Partie 20 : l'idéal fait chair
Write by labigsaphir
[ BLESSING ]
Je sursaute en sentant une présence à mes côtés et une odeur de thé. J’ouvre les yeux avec difficultés, regarde autour de moi et constate que j’ai dormi sur le canapé en cuir du salon, sans couverture. Je balaie la pièce du regard et repère le chat, non-loin de moi.
- Bonjour chérie, fait Malick en posant le plateau du petit-déjeuner sur la table-basse.
Je me redresse et m’étire sans lui accorder un seul regard. J’ai les muscles endoloris et une légère fièvre, surement un coup de vent. Je fais mine de me lever, il me retient par la main.
- Je suis désolé pour la nuit dernière.
- Je vais rentrer chez moi. Lâche-moi !
- Fuiras-tu à chaque fois que nous aurons un différend ?
- Ah bon ? Tu m’as laissée dormir sur le canapé froid et sans couverture, devrais-je te remercier ? Ah oui, c’est ta maison.
- Désolé.
- Désolé, tu n’as que ce mot dans la bouche mais recommence toujours.
- Oui, je sais mais je ne fais pas exprès.
- Malick, fous-moi la paix !
- Là tu me manques de respect !
- Le respect doit être mutuel, ce qui n’est pas le cas ici.
- Blessing, je ne te savais pas ainsi.
- Amen ! Maintenant lâche-moi !
- Malick, lache-moi, s’il te plait !
- Non.
- Ne me pousse pas à te mordre à sang.
- Blessing !
- Non seulement j’ai dormi ici, seule dans ce grand salon et avec ton maudit chat. Tu sais combien j’ai peur de ce chat mais tu ne t’en es pas préoccupé.
- Désolé.
- …
- Donne-moi une seconde chance.
- Lâche mon bras.
- Non.
En un mouvement, je me libère en le mordant et ai les larmes aux yeux en courant vers la chambre. Je vais récupérer mon sac à main qu’il a posé sur sa table de chevet et ressors en courant. Je le traverse et me dirige vers le portail en essuyant les larmes ruisselant sur mes joues.
- Qu’est-ce qui m’arrive, Seigneur ? Qu’est-ce qui m’arrive, mon Dieu ?
Christian ouvre le portail sans mot dire et me laisse m’en aller. Dans le taxi, j’efface son numéro et le bloque de partout. J’arrive chez moi, me déshabille aussitôt la porte fermée et vais me coucher.
QUELQUES JOURS PLUS TARD…
- Merci d’avoir accepté de venir, dit Jack en me tendant la main.
- Je t’écoute. Fais-je en esquivant sa main et m’asseyant.
- Ok, je vois ; il s’assied à son tour et me fait son plus beau sourire.
- Je t’écoute, Jack, ne me perds pas le temps.
- Ok. Alors, que deviens-tu ?
- Nous ne sommes pas ici pour ça, le coupai-je.
- Voudrais-tu boire quelque chose ?
Je lève la main et un serveur arrive aussitôt, je passe la commande et me tourne vers Jack.
- Tu as changé, Blessing. Tu es devenue plus belle, tu rayonnes carrément.
- Je n’ai pas de temps à perdre. Je suis fourbue, ma journée de travail a été difficile.
- Surtout que tu ne fais plus call-boxing.
- …
- L’on m’a dit que tu es aujourd’hui secrétaire de direction, quelle évolution.
- Ma vie ne te concerne pas, Jack.
- Nous avons été ensemble et très complices.
- Nous avons été, c’est du passé…Next !
- C’est au sujet d’Ophélie même s’il est vrai que c’est pour vous deux que je suis là.
- Que veux-tu à Ophélie ?
- J’aimerais recommencer à la voir.
- Elle est avec ma mère, Jack.
- Fais-la revenir, Blessing.
- Non.
- C’est ma fille, j’ai aussi le droit de la voir.
- Dis-moi, comme tu te souviens avoir eu une fille avant de te marier, il faudrait que je me plie en quatre pour exaucer tes désirs ?
- …
- Aurais-tu oublié le merdier dans lequel, tu nous as laissées ? Je faisais encore du call-boxing et avais besoin de faire garder la petite, t’en souviens-tu ? C’est toi qui payais la crèche et qu’as-tu fait en partant ? Jack, qu’as-tu décidé ?
- …
- Tu nous simplement multipliés par 0.
- …
- Travailler a été une bataille. Crois-tu que laisser partir féfé avec ma mère a été de gaieté de cœur ? Crois-tu que voir ma fille grandir loin de moi, ait été facile ?
- …
- Pour que je me relève et avance, il a fallu que je me sépare de féfé. Elle est loin pour le moment mais d’ici peu, mois ou semaines, je la reprendrais.
- Et entre-temps ?
- Tu peux aller rencontrer ma mère, si tu tiens tant à voir ta fille.
- Lorsque nous la concevions, ta mère n’était pas là.
- Mais c’est elle qui la blanchit et s’en occupe depuis le jour où tu as décidé de partir sans t’en occuper. Il est vrai que je l’assume financièrement mais pour le reste, c’est ma mère.
- Je veux voir ma fille.
- Tu n’as même pas honte. Combien donnes-tu par mois pour ta fille ? Que dalle !
- …
- Pendant que tu roulais dans les grosses voitures, ta fille crevait de faim. Te souviens-tu de tes dernières paroles, ce jour-là
- …
- Je vais te les rappeler : ta fille et toi, crevez de faim !
Les larmes coulent sur mon visage, je tremble en m’exprimant. Tous ces souvenirs reviennent avec force, entrainant dans leur sillage, tristesse et désespoir.
- Blessing, essaie-t-il en posant sa main sur la mienne.
- Ne me touche pas ! Dis-je en me dégageant avec force ; les clients assis aux autres tables du snack-bar se tournent vers nous, j’en ai cure.
- Désolé.
- Quelques jours après ton départ, féfé est tombée malade, convulsant. Nous sommes partis du quartier vers minuits, avons eté kidnappées dans un taxi. J’ai échappé à un viol de près alors que ma fille convulsait dans mes bras. A l’hôpital, je n’avais pas assez pour les soins. N’eut été l’intervention des autres, nous ne serions pas vivantes toutes les deux car moins d’une semaine après, je tombais moi aussi malade.
- Je ne savais pas.
- Comment pouvais-tu savoir puisqu’e abandonnant la mère, tu as décidé d’abandonner l’enfant ?
- Ecoute, j’ai agi sous le coup de la colère.
- Continue à agir sous le coup de la colère, Jack, c’est mieux.
- Je souhaite m’occuper de la petite et te donner des sous chaque mois.
- Tant mieux.
- Je souhaite venir te donner les sous tous les mois mais il faut que je vois ma fille.
- Pour voir ta fille, tu sais où trouver ma mère. Pour l’argent, c’est aussi à elle qu’il faudra faire des mandats.
- Non, je n’ai aucune envie d’avoir un contact avec ta mère, elle doit me détester.
- Dois-je conclure que tu n’auras pas assez de couilles pour voir ta fille ?
- J’attendrais lorsqu’elle sera ici.
- Si tu le dis. Bonne soirée, Jack.
Je me lève, il me tient par le bras, me forçant à ne plus bouger et le regarder.
- Ma plus grande erreur dans cette vie, a été de te laisser partir et je le regrette.
- Jack, s’il te plait.
- Crois-moi, je t’aime encore. Il n’y a rien de pire que se marier sans amour.
- Assume ! Moi, le plus beau cadeau que tu m’as fait, a été féfé. Je t’en remercie mais ne souhaite plus me remettre avec toi, ni aujourd’hui ni jamais.
- Blessing, s’il te plait.
- Respecte l’anneau que tu portes, s’il te plait.
Je me dégage, prends mon sac et me tourne.
- J’ai apporté une enveloppe de 100 000 fcfa.
- Donne !
Je lui arrache presque l’enveloppe des mains et hâte le pas, courroucée. Je siffle rapidement un taxi et prends une course pour chez moi. Ces derniers temps, je suis de mauvaise humeur et prête à bondir sur n’importe qui, à la moindre contrariété. Si je ne me connaissais pas j’aurai parié sur le fait d’être enceinte, mais n’ayant jamais eu de rapport sexuel avec Malick, je suis tranquille.
DEUX HEURES PLUS TARD…
TOC…TOC…TOC…
- Ah, qui est-ce encore ? Maman, je te rappelle après.
- Ok.
Je raccroche, pose le téléphone sur la table-basse et vais ouvrir en maugréant. Lubna tenant un panier-repas est au seuil de ma porte.
- Bonsoir, fais-je froidement ne bougeant pas d’un iota.
- Wow ! L’accueil est froid mais je peux comprendre.
- …
- Je reconnais avoir été dure la fois dernière et…
- Lubna, que veux-tu ? Je n’ai pas de temps à perdre, vois-tu ?
- Wow ! Ecoute, je venais m’excuser.
- C’est noté. Maintenant, j’aimerais me reposer. Ma journée de travail fut compliquée.
- Blessing, c’est la première fois que je vois cette lueur dans ton regard.
- Bonne soirée, fais-je en faisant mine de fermer la porte.
- Je lève le drapeau blanc, Blessing. Je suis venue m’excuser et reconnais que c’était maladroit de m’adresser à toi de cette façon.
- C’est noté. Merci d’être passée, dis-je en fermant la porte qu’elle bloque avec le pied.
- J’ai fait à manger pour toi. Fatima est dans la voiture, je doute fort que tu veuilles la voir car elle souhaitait aussi s’excuser.
- Lubna,
- Attends, attends.
Elle pose le panier-repas sur le sol, enlève la nappe, dépose les plats sur le sol et les goutte avec une cuillère devant moi.
- Il n’y a rien dedans, je tenais à te rassurer.
- …
- Bonne soirée, Blessing.
Elle tourne les talons, laissant le panier là, devant ma porte. Je finis par le faire rentrer et vais tout mettre dans le frigidaire.
DEUX JOURS PLUS TARD…
- Tu éternues depuis le matin, ma fille.
- C’est vrai, monsieur Nguiamba. Jai du prendre froid.
- Tu as les yeux rouges et le nez qui coule.
- C’est vrai.
- Ecoute, rentre et va te soigner. Tu me ralentirais plus que tout.
- Et comment feras-tu, patron ?
- Je m’en sortirais, ma fille. Soigne-toi, c’est le plus important.
- Merci, patron.
- De rien.
- Je termine ce rapport et j’y vais.
- Ok.
Un quart d’heure plus tard, je vais dire au revoir et m’affale sur le bureau, sentant le froid rentrer dans mes os. Je me rassieds, pose la tête sur le bureau, espérant que ce soit pour quelques minutes mais finis par m’endormir.
…
- Blessing ! Blessing !
- Humm…humm…Humm.
Je suis légèrement bousculée avant de consentir à ouvrir les yeux. Une main se pose sur mon visage.
- Elle est brulante. Entendis-je, reconnaissant la voix de mon patron.
- Merci de m’avoir appelé, fait une autre voix.
Je lève la tête et reconnais Malick. Je piaffe et me redresse avec difficulté, il veut m’aider mais j’esquive sa main.
- Emmenez-la voir un médecin, mon fils.
- Oui, papa.
Il prend mon sac à main sur la table, je n’ai pas la force de regimber et quitte le bureau tranquillement. Il enlève sa veste et la pose sur mon épaule. Là encore, je n’ai aucune réaction puisque je sens le regard de monsieur Nguiamba sur nous. Une fois dans le véhicule, j’enlève sa veste et la lui balance au visage en gémissant. Je ferme les yeux et m’endors pour me réveiller dans une polyclinique de la place.
Malick gare, je suis immédiatement prise en charge par des aides-soignants et conduite à un médecin. Je suis examinée moins d’un quart d’heure plus tard. Le verdict est sans appel : une angine. Le medecin fait une ordonnance me souhaite bien du courage et Malick propose de me ramener à la maison, je ne réponds pas.
Chez moi, il m’installe et veille à ce que je ne manque de rien pendant qu’il va à la pharmacie. Je m’endors et suis réveillée plus tard par l’odeur des gâteaux et le bruit du plateau contenant les remèdes et le jus d’orange. J’essaie de manger un gâteau mais ma gorge est bien trop irritée, suis obligée de tout renvoyer. Il prend et va jeter dans les toilettes, sans mot dire.
Il me tend les médicaments avec le verre de jus d’orange. J’avale les remèdes avec le jus avec difficulté, d’autant plus que le jus est acide.
- Le thé, j’ai besoin de thé, murmurai-je en rentrant dans la couette.
- Ok.
Il s’en va et revient avec une théière pleine à ras-bord, il fait le service et attend patiemment que j’ai terminé pour s’asseoir à mes pieds.
- Le thé, je ne connais, fais-je remarquer.
- Il est local, répond-il.
- Depuis quand, fabrique-t-on du thé au Cameroun ?
- Tu es sans ignorer qu’au Nord, le thé est incontournable et il y en a de local.
- Humm.
- Quoi encore ?
- Il est bon mais son odeur est bizarre dis-je avant de glisser dans un sommeil réparateur.
A mon réveil, Malick qui est sous la couette avec moi, me masse le dos et les pieds, j’apprécie même s’il est parfois brutal.
- Il est temps que tu prennes une douche, décide-t-il.
- Je n’ai pas la force, répondis-je en boudant.
- Tu as dormi six heures d’affilée et tu sues.
- Ah bon ?
- Oui. Je vais en profiter pour changer les draps.
- Je n’ai pas de force.
- Je vais t’aider.
Malik me porte jusqu’à la salle de bain, me déshabille et me lave comme un bébé. Lorsque c’est terminé, il me ramène dans la chambre, me fait asseoir devant la coiffeuse pendant qu’il change les draps. Il me faut manger pour avoir des forces, Malick me ramène des gâteaux et des fruits, appelle ma mère et me la passe. Elle est affolée, je parviens à la calmer. Durant mes cours moments d’éveil, Malick répond à mon téléphone de temps à autres.
QUELQUES HEURES PLUS TARD…
- Wow ! Tu es très laide, balance Mamimar en s’asseyant.
- Tu as toujours le mot pour rire, toi.
- Je suis généreuse en compliment, moi.
- Marimar, laisse-la tranquille, toi aussi. Dit Faith en s’esclaffant.
- Suis-je en train de mentir ? Regarde comment elle est aussi moche que le maquereau fumé et ne sens pas la rose.
- Ah bon ? S’enquiert Faith en arquant un cil.
- Mais oui, susurre Marimar pince-sans-rire.
- Je prends le bon, Marimar. Attends que je guérisse.
- Amen ! conclut Faith en riant.
Des pas dans le couloir puis Malick apparait, les bras chargés de paquets de gâteaux.
- As-tu dévalisé toutes les boulangeries de Yaoundé ? M’enquis-je étonnée par la quantité de paquets de gâteaux.
- Je savais que tes copines allaient arriver.
- Ah bon ? Comment ça ? Fais-je perdue.
- Je leur ai envoyé des messages, répond-il simplement. Je tenais à les informer que tu es malade ; je suis choqué par son courage mais ne dis rien, devant les autres.
- Merci ; mon ton est sec, il cligne des yeux.
- Avez-vous faim ?
- Oui, répond Marimar.
- Que voulez-vous mang