L'inconnu

Write by Farida IB


Cynthia CLARK…


Austine (sur le pas de la porte) : Wow !! Je n’ai pas souvenir que tu m’aies parlé d’un projet de bâtir une serre.


Elle fait allusion au parterre de roses que m’a fait livrer, Joe ce matin.


Moi : il ne manque plus que je me lance dans le jardinage si je dois y ajouter celles au bureau.


Austine (ton badin) : je crois qu’il est grand temps que je prenne le dossier de ce Joe au sérieux au risque de te laisser filer le Jackpot. 


Elle se met à farfouiller partout à la recherche d'on ne sait quoi puis en ressort un bout de papier qu’elle se met à lire le sourire scotché aux lèvres.


Austine : tiens, il t’invite pour votre troisième rendez-vous (marquant une pause) euh, un troisième rendez-vous ? Les deux autres ont eu lieu quand ça ?


Moi (faisant mine de rien): on est sortie une ou deux fois là, tu devais être chez Emmanuel (son fiancé).


Austine (l’air stupéfait) : pardon !? Tu sors avec cet homme en cachette ? Et tu n’as même pas pensé à me le dire à moi ta sœur, Cynthia, tu étais la première que j’ai appelé lorsque j’ai perdu ma virginité et idem pour mes fiançailles.


Moi (me confondant en excuse) : ce n'est pas le cas chou, tu es trop submergée dans l’organisation de ton mariage pour que j’en rajoute.


Austine : non non non, ce n’est pas une raison ça. J’aurai toujours du temps pour toi même si je suis dans le gouffre total. Et ça parce que depuis toujours, nous avons été là l’une pour l’autre. 


Moi : et voilà que tu me prends par les sentiments, c’était des sorties de rien du tout, je t’assure. 


Austine : j’ai plutôt l’impression que tu cherches à me le cacher, et je suis prête à parier que c’est à cause de sa pelure.


Moi (ton réprobateur) : mais non ! D’où sors-tu une pareille réflexion ? Je ne veux juste pas précipiter les choses.


Austine : d’accord, je veux bien te croire pour l’instant, mais tu vas devoir me le présenter. Il faut qu’il sache que tu as une amie, une sœur et une maman capable de le ramener vite fait à l’ordre une fois qu’il penserait à déconner.


Moi (soupir exaspéré) : Aus, il n’y a rien entre nous. J’accepte ses rendez-vous juste parce que tu me l’avais demandé, et même obligée à le faire.


Austine (sourire malicieux) : et dis moi que ça te déplaît de te faire livrer des fleurs, d’aller manger gratis et que sais-je encore?


Moi (la petite voix) : c’est vrai qu’il est de charmante compagnie.


Austine : si je me réfère à ton dico personnel des mots c’est que tu commences à l’apprécier.


Je me contente de sourire étant convaincue qu’elle ne s’en arrêtera pas là.


 Joe est un homme vraiment remarquable, outre son albinisme, il est génial en plus d’être un excellent cuisinier. Notre premier rendez-vous avait eu chez lui, j’avais tellement pris plaisir à savourer son escalope de poulet panée au fromage qu’au second rendez-vous, je n’ai pas rechigné à le revoir. 


Mon seul problème, c’est que l’on nous voit ensemble, Austine avait raison toute à l’heure de le dire. Loin de moi l'idée de vouloir le stigmatiser, j’ai plutôt peur pour lui. Que la société en fasse un cliché parce que je suis beaucoup médiatisée (soupir), on ne le verrait pas comme mon homme, mais comme l’Albinos qui sort avec la célèbre Cynthia Clark. J'avoue qu’avec lui, je suis tout le temps dans les nuages, il s’y prend tellement bien que je me surprends à espérer ses textos les matins comme les soirs. Je veux lui donner une chance, je veux nous donner une chance, cependant je n’ai pas envie que l’homme avec qui je veuille faire ma vie sois la risée de tout le monde. C'est juste plus fort que moi.


Austine (me sortant des vapes) : allô, allô la terre ! (ton sarcastique) Arrête de sourire bêtement ma petite. S’il te fait autant de l’effet, libre à toi de te donner la chance de sortir avec lui puisque visiblement, cet homme est fou de toi !


Moi (passant devant elle) : toi arrête de délirer !


Austine : en tout cas quand ça va pourrir ça va sentir !


Moi (répondant à son sourire moqueur) : tu attendras longtemps donc !

*

*

Axel BENAN…


Tout au long du discours de papa, je ne quittais pas maman des yeux. Elle était émue aux larmes, tout comme nous tous. Personne ne s’entendait à une telle initiative venant de papa, une surprise qui était plutôt réservée à maman qu’à moi pour leur noce de perle. Le vieux a bien préparé son coup lol, je ne savais pas qu’il pouvait se montrer aussi prévenant. Ça me réjouit de voir qu’après trente années de vie commune, ils tiennent toujours autant l’un à l’autre. Et moi qui ai toujours pensé qu'il ne l'aimait pas maman, aujourd'hui il nous a prouvé qu'il y a mille manières d'exprimer son amour.


La fête était vraiment riche en émotion, il fallait voir les femmes là pleurer ici (rire). En ce moment, tout le monde est sur la piste en train de bouger sur un compil des années 80/90, les musiques d’à l’époque quoi krkrkr. Tout ça était intéressant hein, mais vous convenez avec moi que je dois pallier à deux années d’abstinence. Pas que je veuille me jouer de votre intelligence, mais pour moi l’infidélité c’est d’en aimer une autre à part ma Rachelle, ce qui est farouchement impossible. 


Je libère les mains de ma cousine avec qui je dansais pour prendre celles de ma chérie qui ″salsait″ avec mon frère.


Moi (à John) : excuse moi, je vais t'emprunter ma chouquette. Nous avons des choses à nous dire.


Il me lance un regard entendu puid secoue positivement la tête. Rachelle me suit docilement avant de pincer ma fesse gauche une fois dans l’intimité de ma chambre.


Rachelle (l’air gêné) : ça ne pouvait pas attendre la fin de la fête ? Actuellement, tout le monde nous imagine en train de faire des galipettes ici.


 Moi (fouillant dans sa robe) : il faut vraiment qu’on parle, depuis mon arrivée, nous n’avons pas eu une seule seconde à nous.


Rachelle : oui, c’est ça ! Et dire que tu n’as pas daigné me prévenir que tu venais.


Moi (la voix émoustillée) : je voulais te faire une surprise.


Rachelle riant : désolée de te le dire, mais Seydou (un ami d’enfance) m’a refilé ton secret contre deux plats de Tchiebou dieun krkrkr…


Moi : le traître ! Je vois qu’il t’a donné des ailes pour me défier.


Rachelle (caressant ma joue) : il m’avait plutôt donné de quoi cogiter, je comptais tellement les jours mon amour. J’avais trop hâte de te revoir que les jours pour moi semblaient comme des années.


Moi : je l’étais tout autant, mais tu sais quoi ? Nous avons tout le temps de bavarder, il faut que…


Rachelle (me coupant) : Axel, je suis de service, ta mère dois me chercher partout.


Moi : ça peut attendre non ? 


Rachelle catégorique : non, je promets de rester dormir. Nous aurons tout le temps de nous cacher sous la couette comme avant.


Moi souriant : en tenue d’Eve ?


Rachelle : oh oui !


Moi : je commence à avoir sommeil et si on le faisait maintenant ?


Rachelle (sur un ton de reproche) : Axel !!!


Moi : je t’attends ici dans une heure pas plus !


Elle sort de la chambre après m’avoir longuement embrassé, je me débarrasse aussitôt de mon costume et me décide à prendre un bain lorsque je remarque son portable sur le montant du lit. L’idée me vient de farfouiller là-dedans alors que j’hésite un moment. Je voulais m’éviter la peine d’y voir quelque chose qui me désenchanterait, mais la curiosité emporta le dessus.   


 *

*

Annick ANJO…


Je sors à peine  de Bénin taxi qu’un ventripemère me lance des regards qui en disent long sur sa pensée. J’aurais bien aimé éplucher ce pigeon, mais j’ai un avion à prendre et il n’est pas question que je rate mon vol pour peut être des miettes. Dans notre métier, nous ne faisons jamais de l’à peu près pour la simple raison que l’entretien du gésier et du corps nous coûte la peau des fesses. 


Je pénètre le hall de l’aéroport international Bernardin Gantin en même temps que le vol 601 en direction de Lomé est annoncé. Je jubilais intérieurement d’arriver à temps pour embarquer sans avoir à perdre une minute de plus. C’est sur cette note que je remplis les formalités et prends place dans l’avion un instante après. Je soupire d’aise une fois que l’avion décolle avant de me mettre à lire un magasine de mode. 


Je me suis offert un congé d’un mois à Lomé, le seul lieu où j’ai pris l’habitude de me ressourcer depuis que j’ai commencé ce boulot de ″gérante de Biz″. Là-bas, je me faisais toujours discrète, je peux être une fille ordinaire sans être tenaillée par la crainte d’être reconnue. Je passe toujours mon temps à visiter çà et là, à me relaxer au bord des plages et piscines, des soirées anodines par-ci par-là. En résumé, à Lomé, je peux enfin être moi et surtout que cela me permet de rappliquer aussi rapidement que possible lorsque les affaires me réclament.


« c’est votre première fois d'aller à Lomé ? »


C’était la voix du monsieur assis à mes côtés qui venait de retentir.


Moi (me tournant vers lui) : ma cinquième fois précisément.


Lui : ah, d’accord, excusez-moi, je ne me suis pas présenté. Vous étiez plongé dans la lecture donc je ne voulais pas déranger. Moi c’est Emmanuel OSSENI.


Moi : Annick ANJO, enchantée de faire votre connaissance.


Emmanuel : tout le plaisir est pour moi belle demoiselle, je suis Togolais en fait. Je viens de Genève où j’étais parti suivre une formation, notre avion a fait escale à Cotonou.


Moi : je vois, moi, je suis Béninoise et je vais à Lomé pour affaires.


Heureusement qu’il n’avait pas cherché à avoir une précision sur ces affaires autrement, je serai en panne de réflexion tellement, je suis occupée à fixer son visage d’ange. Pendant qu’on parle, je lui jette des coups d’œil au coin de l’œil et j’apprécie plutôt ce que j’ai à côté de moi. Ce n’est pas un genre à en faire un client, mais plutôt à garder soigneusement sous ses ailes. En sus, monsieur travaille pour l’entreprise familiale qui fait dans le BTP, il n’y a qu’à voir sa parure pour avoir une idée de son standard et du nombre de 0 dans son compte en banque. J’ai beaucoup appris sur lui et surtout qu’il est fiancé et qu’il se marie dans moins d’un mois. C’est bien dommage pour moi n’est-ce pas ? Et bah tant mieux, de toute façon je ne suis pas encore portée sur les questions de mariage. 


L’atterrissage à Lomé fut sans encombre, j’accomplis les dernières formalités avant de récupérer mon trolley direction le Radisson Blue hôtel où je loge à chacune de mes apparitions à Lomé. Autant vous dire que mon beau voisin de toute à l’heure s’est comme par magie volatilisé dans la nature dès notre descente de l’avion.



****


Mon séjour à Lomé se passe au top, ça fait déjà deux semaines que je suis là et je passe mon temps dans les centres de relaxations et les soirées huppées. En ce moment, je suis couchée dans mon lit d’hôtel me demandant comment j’allais occuper ma journée. Je pense bien au bal masqué du club 54 et pour ça il faut que je me trouve un masque alors que je n’ai nullement l’envie de mettre un pied au-dehors.


Je passe les trente minutes suivant à prendre des nouvelles de mes associées à Cotonou avant de me décider à y aller. Une fois douchée, je mis une robe crème et prune qui moule ma forme, après un léger maquillage, je prends mon sac Fendi puis descends par l’ascenseur avant de solliciter une voiture pour mon déplacement à la réception. Un quart d’heure plus tard, je fus conduite dans un magasin de luxe sur l'avenue de la libération  où toutes sortes de chapeaux et de masques étaient délicatement posés sur des étagères. Je choisis un masque noir fait entièrement à base de plumes, assez imposant.Une fois mon achat réglé, je ressors de la boutique et pendant que j’avance vers le chauffeur, j’aperçois une silhouette qui me dit vaguement beaucoup de choses. Je ne m’étais pas trompée, c’est bien lui, gueule d’ange, yeux clairs.



Emmanuel (pendant qu’on se fait la bise) : décidément, le destin se joue de nous.


Moi (souriant ravie) : vraiment, je vous ai perdu de vue à l’aéroport la fois passée.


Emmanuel : moi de même, mais que faites-vous par ici ? Ah, je vois les courses, ça ne vous épuise jamais donc !


Moi : c’est pareil pour le football.


Emmanuel : ah, là, vous marquez un point ! Si ça ne vous dérange pas trop nous pouvons nous échanger les contacts, ma fiancée se fera une joie de vous faire visiter le pays.


Moi : d’accord pas de souci !


Nous nous échangeons les numéros puis chacun parti de son côté.




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