme était certes dur à digérer. Mais maintenant qu’il n’est plus de ce monde, comment fait-on pour gérer ?

Je sais que je suis déjà en relation avec un autre homme. Mais celui-ci n’est pas Moctar. Il n’occupe pas encore cette place particulière que ce dernier avait dans ma vie. Je sais qu’avec le temps, il aura sa place. Mais je sais aussi que rien ni personne ne prendra la place de Moctar dans ma vie. Il a été mon mari, mon homme. Il m’a aimé en dépit de tout ça et c’est le père de mes bébés. Il m’a fait le plus beau cadeau sur cette terre en faisant de moi une mère.

Je ne pense pas pouvoir l’oublier.

Nous étions assis sur la terrasse de ma belle-mère. Tout le monde est rentré et il ne restait plus que la famille et quelques amis proches. Le pasteur essaie de nous entretien sur la vie du Christ sur cette terre. Il a été torturé par ses ennemis ; mais il avait une mission et devait l’accomplir. Sa destinée qui était de sauver l’humanité par son sacrifice a été possible et ce par le rôle qu’à jouer Judas dans sa vie.

—Judas a eu le beau rôle dans la vie du Christ. Sans lui la prophétie n’aura pas lieu d’être. Il a vécu pour un but. Alors comme le Christ, nous vivons tous pour atteindre un but et à chacun d’entre nous de savoir qu’elle est le but de sa vie. Pourquoi es-tu sur cette terre des hommes ? Pose-toi la question du plus profond de ton cœur. Je sais qu’il arrive des moments où tu mets tout en doutes, et ce même ta foi. C’est la vie et Dieu est Clément, il nous comprend. Il te comprend quand tu doutes souvent de sa présence dans ta vie, mais laisse-moi te dire qu’il est là avec toi. Dans les bons comme les mauvais moments de ta vie. Il est Omniscient. Alors ait la foi en Lui. Perds tout, mais garde-la et ne laisse personne te la voler. Pas même la douleur de la mort d’un être cher et la peur des lendemains incertains. Car elle représente la petite lucarne, la minuscule ouverture qui éclaire l’antre de ton angoisse. Elle représente la délivrance, la voie de la liberté. Elle doit t’apprendre à vivre ou t’apprendre à mourir. Que sa main ferme et gracieuse devait se poser sur ton cœur glacé, pour qu’au contact de la vie il s’épanouit ou tombât en cendres. La prière découle de la foi. Et l’humilité découle de la prière. Tout est lié, rien n’est fait au hasard. Rien n’est fait pour de la décoration inutile. Tout ce que fait ou crée ton Seigneur a ou aura un sens dans ta

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