Partie 26 : Carla CROFT

Write by labigsaphir

- Monsieur est en visioconférence, vous ne pouvez entrer, dit-elle en se levant ; je la repousse mollement et pousse la porte capitonnée du bureau.

Papa et Jamice y sont, c'est encore mieux. Je me dirige vers eux sans un mot, pose mon sac sur le bureau dans un bruit sinistre et m'assieds lourdement.

- Monsieur, j'ai vainement essayé, s'excite la secrétaire de mon père.

- Fermez la porte, mademoiselle ! Je ne souhaite être dérangé par quiconque, tonne-t-il.

- Oui, monsieur, répond-elle en se traînant vers la sortie ;

- Comment as-tu pu ? Rugis-je à peine la porte fermée. Comment as-tu faire enfermer ta petite-fille ? N'as-tu pas de cœur ? Comment as-tu fait pour passer du père aimant en cet être méchant froid et dur ? Tu sais parfaitement que Jen n'est en rien coupable des faits qui lui sont reprochés.

- Pourtant les faits tendent à prouver le contraire, réplique-t-il en se calant mieux dans son fauteuil.

- Comment peux-tu être aussi calme, alors que ma fille est en garde-à-vue ?

- Les affaires sont les affaires et ce n'est pas moi qui l'accuse, mais les preuves sont accablantes.

- C'est complot, nous le savons tous ! Jamice, dis-moi que tu crois ne serait-ce qu'un instant à sa culpabilité.

Il baisse la tête et fait mine de s'absorber dans la lecture d'un document.

- J'étais contre l'entrée de Jen dans cette entreprise mais j'ai peu à peu, baissé la garde, croyant que tu avais changé. Non, je m'étais trompée. Maudit soit le jour où j'ai remis les pieds dans cette entreprise et dans ta maison. J'aurai du ne jamais y revenir. Je me rends compte que maman partie, je n'ai plus personne, personne.

- Carle, m'interrompt Jamice, tu ne devrais pas...

- Je ne devrais pas, quoi ? Menacer la sacro-sainte unité de la famille STERN ?

- Carla, je te rappelle que c'est toi qui as provoqué des scissions dans la famille en t'éloignant volontairement de nous, argue papa.

- Quelle hypocrisie ! Tu sais parfaitement pourquoi je suis partie. Tu le sais, papas, nous le savons tous !

- Non, c'est toi qui as apporté le déshonneur dans cette famille, par cette enfant.

- Cette enfant s'appelle Jen, papa ! Elle s'appelle JENEYA CROFT et elle est que tu le veuilles ou non, ta petite-fille.

- Je ne l'ai jamais reconnue comme telle, vois-tu, et je ne la reconnaitrais jamais. Elle est la cause du malheur de cette famille ; il se met à tousser en tremblant.

- Papa, fait Jamice en se précipitant vers lui.

- Tu sais parfaitement que cela couvait depuis des années. Jen n'a été qu'un élément de plus pour TOI, une excuse.

- Non, elle a été l'élément déclencheur ! Cette enfant est la pomme de discorde de cette famille ! 

- Ah bon ? Pourquoi ne veux-tu pas prendre tes responsabilités ? Pourquoi ne veux-tu pas faire face à tes actes ? Pourquoi ne veux-tu pas et ne peux-tu pas, ne serait-ce qu'une fois au cours de ton existence, reconnaître que tu as fait des erreurs ?

- Carla, tu es ma fille, ne l'oublie jamais ! Il en fallu du temps, du courage, e la patience et de l'abnégation pour fonder cette entreprise et lui donner cette gloire. Qui es-tu pour me reprocher de m'être consacré à ce que j'aimais le plus et surtout, préparé l'avenir de mes enfants ?

- Non, papa, ait le courage de reconnaître tes erreurs et de dire que tu n'as fait que préparer ton avenir et non celui de tes enfants que tu aimes bien diriger à la baguette.

- Oses nier que tu as aimé le luxe dans lequel tu as vécu avant de t'enfouir comme ne voleuse !

- Je n'étais qu'une enfant et comme tout enfant, j'ai écouté et respecté mes parents.

- Si tu l'avais vraiment fait, nous n'en serions pas là et ta mère serait toujours vivante ; il a appuyé là où ça fait mal.

- Papa, c'est injuste, intervient Jamice pour la première fois.

- Tais-toi, Jamice ! Tais-toi ! Crois-tu que je ne sache pas que tu sois resté afin d'assurer un certain train de vie à ta famille.

- Pour ta gouverne, je travaille plus qu'il n'en faut et j'ai eu à te prouver ma loyauté à maintes reprises, réplique-t-il la mâchoire serrée.

- De toute façon, hormis ta mère, vous avez toujours vu un ennemi en moi. Vous n'aviez vu en moi qu'une porte vers la sortie.

- Papa, c'est injuste, continue Jamice. Tu sais très bien que tout a commencé avant l'arrivée de Jeneya. Tu l'accables de tous les maux alors que comme nous tous, elle a supporté tes foudres.

- Qui es-tu pour me contredire ?

- Papa, je sais que certaines personnes avec l'âge, ne changent pas et tu en fais partie. En fait, je ne sais, j'ai toujours cru que tu te bonifierais avec le temps et deviendrais sage mais il n'en est rien. Tu es passé d'un père aimant, parfait mari à cet être vil, dénué de toute sensibilité et prêt à tout pour quelques sterlings et euros.

- C'est aussi cet être qui a assuré votre bien-être, pour ne pas dire son sacrifice, rétorque-t-il irrité.

- Papa, je ne suis pas venue me disputer avec toi. Je n'ai ni le temps, ni l'envie de le faire ; je voudrais que tu retires ta plainte et me laisses rentrer avec ma fille.

- La plainte n'est plus à mon niveau et même si je le voulais, je ne pourrais pas.

- Tu es Klaus STERN, tu peux tout faire et te permettre. Je sais que tu côtoies les plus grands.

- Carla, je suis PDG d'une entreprise et qui dit entreprise, dit personne morale. J'ai déposé une plainte, même si je la retire, la société est libre de poursuivre la procédure.

- Retire-la déjà et nous verrons dans quelle mesure, nous poussons disculper Jen.

- Je ne peux pas, nous avons perdu 1000 points ne bourse à cause de cette affaire. L'image de mon entreprise a été écornée. Nul besoin de t'expliquer que la confiance qu'avaient nos partenaires en nous, a plus qu'été ébréchée. Il faudrait envoyer un message fort à l'encontre de tous nos concurrents.

- Quitte à laisser ta petite-fille sur le carreau ?

- S'il le faut, ils comprendront que si j'ai pu laisser ta fille aller en prison, je n'hésiterais pas à faire preuve de cruauté envers quiconque menacerait les intérêts de l'empire STERN.

- Tout ce qui compte pour toi, est d'asseoir ta réputation et la famille, qu'en fais-tu ?

- Tu es pourtant censée me soutenir, toi, tu es une STERN ; son ton est plein de sous-entendus.

- Est-ce là le problème ? Est-ce pour cela que tu as choisi de la sacrifier ?

- Je n'aime pas tes insinuations, je n'aime pas ce que tu sous-entends, Carla. Quoi qu'il arrive, je suis ton père ! Crois-tu que je sois capable de monter une affaire pareille, quelque chose d'aussi abracadabrant afin de satisfaire je ne sais quel dessein ?

- Oui, je le pense. Et pour tout te dire, je pense que tu es l'auteur de tout ce complot.

- Non, Carla, je ne le suis pourtant pas.

- J'ai failli te croire. J'aurai pu croire si je ne connaissais pas ta vraie nature.

- Pense ce que tu veux mais sache que la procédure suivra son cours.

- Dans ce cas, je convoquerai une conférence de presse et dirai qui tu es vrai, vraiment. Je te poursuivrai pour diffamation et n'oublie pas que tu fais partie du conseil d'administration et donc, sous contrat avec STERN. La confidentialité, tu connais ?

- Jamice, dit quelque chose, je t'en prie.

- Je suis désolé, fait-il en me regardant droit dans les yeux. Toutes les preuves...

- Je m'en fous des preuves et indices, nous savons tous que Jen est innocente et a été sacrifiée par vengeance !

- ...

- Qu'auriez-vous voulu que je fasse ? Que je m'excuse et me plie en quatre ? Bien je vais le faire ! Navrée papa pour tout le mal que j'ai eu à te faire en m'enfuyant de cette maison, en rejetant ton autorité et préférant vivre ma vie. Es-tu content ?

- Carla, il aurait fallu le faire du vivant de ta mère. Aujourd'hui, c'est trop tard.

- Que fait-il faire pour que tu libères ma fille ?

- Rien à faire.

- Comptes-tu aussi en faire de même avec Vanaya ?

- Je n'ai rien fait avec ta fille et ne ferai rien avec Vanaya, répond-il.

- Pourquoi le lui as-tu dit ? Tout dans son attitude, tend à prouver qu'elle est au courant.

- Je ne lui ai rien dit ou alors, cela a pu m'échapper par inadvertance.

- Pourquoi ? Un parent devrait être content de savoir ses enfants heureux mais toi, c'est l'inverse.

- Elle aurait dû le savoir, Carla, elle aurait dû.

- Tu n'aurais pas dû le lui dire, papa. La décision me revenait, nous revenait, son père et moi.

- Lui as-tu parlé de tout le reste ? Lui as-tu parlé des cadavres cachés dans les placards STERN ?

- Du vivant de votre mère, vous avez juré ne plus jamais en parler.

- Mais tu ne t's pourtant pas gêné, je te rappelle.

- Je t'ai rendue service, Carla, je vous rendus service.

- Libère ma fille, papa, libère-la.

- Ce n'est plus à mon niveau.

- Dans ce cas, je ferai ce qu'une mère devrait faire. Je protégerai ma progéniture, dis-je en me levant et prenant mon sac.

- La loyauté devrait d'abord aller à la famille, Carla !

- Nous sommes au moins d'accord sur ce point !

Je sors du bureau en pestant et me rends dans les toilettes où je craque et pleure un coup. Après un quart d'heure, je me rince la figure et sors des toilettes, emprunte le couloir menant à l'ascenseur. Jamice y est, mais je l'ignore.

- Carla, essaie-t-il.

- Non, considère que je suis morte.

- Carla, s'il te plait, insiste-t-il. Je suis désolé pour tout-à-l'heure.

- Va retrouver ton créateur, Jamice. Tout comme moi, tu es parent et sais ce que je peux ressentir. Ma fille est en garde à vue et risque la prison.

- Je suis désolé, elle avait vraiment l'air gentille.

- Fous-moi le camp !

Je rentre dans l'ascenseur en essuyant les larmes sur mes joues, désespérée. A quel moment, mon père, cet être tendre et attentionné est-il devenu ce montre ? J'ai eu une enfance des plus normales, bien qu'elle ait été émaillée de quelques incidents, nous y reviendrons et comme tous les enfants, j'ai écouté les miens jusqu'au jour où, ma foi en l'humain a fortement été ébranlée.

J'ai peu à peu, vu le sourire disparaître des yeux de ma mère. Elle, une femme si forte, volubile et souriante, bien que présente et douce pour nous, est devenu froide et distante envers le reste de la famille. Je l'ai très souvent entendu pleurer ou vu pleurer, alors qu'elle nous croyait loin. J'en ai été choquée mais ai toujours tenu à respecter sa pudeur.

J'ai été choqué ce funeste jour et brisée le jour où je suis devenu maman. Jeneya a été à la fois mon salut, mais aussi ma Némésis. Je ne regrette pas tous les sacrifices auxquelles j'ai consenti pour être heureuse, assurer notre bonheur mais pleure la douleur et la douleur, infligées à ma mère, le jour de ma fuite.

PENDANT CE TEMPS...

Dans un des restaurants huppés de la place anglaise, deux personnes s'asseyent à une table, commandent, parlent de la pluie et du beau temps jusqu'à ce que le silence tombe telle une chape de plomb.

- Alors ? Demande l'une d'elle.

- Le ver est dans la pomme, répond l'autre en souriant.

Jeneya CROFT, l'Impé...