Partie 13

Write by PaulBernardAMGL

   J'appréhendais la réaction de mon frère, lui qui s'emportait pour si peu. Quand il était en colère, il était totalement imprévisible.

   Contre toute attente, il éclata de rire.

   Je le regardai, incrédule. Je m'attendais à tout sauf à ça.

- Écoutez madame, dit-il. Nous sommes orphelins de mère alors ne vous rendez pas encore plus ridicule que vous ne l'êtes déjà. Faites ce que ma sœur vous dit et allez-vous en.

   Tavio était celui qui a le plus souffert de l'absence de notre mère. Moi je suis très vite entrée dans le rôle que la vie a tôt fait de m'attribuer. Même si ça me pesait d'entendre mes camarades de classes parler de ce qu'ils font avec leurs mères, je prenais sur moi parce qu'il fallait que je reste forte. Je n'avais pas le choix.

- Papa est au courant de ta présence ici ?

   Elle secoua la tête.

- Raison de plus pour partir, lui dis-je.

    Tavio retourna dans sa chambre. Je le suivis, laissant notre mère (en italique) toute seule dans le salon.

- Tu...tu es sûr de vouloir faire ça ? lui demandai-je d'une voix mal assurée. Tu sais si tu as envie de la connaître, tu peux le faire. Je ne me sentirai pas trahie ou quoi que ce soit.

- Je pensais vraiment ce que je lui ai dit, répondit-il. Elle ne peut pas se ramener du jour au lendemain comme ça après des années d'absence et espérer qu'on lui saute dans les bras. C'est tout simplement impossible.

    Je m'approchai et le serrai contre moi.

- Si après tu changes d'avis, on la retrouvera.

- Oublie cette femme et parle-moi de toi, répliqua-t-il. Ça a été ta visite chez le docteur ?

- Oui, répondis-je. Il m'a dit des choses auxquelles je ne m'attendais pas du tout.

     Son expression faciale changea tout a coup.

- Ils t'ont filé un truc ? s'enquit-il, la mine sombre.

- Non. Il m'a juste dit de repasser demain matin à 9h.

    Il soupira.

- Il m'a dit des choses qui m'ont troublée. Il s'est montré vraiment réconfortant. Un peu trop pour un docteur.

- Ah ! fit-il. S'il fait un peu plus que son travail demain, je serai obligé d'avoir une petite discussion (en italique) avec lui.

     Je souris.

- Je sais à quel point tu aimes discuter (en italique) mais ce ne sera pas nécessaire, lui dis-je. Bon il faut que j'y aille. Alex m'attend pour me conduire à mon rendez-vous.

    Je sortis de la chambre avant qu'il s'y oppose.

    Le salon était vide à mon retour. Notre mère (en italique) était partie.

    Je retournai dans ma chambre où m'attendait Alex. Je sortis ma trousse de maquillage. Je me maquillai rapidement et me changeai.

- On peut y aller, lui dis-je enfin.

- C'était vraiment ta mère ? me demanda-t-il alors qu'on sortait de la chambre.

- Je crois oui, répondis-je.

- Et où est-elle maintenant ? s'étonna-t-il en retrouvant le salon vide.

     Je haussai les épaules.

- Probablement qu'elle est retournée d'où elle vient.

- Comment ça ? Il s'est passé quoi ?

     Je me tournai brusquement vers lui. Il s'arrêta net, manquant de peu de me heurter.

- D'habitude je te dis tout, commençai-je. Et je compte continuer de le faire. Mais dans quelques minutes, je vais devoir faire semblant devant un gars qui m'a violée. Je ne pense donc pas que parler de ma mère m'aiderait à jouer mon rôle.

- C'est vrai tu as raison, admit-il. On en reparle après.

    Il me conduisit à mon point de rendez-vous.

- Tu es sûre de vouloir faire ça ? me demanda-t-il.

- Oui.

- Je reformule ma question. Tu es sûre de pouvoir faire ça ?

- Ça on le saura bien assez tôt, répondis-je en ouvrant la portière.

- Je vais rester dans le coin juste au cas où, me dit-il.

- Si tu y tiens, répondis-je. Merci beaucoup.

    Je lui fis un clin d'œil avant de rentrer dans le fast-food où j'avais donné rendez-vous à Dwight.

   Je choisis une table près de la fenêtre vitrée histoire d'être bien en vue. Je m'installai et attendis mon rendez-vous.

   Une serveuse m'apporta un menu.

   Plus l'heure fatidique approchait, plus j'avais du mal à contrôler mon pouls. J'avais la gorge sèche et les mains moites. Je finis par commander un jus de fruits histoire de me désaltérer.

   Je sirotais doucement ma boisson en essayant de répondre aux messages que j'accumulais depuis la fameuse fête. Il entra soudain dans le fast-food en poussant violemment la porte. Je manquai de m'étrangler en le voyant entrer suivi de son pote.

   Il me remarqua tout de suite et se dirigea vers moi. Son pote s'assit quelques tables plus loin comme pour nous surveiller.

   Dwight lui vint s'asseoir en face de moi après m'avoir serré la main. Il était toujours aussi élégant mais je ne le voyais plus de la sorte. Je le voyais désormais avec un mélange de dégoût et de terreur. C'est tout ce qu'il m'inspirait à présent. Mais je devais jouer le jeu. Pour ma vengeance, il le fallait.

    Comme sur un coup de tête, il se leva et vint me faire un bisou. Je sentis le mélange de son après rasage et de son parfum. En d'autres circonstances j'aurais trouvé ce mélange délicieux mais tout je dus me faire violence pour ne pas faire une moue.

- Comment vas-tu ? me demanda-t-il.

- Bien bien, répondis-je, essayant de cacher ma peur et mon dégoût. Et toi ça va ?

- Je me porte comme un charme, répondit-il avec un sourire malicieux.

- Pourquoi ton pote reste à l'écart ?

- Il n'est pas très sociable, répondit-il.

   C'est normal vu son passe-temps préféré, me dis-je.

   J'étais terrifiée de le savoir à nouveau si près de moi, même dans un lieu public. Dieu seul sait comment mes mains et ma voix ne tremblaient pas. Et Lui seul sait comment j'arrivais à lui sourire.

    Il venait à peine d'arriver et tout ce que je voulais c'était prendre mes jambes à mon cou et ne jamais le revoir. Mais je réussis à me contrôler. À ne pas céder à la panique.

- Au fait je voulais m'excuser pour le vendredi, commençai-je. J'ai gâché ta fête et je tiens à m'en excuser. Je ne serais jamais venue si j'avais imaginé ne serait-ce qu'une seule seconde que je finirai dans cet état.

    Il arqua un sourcil.

- Quoi ? fit-il.

    Je reculai sur ma chaise.

- J'ai dû être lourde à porter, lui dis-je en jouant avec la paille dans mon verre.


- De quoi parles-tu ? s'enquit-il en se penchant légèrement vers moi.

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