Partie 25 : le contrat
Write by labigsaphir
[ BLESSING ]
Je suis en train de faire la vaisselle lorsque mon téléphone se met à sonner. Je piaffe, décide d’ignorer mais au bout de quelques minutes, lâche tout et vais décrocher avec rage.
- Oui, allo !
- Bonjour Badjeck.
- Bonjour maman.
- C’est comment ?
- Ça peut aller.
- Seulement ? Généralement les nouvelles mariées sont toutes miel et toi, tu es nerveuse.
- Maman, je vais bien.
- Où est ton époux ?
- Sorti !
- Euyeukeuuu mais vous vous êtes mariés, hier.
- C’est vrai et le monde ne s’arrêtera pas de tourner.
- Blessing,
- Oui, maman ; je maitrise avec peine le tremblement de ma voix.
- Es-tu heureuse ?
- Oui, maman. Malick et moi, sommes heureux ; des larmes coulent silencieusement sur mes joues.
- C’est tout ce que je peux te souhaiter. Tu as écouté ton cœur mais pas la raison ou tes parents et…
- Maman, je suis mariée et tiens à mon foyer.
- Ok. Tu sais, un parent…
- Comment va féfé ? La coupai-je durement ?
- Elle va bien. C’est dommage que te sois mariée sans elle.
- J’y ai aussi pensé.
- Humm.
- …
- Appelle ton frère et discutez parce qu’il est vraiment remonté contre toi. Quant à ton père, je ne lui dirai rien.
- …
- Tu es une grande fille, tu t’en occuperas.
- Ok.
- Tous mes vœux de bonheur et bonne journée.
Je raccroche et me laisse glisser le long de la commode pour me retrouver au sol et éclate en sanglots car voyez-vous, depuis qu’il est parti, mon époux ne m’a pas rappelé. J’ai bien essayé de le joindre mais il ne décroche pas mes appels. J’ai failli péter un plomb mais je comprends, son ex-femme est décédée. Mon téléphone se met à sonner.
- Allo, Blessing. Comment vas-tu ?
- Ça peut aller et mes condoléances.
- Merci. Je venais aux nouvelles. Je sais que vous n’avez pas eu une lune de miel conventionnelle.
- Lubna,
- Il m’a appelée et m’a relaté les faits. Il est parti depuis le matin et ne te donne pas de nouvelles.
- …
- Sache qu’il ne le fait pas exprès.
- …
- Ecoute, la famille de Salima n’est pas facile. Ils ne veulent pas nous laisser le corps de notre femme alors qu’ils ont été mariés à la coutume et légalement.
- Et pourquoi ?
- Blessing…Tu viens de te marier et…
- Lubna, si tu ne veux pas parler, raccroche.
- Il y a des supputations…Le téléphone arabe…Ils pensent que c’est Malick qui a tué leur fille.
- …
- Je crois qu’ils ont encore la rage de ce divorce.
- Humm.
- Blessing, je sais que Malick s’est mal comporté mais crois-moi, il est tellement pris en ce moment.
- …
- Tu sais, il a un tempérament assez compliqué.
- …
- Ecoute, ne prends pas mal ce que je vais te dire.
- Huhum.
- Malick est juste un homme, il tient vraiment à toi mais a aussi des responsabilités.
- …
- Blessing es-tu encore là ?
- Mais oui.
- Ça va ?
- Je dois terminer la vaisselle.
- Ok. Je comprends que tu es en colère.
- …
- Bonne journée.
Je raccroche, me lève et me dirige vers le frigidaire, une odeur attire mon attention. Je me baisse et constate que c’est un sac de nourriture. Une personne a surement fait un paquet et oublié de le récupérer en partant. Je secoue la tête et tire le sac à moi, je n’avais pas tort, il est plein à craquer. Tout est maintenant pourri, je le sors et me dirige vers la cuisine lorsque j’entends du bruit et tourne la tête. Je sursaute en constatant que ce n’est que le chat qui quitte les toilettes traditionnelles, celles de derrière la maison, les toilettes indigènes.
- Mais qu’est-ce qu’un chat peut bien aller chercher là-bas, surtout que le trou est béant ? Fais-je en posant le sac sur le sol et me dirigeant vers lesdites toilettes.
Le chat s’arrête en m’entendant, ne fait même pas mine de bouger et me fixe du regard, j’en ai des frissons mais accélère le pas. Je tire sur la porte en tôle des toilettes, tends le cou pour constater qu’il n’y a rien de suspect.
- Humm.
Je sors et ferme la porte des toilettes, c’est à cet instant que le chat s’en va. Je vais récupérer le sac à la poubelle et vais le jeter. En rentrant dans la maison, j’entends un bébé pleurer, je m’arrête au beau milieu du salon et me dirige vers l’endroit en question.
Dans la maison, il y a une pièce qui sert de magasin, si je puis dire. Je n’y suis vraiment jamais allée. Je me retrouve devant la porte, étonnée de constater que la porte est entrouverte. Je pousse la porte en tremblant, c’est un peu austère voire sinistre. Tout est noir, je tâte sur le mur afin de trouver l’interrupteur, c’est fait et lumière fut.
Des cartons, plus nombreux que la dernière fois, s’amoncellent dans un coin de la pièce. Je rentre et tourne la tête, le chat est couchée en boule sur le lit. Humm, je préfère m’en aller. Je ne sais pas pourquoi je me sens si oppressée. En me tournant, un vêtement dépassant d’un carton attire mon attention. J’avale la distance nous éparant et tire dessus d’un coup sec.
- Quoi ? Mais c’est un habit de femme !
Un chemisier rose et très large en plus d’être échancré, sur le devant. Je soupire et ouvre entièrement le carton, il est plein de vêtements de femmes. Je sursaute en sentant quelque chose se frotter à moi et fais un bon de côté : c’est le chat. Je le botte, il va s’écraser contre le mur et se remet à pleurer comme un bébé. Je le sors de ma tête et éventre tous les cartons, ils sont pleins de vêtements de femmes e toutes les tailles, cette fois. Je fouille un carton, deux, trois puis cinq et dans le dernier, un album-photos où je découvre les photos de Malick et Salima, plus jeune voire même avant leur mariage.
Mon cœur se met à battre rapidement et mes jambes deviennent flageolantes. Ma vue se brouille avec des larmes, je les essuie rapidement et remets tout à la place en veillant à ce que tout soit comme avant. Je quitte le chat en laissant l’autre pleurer, humm.
Je vais ranger ma cuisine et fais le ménage dans toute la maison avant d’aller me reposer. Je suis réveillée quelques heures plus tard par la sonnette. Je me lève avec difficulté et traine mes pieds au salon. Des femmes en pleurs y rentrent quelques minutes plus tard, je ne comprends pas. Elles prennent leur quartier dans le salon.
- Bonsoir mesdames. Que puis-je faire pour vous ?
- Laisse-nous le gros français, nous pleurons notre sœur. Daigne répondre l’une d’elle en s’asseyant lourdement.
- Je te dis, elle croit que c’est parce qu’elle porte son nom. La fille de Salia a 50% de cette maison donc laisse-nous.
- Mesdames, j’ai été polie avec vous et vous prierai d’en faire de même.
- Aka quitte de-là.
L’une des femmes se lève et pousse les canapés de façon à les coller sur le mur. Je me déplace rapidement et les remets à leur place, énervée.
- Je vous rappelle que je suis chez moi et que ma permission est requise pour tout !
- Je ne sais pas comment tu t’appelles mais sache que Salima était avant toi, réagit une autre les yeux rouges.
- Laisse-nous pleurer notre sœur en paix.
- Mesdames, je vous prierai de vous calmer.
- Aka, celle-là parle même quoi ? Intervient une autre.
- Madame, tu penses qu’on va faire le deuil où ?
- Ce n’est surtout pas ici, rugis-je choquée.
- Essaie donc de nous en empêcher, lâche la dernière.
- Elle peut essayer ? Reprend la première.
- Mesdames, sortez de chez moi !
- C’est le Caterpillar qui va nous enlever ici.
- Dehors Criai-je en me dirigeant vers elles.
Au même moment, le vrombissement d’une voiture se rapproche. Je m’arrête net et me tourne vers la porte en entendant des pas approcher puis les pleurs d’un bébé.
- Que se passe-t-il, ici ? Gronde Malick, un nourrisson dans les bras.
- N’est-ce pas ta femme qui nous demande de nous en aller ?
- Elle dit que le deuil de notre sœur ne se fera pas ici parce qu’elle est ta femme.
- C’est moi qui ai demandé à ce qu’il se fasse là, dit Malick en se tournant vers moi.
J’ai une furieuse envie de répondre mais me retiens, ne voulant pas exposer mon époux.
- Suis-moi, Blessing !
Nous nous dirigeons vers notre chambre en silence, non, le chat est maintenant là. Il pose la petite et les sacs sur le lit, puis va dans la salle de bain, le chat l’y rejoint. J’entends le bruit de la chiasse d’eau puis de l’eau qui coule et enfin, la porte s’ouvre.
- Qu’es-tu allée faire dans la chambre qui nous sert de magasin ?
- Pardon ? Fais-je en décollant mon regard de la petite sur le lit.
- Qu’es-tu allée faire dans la chambre qui nous sert de magasin ?
- N’est-ce pas aussi chez moi ?
- Si ! Seulement, tu aurais dû me demander la permission.
- Te demander la permission pour rentrer dans une chambre ?
- Blessing, qu’es-tu allée faire là-bas ?
- Le chat miaulait là-bas.
- Et alors ? De quel droit as-tu fouillé les affaires de Salima ?
- De quel droit, Malick ? Dis-je en mettant les mains aux hanches.
- De quel droit, Blessing ?
- Que faisaient d’abord ses vêtements dans cette maison ?
- Ai-je besoin d’une permission pour toquer quoi que ce soit dans cette maison ?
- Malick, je suis ta femme à ce que je sache.
- Tu as raison, bébé, excuse-moi.
Il s’avance vers moi et me prend dans ses bras, je résiste et finis par me laisser aller.
- Excuse-moi, chérie. J’ai complètement oublié que nous nous sommes mariés, hier.
- A peine sommes-nous mariés que je suis délaissée, dis-je la voix tremblante.
- Non, non, je tiens toujours à toi. En fait, tu es mon meilleur choix dans la vie.
- …
- Chérie, ne l’oublie jamais, s’il te plait.
- Comment as-tu pu décider de faire le deuil de Salima dans cette maison ?
- Devant Dieu et les hommes, c’est ma femme.
- Mais vous étiez divorcés.
- Le divorce ne peut dénouer certains liens.
- Et c’est maintenant que tu me le dis ?
- Excuse-moi, c’est vrai que j’aurai du t’en parler.
- Tu es parti depuis le matin.
- Ah oui, oui,viens ; il me tire vers le lit et s’assied doucement pour ne réveiller la petite qui dort à poings fermés.
- Malick, qui suis-je pour toi ?
- Ma femme et mon amour.
- …
- Chérie, Salima est morte en couche et comme j’étais encore son mari, il fallait que je sois là.
- Cet enfant n’est pas de toi.
- …
- N’est-ce pas Malick ?
- ….
- Malick, pourquoi ne réponds-tu pas ?
- Blesssing, qu’il soit de moi ou non, devant Dieu et les Hommes, je suis et reste son père.
- Et nous, as-tu pensé à notre couple ?
- Nous avons le temps de nous construire, s’il te plait.
Je fais mine de me lever, il me tient par la main. Je me dégage et me dirige à grands pas vers la porte.
- Chérie, nous nous sommes mariés, hier.
- Lâche-moi, Malick !
- Si je t’avais demandé, me l’aurais-tu accordé ?
- Raison pour laquelle, tu m’imposes tout ceci ?
- Blessing, j’ai un pensée comme toi.
- Cela ne veut rien dire, Malick ! Le mariage est un contrat, un partenariat.
- Je le sens et suis d’accord mais sache que je dois honorer Salima.
- Lache-moi, Malick !
- Non, Blessing ! Tu es ma femme et dois m’écouter. Si tu as des reproches à me faire, c’est avec respect.
- Le respect est mutuel !
- Tu baisses d’un ton, madame !
- …
Je me dégage et rentre vers le lit et prends position devant la fenêtre.
- Nous discuterons dans les prochains jours. En attendant, tu dois t’occuper de l’enfant de Salima.
- Pardon ? Explosai-je en me tournant vers lui, sentant la moutarde monter.
- Si tu m’aimes, tu dois aussi aimer mes enfants.
- Non !
- Blessing, combien sont allés faire les enfants dehors et les ont ramenés à la maison et leur femme en ont pris soin ?
- Je ne suis pas les autres femmes !
- Si tu aimes ton mari, tu dois pouvoir prendre soin de son enfant.
- Non !
- Blessing, sa mère est décédée, qui devrait s’en occuper ?
- Non !
- Blessing, si tu ne le fais pas, je comprendrais que tu ne m’aimes pas.
- …
- Selon la religion musulmane, les cors ne dorment pas et elle a déjà été enterrée.
- Que font donc ces femmes ici ?
- C’est la veillée.
- Je ne veux voir personne, ici.
- C’est encore ma maison !
- Dans ce cas, restes-y avec ton enfant.
Je me tourne et me dirige vers un coin de la chambre et prends un sac de voyage qu’il prend et remet à sa place, puis me saisit par les épaules.
- Blessing, je comprends que tu sois déçue mais fais un effort et pense à mon honneur.
- Et qui pense au mien ?
- Je t’aime et la petite n’a plus de mère.
- Tu aurais pu la laisser à la famille de sa mère.
- Pour que je ne la revois plus ? Blessing, est-ce que tu souhaites ?
- N’espère pas me faire culpabiliser.
- Blessing, après tout ceci, je me rachèterais, je te promets.
- ….
- S’il te plait, mon bébé, s’il te plait.
Il me prend dans ses bras, pose ma tête sur sa poitrine et me berce durant quelques minutes. Des larmes s’échappent de mes yeux et mouillent le vetements qu’il porte.
- Désolé de te faire souffrir autant, à peine mariés.
- …
- Je sais trop t’en demander mais ne peux faire autrement.
- ….
- Occupe-toi du bébé et gère cette veillée, c’est tout ce que je te demande.
- …