Partie 15 : Tu me manques un peu, beaucoup, passionnément
Write by Fleur de l'ogouée
Tania
Ce matin le stress qui m’animait auparavant a fait place à
la colère, la rage, je suis extrêmement remontée contre mes collègues qui n’ont
pas hésité à me mettre au bûcher sans raison, je ne pourrais plus travailler
avec ces gens foncièrement méchants et je vais le leur faire savoir. Pour
l’occasion je me suis acheté un tailleur rouge et une paire d’escarpin noir, ma
sortie sera théâtrale, ils vont me respecter de gré ou de force, leur amour je
n’en ai cure mais qu’ils respectent mon travail acharné, mes sacrifices et mon
engagement sans faille c’est cela que j’aurais voulu. Devant le miroir
j’apprécie ce que je vois, une femme forte, belle et déterminée, une femme qui
n’a rien a envié à qui que ce soit, je suis prête pour de nouvelles aventures
et si la peur me terrassait ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Je m’installe au volant de ma voiture, musique à fond,
petite danse du bonheur, on est bien loin de la villageoise qui sortait de son
matelas à même le sol pour aller se doucher à la rivière, cette femme là m’a
convaincue que je peux tout accomplir plus je ne le pensais, cette expérience
avec Grégory a marqué un tournant décisif dans ma petite vie bien rangée, je
sais exactement comment je veux entrer dans ma trentaine, un peu de folie et
d’irresponsabilité ne me fera pas de mal.
Devant le bâtiment de la banque j’emplis mes poumons d’air,
les épaules bien dégagées, le buste droit, il est temps de faire une sortie
magistrale. Je m’élance vers la salle
de réunion avec quelques minutes de retard bien calculées, faire une entrée
fracassante est ma mission. Je pousse délicatement la porte et mes yeux se
baladent immédiatement dans la pièce pendant que je rejoins mon siège, celui de
directrice sur lequel j’ai trôné pendant près de 4 ans, aux côtés de mes
supérieurs et des chefs de département. Le PDG national de la banque, un homme
d’un certain âge prend alors la parole pour me souhaiter la bienvenue
-Je tiens à ce que nous accueillons chaleureusement notre
très chère directrice mademoiselle Boussougou dont le talent et le sérieux a
manqué à notre institution, bienvenue parmi nous et j’espère que travailler
vous fera oublier ce malencontreux incident dont vous et votre père avez été
victimes, encore une fois bienvenue chez vous
-Merci pour vos mots monsieur Alewina, je souhaitais
prendre la parole devant mes principaux collaborateurs pour que tout le monde
ait le même niveau d’information. Moi Tania Chinenye Boussougou je renonce au
poste de directrice, il est inconcevable pour moi de travailler avec des gens
vicieux, mauvais, envieux au point de se parjurer devant les autorités
compétentes. J’ai toujours fait le job qui m’était incombé, sans rechigner devant
l’effort, ma filiation avec un des investisseurs de cette banque a suffi à plusieurs
de mes collaborateurs pour douter de ma capacité à assurer ce poste mais en
trois ans j’ai largement démontré que j’ai les épaules pour supporter le poids
de ce directorat. Je ne serai pas longue, je remercie les quelques rares
personnes qui m’ont accordé le bénéfice du doute et des plaintes seront déposés
à toutes les personnes qui ont fait de faux témoignage à mon égard, maintenant
que je me retire j’espère que vous serez en paix avec vos consciences. Merci
pour votre attention
-Mademoiselle Boussougou, vous ne pouvez pas partir comme
cela, allons discuter à tête reposée dans mon bureau
-Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose à ajouter, ma
lettre de démission est déjà parvenue aux ressources humaines, ainsi qu’une
lettre de ma part au bureau centrale de la banque à Genève, je vous souhaite
une bonne continuation
C’est gonflé à bloc que je me lève sans attendre une
quelque conque intervention et me dirige dans mon ancien bureau pour récupérer
les quelques affaires que j’y avais laissé, il y’a seulement deux cadres
photos, l’un contenant une photo qui a été capturée le jour de ma prise de
fonction, se trouve derrière le bureau et l’autre une photo familiale prise il
y’a 5 ans pendant nos vacances à Zanzibar. Une copie de mon diplôme était
accrochée dans un cadre A4 au mur, je gardais une paire de chaussure, une veste
et une robe pour pouvoir me changer si un accident vestimentaire se produisait.
Je n’ai pas ramené plus d’affaire, pour moi c’était suffisant. Je repasse
devant la salle de réunion où règne un silence lourd tandis que mes
collaborateurs y sont toujours, je claque mes talons contre les carreaux pour signifier
ma présence à ceux qui sont assis dos vers les baies vitrés qui servent de
porte, c’était tellement euphorisant. RIDEAU…
Gregory
Ce matin j’ai rendez-vous avec le père de Tania, je suis
assez nerveux, c’est un homme influent, en un claquement de doigt il pourrait
changer le cours de mon existence et tata Fifi qui n’a pas hésité à me
présenter comme le meilleur des humains, ne me rend pas la tâche facile. Son
chauffeur m’a récupéré à la maison familiale où j’ai décidé de séjourner le
temps de chercher un autre studio, aujourd’hui il est au volant d’un SUV
Mercedes, le genre de voiture où je n’aurais jamais imaginé monté, peut-être au
cours de réparation, j’aurais pu essayer de démarrer mais être côté passager et
écouter de veilles rumba congolaises, le rêve. Nous arrivons après une demie
heure de route dans un quartier huppé de la capitale, lorsque nous franchissons
la barrière ma mâchoire manque de se déplacer, une villa immense sur deux
étages, tout semble totalement démesuré. Je descends toujours subjuguer et tata
Fifi me récupère pour me conduire dans le bureau de monsieur Boussougou. Elle
cogne et lorsqu’il me demande d’entrer, je suis surpris de voir un monsieur
robuste, qui semble aller mieux, assis sur un canapé en cuir marron, sa
ravissante épouse à ses côtés, la beauté de Tania ne vient vraiment pas de loin,
lorsque j’entre il se dirige vers le bureau et d’un geste de la main m’invite à
prendre place
-Monsieur Tchibinda prenez place
-Merci monsieur Boussougou et merci pour l’invitation
-Après ce que tu as fait pour ma princesse et par extension
ce que vous avez fait pour notre famille, c’est la moindre des choses
-Je n’ai fait que ce que je pouvais, financièrement c’est
votre épouse qui nous a soulagé
-Oui mais le courage et l’altruisme dont tu as fait preuve
m’impressionnent. De nos jours les gens ne sont plus aussi prompts à aider les
inconnus comme ça sans garanti de recevoir quelque chose en retour. Alphonsine
nous a un peu fait l’historique des tes accomplissements et je dois avouer que
ça force le respect. Si aujourd’hui je peux faire quelque chose pour améliorer
ton quotidien et celui du reste de la famille, c’est de tout cœur que je le
ferais. On reçoit tous un coup de pouce pour bien démarrer dans la vie.
-Je pense que nous nous devons de vous rendre l’appareil
après ce que vous avez tous fait pour nous, même les personnes de notre
entourage n’en ont pas fait autant, ajoute Mme Boussougou
Je prends du temps pour assimiler chacune de leurs paroles,
pour comprendre la situation, ce genre de chose on pense que ça n’arrive que dans
les films, le moi de 17ans dont le père venait de s’en aller n’aurait jamais
cru ça possible. Peut importe le coup de pouce qu’ils m’accorderont je le
prendrais avec plaisir, je ne m’attends pas à ce qu’ils me donnent des millions
mais rien que recevoir quelque chose de leur part, me permettra de rebondir. Je
sors de mes pensées lorsque monsieur Boussougou reprend la parole
-Déjà souhaites-tu rester dans le domaine automobile ?
-Oui monsieur, je suis vraiment passionné par les voitures et
je ne pense pas pouvoir me reconvertir dans autre chose
-Cela tombe bien, c’est un domaine qui ne souffre malgré la
crise financière que traverse le pays. Mon plan est le suivant, un complexe
automobile un garage Hi tech, une boutique pour les pièces détachées et un lavage
de voiture dernier cri. Des services de qualité dans un lieu agréable
-Darling et pourquoi pas un petit coin buvette dans le
complexe ? ajouta Mme Boussougou
-Très bonne idée my sweet heart, qu’en penses-tu Gregory
-L’idée est assez novatrice, je pense que cette formule
tout en un séduira beaucoup le publique, si je peux me permettre y ajouter un
manomètre pour les pneus
-Donc voilà on a un deal, maintenant il faudra qu’on mette
tout ça sur papier, moi je serais ton investisseur si tu le veux bien, je ne
m’y connais pas spécialement en voiture donc je vais te laisser tout gérer. Mon
avocat rédigera un contrat, que tu pourras examiner avant de signer, j’espère
qu’on pourra faire fructifier cette affaire
-Monsieur je suis très reconnaissant pour l’opportunité que
vous me proposer et de mon côté je tâcherais d’être à la hauteur, je ne saurais
comment vous remercier
-Ta tante t’as décrit comme bosseur et c’est ce qui me
rassure, je suis prêt à mettre du capital à disposition pour que les choses
fonctionnent bien, une comptable gérera les finances pour que de ton côté tu ne
doives gérer que tout ce qui est technique.
Nous terminons de discuter, puis je prends congé d’eux, je
demande la permission pour aller dire bonjour à Tania. La maison est tellement
grande qu’il me faut quelques minutes pour me retrouver malgré les explications
de son père, j’ai toujours su que Tata Fifi travaille pour une riche famille
mais je n’aurais jamais imaginé une aussi grande maison. Je marche le cœur
battant dans ce labyrinthe et je finis enfin par trouver sa chambre. Je cogne
doucement à sa porte.
-Hey Grégory je ne m’attendais pas à te voir, entre
Je ne sais pas s’il faut dire chambre ou appartement
tellement la superficie de cet espace est ridiculement immense, un grand lit,
un petit salon, une salle de bain, je suis subjugué. Elle ne porte qu’un short
et un Tshirt, des idées très mal placées me passent par la tête. Je m’approche,
l’embrasse et la prend dans mes bras, elle m’a manqué.
-Tu n’étais pas au travail ?
-J’ai démissionné aujourd’hui et je me sens terriblement
libéré, tu es venu voir papa ? Il m’a dit hier qu’il souhaitait te
rencontrer
-Oui je me suis entretenu avec lui, tes parents sont
vraiment sympas
-Pas autant que moi
-Bien plus que toi
Elle me tire la langue avant que nous ne rigolions tous les
deux, cette façon particulière de rire m’avait manqué. Je lui vole encore
quelques bisous avant de m’en aller, je ne souhaiterais pas que monsieur
Boussougou prenne ma présence dans la chambre de sa fille comme un affront.
Tania
Allongée sur mon lit depuis qu’il est parti, je me demande
ce que l’avenir nous réserve, avons nous nos chances maintenant que nous sommes hors de notre cocon, dans la vraie vie il y'a tellement d'obstacle à surmonter, allons-nous pouvoir faire fonctionner cette relation et rester solide face aux épreuves ?