Partie 22
Write by Ornelia de SOUZA
La veille, ma vie avait étrangement basculée. Carin avait fait preuve d'une barbarie sans nom. Me taillader au nom de je ne sais quelle envie. Il était sûrement soûl, pensai-je pour me consoler alors que je savais pertinemment qu'il ne sentait pas du tout l'alcool. Et pour couronner le tout, il a fait venir cet homme pour selon la version officielle, me conduire mais il m'avait bien signifier en privé que c'était pour me surveiller et qu'il ne me laisserait point m'échapper. Je n'en avais pas l'intention d'ailleurs. Je n'allais pas subir tout ça pour abandonner à cause de quelques petites épreuves. J'étais persuadé que la vie était ainsi. On obtenait rien facilement. Cependant je devais retourner auprès de mon époux. Je devais retourner dans mon foyer pour convaincre mon époux de tout arranger entre nous.
Je me levai du lit pour me diriger vers la fenêtre. Il était très tôt et Dame Esther ne m'avait pas encore porté mon repas. De ma position, j'aperçus Yves, l'effronté qui était chargé de ma surveillance. Il était torse nu et il nettoyait la voiture qui avait sûrement été alloué pour mes déplacements. J'eus alors le temps d'observer le spécimen qui n'était pas mal du tout. Il n'était pas aussi beau que Carin mais il était plus grand et plus musclé. Il avait une mâchoire carré et un joli teint café au lait. Je me surpris à penser qu'au delà de son aspect misérable de notre première rencontre, il n'était pas mal du tout comme homme. Alors que je l'observais, il leva les yeux et je m'eloignai immédiatement de la fenêtre. Il m'avait sûrement aperçu.
Ma mission avec lui était de le déstabiliser un maximum pour échapper à sa surveillance. Celui qui pourra me garder en laisse n'est pas encore né, me dis-je quand Dame Esther toqua à la porte. Je lui ouvris et j'en profitai pour me glisser dehors. Dans le vestibule, je tombai nez à nez avec Ashley, mon ex partenaire de crime.
-Bonjour; murmurai-je
Elle ne me répondit pas.
-Je te salue Ash; voulus-je la rappeler à l'ordre
-Plus jamais tu m'entends? me menaça t-elle. Ne te permet plus jamais de m'appeler par mon prénom.
-Je pensais que nous étions amies; dis-je.
-Oh amies! Toi et moi? Tu couches avec Roland et tu veux que nous soyons amies?
Sa souffrance à elle était donc là. J'avais parfaitement raison de soupçonner quelque chose entre elle et l'autre ventru. Elle ne s'inquiétait pas pour son frère et elle était encore moins outré par mes mensonges. Tout ce qui la blessait, c'était que je partage son amant avec elle.
-Je ne couche pas avec Roland; rectifiai-je. Je ne couche pas avec lui.
-Et que je te crois sur parole? À cause de toi, il n'est plus le bienvenue dans cette maison.
Elle voulait sûrement dire par là qu'il n'était plus le bienvenue dans sa vie et dans son lit.
-Et alors? repris-je. C'est un homme marié.
Elle se retourna vivement et me saisit par l'avant-bras. Elle voulait en découdre.
-Tu es qui pour me parler comme ça ? S'il est marié, ce n'est pas à toi de m'informer. Je le sais qu'il est marié.
-Lâche moi; dis-je en tentant de la repousser. Je ne sais pas ce qu'il y a entre toi et lui, ni pourquoi tu t'emportes autant mais sache qu'il n'y a et qu'il n'y a jamais rien eu entre lui et moi. Toi et moi étions des alliées. Tu oublies que Carin aurait fait de mauvais choix sans nous deux pour le guider?
-Je me fiches pas mal de ce malade de Carin! dit-elle en me lâchant. Je me fiche de lui encore plus que de toi. Ne t'avise plus jamais de m'adresser la parole ou de m'appeler par mon nom dévergondée.
Elle quitta le vestibule sur ces mots. La situation l'avait clairement blessé. Au point où se mêler de la vie de son frère ne l'intéressait plus. Quelle pimbêche celle-là ! Elle avait toujours en bouche le fait que Carin détruise leur famille, qu'il puisse faire du mal à leur mère et elle utilisait cet argument pour l'obliger à faire ses quatres volontés. Aujourd'hui que ses propres intérêts étaient menacés, elle trouvait qu'elle n'avait plus rien à foutre ni de son frère ni de l'etat de sa mère. Quoique moi je n'avais pas besoin de son aide. Carin ne l'écoutait que rarement et sa haine ne me gênait pas. Je continuai donc ma route pour retrouver mon nouveau chauffeur. Je le croisai à l'entrée de la bâtisse et il était toujours torse nu.
-Tu sais que tu ne peux pas te promener ainsi? l'interpellai-je
-Bonjour Madame; me dit-il en soupirant. Préparez-vous pour midi.
-Tu n'as pas d'ordre à me donner; me dépêchai-je de lui dire
-Ce n'est pas un ordre. Sur l'emploi du temps que Mr m'a donné je dois vous conduire dans un restaurant pour votre déjeuner.
Carin lui avait donc donné un emploi du temps. Je comprenais maintenant son plan. Il voulait sauver les apparences et continuer à m'abuser en toute quiétude entre les quatres murs de ma chambre.
- Et mon époux sera là ? questionnai-je
-Aucune idée; me répondit-il avant de s'éloigner.
Quel idiot celui-là! J'aurais beaucoup de mal à le supporter mais il n'allait pas faire long feu dans ma vie. J'en avais l'assurance.
J'entrai à l'intérieur et je me dirigeai vers la salle de séjour. J'en avais marre de m'enfermer dans ma chambre et ça allait changer maintenant. Ma belle-mère qui était assise dans l'un de ses canapés luxueux et qui semblait donner des instructions à Dame Esther se leva à ma vue et se dirigea vers la salle à manger. Je tentai de la suivre mais Dame Esther m'en empêcha.
-Mais lâchez moi madame; protestai-je. Je dois parler à ma belle-mère.
-Non, elle ne veut pas vous voir pour l'instant.
-Mais je dois lui parler...
-Plus tard lorsqu'elle sera moins remonté contre vous ma petite mais vous ne m'avez pas dit ce que vous avez pu faire. Pourquoi Carin vous a t-il porté main? Pourquoi madame et sa fille vous en veulent?
-La curiosité est un bien vilain défaut ; lâchai-je avant de retourner sur mes pas.
Donc cette femme ne voulait pas me voir. Cette même femme qui m'avait supplié d'épouser son fils imparfait osait me traiter de la sorte. Je m'enfermai une fois de plus dans ma chambre où je ruminai ma colère jusqu'à m'endormir. Des coups contre la porte me réveillèrent quelques heures plus tard.
-C'est moi; lança le chauffeur à travers la porte. Nous allons être en retard pour votre réservation au restaurant.
-Laissez moi le temps de me préparer ; lui répondis-je encore un peu sous l'effet de ma petite sieste.
Il sonnait midi moins vingt minutes sur l'horloge murale de ma chambre. Je courus sous la douche pour me débarbouiller. Je n'allais pas manquer ce rendez-vous. L'heure n'était pas aux caprices. Une fois dans ce restaurant, je trouverais le moyen d'échapper à la vigilance du chauffeur pour me rendre dans la maison de mon époux. J'enfilai une robe sans trop d'égard à ma silhouette, j'arrangeai ma coiffure et je sortis. Le chauffeur ne m'attendait pas à la porte à ma surprise. Il était près de la voiture vêtu d'un tee-shirt moulant qui dessinait parfaitement ses pectoraux et d'un blue jean. Je n'étais pas insensible à son charme même s'il n'était pas de mon niveau. Il n'avait ni l'argent, ni le charme de Carin.
-Vous êtes prête? demanda t-il une fois que je fus à son niveau
-Vous ne voyez pas? lui dis-je sur un ton insultant.
Certaines personnes aimaient trop les questions bêtes. Tu me vois habillée et venir vers toi et tu me demandes si je suis prête. Je n'étais pas sortie de l'auberge avec celui là.
Il me dévisagea un instant, incrédule. Je crus qu'il allait me répondre mais il se contenta de contourner la voiture et de m'ouvrir la portière de la banquette arrière. Je m'installai alors qu'il prenait place au volant. Il démarra sans attendre un ordre de ma part et il me sortit enfin de ma prison. On n'eut pas à rouler longtemps avant d'arriver à destination. Le restaurant ne m'était pas inconnu puisque Carin m'y avait déjà conduit plusieurs fois durant le laps de temps où notre relation se déroulait bien. C'était un endroit vraiment chic et toujours bondé. Une réservation était préférable si on voulait être sûr de trouver une place. Je ne comprenais pas pourquoi Carin voulait que je déjeune là toute seule. Il voulait donner l'impression aux autres que j'avais une vie normal mais mes hématomes prouvaient le contraire. Une jeune dame nous reçut à l'entrée et m'indiqua ma table. Le chauffeur était toujours à mes trousses. Je pensai qu'il voulait peut-être s'assurer que je m'installerais bien dans le restaurant mais quelle ne fut ma surprise quand je le vis s'asseoir à ma table juste en face de moi.
-Que faites-vous? dis-je devant la serveuse qui était venu prendre notre commande. Comment osez-vous vous asseoir avec moi?
-Revenez plus tard je vous prie; fit le chauffeur à l'adresse de la serveuse. Nous aurons déjà fait nos choix.
-Chauffeur, je te parle! l'interpellai-je
-Yves, c'est mon prénom Madame et je vous prie d'arrêter de me traiter de cette manière ?
-De quelle manière? hallucinai-je. Avez-vous déjà vu un vulgaire employé s'installer à la table de sa patronne ?
-Je suis désolé de vous offusquer Madame mais je ne fais que mon boulot. J'ai l'argent pour régler la note et je suis là pour vous porter secours en cas de besoin.
-Secours?! hurlai-je presque faisant tourner des têtes dans le restaurant. Où pensez-vous que nous sommes? Dans l'un de vos dangereux bidonvilles??
-J'ose croire que ce n'est pas dans un de NOS bidonvilles que l'on vous a ainsi cassé la gueule; me répliqua t-il; parce que jamais sa grâce ne s'aventurerait dans de tels endroits.
-Comment osez-vous me parler de la sorte? m'emportai-je
Cette fois-ci j'avais vraiment crié. Les regards devinrent insistants sur nous mais je m'en fichais. Cet homme là prenait trop ses aises avec moi et je me devais de le remettre à sa place ici et maintenant.
-Je suis désolé Madame; dit-il faisant mine de s'excuser; mais j'ai raison. Vous n'avez pas été agressée dans un bidonville. Du reste, je ne fais que mon boulot. Le patron m'a bien signifié que vous n'aviez pas de quoi payer. Les fonds sont en ma disposition donc je dois être là pour régler la note.
-Tout ça n'est qu'excuse; repris-je. Si c'est vraiment l'unique raison, donnez moi l'argent et retournez à votre poste, c'est à dire sur le siège conducteur de la voiture.
-Désolé mais je ne peux pas vous obéir ; osa t-il me répondre. Madame, laissez moi faire mon travail et tout ira bien.
Je bouillais littéralement. Non seulement il me manquait de respect en agissant ainsi mais mes plans pour lui fausser compagnie et rejoindre Carin tombaient à l'eau. Je ne m'avouais pas pour autant vaincu.
-Je vais au toilette; dis-je en me levant
-Quoi? Pourquoi ?? balbutia t-il pris de court.
-Pour y dormir d'accord ? répondis-je excédée. Pour y dormir. Que fait-on aux toilettes idiot?
-Je ne vous permet pas de m'insulter madame; dit-il en se levant. Je vous accompagne.
-Êtes-vous malade? Vous voulez accompagner une dame aux toilettes? Êtes-vous un pervers? Êtes-vous sur que mon mari vous a vraiment attribué cette fonction?
Il sembla confus puis hésitant,il se rassit. Je le tchipai fortement avant de m'éloigner vers les toilettes une idée bien en tête.
*****
(Yves)
-Monsieur! m'interpella la serveuse. Je suis désolée de devoir vous demander à vous et à votre compagne de faire moins de bruit. Les autres clients se sont plaints.
-C'est moi qui suis désolé ; me hâtai-je de dire. Soyez sans craintes! Cela ne se reproduira pas.
Cette harpie nous avait fait remarquer négativement dans cet endroit si chic. Jamais de ma vie, je n'aurais rêvé mettre pied dans un lieu pareil. Jamais de ma vie, je ne l'aurais désiré d'ailleurs. Cependant mon travail m'obligeait à entrer avec elle pour la tenir à l'œil. Il était vrai que j'aurai pu mieux gérer la situation mais je n'avais pas pu me contrôler. Je reconnais que jamais je n'aurais dû lui parler sur ce ton et avec ses termes mais elle m'avait poussé à bout. Je soufflai. La tâche n'allait pas être aussi facile que ça, me dis-je.
Je contrôlai ma vieille montre une seconde fois depuis qu'elle avait quitté la table. Bientôt dix minutes. Je me levai brusquement. Cette femme était bien capable de tenter quelque chose. Je me dirigeai dans la même direction qu'elle. Un couloir menait d'un côté aux toilettes et de l'autre à la cuisine. Mes pas se firent plus rapides. À ma grande satisfaction, les toilettes étaient mixtes.
-Madame? appelai-je sans pour autant obtenir une réponse
Je poussai alors les portes des trois cabinets qui s'avérèrent totalement vides. La belle garce ne se trouvait pas dans les toilettes. Je revins immédiatement sur mes pas. Je croisai un jeune homme qui ramenait de la vaisselle à la cuisine.
-Avez-vous vu une femme? questionnai-je paniqué
-Qu...Quoi? balbutia le jeune homme
-Une femme belle et mince avec des bleus sur le visage... Elle est clair de peau...
-Oui oui; répondit-il enfin. Elle m'a demandé il y a quelques minutes si le restaurant possédait une sortie autre que la principale.
-Et?? m'emportai-je en lui saisissant le col
-Arrêtez ! dit-il en laissant tomber la vaisselle qui se brisa sur le sol dans un fracas.
-Dites moi ce que vous lui avez dit! lui ordonnai-je
-Je lui ai dit qu'il y avait une sortie en passant par la cuisine.
-Montrez moi cette sortie tout de suite! dis-je en le lâchant
-Non, l'entrée des cuisines est interdite aux clients.
-Ah oui? dis-je. Et pourtant à elle vous le lui avez montré. Je suppose qu'elle vous a glissé un billet. Vous allez immédiatement me montrer cette sortie sinon j'irai me plaindre à votre supérieur.
Le jeune homme sembla effrayé par mes menaces. Il me devança et on traversa la cuisine à grande enjambés. Une petite porte en bois donnait sur une ruelle.
-Ça fait combien de temps qu'elle est partie?
-Ça doit faire cinq minutes et il faut marcher un moment avant de tomber sur la voie principale donc elle ne doit pas être loin.
Je ne pris même pas la peine de lui répondre. Je m'élancai dans la ruelle à pas de course. Si cette femme m'echappait, je pouvais dire adieu à ce boulot et à ce salaire hors-norme. Il était hors de question que je reparte à zéro. Bientôt, je courais à perdre haleine. Au bout de trois minutes, j'aperçus la dame au loin qui se débattait dans le sable. Je la tenais.
-Hé! criai-je
Elle se retourna et à ma vue, elle enleva ses chaussures pour mieux courir. Elle n'était pas plus sportive que moi alors je la rattrapai rapidement. J'attrapai son bras et je l'obligeai à s'arrêter.
-Vous allez rester ici!
-Vous ne me donnez pas d'ordre! cria t-elle en se dégageant.
-Comment pouvez-vous me faire ça? Sortir par derrière alors que je vous attends dans le restaurant.
-Je ne vous dois rien; se defendit-elle. Vous n'êtes pas mon gardien à ce que je sache. J'ai le droit d'aller où je veux quand je veux.
-Pas quand je dois veiller à votre sécurité ; lancai-je hors de moi.
-Mais quelle sécurité ? Vous n'êtes même pas capable de vous défendre tout seul. Laissez moi partir maintenant.
-Non, vous allez rester ici; dis-je en l'attrapant à nouveau.
Elle tenta de se libérer en me donnant des coups mais je lui saisis fortement les deux bras pour la maitriser.
-Arrêtez ! Vous me faites mal et vous n'avez pas ce droit là.
Je n'avais pas ce droit là et je n'étais pas ce genre d'homme alors je la relâchai. Il y avait bien des manières de faire entendre une raison à une femme sans lever la main sur elle.
-Suivez-moi s'il vous plait! murmurai-je
-Non, je suis libre de mes mouvements
-Dans ce cas, vous ne me laissez pas le choix; dis-je fermement.
D'un mouvement rapide aidé par la vigueur de mes bras, je la saisis par la hanche et je la hissai sur mes épaules. Elle se débattait mais je n'en avais cure. J'étais beaucoup plus fort qu'elle et elle n'allait pas me faire tourner en bourrique.