Partie 16

Write by Ornelia de SOUZA

Je balançai la bouteille de whisky vide hors de la voiture. Je tremblais de tout mon être et ma vision était brouillé mais je démarrai tout de même la voiture et je tiens fermement le volant de mes deux mains comme si j'allais tomber si je le lâchais. Mille questions traversaient mon esprit. Mélaine ne pouvait pas mentir sur un tel sujet qui pouvait être immédiatement réfuté. Elle était sûr d'elle alors même si j'avais fait mine de ne pas croire un mot de ce qu'elle me disait, je doutais fortement du fait que ce ne soit qu'un autre de ses mensonges. J'allais être fixé de toutes les façons dans les minutes qui suivraient. Je conduisais comme un fou et j'en étais conscient mais je n'y pouvais rien. L'alcool réduisait sérieusement mes capacités mais je n'étais pas découragé pour autant. J'allais avoir l'explication que je voulais ce soir même.

Je garai ma voiture de justesse contre le mur de l'habitation où vivait Inès et je descendis tant bien que mal en alignant difficilement un pas devant un autre. Je cognai furieusement contre la porte de l'appartement qu'occupait Inès. Des têtes sortirent des appartements voisins sûrement inquiétés par le vacarme que je causais malgré moi. On ne tarda pas à m'ouvrir la porte. Dans un état second, je repoussai violemment la personne qui n'était pas Inès. J'empoignai cette dernière qui se trouvait tout juste derrière et je l'attirai à moi. Elle sembla paniquée et elle m'hurla en observant la personne que je venais de repousser.


-Que fais-tu?

-Sale petite trainée ! dis-je incapable de me contrôler en voyant une fillette planqué sous la table. 


Je me souvins que cette fillette, je l'avais déjà vu et Inès m'avait visiblement menti à son propos. Elle m'avait dit que la fillette était la nièce de la sœur Mina. Pourquoi m'avait-elle menti ainsi? Mélaine avait raison. Je ne connaissais pas vraiment Inès.


-Tu avais déjà un enfant n'est-ce pas? Tu m'as mentit! Je suppose que c'est une habitude chez toi. Tu as dû la coller à quelqu'un qui ne l'a pas reconnut comme tu me colles ce bâtard aujourd'hui.


Je désignai l'enfant qu'elle portait en lui frappant le ventre plus fort que je ne l'aurais voulu. La personne que j'avais poussé à terre plus tôt se releva et me poussa en criant:


-Sors de ma maison tout de suite! Sors sinon je crie espèce de démon. Sors d'ici.


Dans un bref moment de lucidité, je me rendis compte qu'il s'agissait de la sœur Mina. Mon Dieu! Je m'étais révélé à elle sous mon vrai jour.


-Dé... Dé... Désolé ! murmurai-je me rendant compte de mes actes avant de sortir de l'appartement en courant.


Je me refugiai dans ma voiture et je me frottai vigoureusement les yeux pour en quelques sortes annihiler l'effet de l'alcool. 


-Une menteuse; dit une voix


Je me retournai vivement dans la voiture mais la banquette arrière était vide. J'étais seul dans la voiture.


-Ce n'est qu'une menteuse comme toutes les autres femmes; répéta la voix. 


Je devenais fou ou quoi? J'ouvris la portière et je sortis de la voiture.


-Mais tu ne vaux pas mieux; continua la voix.


Je fis un tour sur moi-même et j'attrapai ma tête entre mes mains sous les regards ahuris des passants. Quelqu'un me parlait et je ne voyais pas cette personne. 


-Monsieur, vous avez besoin d'aide? demanda une dame 

-Non, ça va; dis-je avant de reprendre ma place au volant de ma voiture et de me diriger à vive allure vers ma maison.


Je m'enfermai dans ma maison pour éviter la voix mais elle résonnait de plus en plus fort. 


-Tu penses que tu mérites d'être heureux? Tu penses que tu mérites cette femme bien sous toutes les coutures que tu veux tant? Tu n'es pas à la hauteur Carin! Tu n'es pas à la hauteur!


Ne pouvant plus supporter cette voix qui m'obligeait à prendre conscience d'une réalité que je fuyais, je tentai de la sortir de ma tête en brisant volontairement une bouteille de bière sur ma tête. Ce fut la dernière chose dont je me rappelle de cette journée maudite.


******

(Mélaine)


Hier soir, j'avais enfin franchi le pas et j'avais fait la rencontre de Canif, celui qui devait m'ôter un poids des épaules. Quelques jours déjà que Roland m'avait donné la directive à suivre pour rencontrer cet homme et trois jours que je réfléchissais sérieusement à mes actions. Une tentative de rencontrer Carin qui avait échoué avait fini par me décider. L'enfant d'Inès ne viendrait pas au monde. Ça n'avait pas été aussi compliqué que je croyais de retrouver cet homme et de "passer ma commande" mais j'avais encore des remords. Je pensais que la vie m'avait endurcie plus que ça mais me voilà à me poser des questions et à regretter des actes qui étaient censés rendre ma vie meilleure. Il était imperatif que je m'endurcisse bien plus. Je n'ai pas à avoir pitié de quiconque lorsque mes intérêts sont en jeu.

Je croise et décroise mes jambes dans la luxueuse salle de séjour de la maison familiale de Carin. Sa mère avait demandé à me voir et bien entendu j'y avais accouru mais cela faisait déjà dix minutes que j'attendais. La gouvernante dame Esther m'avait demandé poliment d'attendre en me regardant bien entendue de haut. Celle-là ne m'appréciait pas non plus mais elle ne perdait rien pour attendre. Une fois que je serai la belle-fille de cette famille, j'aurai les pleins pouvoirs et j'exigerai son licenciement ; pensai-je un sourire au coin des lèvres.


-Mélaine ; m'appela ma futur belle-mère en entrant dans la pièce. Tu as été rapide ma fille. Bienvenue à toi!

-Oh merci maman; dis-je en me levant pour l'embrasser.


Elle s'installa près de moi dans le canapé et prit ma main entre les siennes.


-Ma fille, sais-tu pourquoi je t'ai fait venir? demanda t-elle.


Idiote ! Étais-je devin?


-Non maman; répondis-je de ma voix la plus mielleuse

-Tu es la seule qui peut sauver mon fils aujourd'hui. J'ai l'impression qu'il part à la dérive. Pendant toutes ces années, jamais je ne l'ai vu autant boire mais maintenant à cause de cette... de cette... de cette fille...

-Calmez-vous maman! murmurai-je en lui tapotant la main.

-Non, je ne peux pas rester calme alors que je suis entrain de perdre mon unique fils. Il a eu tant de relations avec ce genre de femmes mais aucune ne l'a autant détruit. Tu dois m'aider Mélaine. Tu dois m'aider à sortir définitivement cette fille de sa vie.

-Mais je n'y peux rien maman; dis-je en feignant l'impuissance. 

-Si, tu es la seule qui peut m'aider. Je suis sa mère et il fera ce que je désire. Il n'a pas d'autres choix.

-Mais quel est mon rôle maman? questionnai-je

-Je sais que mon fils n'est pas très commode et qu'il a son caractère. Je sais qu'il t'a maltraité à plusieurs reprises mais j'aimerais que tu acceptes de l'épouser ?

-Quoi?! m'exclamai-je pourtant en pleine jubilation intérieure

-Je sais... Je sais qu'il n'est sûrement pas l'homme que tu veux mais pense à l'enfant que tu portes. Cet enfant doit grandir avec son père et si tu ne l'épouse pas, ce sera l'enfant de l'autre qui en profitera. Je te prie de réfléchir.


Je retirai subitement ma main de la sienne et je changeai de position. Je tenais à lui faire croire que je n'étais pas favorable à sa demande. Et pourtant cette demande, c'était comme si c'était son fils lui-même qui me l'avait faite. Depuis le temps que j'attendais ça. J'étais folle de joie mais je ne voulais pas lui montrer mes sentiments.


-Maman, c'est difficile pour moi...

-Je sais ma fille mais je peux t'assurer que je ferai tout pour que tu sois heureuse dans ton foyer. Tu ne manqueras jamais de rien.

-Mais ce n'est pas ça maman; me plaignis-je. Carin ne veut pas de moi. Il ne m'épousera pas.

-Il le fera, je te l'assure! Je suis sa mère, celle qui lui a donné la vie. Fais moi confiance et accepte de m'apporter ton aide. Tu ne peux pas laisser mon unique fils épouser cette femme Mélaine. Je t'en supplie.


Je me retournai vers elle et elle semblait me supplier du regard alors je décidai de mettre fin à son supplice.


-D'accord maman! Si vous arrivez à convaincre Carin, je veux bien.

-Merci ma fille! s'exclama t-elle avec un énorme sourire aux lèvres. Merci! Dieu te rendra ce sacrifice que tu fais et tu verras que tu seras heureuse avec mon fils. Je vais commencer les préparatifs...

-Quoi? Déjà? m'étonnai-je

-Mais bien-sûr Mélaine ! Il ne faut pas qu'on tarde si on ne veut pas qu'un bon matin, Carin nous annonce qu'il s'est marié avec cette fille. Dis moi plutôt comment rencontrer tes parents pour la pré-dot et la dot.


J'accusai le coup. Je ne m'attendais pas à ça. Je n'avais rien comme réponse à lui donner sur le coup et je paniquai. Des parents, je n'en avais pas et cela décrébilisait totalement ma version selon laquelle je venais d'une bonne famille. Que lui dire? Comment m'en sortir?


-Alors ma fille? dit-elle attendant une réponse.


Alors sans prévenir je feignis d'éclater en sanglots en couvrant mon visage avec mes deux mains pour qu'elle ne puisse pas se rendre compte qu'aucune larme ne coulait de mes yeux. 


-Oh mon Dieu! Ma fille, que se passe t-il?


Elle sa hâta de me donner un papier mouchoir que je pris avant de me retourner pour me "nettoyer" le visage. 


-J'a perdu mes parents ! lâchai-je de nouveau face à elle. 

-Mon Dieu! s'exclama t-elle en portant sa main à sa bouche.

-Il n'y a pas si longtemps que ça; repris-je. Et leurs familles respectives se sont partagés les biens et m'ont jeté dehors. C'est ainsi que je me suis retrouvé dans d'horribles situations et que c'est ainsi que je me suis retrouvé à l'hôpital. Comprenez que ce soit encore très douloureux pour moi de parler d'eux. 

-Je te comprends mon enfant; se dépêcha t-elle de dire en me tapotant l'épaule. Je te comprends.

-Et au vu de mes relations avec ma famille, je préfèrerais oublier l'étape de la pré-dot et de la dot. Vous me comprenez j'espère.

-Bien-sûr, même si je regrette un peu de devoir sauter cette étape mais bon... Nous allons directement préparer le mariage civil alors. Je connais très bien l'adjoint au maire.


Ouf! Ce n'était pas passé loin. Je souris pendant qu'elle me raccompagnait en me donnant les différents détails et en me citant les différents documents officiels dont elle aura besoin pour la mairie.


********

(Carin)


Je pressais le pas dans le couloir de l'hôpital qui menait au bureau de Roland. Il m'avait appelé ce matin à la demande de la sœur Mina pour m'informer qu'Inès avait été admise à l'hôpital depuis hier. J'étais inquiet car les débuts de grossesse sont souvent à risque et de plus je l'avais presque agressé la dernière fois alors que j'étais en colère et sous l'effet de l'alcool. Chose que je regrettais d'ailleurs énormément. J'aurais dû me calmer et lui demander des explications. Rien ne me prouvait que cette fille était la sienne et même si cela avait été le cas, elle avait peut-être ses raisons. Mais je n'avais pas eu le temps de m'excuser de mon comportement de toute la semaine qui venait de s'écouler. Je me débattais avec mes hallucinations et la voix qui s'était logé dans ma tête. J'en étais arrivé à me droguer aux somnifères pour ne plus l'entendre. Cependant dans mes rares moments de lucidité, je me rendais compte de certaines erreurs et de combien je tenais à Inès et malgré tout à l'enfant qu'elle portait. À notre enfant... À mon enfant.

Heureusement je n'eus pas trop à m'enfoncer dans le couloir avant de croiser Roland qui venait à ma rencontre.


-Ah enfin te voilà ! me lança t-il

-Que se passe t-il Roland? Où est-elle? Comment se porte t-elle?


Il s'arrêta en face de moi et me tint durement les épaules en prenant une mine triste.


-Je suis désolé Carin... Elle a perdu son bébé...

-Quoi? hurlai-je

-Désolé

-NOOOOOONNN! hurlai-je en retirant ses mains de mon épaule. C'était mon enfant. Tu le sais ? C'était mon enfant ce bébé.

-Oui, la sœur Mina me l'a dit. Elle a pensé que tu devais être mis au courant.


À cet instant précis, je compris l'amour que je portais à cet enfant alors qu'il n'était même pas encore né. Mon estomac fit un nœud et mon cœur se déchaîna. Non, jamais je n'aurais voulu ça. Ces derniers jours, il m'était même arrivé de penser à la famille qu'on formerait tout les trois. Je refuse d'y croire. J'ai besoin de ce bébé pour former cette famille. J'ai besoin d'Inès.


-Que s'est-il passé ? demandai-je difficilement la gorge noué sur le point d'exploser.

-Hier, elle s'est faite agressé. Elle n'est pas encore consciente pour nous dire ce qui s'est passé. Tu dois être fort Carin.

-Où est-elle? Je veux la voir Roland. Je veux la voir.


Il me conduisit à sa chambre dans laquelle je me dépêchai d'entrer. La première chose que mon regard croisa fut le regard embué de larme et empli de douleur d'Inès. Je n'avais qu'une envie, la prendre dans mes bras. La réconforter pour cette perte. Je voulais qu'elle sache que j'étais là pour elle.


-C'est toi n'est-ce pas? cria t-elle la voix brisée par la douleur.

-Quoi? fis-je stoppé dans mon élan.

-C'EST TOI! cria t-elle en tentant de sortir du lit. JE VAIS TE TUER.


Je mis du temps à comprendre qu'elle m'accusait de la perte du bébé. Elle me tenait pour responsable. La sœur Mina tentait tant bien que mal de la retenir mais elle puisait visiblement énormément de force dans sa rage.


-Je ne voulais plus de ton aide; finit-elle par me lancer abandonnant l'idée de descendre du lit pour me tuer. J'allais m'en sortir seule avec mon enfant. Pourquoi m'as-tu fait ça? Pourquoi?


Alors qu'elle pleurait, je compris qu'elle pensait que j'avais ordonné son agression. Comment pouvait-elle penser ça de moi? Je restai silencieux devant ses larmes. Je devais respecter sa douleur même si j'avais aussi envie de laisser aller la mienne et de lui dire que je n'y étais pour rien. Jamais je n'aurais fait du mal à mon bébé. Je lui lançai un dernier regard avant de sortir de la pièce. Je m'adossai contre le mur dans le couloir car j'étais fatigué et je ne savais que faire. Je ne savais comment réagir. J'étais là lorsque la sœur Mina sortit de la salle à son tour.


-Vous êtes encore là ? Docteur, je vous prie de vous en aller maintenant. Vous avez fait assez de dégâts comme ça.

-Mais je n'ai rien fait, croyez moi! tentai-je de me défendre. C'était aussi mon enfant et jamais je ne lui aurais fait du mal volontairement.

-Il y a clairement une grande différence entre ce qu'Inès m'a conté, ce que j'ai vu de mes propres yeux et ce que vous me dites là. Docteur, je me suis retenu de porter plainte parce que la pauvre Inès me l'a demandé mais maintenant ayez pitié et sortez de sa vie. La pauvre fille est si naïve qu'elle voit toujours le bon côté en vous mais cette fois-ci vous êtes allé trop loin. Vous lui avez pris son enfant. Elle ne vous le pardonnera pas alors éloignez-vous d'elle définitivement.


Les paroles de la sœur Mina me brisèrent encore plus. Je marchai sans m'arrêter et je sortis de l'hôpital pour me réfugier dans ma voiture. J'avais besoin... J'avais besoin d'Amélie.

Quelques minutes plus tard, je me retrouvai à toquer tout doucement à la porte de l'appartement d'Amélie. Je n'avais plus la force d'hurler. Je voulais m'effondrer et elle était la seule qui m'avait toujours accueillit dans cet état. Elle ne tarda pas à m'ouvrir et je la pris immédiatement dans mes bras. J'enfouis ma tête dans le creux de son épaule et je laissai couler mes chaudes larmes. Au début, elle resta debout, raide puis face à ma détresse, elle se résolut à me rendre la pareille. Au bout d'un moment, je la lâchai et elle me fit rentrer et m'asseoir. Elle me servit un verre d'eau avant de me poser des questions sur mon état.


-Elle a perdu notre bébé... Inès a perdu notre bébé; réussis-je à dire.

-Oh mon Dieu! Je suis désolée Carin! dit-elle une main sur le cœur.

-Et le pire tu sais? C'est qu'elle me croit responsable. 

-Comment donc? Que s'est-il passée ? Que lui as-tu fais?

-Rien justement ! Elle a été agressée et vu qu'on a eu une altercation une semaine avant, elle pense que c'est moi qui ai ordonné son agression.

-Une altercation ? s'etonna t-elle

-Oui, il ne s'agit pas de sa première grossesse et je n'étais pas au courant. Mélaine...

-Arrête ! Ne me dis pas que tu crois cette femme.

-Mais... Le pire, c'est qu'elle ne veut plus que je l'approche. Elle ne veut plus de moi dans sa vie.


Je ne pus retenir mes larmes une fois de plus alors qu'Amélie me prenait à nouveau dans ses bras avant de déposer un doux baiser sur mes lèvres.


-C'est le mieux Carin; murmura t-elle. Ne sois pas égoïste. Tu détruis sa vie et tu détruis aussi la sienne. Tu n'as pas ce droit là. Il faut que tu l'oublies maintenant.


Les mots d'Amélie étaient durs mais elle avait raison. Ma santé mentale se détériorait et je gâchais en plus de la mienne, la vie d'Inès. Je n'avais pas ce droit là. Je devais m'éloigner d'elle.


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