Partie 3

Write by labigsaphir

Partie 3 :

Je me nettoie les mains et la rejoins, en souriant. Cette coupure me fait un bien fou. Après le climat pesant de la maison, c’est relaxant. Je m’assieds et porte mon verre de Mojito à mes lèvres et prends deux gorgées.

-         Comme ça, je suis celle qui te sort de prison.

-         Il ne faut pas exagérer non plus.

-         N’est-ce pas ?

-         Humm.

-         Que vas-tu faire ?

-         Me battre à coté pour chercher de l’argent.

-         Tu veux dire que tu n’as rien mis de côté, depuis ?

-         No ooooo.

-         Pourquoi ? Nous ne pourrons plus manger dans les grands restaurants, maintenant ?

-         Si si si puisqu’il m’a laissé une carte bleue.

-         Montre.

Je la lui tends, elle prend et sourit.

-         Ton mec-là n’est pas n’importe qui non plus.

-         C’est vrai mais son nouveau système, je ne comprends pas.

-         Suis seulement.

-         Il ne veut plus me donner les espèces et préfères tout gérer par carte bleue ou une personne m’accompagne.

-         Il peut te surveiller et savoir ce que tu fais avec l’argent.

-         Ca ne me convient pas.

-         En même temps, tu n’as que 22 ans.

-         Je songe à partir, Isa.

-         Partir, what ? Tu as tout à la maison et tu veux chercher quoi dehors ?

-         Je ne peux pas évoluer, tu le vois.

-         Il a juste eu peur que tu ne t’envoles. Donne-lui le temps de digérer.

-         Si je fais le bilan de ces 4 ans, qu’y a-t-il eu de positif ? Rien !

-         Tu as 22 ans, Miranda. Tu as encore toute la vie devant toi.

-         Non, je veux plus.

-         Donne-toi encore 3 ans et vis au jour le jour.

-         Tu ne peux pas comprendre.

-         Explique.

-         Tu as 26 ans, Isa. As-tu un terrain ?

-         Non. Et je ne suis pas pressée.

-         C’est ce qui fait la différence entre nous.

-         Quoi ?

-         Tu n’es pas ambitieuse.

-         Tu veux dire que je vais finir pauvre ?

-         Non, ne me prête pas des mots.

BRRRR….BRRRR…BRRRR….

Isa baisse les yeux et regarde le mobile sur la table, curieuse.

-         A chaque fois que nous sommes ensemble, c’est un numéro inconnu qui t’appelle. Qui est-ce ?

-         Je reviens.

Je me lève, m’éloigne et décroche.

-         Oui, j’écoute.

-         Nous avons fait le bilan, 1 500 000fcfa n’est pas suffisant.

-         Comment est-ce possible ?

-         Il faudra venir voir.

-         Je passerais ce soir, si j’ai le temps.

-         Ok.

Je rejoins Isa et m’assieds, pensive.

-         Qui était-ce ?

-         Une amie qui vit en Mbeng.

-         Et elle t’appelle toujours en numéro masqué ?

-         Oui, pour sa sécurité.

-         Humm ; elle n’est pas convaincue.

-         C’est la go d’un boss.

-         Et tu ne m’as jamais parlé d’elle ?

-         Pour quoi faire ?

-          Mimi, je ne suis plus ta copine ? Ou tu as une autre ?

-         Ne raconte pas de bêtises.

-         J’ai l’impression que tu ne me fais pas confiance.

-         Chacun, son jardin secret. Toi-même, ne me dis pas tout.

-         Avant, tu ne me cachais rien. Si je ne te conviens plus comme amie, dis-moi et je me retire.

-         Isa, elle est comme une sœur. Elle est très méfiante et ne se confie qu’à moi.

-         C’est la go de qui ?

-         Je n’ai pas le droit de t’en parler.

Une voiture gare et une femme descend, elle est très belle et apprêtée.

-         Elle brille, lâche Isa admirative.

-         Ah ça ! L’argent est bien.

-         Du Gucci, Channel et Prada, je crois.

-         Tout ça en une fois, c’est trop.

-         Elle a l’argent mais pas de gout.

Elle contourne la voiture, rentre au niveau de la terrasse et enlève ses lunettes de soleil. Je cligne des yeux, elle se tourne vers moi, sourit et vient vers moi.

-         Miranda !

-         Loulou !

-         Bah dis donc, le monde  est petit.

Je me lève en souriant, l’embrasse et me tourne vers Isa.

-         Isa, je te présente, Louise et Louise, Isabelle.

-         Enchantée.

-         Enchantée.

-         Que fais-tu ici ? M’enquis-je en  me rasseyant.

-         J’avais envie de m’aérer le cerveau après la semaine de dingue que j’ai eu.

-         Assieds-toi ou tu préfères prendre une table ?

-         Je ne sais pas si ca va déranger ta copine, mimi ; elle regarde Isa.

-         Mais non, Louise. Susurre Isa.

-         Merci ; elle s’assied, pose ses lunettes de soleil et sa pochette sur la table.

-         Vous êtes belle et bien habillée. Fait remarquer Isa.

-         Merci, Isa.

-         De rien, de rien ; elle boit.

-         Modeste avec ça. Tu as toujours été une fashion addict depuis le collège.

-         C’est vrai.

-         Que deviens-tu, ma belle ?

-         Je suis là et profite de ma liberté retrouvée.

-         Comment ça ?

-         Les joies du mariage.

Je regarde sa main gauche et constate qu’effectivement, il n’y a aucune trace de bague.

-         J’avais ouïe dire que tu t’étais mariée.

-         Oui mais j’ai vécu l’enfer dans ce mariage. J’ai tenu 2 ans et demandé le divorce.

-         Seigneur !

-         Ne sois pas pressée, Mimi. Fais le bon choix sinon tu risques regretter.

-         Que s’est-il passé ? Demande Isa.

-         Euh…

-         Désolée, si je me suis montrée indiscrète.

-         Je suis une bamiléké née et ayant grandi à Yaoundé, j’ai tout d’une Beti.

-         Huhum, fais-je en buvant.

-         J’ai épousé un Bassa, un pur Bassa. Il y a eu trop de problèmes, je te dis.

-         Pourquoi ne regardes-tu pas du côté de tes frères ? Repart Isa.

-         Honnêtement, je n’ai jamais été attirée par mes frères. Chaque essai s’est soldé par un échec.

-         Dis donc, lâche Isa.

-         Je vais surement finir avec un Beti.

Nous éclatons de rire. Je lève la main, une serveuse vient prendre la commande de Louise.

-         Et maintenant ?

-         Le divorce a été compliqué. Je recommence à vivre et me bats pour garder la tête hors de l’eau.

-         Tu as toujours été une battante, Loulou.

-         Pendant des années, j’ai été entretenu par un homme et cajolée. Difficile de s’en sortir seule.

-         Mais tu y arrives.

-         J’essaie, Mimi.

-         Il te verse quand même une pension alimentaire conséquente ?

-         Non.

-         Il fait livrer des denrées pour notre enfant chez moi et donne le minimum pour son enfant.

-         Mais il est friqué.

-         Et je l’ai quitté.

-         Je vois.

-         Comment fais-tu pour t’en sortir ?

-         Un peu de tout.

-         Explique.

-         Elevage de porcs et autres.

-         Ah bon ?

-         N’est-ce pas salissant ? Demande Isa.

-         Il faut savoir se salir les mains pour assurer son avenir. Répond Louise.

Le téléphone d’Isa sonne. Elle s’excuse, se lève et va répondre plus loin.

-         Pourrais-tu m’en dire plus ?

-         J’ai rencontre une dame qui vend un porcelet à 40 000 fcfa. J’ai pris 6 femelles et 4 males.

-         C’est beaucoup pour un début.

-         Oui, Mimi.

-         Sachant que  c’est une race dont la portée est en moyenne de 15, le calcul est vite fait.

-         75 porcelets et ainsi de suite.

-         Où comptes-tu les écouler ?

-         Au Gabon et Guinée Equatoriale.

-         Tu as tout prévu, ma chérie.

-         C’est tout un processus et ce n’est qu’un aperçu de mes activités.

-         Bravooo, tu es très dynamique.

Son mobile clignote, elle prend, lit le message, vide son verre d’une traite et se lève.

-         Tu vas m’excuser auprès de ta copine, il faudrait que j’y aille.

-         T’excuser, pourquoi ? Demande la concernée.

-         Un imprévu, je dois y aller.

Elle ouvre sa pochette et me tend une carte.

-         Tous mes numéros y sont, appelle-moi et nous continuerons cet échange.

-         Merci, Loulou.

-         Ca m’a fait du bien de te revoir, Mimi.

-         Moi aussi, Loulou.

-         Isa, à la prochaine ; elle lui serre la main.

-         A la prochaine !

Elle s’assied, pose son mobile sur la table et me fixe.

-         De quoi avez-vous parlé ? J’espère qu’elle ne s’en va pas à cause de moi.

-         Non, non. Elle a une urgence.

-         De quoi avez-vous parlé ?

-         De ses activités.

Je regarde sa carte et la mets dans mon sac.

-         J’espère qu’elle ne t’a pas mis des idées bizarres dans la tête.

-         Pourquoi le dis-tu, Isa ?

-         Elle est divorcée, Mimi. Il n’est pas bon pour une femme mariée de trainer avec une divorcée. La poule ne parle jamais des affaires de dents, elle va te rendre rebelle.

-         Isa, Loulou est une amie.

-         Je suis ton amie et une vraie amie, prévient toujours en voyant un danger arriver.

-         Tu exagères.

-         Mimi, oublie vite ces idées d’activités parallèles, cela ne te mènera à rien.

-         Isa,

-         La rébellion ne te mènera nulle part. Ton homme n’est pas dans de bonnes dispositions à ton égard pour le moment, ne l’oublie pas.

-         Qu’en sais-tu ?

-         Il n’aurait pas doté une autre femme, Mimi.

-        

-         Reste tranquille et comporte-toi comme une gentille épouse, soumise et très à l’écoute. Tu verras, il te reviendra.

-         Humm. Et avec ton homme ?

-         J’irais revoir le nganga, ce soir.

-         Isa !

-         Chacune, sa méthode.

-         Humm. Que fais-tu après ?

-         Rien. Pourquoi ?

-         J’aimerais que tu m’accompagnes ?

-         Où ?

-         Tu verras.

Nous vidons nos verres. Isa se lève avec brusquerie, fait tomber mon sac-à-main qui se vide sur le sol.

-         Désolée, Mimi ; elle se courbe et ramasse.

-         Ce n’est pas grave.

Je paie et nous quittons la terrasse en souriant.  Je récupéré ma Hummer et mets le cap sur Ahala, à la sortie de Yaoundé. Après une demi-heure, je gare enfin devant la concession. Nous descendons. Je suis étonnée par la propreté des lieux et l’entretien des bâtiments. Un jeune homme passe devant le portail.

-         Bonjour. 

-         Bonjour.

-         Pourriez-vous m’aider, je vous prie ?

-         Je vous écoute.

-         Je cherche madame Ndzana.

-         Il n’y a pas de madame Ndzana, ici.

-         Je ne peux pas me tromper. Je parle de la propriétaire de cette maison.

-         Le propriétaire de la maison est monsieur EKANI.

-         Puis-je lui parler ?

-         Pourquoi ? Qui êtes-vous pour lui ?

Son regard est explicite.

-         Non, non. Je ne suis pas la maitresse ou sa copine. Non non, insistai-je avec grandiloquence.

-         Je suis son fils.

-         J’avais versé de l’argent à madame Ndzana et depuis, silence-radio.

-         Je vois. Attendez, s’il vous plait.

Il regarde de gauche à droite et aperçoit une jeune fille portant une mini-jupe et un chemisier, de couleur noire.

-         Flo, tu connais une madame Ndzana ?

Elle s’arrête, s’avance vers nous et nous dévisage sans gêne, Isa et moi.

-         C’est la dame qui habitait là, avant. Que lui voulez-vous ? Demande-t-elle méfiante.

-         J’avais commencé à lui verser l’argent pour le terrain, je viens solder.

-         Ok. C’est ma tante.

-         Ok.

-         Elle habite à 10 minutes en voiture, d’ici.

-         Vous pouvez venir avec nous, suggère Isa.

Elle hésite, regarde le jeune homme.

-         Je vais prendre une photo de la plaque d’immatriculation. Flo, vas-y ! Si dans un quart d’heure, tu ne réponds pas, j’irais voir la police.

-         Ok.

-         Nous ne sommes pas des ritualistes, dis-je en souriant.

-         Ils ne le disent jamais, rétorque le jeune homme.

Elle grimpe dans le véhicule, s’assied sur la banquette arrière et nous indique le chemin. Dix minutes plus tard, je braque, prends à droite et m’enfonce dans la foret. Nous garons au milieu d’une clairière. Une dame aux tempes grisonnants, pile les feuilles de manioc avec  une ribambelle d’enfants, autour d’elle.

-         C’est elle, dit la petite.

Nous descendons, les enfants arrivent en courant vers nous et touchent le véhicule.

-         Ils vont salir la voiture avec leurs mains sales, s’énerve Isa.

-         Ce sont des enfants, répliquai-je en souriant.

-         C’est toi qui as l’argent. Tu iras à la laverie. Moi, quoi ?

La vieille dame se redresse en grimaçant, observe le véhicule et nous fixe du regard.

-         Mema Alice, la dame voulait te voir.

-         Pourquoi ? Demande-t-elle méfiante.

-         Elle avait commencé à verser l’argent et veut solder le reste.

-         Ahaaaaaaaan fait-elle en souriant. Mes filles, bonjour.

-         Bonjour maman. Dis-je en la saluant.

Isa secoue la tête et nettoie le morceau de bois, servant de tabouret. Elle le regarde d’une drôle de façon et grimace en s’asseyant.

-         Ce sont mes petits-fils. Ils jouent et viennent verser tout ce qu’ils ramassent dessus.

Isa s’est levée, comme si elle était piquée par un scorpion. Je serre le rire et détourne le regard. La jeune fille éclate de rire ainsi que tous les enfants.

-         Ma fille, tu disais venir me donner l’argent ? Repart La vieille dame.

-         Je suis la fille de madame Ondo.

-         Qui ça, Clarisse ?

-         Oui.

-          Comment va-t-elle ? Cela fait des années que nous ne nous sommes pas vues.

-         Je croyais qu’elle t’avait rencontrée, il y a de cela deux semaines.

-         No oooo peut-être mon fantôme.

-         Mais,

-         Ma fille, vous buvez les mengbwal ?

-         C’est quoi les mengbwal ? ne pus-je m’empêcher de demander.

-         Le vin de palme, répond la jeune fille.

Son mobile sonne. Elle s’éclipse rapidement en souriant.

-         Ta mère, que devient-elle ?

-         Elle est là.

-         Toujours debout debout, à la recherche du bonheur.

-         Oui.

-         Ma copine-là est un cas. J’ai souvent eu du mal à la comprendre.

-         Pourquoi ?

-         Ma fille prend le chiffon, tu poses dessus et tu t’assieds. Dit-elle à l’attention d’Isa qui s’exécute aussitôt.

-         Pourquoi le dis-tu, maman ?

-         Elle était venue me voir, disant que sa fille coulait acheter un terrain.

-         Moi.

-         Nous nous étions entendues sur 8 millions pour 800 mètres carrés.

-         Je les avais tous versés.

-         Ta mère avait fait deux versements, celui de 5 millions et un autre de 3 millions. Il en restait deux.

-         Je ne comprends pas.

-         J’avais consenti à lui vendre 800 mètres carrés à 8 millions.

Ma mère m’a toujours dit, 10 millions…Purée !

-         Ok.

-         Après les deux versements, elle est revenue un soir disant qu’elle avait besoin d’argent et rapidement. Elle voulait que je lui rembourses. J’avais refusé.

-         Et ?

-         Finalement, nous avons conclu un marché.

-         Lequel ?

-         Je lui rendais 7 millions sur les 8 versés.

-         Quoi ?

-         Oui, oui. Elle avait pris.

-         Quand ?

-         Cela fait plus d’un an et demi.

-         Maman, je ne doute pas de ta bonne foi mais,

-         Tu as besoin de preuves.

-         Oui.

Elle essuie les mains sur son caba usé.

-         Grégoire ! Grégoire !

-         Oui, mema Alice.

Un garçon d’une quinzaine d’années, apparait. Il nous salue et se tourne vers la vieille dame.

-         Apporte-moi le sac bleu, au-dessus de mon lit.

-         Ok.

Il revient avec une sacoche bleue en cuir vieilli, poussiéreuse. Elle souffle dessus, caresse le cuir et l’ouvre avec délicatesse. Elle compulse plusieurs documents et finit par nous tendre un feuillet.

-         C’est une copie. Tu peux la garder, ma fille.

     

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