Mission

Write by Saria


***Aéroport International Thomas Sankara – Ouagadougou, Burkina Faso***

***Lucien***

Quand la petite m’a dit que la phase deux était bouclée, j’ai eu envie de lui décerner un Oscar. En effet, même si je connais la capacité de manipulation de La Fouine, j’ai douté de celle de Chérifa. Je remarque qu’avec son père aussi, c’est passé comme lettre à la poste. En tout cas, je plains son futur mari. Il faudra que je pense à avoir une vraie conversation avec elle. Là, je les attends pour les conduire à la Villa Oasis de Wemtenga. Elle a retardé son retour d’une semaine pour pouvoir venir avec Selma, je ne sais pas si c’est pour être sûre que l’autre ne change pas d’avis.

En ce début d’après-midi chaud, c’est d’abord la frimousse de Chérifa que je vois, puis celle de Selma. Je vais à leur rencontre. Ah il faut que je me souvienne bien de dire ma puce pour ne pas dire Chérifa au lieu d’Audrey, bref pour ne pas me planter.

Moi : Coucou ma belle, bienvenue aux pays des Hommes intègres !

Selma : Lulu, comment vas-tu ?

Moi : Super bien ! Tu as bonne mine ma chérie !

Selma : Merci… Toi aussi !

Moi : J’espère que ma tête de mule-là ne t’a pas trop fatiguée dèh !

Audrey : Ayi tonton ! Je suis là hein, faut pas mal parler de moi.

Nous arrivons rapidement à la villa, la circulation n’était pas dense du tout et puis il y a quand-même l’expert au volant !

La maison est calme ; normal, il n’y a personne : Loubna est allée au marché pour faire des courses, Kader lui, rentre d’ici quelques heures et Yacine doit être chez des copains. Du coup, c’est tranquillement qu’on installe Selma dans la chambre qui lui a été réservée… Près de celle de qui vous savez. Ce n’est pas moi qui ai réglé les détails.

 

***Un peu plus tard***

***Selma***

Je me réveille d’une longue sieste, heureusement que j’ai appelé les parents et Tim avant de sombrer. Là, j’explore ma chambre et elle est juste waouh. Dans des tons pastels, meublée sobrement mais avec du bois de grande qualité. J’ai une grande salle de bain avec des installations modernes. On sent que cela a été refait il n’y a pas longtemps. A part le lit, les armoires immenses encastrées dans le mur, j’ai une commode et un bureau. Bref, lumineux et spacieux. Je me lave assez rapidement et choisis une robe dans un tissu wax léger. La coupe est simple et s’arrête aux genoux. Avec la chaleur ambiante, je me fais quatre couettes sur la tête. Mon crayon, mon eye-liner et un gloss nude. Je me regarde dans la glace, plutôt satisfaite de mon apparence.

Je sors de ma chambre et descends les escaliers : la maison comprend un rez-de-chaussée plus un. Mes pas me guident vers une porte entrouverte sur ma droite. Ça ressemble bien à un espace de travail… On dirait un bureau… Je ne veux pas commettre d’indiscrétion, au moment où je m’apprête à rebrousser chemin, une voix claque dans mon dos.

- Que fais-tu là ?!

Seigneur, pitié ! Cette voix ! Je me retourne lentement dans l’espoir de ne pas voir ce que je craignais : Kader se dresse de sa haute taille devant moi. Dieu qu'il est beau ! Il est resté tel que dans mon souvenir.

Kader (sèchement) : Je viens de te poser une question !

Je suis  comme pétrifiée, incapable de proférer un son. Au moment où je me dis qu'il va bien falloir dire quelque chose. J’entends :

- C’est mon invitée.

C’est la voix d’Audrey, j'entends ses pas descendre les escaliers. Elle se positionne à l’entrée du bureau.

Kader (rugissant) : Pardon ?!!!

Audrey : C’est la tata qui m'a hébergée à Cotonou et que tu as promis d’héberger en retour.

 

Kader et moi en même temps :

Kader : Cotonou ? Tu étais censée être à Lomé !

Moi (choquée) : C’est ta fille ?

Audrey (se tournant vers moi) : Oui je suis Chérifa Audrey Sidibé.

Moi (secouant la tête) : Non… Non, c'est une blague… Tu es Audrey Bah, la nièce de Lucien !

Audrey : Désolée tatie… Si je t'avais dit qui je suis… Jamais tu ne m’aurais laissée t’approcher…

Pour moi c'en est trop… J’en ai trop entendu. Je sors de là en courant. J'arrive dans ma chambre et j'ouvre les armoires. Heureusement que je n’ai pas encore défait toutes mes valises. Je commence à ranger mes quelques affaires qui traînent. Je suis tellement obnubilée par mes émotions que je ne réalise pas que quelqu’un est entré après moi.

Audrey : Alors comme ça tu veux t’enfuir ! Tu vas t'en aller ?!

Moi (criant) : Tu m'as bernée !

Audrey : Malgré moi, tatie ! Tu sais pourquoi je suis venue à toi ? Mon père… Mon père, les rares fois… Où il a abordé son drame... ce par quoi il est passé… Il a toujours dit que c’est grâce à une jeune femme… Cette femme qui l’a sauvé est la femme la plus brave, la plus courageuse, la plus généreuse et la plus entêtée qu'il connaisse. Ton amour l'a sauvé !

Moi (en larmes) : Audrey… C’était il y a longtemps… Dans une autre vie !

Audrey : Non ! Tu l'aimes encore ! Tu chéris ce que vous avez partagé. Mon papa a besoin de toi. Il s’occupe des autres qui ne pensent qu’à lui nuire… Il a des aventures sans lendemain mais ça le fragilise vu son statut… Moi je grandis, bientôt je me marierai… Mon papa mérite une femme comme toi ! Tu l’as aimé quand il n'avait rien et ne se souvenait de rien, tu peux lui apporter beaucoup aujourd’hui !

Moi (dépassée) : Mais j’ai également mis un gros mensonge entre nous ! Il me déteste ! Et puis… Mettre les gens ensemble… ça ne se commande pas ! Ça ne se fait pas !

Audrey : C’est la première fois en dix-neuf ans que je vois mon père se décomposer comme il y a un instant… Votre histoire n’est pas finie… Tatie… Il se cache… Crois-moi ! Si tu es aussi brave qu'il le dit, tu ne dois pas partir ! Essaie au moins !

Je me contente de secouer la tête. Je suis dans la maison de Kader !!! Chez Kader ! J’ai hébergé sa fille pendant trois mois ! C’est tout ce que je peux retenir.

Audrey (suppliante) : Tatie pitié… Ne pars pas !

Moi (d’une voix atone) : Il était malheureux… Il faisait des cauchemars terribles… Il passait des nuits blanches parce qu’il ne savait pas qui il était. Je l’ai soutenu, consolé. Mais jamais je ne me suis jamais demandé comment je réagirais si j’étais confrontée à son passé…

Audrey : Tatie…

Moi : Tim était sur le coup. Il m’a passé l’information, nous étions déjà ici, au Burkina… J’ai effacé le fichier, Audrey ! Le fichier qui pouvait lui permettre de vous retrouver… Je l’ai effacé ! Je n’avais jamais été aussi heureuse de ma vie… Je voulais le garder encore un peu… Me préparer psychologiquement à la séparation définitive… J’ai tout gâché !!! Tu vas me détester, je t’ai privé de ton père !

Audrey : Tatie… Avant que papa ne te pardonne, il faut que tu te pardonnes à toi-même ! J’ai l’impression que tu t’en veux pour l’acte et que tu t’en veux de ses conséquences ! Je trouve que tu as été assez punie.

Moi : …

Audrey : Si tu estimes que tu veux rattraper quelque chose pour mon frère et moi… Reste !

 

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