Partie 24 : Le jour-j
Write by Fleur de l'ogouée
Koumba Marimar
Je ressens des douleurs de
plus en plus vivent qui parcours mon corps de part en part, je n’ai jamais eu
aussi mal de toute ma vie, on aurait dû me dire que la douleur-là était comme ça
j’aurais fermé mes cuisses. Je transpire malgré la climatisation, je n’arrive
pas à me lever, mon vagin vibre seulement, j’ai l’impression d’être un objet
déréglé, mon corps ne m’obéis plus il fait ce qu’il veut. J’entends la porte s’ouvrir
et monsieur est là avec sa peste de petite sœur, je ne sais pas pourquoi il s’obstine
à vouloir nous rendre amies, on ne se supporte pas c’est un fait, en plus je ne
suis pas d’humeur pour ses réflexions à la con.
-Bon Gémina va rester avec toi
quand je vais retourner au boulot, je n’ai pas envie que tu restes seule ici
-Je t’ai dit que Cynthia va
venir en après-midi
-Elle et son fiancé sont
encore à Bikélé, le temps qu’ils arrivent beaucoup de choses peuvent se passer
Je n’ai pas le temps de
répondre qu’une douleur plus forte que la foudre parcours tout mon abdomen, j’ai
tellement mal, sur une échelle de 1 à 10 cette douleur est a 13, je ne sens
plus mes jambes, devant mes gémissements de douleurs Marc décide qu’il vaudrait
mieux qu’on aille déjà à la clinique. Il met la valise de naissance dans la
voiture, puis ne pouvant pas marcher il demande au gardien de l’aider à me
soulever pour me mettre sur la banquette arrière de la voiture. Difficilement
je m’allonge et j’essaie de lutter avec la douleur qui me glace le sang, j’ai
froid et chaud en même temps, j’ai envie de tremper mon corps dans une piscine d’eau
glacé, tellement que mon entre-jambe est en feu. En route pour la clinique je
repense à ses derniers neuf mois, pourquoi je me suis infligé tout cela en
fait, j’aurai aussi pu vivre ma petite vie tranquillement, j’aurai pu me battre
et trouver un petit job, je vivrais au moins dans la paix, aujourd’hui je vais
donner naissance à un petit garçon sans savoir ce qui nous attend demain, je
vais devoir me battre deux fois plus, j’aurais quelqu’un qui dépendra de mois,
finis la Marimar naïve.
Moussavou Marc-André
Je conduis aussi vite que je
peux tout en restant prudent, ses cris de douleurs transpercent mon cœur, j’aurais
envie de partager sa douleur, de l’épargner toutes ses souffrances. Je gare dans
le parking et demande à Mina d’aller appeler du renfort, pendant que je sors la
valise et aide Mari à s’asseoir, quelques minutes plus tard elle revient avec
une infirmière qui pousse une chaise roulante, nous rentrons tous et nous dirigeons
en maternité, elle est reçue par des sages-femmes dynamiques et passionnés loin
de l’image de la sage-femme au visage austère et aux mots durs. Elles l’examinent,
pendant que Mina et moi attendons dans le couloir, elles m’ont demandé de garder
la valise au cas où il faille retourner à la maison. J’espère qu’ils vont la
garder, je serais plus sereine si elle est ici entourée de personnes qualifiées
au cas où quelque chose se produit. En écoutant aux portes, je les entends dire
que sont cols est ouvert mais que la poche des eaux est encore intacte, je ne
sais pas trop ce que tout cela veut dire, j’ai pris quelques conseils chez H et
Styve mes seuls amis qui ont des enfants, ils m’ont un peu rassuré, mais toutes
mes certitudes se sont envolés quand je l’ai vu se tordre de douleur, je me
sens tellement inutile. Enfin une des sages-femmes sort pour nous donner des
nouvelles
-Elle est déjà en travail donc
on va la garder, je l’ai installée en salle de travail, vous pouvez apporter
ses affaires et la voir rapidement tous les deux, ensuite une personne pourra
rester et l’autre ira en salle d’attente
Mina sans même attendre s’en
va en salle d’attente tandis que j’entre en salle de travail, elle est la seule
patiente donc c’est calme, je pose la valise au pieds du lit, avant de m’asseoir
au bord du lit. Elle a l’air si épuisé, ils lui ont mis une perfusion et une
sonde urinaire.
-ça va maman tortue ?
-comment veux-tu que ça aille ?
J’ai mal partout
-il y a quelque chose que je
puisse faire ?
-ce que tu aurais dû faire il
y a 9 mois c’est utiliser un préservatif
Je me tais simplement, je ne
vois pas ce que je pourrais ajouter, au final quoi que je fasse, je le fais
mal, je la regarde pleurer en silence et ça me fond le cœur, je lui tiens la main
et chaque fois qu’elle sent une contraction, elle me serre fort la main, ça l’aide
à se calmer un peu.
J’ai appelé au boulot pour expliquer
mon absence, déjà que tout Libreville sait que Nina est en couple avec une star
nigériane, les spéculations vont bon train, quand la nouvelle de l’accouchement
de ma baby mama se répandra, je serais à nouveau au centre de toutes les
conversations.
Déjà 3 heures que nous sommes
à la clinique, les douleurs se sont intensifiées, les contractions sont de plus
en plus rapprochées, elle est en suer malgré la climatisation. La poche des
eaux c’est finalement rompue, le col est déjà dilaté à cinq centimètre, selon
les sages-femmes elle progresse bien pour une primipare. Maintenant que Cynthia
et son compagnon sont arrivés on se relaie pour veiller sur elle, Gisèle aussi qui
a miraculeusement décroché son téléphone est en route.
Koumba Marimar
Je ne sens plus mon corps, j’ai
tellement mal mais je n’ai plus la force de pleurer ni de crier, je suis
simplement allongée en attendant que tout ceci finisse, j’ai l’impression que
mon corps a été pris en otage. Marc et ses questions stupides m’énerve, de toute
façon c’est de sa faute si je suis dans cet état, j’ai envie de lui jeter tout
ce qui traine sur le lit, son visage, sa voix et son odeur m’énervent. Quand Cynthia
fait son entrée dans la salle, je me sens tout de suite mieux, l’écouter parler
m’apaise.
-La petite Marimar va devenir
la maman de quelqu’un, quand je vois nos vies 6 ans auparavant, tout ceci me
semble irréel. Je vais me marier Mari, nous construisons une maison pour nous,
ses enfants et sa famille m’ont validé, je suis sur un petit nuage je t’assure
et regarde-toi, tu vas avoir un enfant, tu vis avec un homme qui te chouchoute,
tu as réussi à séduire le père de ton enfant en 9 mois ma belle.
-Je dis hein, qui vas venir
vous rendre visite à Bikélé ?
-Le déménagement ce n’est pas
pour maintenant oh, on a encore au moins deux ou trois ans ici en ville, le
temps là tu vas passer le permis de conduire pour pouvoir venir jusqu’à là-bas
en voiture
-Tu as les grands plans hein
-Bien sûr
Discuter me permets de penser
à autre chose, pendant quelques instants j’occulte la douleur et nous parlons
de tout et de rien, sa présence est vraiment ma thérapie, sans elle je ne sais
pas comment j’aurais survie à ces 9 mois, ne pas pouvoir compter sur Marc en
début de grossesse à été tellement difficile, j’étais en face d’un mur, aujourd’hui
le voir s’impliquer, s’inquiéter, me soutenir et me rassurer me fait du bien, je
n’ai pas fait cet enfant seul donc pouvoir compter sur lui est important. Quand
Marc et Cy échangent de place, il me dit que Gisèle est présente et qu’elle m’envoie
tout son soutien, au final cinq personnes sont là pour moi aujourd’hui, c’est
énorme pour moi qui n’ai pas de famille ici. Il s’assoit près de moi et me
caresse les cheveux, ça m’apaise beaucoup, nous sommes passés par plusieurs
étapes, mais peut-être que ceci commence enfin à ressembler à une réelle
relation, peut-être que ce couple à de l’avenir. Je me surprends à rêvasser de
robe blanche et de mairie.
-ça va maman tortue ?
-tu vas me poser la question-là
combien de fois ?
-jusqu’à ce que tout ceci
finisse, je suis si impuissant, je me sens mal que toi tu sois là à souffrir le
martyr pendant que moi je vais bien
-Marc c’est la loi de la
nature, les femmes enfanteront dans la douleur c’est un fait, tu ne peux rien y
faire en fait à part m’apporter ton soutien
Il me fait une bise sur le
front et continue de me caresser les cheveux en douceur. La sage-femme vient
nous interrompre et fait le toucher vaginal, elle finit et s’adresse à Marc
-Votre fiancée est forte hein,
elle est calme et ne crie pas, vraiment elle mérite des cadeaux
-Elle aura tous les cadeaux du
monde
-Bon, on va aller l’installer
en salle d’accouchement, maintenant vous ne pourrez plus être là, nous viendrons
vous faire signe quand l’enfant sera là
Elle part et Marc m’embrasse
avant de s’en aller
-On se voit tout alors, soit
forte ma maman tortue
Maintenant je suis face à mon
destin, je vais devoir expulser tout un être humain par mon vagin j’ai si peur,
tout d’un coup le calme apparent que j’avais disparais et je commence à
paniquer, la douleur revient de plus belle. Allongez sur la table d’accouchement,
les jambes en l’air, j’essaie de rester forte, mais la peur m’envahit, les sages-femmes
me calme comme elles peuvent, une stagiaire me prend la main, mais rien n’y
fait j’ai si peur.
-Bon Marimar regarde-moi, la tête
est déjà là, quand tu sens une contraction pousse de toutes tes forces, pousse
aussi fort que possible et arrête-toi à la fin de la contraction pour
recommencer à la prochaine
Je réponds oui de la tête mais
je ne suis absolument pas sereine, comment un enfant peut sortir d’un si petit
orifice, avant que je n’aie le temps de réfléchir je ressens une forte
contraction, je pousse de toutes mes forces comme me l’a dit la dame, elles me
félicitent et m’encouragent à refaire la même chose. Je suis fatiguée, j’ai mal
partout mais j’y suis presque, je donne tout, je pousse comme une folle, je les
entends parler d’épisiotomie << coupe à la prochaine contraction >>,
je sens un objet tranchant mais la douleur est si intense qu’au final celle de l’épisiotomie
s’y confond.
22h36
Mon petit garçon est né, 2700
grammes, il est parfait, si petit la peau toute rosée, ses petits gestes et ses
yeux qui s’habituent à la lumière, je suis heureuse d’enfin le rencontrer. Elles
l’ont nettoyé et habillé, pendant qu’une autre me recousait le périnée, l’anesthésie
ayant fait son effet je ressens à peine l’aiguille passer, néanmoins ça reste
douloureux.
Une fois que je suis
présentable une infirmière m’accompagne en hospitalisation, il est 1h du matin
quand les autres découvrent le petit, ils s’extasient tous, Gisèle en larme
trouve qu’il ressemble à leur défunt père, Marc ému ne dit pas grand-chose, Cynthia
trouve qu’il a mes lèvres et mes oreilles, même Gémina s’extasient devant sa
beauté.