Ombres dans l'esprit

Write by Nobody

Le cabinet de Soraya était calme, trop calme, comme une mer sans vagues. Les murs, habillés d’une couleur neutre, semblaient dénués de toute âme, mais c’était le genre de tranquillité qui apaisait Dalila, ou du moins, elle le croyait. Elle s’assit en face de la psychologue, son regard fuyant, ses mains nerveusement tordues sur ses genoux.

– Soraya, je t’en prie, je veux vraiment aller de l’avant, commença Dalila, sa voix basse, marquée par l’épuisement. J’ai l’impression que cette situation m’écrase.

Soraya prit un instant avant de répondre, son regard observant attentivement Dalila, cherchant des signes, des failles, des brèches à travers lesquelles les pensées enfouies pourraient s’échapper. Elle savait que la jeune femme venait de traverser des tempêtes, mais il était désormais question de comprendre ces tempêtes, de les apprivoiser.

– Tu sais que tu peux tout me dire, Dalila. Laisse-toi aller. Ce n’est pas un examen, pas un jugement. C’est un espace pour toi.

Dalila ferma les yeux un instant. Le poids de ses pensées était lourd, et pourtant, elle n'arrivait pas à les poser sans les dissimuler.

– Tu as parlé d’un incident avec Lisa... je veux qu’on en parle. Comment as-tu réagi quand elle t’a accablée de ses accusations ? demanda Soraya, douce, mais insistante.

Dalila frissonna à l’évocation du nom de Lisa. Cela ne faisait pas si longtemps, mais c’était comme si c’était une autre époque, un autre monde. Un monde où tout semblait si clair, si droit. Mais désormais, il n'y avait que des ombres, des doutes, des mensonges, et cette peur sourde, qui ne la quittait jamais.

– Je… je n’arrivais pas à y croire, répondit Dalila d'une voix rauque, presque indifférente. Elle a dit que j'avais diffusé des photos d’elle. C’était… incompréhensible. C'était des mensonges, Soraya. Et même si c’était faux, elle a réussi à semer la panique, à faire en sorte que le patron m’associe à ce scandale. Et maintenant, tout est… tout est foutu.

Un silence pesant s’installa. Dalila se perdait dans ses souvenirs, mais une autre voix, celle qui n'était pas la sienne, commença à se faire entendre. Ce n’était pas la première fois que des pensées étranges, contradictoires, s’installaient dans sa tête, comme si elles venaient de quelque part au fond d’elle. Dalila secoua la tête, comme pour chasser cette voix qui n’était pas la sienne. Mais elle était bien là. Et pourtant, elle savait que ce n’était pas elle qui pensait cela.

– Tu sembles avoir du mal à accepter ce qui s'est passé avec Lisa. Est-ce que c’est la seule chose qui te trouble, Dalila ? Ou est-ce qu’il y a autre chose ? continua Soraya, s’appuyant légèrement en avant.

Dalila tourna son regard vers la psychologue, les sourcils froncés. Ce n’était pas si simple, pas aussi direct. Les mots restaient coincés dans sa gorge, comme si les exprimer les rendrait réels, comme si cela ouvrirait la porte à des choses qu'elle ne voulait pas voir.

– Je… je ne sais pas, dit-elle finalement. Tout se mélange dans ma tête. Il y a des moments où je… je me sens… je me sens différente. Pas comme moi. Comme si quelqu’un d’autre prenait le contrôle.

Soraya observa attentivement, mais sans insister. Elle savait que le processus ne pouvait être précipité.

– C’est une sensation courante, Dalila, continua Soraya. Beaucoup de gens ressentent cette dissociation, comme si une part d’eux-mêmes devenait étrangère. Mais tu dois te permettre d'explorer ce que tu ressens, même si c’est effrayant.

Dalila hocha la tête, mais une part d’elle-même se rebellait contre ces mots. C’était une chose de parler de ce qu’elle vivait, mais une autre de le comprendre.

– Je veux bien, mais… je crois que tu as raison. Tout ça me fait peur. Je suis perdue.

Il y eut un moment de silence, juste le bruit léger du stylo de Soraya grattant le papier. Dalila se demanda si elle se sentait aussi perdue qu’elle le croyait. Si elle avait oublié certaines choses, ou si elle avait choisi de les enterrer.

La psychologue posa alors une question qui fit frissonner Dalila.

– Tu parlais de tes peurs, de ta haine envers Lisa, mais au fond, ne crois-tu pas que tu pourrais aussi avoir peur de ce que tu ressens à l'intérieur ? Peur de ce que tu as fait, peur de… toi-même ?

La question s’infiltra comme un serpent, sinueuse et dérangeante. Dalila blêmit légèrement. Elle se rendait compte que quelque chose n’allait pas. Il y avait des moments, des pensées qui lui échappaient, des fragments de mémoire qu’elle n’arrivait pas à rattacher à un tout. Ce n’était pas juste une perte de contrôle occasionnelle.

– Tu as peur de ce que tu fais ou ce que tu pourrais faire, n’est-ce pas ? insista Soraya. Il y a des choses dans ton esprit que tu préfères oublier, et peut-être que tu y reviendras un jour. Mais tant que tu te battes contre ça, tu ne pourras pas avancer.

Dalila baissa les yeux. Une partie d’elle savait qu’elle était prête à admettre des choses, mais elle n’était pas sûre d’être prête à les accepter. Pas encore.

– Oui, peut-être, répondit-elle finalement. Mais je… je ne sais pas si je peux continuer à vivre avec ça.

Soraya se leva, s’approcha lentement de Dalila et lui posa une main réconfortante sur l’épaule.

– C’est une étape, Dalila. Mais tu n’es pas seule. On va avancer ensemble. Il n’y a pas de retour en arrière. Tu vas comprendre pourquoi tu te sens ainsi. Et plus important encore, tu vas comprendre qui tu es vraiment.

Dalila ferma les yeux, respirant profondément. Peut-être que Soraya avait raison. Mais alors, qu’était-elle vraiment ?


Retour au présent

Dans l’obscurité de la rue, Jimmy marchait d'un pas vif, son regard scrutant les bâtiments autour de lui. La piste semblait de plus en plus floue, mais il ne pouvait pas s’arrêter. Pas maintenant. Il avait une idée, un petit fil à tirer, et il devait tout faire pour en savoir plus.

Les indices étaient minces, mais il avait l’intuition que Dalila était liée à tout ça, d’une manière ou d’une autre. Elle n’avait pas encore avoué, mais tout dans son attitude disait qu’elle savait plus qu’elle ne le disait. Et si ce n’était pas elle, alors qui ?

Il s’arrêta un instant, sortant son téléphone. Un message de plus. Un autre contact dans l’entreprise où Dalila avait travaillé. Quelque chose n’allait pas, il le sentait. Le piège se refermait lentement autour d’eux, mais Jimmy n’avait toujours pas la clé pour déverrouiller ce qui semblait être une double vérité.

Il souffla, serrant le téléphone dans sa main. Dalila avait des secrets. Et il finirait bien par les découvrir, peu importe combien de temps cela prendrait.

Chaque détail compte...