partie 30 : de mal en pire
Write by Fleur de l'ogouée
Bradley Davis
Après l’avoir regardé pendant quelques instants se vider de son sang,
dans un sursaut de conscience j’ai appelé les secours et ils sont vraiment
arrivés vite, j’ai été surprise de la part du personnel soignant, j’ai raconté
au médecin présent comment la scène s’est déroulée et ensuite ils sont partis.
Je n’ai pas eu la force de nettoyer la mare de sang en plein milieu du salon, je
suis allé me doucher cette journée est un calvaire, j’en ai marre de tout. Je
ne sais même pas pourquoi je ne l’ai pas laissé mourir là sur le sol, elle n’a
pas hésité à pousser une femme enceinte du haut des escaliers, elle ne mérite
pas une seconde chance. Après une bonne douche froide, je décide de m’allonger
dans le lit, à peine ai-je fermé les yeux que j’entends un grand boom dans le
salon, je suis descendu pour voir ce qui se passait, trois agents de la police
armés jusqu’aux dents au milieu de mon salon, quand l’un d’entre eux me demande
de me mettre à plat ventre, je m’exécute sans discuter. A plat ventre je suis
menotté puis relevé et dirigé vers la sortie, une voiture de police est garée
devant mon portail, quelques curieux sortent pour essayer de voir ce qui se
passe. En montant dans la voiture j’aperçois le gardien qui arrive, j’ai eu le
temps de lui dire de prendre mon téléphone et d’appelé Samira. Cette journée de
merde ne finira donc jamais.
Samira Moussirou
J’ai passé la journée enfermée dans la maison à bosser sur les dossiers
en retards de Simon, être l’assistante de son mari ce n’est pas facile,
d’ailleurs tout le monde pense que je ne devrai pas occuper cette fonction. Par
rapport à mon niveau d’étude je peux prétendre à plus, avoir un métier plus
gratifiant et mille fois mieux rémunéré, mais peu de gens savent que ce métier
m’a aidé à sauver mon foyer. Quand mari et enfants vaquent à leurs occupations
je peux mieux me concentrer et terminer mon travail rapidement pour ensuite
m’occuper de la maison. Je suis tiré de mes analyses quantitatives par un appel
de Bradley, quand il m’a annoncé que Tatiana ne porte pas son enfant, j’ai dansé
sur la table, cette fille c’est la reine des plans stupides.
-Bonsoir futur papa
-Allô madame, c’est Tino
-Oh Tino pourquoi tu as le téléphone de Brad ?
-Madame eh, monsieur a été arrêté. Les policiers viennent de partir avec
lui au commissariat central, il m’a dit de vous appeler
J’ai raccroché avant d’avoir entendu plus, j’ai couru dans la chambre
enfiler un kaba et prendre les clés de la voiture. Qu’est-ce qui a bien pu se
passer, en allant au garage j’appelle Simon, il me dit qu’il est sur le point
de rentrer avec les enfants et me demande de l’attendre pour qu’on aille au commissariat
ensemble. Moins de 10minutes plus tard ils sont tous là, je demande à la
gouvernante de prendre le relais et je rejoins monsieur. Nous roulons en
silence pendant une vingtaine de minutes vers le commissariat central de
Libreville. A peine garer nous nous dirigeons à l’accueil pour prendre des
renseignements, il y a un brigadier à l’air hautain qui nous répond de manière
désinvolte que Bradley est accusé de tentative de meurtre et qu’il risque
d’être déféré très rapidement dès que son supérieur mettra le procureur au
courant de la gravité de l’acte. Nous n’y comprenons rien, Bradley accusé de
tentative de meurtre, mais qui est la victime ? Comment se sont passés les
choses ? Je refuse de croire en ce que ce rigolo de brigadier nous a
raconté, je veux voir Bradley. Nous avons attendu plus d’une heure avant qu’on
nous permette de le voir enfin, nous le trouvons menotter à une barre de fer,
il est recroquevillé sur lui-même, le torse et les pieds nus, simplement vêtu
d’un short, mon cœur se brise en mille morceaux dès que je le vois, on nous a
accordé une quinzaine de minutes pour parler avec lui et après on devra s’en
aller. Quand il lève la tête il a le regard vide, ses yeux sont rougis
probablement par des larmes, c’est un homme fort mais il y a des situations qui
paraissent insurmontable. On lui demande qu’est-ce qu’il a emmené ici et quand
il nous raconte la journée de dingue qu’il a vécu je me demande si à sa place
j’aurais supporté, entre l’agression de Mélanie puis son décès et la tentative
de suicide de Tatiana j’ai du mal à tout suivre. Il est accusé du meurtre de
celle qui 3heures auparavant s’est elle-même planté un couteau dans le ventre.
Simon qui connaît du beau monde, appelle un de ses amis procureur pour le
mettre sur cette affaire, malheureusement il commence à se faire tard, du coup
c’est demain matin à la première heure, qu’il viendra lui-même s’enquérir de
cette affaire. Impuissant, nous avons compris que cette nuit il dormira là, ils
l’ont mis dans leur cellule de garde à vue, il ne pourra pas manger, il fallait
qu’on pense à cela avant de débarquer ici, les repas doivent être apporté avant
dix-neuf heures. Nous rentrons dépité, toujours sous le choc j’éclate en
sanglots, c’est trop pour moi. Simon se gare sur le côté et essaie de me calmer
comme il peut. Bradley n’a pas de famille, ses seuls amis sont Sam, Lionel et
moi, personne pour plaider à part nous, personne à qui demander la marche à
suivre, sans Simon j’aurais déjà perdu espoir, mais j’essaie de rester
positive.
Bradley Davis
D’abord menotté à une barre de fer dans un bureau, avant d’avoir été mis
derrière les barreaux comme un criminel. Dans cet cellule de moins de dix
mètres carrés, nous sommes sept hommes, chacun essaie d’intimider l’autre comme
il peut, je me sens faible, moi qui me suis toujours sentie virile avec ce
physique que je me suis donné tant de mal à construire, aujourd’hui je suis
comme un gamin qui a peur de se faire taper, je me suis mis dans un coin et
j’ai prié, prié pour que la nuit passe vite, prié pour que Simon et Sami
trouvent une solution pour me sortir de là et j’ai prié pour que Mélanie de là
où elle est me pardonne, je ne lui ai causé que du tort, je suis maudit ce
n’est pas possible autrement.
J’ai bien cru que le matin n’arriverait pas, quand par le petit espace
qui sert de fenêtre j’ai aperçu les premiers rayons de soleil je me suis dit
qu’a chaque jour suffisait sa peine, c’est sans compter sur le zèle d’un
procureur qui a débarqué de bonne heure pour annoncer que tous les prisonniers
d’hier après lecture de l’heure dépositions et des plaintes à leur encontre,
méritaient d’être déféré, le problème c’est qu’il faut aller au procès en
comparution immédiate, mais je n’ai pas d’avocat et je ne comprends pas grand-chose
à ce que ce procureur raconte, il a cet air supérieur comme pour dire que notre
vie dépend de lui, ce qui n’est pas totalement faux. Je prie pour qu’un miracle
se produise, moi à la prison centrale je ne tiens même pas une heure, déjà avec
six codétenus j’ai eu la peur de ma vie et je n’ai pas osé fermer l’œil, donc
avec des milliers de prisonniers je vais devenir une cible facile. ‘’ invoque
ton Dieu il te répondra’’ c’est cette phrase à laquelle je n’ai pas arrêté de
penser.
Samira Moussirou
J’ai très mal dormi, de savoir mon frère de cœur dans une misérable
cellule pour quelque chose qu’il n’a pas fait me donne envie de gerber. Je
m’extirpe du lit à 5h30, je n’ai pas eu le temps d’apprêter les tenues des
enfants, de faire leur goûter et de vérifier leurs cahiers. Je fais tout ce que
j’ai à faire, ensuite je réveille tout le monde. Pendant que nous
petit-déjeunons, l’ami procureur de Simon appelle pour lui dire que Bradley
sera déféré d’ici 10h. Nous sortons de table précipitamment, pendant que Simon
va à la prison, moi je vais déposer les enfants à l’école. Je conduis le plus
prudemment possible, donc il me faut bien 45 minutes avant de retrouver Simon
au commissariat central. Je l’appel mais il ne décroche pas, j’entreprends de
l’attendre sur un banc qui traine. Après je ne sais pas combien de minutes il sort
d’un bureau avec deux hommes, quand il me voit il vient vers moi, je n’arrive à
savoir ce que son vidage dégage, est-ce de la satisfaction, de la peur, du
désespoir ou simplement de la résignation. Rempli de doute, je me lève pour
aller à sa rencontre, la seule chose dont j’ai envie c’est un bisou de lui,
qu’il m’enlace et me dise que tout ira bien pour Brad mon meilleur ami, mon
frère, je refuse qu’il ne lui arrive quelque chose de grave. J’espère de tout
cœur que monsieur mon mari m’apporte une bonne nouvelle. Mais maintenant qu’il
est près de moi, je sens que je ne vais pas apprécier ce qu’il me dira.