Nouvelle 7 : Avortement (Part 1)
Write by Saria
***Cotonou-Bénin***
***Gbégamey-Dans une cour commune***
***Sadissou***
J’arrête mon réveil et me mets sur mon séant. Hier la machine, mon corps en l’occurrence a dit stop. Je travaillais énormément ces derniers temps, ce sont les fêtes de fin d’année et au garage, c’est la folie ; à croire que tout le monde s’est donné le mot pour ramener sa voiture. Donnez-moi quelques minutes pour que je vous revienne après la prière.
***Quelques minutes plus tard***
Voilà je suis Sadissou Baba Moussa, j’ai 28 ans. Je suis mécanicien et chef d’équipe à CFAO Motors. Je suis tombé dans la mécanique depuis mon jeune âge : mon beau-père qui m’a élevé exerçait ce métier. Aussi longtemps que remonte mes souvenirs, j’ai toujours eu les mains dans le cambouis. C’est ce qui peut-être, renforce mon teint noir foncé. Lol. Après mon Bac technique au Lycée Coulibaly de Cotonou, j’ai fait du génie Mécanique et Productique à l’IUT de Lokossa[1].
Je gagnais plutôt bien ma vie mais compte-tenu de mes charges, je vis de façon modeste : je suis l’aîné d’une famille de huit enfants et je suis le seul garçon. Mon père est décédé avant ma naissance. Lorsque ma mère s’est remariée six ans après, mon beau-père a tenu à ce que je vienne vivre avec eux au lieu de rester avec Naana[2] la tante de maman.
Aujourd’hui, les parents étaient vieux donc je subvenais à leurs besoins, tout en scolarisant mes sœurs : Souni, 21 ans est en L3 gestion dans une université privée ; Alima, 20 ans, ou Matou ma « chérie spéciale » qui est en droit ; Soraya 18 ans, qui venait d’avoir le Bac avec mention Bien ; Rouka, Mounalisa, Irfane les triplées de 16 ans qui sont en classe de première au Cours Secondaire Notre Dame des Apôtres ; et Benazir mon bébé de 10 ans qui vient d’entrer en sixième dans le même collège que ses aînées.
C’était lourd à porter mais pour rien au monde je n’en échangerais aucune contre tout l’or du monde. Elles sont mon univers, ma vie. Bon assez parlé, je me prépare pour ma journée, en plus j’ai promis déposé les quatre dernières au collège ce matin.
En sortant de la douche, je
remarque que mon téléphone sonne c’est Cécile… Ma petite amie. Je ne vous ai
pas parlé d’elle, pas pour vous la cacher non. Juste que c’est compliqué entre
nous… Surtout en ce moment...Je vous expliquerai plus tard.
***En milieu de journée***
***Quelque part dans Cotonou***
***Cécile***
Coucou par ici, moi c’est Cécile Hounguè, appelez-moi Cécé si vous voulez. J’ai 30 ans et je suis inspecteur du travail. Je sors depuis trois ans environ avec Sadissou. Je l’ai rencontré à un moment où j’avais besoin d’un homme dans ma vie. Sadissou est, comment dire… tout sauf l’homme dont je rêve : il est brut, pas stylé quoi, il est mécanicien alors jusqu’ici on va dire que je volais dans un autre niveau, les ministres, DG, ambassadeurs. Le problème avec cette catégorie, ils étaient bien établis dans leur vie avec leurs femmes, et ne veulent surtout pas de scandale. J’en avais marre d’être la femme de l’ombre, je voulais mon homme à moi. L’autre handicap de Dissou (comme j’aime à l’appeler, ah oui je trouve les diminutifs stylés et chics), c’est sa famille nombreuse. On dirait que sa mère a voulu peuplé la terre. Ah ! Sept sœurs, vous vous imaginez ? Sept belles-sœurs pour le jour où je me déciderai à l’épouser. N’importe quoi, quoique pour lui nous sommes déjà mariés, monsieur me parle bébé.
Du coup, je suis devenue adepte de la pilule du lendemain ; mieux, toutes les fois où j’ai réalisé que j’étais enceinte je m’en étais débarrassé vite fait et bien fait. Oh, j’espère toujours rencontrer un homme d’un certain rang social et si ce jour arrive je ne vais pas m’encombrer d’une grossesse encore moins d’un rejeton ! Non !
Comme nul ne connais ni le jour, ni l’heure… Pour rencontrer l’homme de ma vie, je suis tout le temps yêrê[3]. Ah, qui est fou ? Mais tout ça, c’est un budget conséquent.
Pour mon chéri, c’est que j’ai des problèmes de conception et il voudrait qu’on aille voir un spécialiste. C’est la pomme de discorde entre nous. Mais je ne veux pas d’embrouille avec lui. Hum, Dissou n’est pas le genre de mec qu’on boude. Il est beau comme un Dieu, tout en muscles. Sans être très grand, il était bien bâti, très beau, noir. Eh… Tenez-vous tranquille il est… Hum au pieu… Jamais aucun homme ne m’a tenue aussi bien au lit, Dieu sait comme je suis exigeante. Donc j’essaye de la jouer en finesse, sauf qu’il commence à montrer des signes d’impatience aussi bien pour le bébé que pour la fréquentation de sa famille. Sur le dernier point, je sors la carte de la timidité et ça marche.
Je regarde ma montre, il est l’heure de mon coup de peigne hebdomadaire chez Elodie. Je prends ma voiture direction Sainte Rita.
***Sainte-Rita***
***Au salon de coiffure***
***Saria***
Je venais voir ce que Tata Elodie pouvait faire de ma tignasse… Pour cause ma mère m’a mise en demeure de trouver une solution ou elle me coupe les cheveux. Eh oui ! Votre copine est à Cotonou depuis trois jours et elle régente déjà ma vie.
Ces temps-ci je me traîne un peu, fatiguée alors que je dors énormément en ce moment. Hum va comprendre quelque chose. Comme d’habitude, Elodie et moi discutions gaiement. Dans deux semaines je commençais un boulot… Sourire, je vous avais dit que je trouverais par moi-même non ? J’ai été recruté comme chef produit dans une entreprise d’agroalimentaire. Le salaire est intéressant, c’est l’une des raisons pour lesquelles Mamouchka est là. Elle voulait me bénir pour ma nouvelle vie.
« Coucou ! »
Elodie: Hey Cécé! La go sûre!
Cécé : Ah toi quand tu commences comme ça, c’est que tu t’apprêtes à me plumer !
Elodie : Oh mauvaise langue ! Je suis heureuse de te voir, toujours aussi fraiche !
Cécé (s’adressant à moi) : Bonjour tata
Moi : Oui bonjour ; comment allez-vous ?
Cécé : Bien merci.
C’est la deuxième fois qu’on se croise au salon. A chaque fois je me sens pouilleuse, tellement la go est fraîche, on dirait qu’elle sort tout droit d’un magazine de mode. Jamais une mèche de travers… Rien !
Elodie : Bon Saria, je te commence tes soins pendant que ça prend, je m’occupe de Cécile.
Dès qu’elle ouvre la boîte du mélange qu’elle avait préparé et laisser reposer je sens mon ventre se retourner. Hum ce truc sur ma tête comment je gère.
Moi : Tu as mis quoi
aujourd’hui dans le mélange cette fois-ci ? ça sent fort!
Elodie : Juste comme d’habitude… Attends, tu en fais une tête !
Moi : Je ne me sens pas bien… J’ai le ventre barbouillé
Elodie : Si je ne te connaissais pas je dirais que tu es enceinte.
Moi : Lol… Toi tu veux ma mort hein !
Cécile : Plus rien n’est
forcé de nos jours, ma belle. Même si tu es dans le cas tu n’es pas obligée de
garder...Une bonne petite décoction de plantes et c'est réglé!
Moi : Faut laisser Elodie dans son délire… Moi je ne suis pas enceinte
***Un peu plus tard***
***Chez Les Akplogan***
J’arrive, la maison était
silencieuse, probablement les parents faisaient la sieste. Heureusement que
j’ai pensé à prendre mes clés. Mathys allait trainer dans une réunion ;
moi je suis venue un peu plus tôt avec des provisions, je vais lui faire de la
salade ; au moins l’odeur ne m’indisposera pas. Je pose mon panier à la
cuisine et regarde ma montre ; si je veux dormir un peu avant le retour de
mon chéri il faut que je me dépêche. Je commence à m'activer lorsque...
« Servez-moi un peu d’eau s’il vous plaît, je suis dans la chambre de monsieur Mathys »
Je me retourne juste à temps pour voir une silhouette fine passée la porte… Cette fille ! Je l’avais déjà vu au bureau de mon homme dans une position bizarre ! Mais bon, je n’ai pas voulu faire d’histoires. Je regarde dans mon dos pour voir si c’est vraiment à moi Saria qu’elle parlait. Puis l’information qu’elle a donnée arrive à mon cerveau… La chambre de Monsieur Mathys ?! Comment ça ? Vous-même vous connaissez mon histoire avec les chambres à coucher… Je n’ai aucune envie d’arriver là-bas et créer mon propre malheur !
En même temps s’il y a quelque chose, il faut que je sache et que j’en aie le cœur net. Je prends une carafe et un verre, le tout sur un plateau. Je le pose au salon qui est le plus près de la chambre de « MONSIEUR Mathys ».
J’entends des pas et mon cœur bat fort, tchoo Seigneur et si je partais et je faisais comme si de rien n’était ?
« Ah vous voilà ! Je croyais que vous fabriquiez le frigo et la bouteille qui allaient conserver l’eau que j’ai demandée ? »
Elle est juste incroyable cette fille...On a été présenté et pourtant elle fait semblant de ne pas me reconnaître. Parfait je vais lui montrer ma sauvagerie aussi.
Mathys : Sophiath, je… Saria ?!!
Vous avez entendu non les tatas, il n’a pas dit chérie maintenant hein. Il a oublié la centaine de petits noms qu’il me donne. Qu’à cela ne tienne ! Je m’avance avec la carafe et le verre dans les mains ; avant qu’elle ne comprenne ce qui lui arrive, je déverse le contenu sur sa tête, dépose l’ustensile sur la table la plus proche et file. Dieu merci je tombe sur un zem[4] et je monte. J’étais glacée, j’avais froid de l’intérieur. En arrivant à la maison, je réalise que je n’ai pas mon sac, je sonne et c’est ma mère qui vient ouvrir. Je lui demande de payer ma course, que je ne me sens pas bien. Je claquais des dents en me mettant au lit.
***Au même moment à Cotonou***
***Sadissou***
Je venais d’arriver chez ma mère ; ce matin elle dormait quand je suis venue chercher les filles. Dès qu’elle me voit son regard s’illumine.
Maman : Hey mon rayon de soleil est là !
Mounalisa : Ah! Vous nous fatiguez dans cette maison !
Moi : Maman fait attention à toi, tu vois que les sorcières ne sont pas loin et tu dis des choses comme ça ?
Mounalisa : Bêrê[5] !!! Ok, ne me demande plus aucun service dans cette maison. Ta lessive on verra qui la fera.
Maman : Oh mon fils va se trouver une femme.
Aïe ! On vient d’aborder le sujet qui fâche. Elle me demande inlassablement quand est-ce que tu te marie ? Quand est-ce que je lui donnerai des petits-enfants.
« Tant que mon dos est encore solide mon garçon ! »
A vrai dire le courant n’était pas passé avec Cécile mais connaissant ma mère, elle aurait accepté mon choix par amour pour moi si ma chérie de son côté fait un effort..Mais elle est si timide et capricieuse!. C’est vrai que je n’ai pas beaucoup de moyens : fonder une famille équivaut à augmenter mes charges mais je suis travailleur. Voilà que toutes les fois qu’on parle mariage, Cécile danse le tango. Je ne sais pas ce qu’elle a, cette fille. Pourtant je connais un rayon sur les femmes puisque j’en ai huit dans ma vie !
Je sais qu’elle a perdu quatre grossesses, c’était des embryons mais moi j’en souffrais énormément, elle aussi d’ailleurs. On passait une phase de dépression à chaque fois. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis venu en parler à ma mère, si elle peut nous aider avec des recettes de grand-mères.
Je reste deux heures avec elle histoire de vider mon sac. Maman a promis contacter quelqu'un au village. Il sonnait dans les vingt heures quand j’arrive chez ma dulcinée. Je gare ma voiture au bas de son immeuble. Sourire, ma chérie vivait en plein centre-ville, Fidjrossè pavés. Elle y loue un trois pièces chics.
C’est aussi un peu chez moi puisque je participe au loyer, à défaut de le prendre intégralement en charge. Je sonne et elle vient m’ouvrir… Cette femme est un plaisir pour les yeux. Menue, avec un joli teint bronzé, ce soir elle portait une robe courte en batik. Je l’embrasse et elle répond à mon baiser. Ce soir j’étais d’humeur coquine… Hum vous suivez mon regard, je crois que je vais passer la nuit ici.
Moi : Bonsoir bébé
Cécé : Bonsoir Doudou. Ta journée ?
Moi : Grosse et fatigante… Maman t’envoie ses salutations
Cécé : Tu es passée la voir ?
Moi : Oui… Elle nous aidera à trouver une solution… Tu sais pour que tu ne fasses plus de fausses couches.
Cécé : Hmm ! Ah c’est génial ça !! Il faut que je pense à aller la voir un de ces jours.
Mon sourire s’élargit qui a dit que ma femme n’était pas une perle ?! Elle a ses caprices c’est vrai mais quelle femme n’en a pas ?
***Deux jours plus tard***
***Siège de Necotrans Bénin***
***Mathys***
Je n’ai toujours pas pu voir Saria. J’ai laissé son sac à son cousin, donc elle avait désormais son téléphone mais elle ne décroche ni mes appels et ne répond pas aux messages. Je me suis rendu chez elle rien. C’est bon, je vous entends jusqu’ici, pas la peine de crier. Je n’ai rien fait de mal… Enfin pas vraiment et je crois qu’elle a tout monté en épingles parce qu’elle avait déjà vu Sophiath ici même dans mon bureau.
***Flashback une semaine plus tôt***
Calé dans mon fauteuil, je regardais la jeune dame penchée sur moi, Sophiath la cousine de Lee. Elle rentrait après cinq ans d’absence. Elle n’avait pas oublié cet été que nous avions passé en France. A l’époque, ce n’était qu’une gamine qui testait un peu de tout ; aujourd’hui c’était une beauté épanouie, une femme qui assume sa féminité.
« Pardon, je ne te savais pas occupé »
Nous nous retournons tous les deux vers l’entrée. Saria me regardait, ses yeux passaient de Sophiath à moi comme pour évaluer la situation. Mince, c’est sûr que j’avais l’air trop coupable !!!
Elle vient s’asseoir et je fais les présentations. Nous avons parlé quinze minutes mais à aucun moment je n’ai rencontré son regard. Je sentais que c’était bad pour moi. Je la raccompagne jusqu’en bas comme d’habitude ; lorsque j’essaye de l’embrasser dans l’ascenseur, elle se détourne et mes lèvres atterrissent sur sa tempe.
Dès qu’elle s’en va, je reçois un message WhatsApp d’elle.
« Je ne t’accuse encore de rien… Mais si tu fais quelque chose ou que tu envisages quelque chose avec la sœur de ton ami, arrête ça en même temps. »
Je regarde ma montre. Ah,