PARTIE 7 : Peine de cœur

Write by Fleur de l'ogouée

Ce matin très tôt Alphonsine est passée nous voir, je me suis jetée dans ses bras lorsqu’elle est entrée ça fait toujours plaisir de voir un visage amical, elle m’a apporté mon chargeur de téléphone, mon ordi et quelques vêtements. Elle nous a dit que la police rode devant chez moi, ruser comme tout, elle a mis mes affaires dans un sac poubelle pour ne pas éveiller les soupçons. La maison de mes parents aussi est surveillé, maman s’est finalement installée chez mon oncle l’ambassadeur, elle a pu parler à mon petit frère et ma petite sœur qui sont morts d’inquiétudes, ils ont vu pas mal de chose sur les réseaux sociaux et ils s’en veulent de ne pas être ici. La toile s’est enflammée et tout le monde ne parle que de l’arrestation du petit frère de l’ancien premier ministre, Dieu merci nous sommes des personnes très discrète, il n’y a pas beaucoup de nos photos sur le net. 

-Et sinon la première nuit s’est passée comment ?

-Pas mal

-Ta mère m’a annoncé la mauvaise nouvelle pour l’avocat, mais elle n’a pas répondu à ton texto parce qu’elle pense que vos numéros sont surveillés. Elle a cassé sa carte sim et pense que tu devrais faire de même pour la tienne, demain je vais t’apporter une carte Sim si tu veux

-Tata fifi si tu viens ici tous les jours tu vas finir par éveiller les soupçons de mes voisins, je peux gérer la Sim, dit Greg

-Tu as raison, on va communiquer autrement, surtout que les policiers peuvent me suivre ici malgré ma prudence et mes changements de bus

-Merci pour tout ce que vous faites pour nous, je ne saurais comment vous remercier

-Tu n’as pas à le faire, tes parents sont des personnes merveilleuses, sans eux je ne sais pas si mes enfants auraient fait des études, je ne sais pas si j’aurais construit une maison pour les miens, les cadeaux que je refusais mais que ta mère me forçait à accepter, les repas de noël auxquels tous les employés et leurs familles étaient invités et chacun retournait avec des cadeaux tes parents ont bons cœurs, c’est normal pour moi de les aider

Je l’ai pris dans mes bras, cette femme est une perle. Au final malgré les cadeaux et tout le reste elle aurait pu décider que cette histoire ne la concerne pas, au lieu de ça c’est elle qui porte le problème sur son dos

-Bon les enfants je suis partis, quand tu auras le nouveau numéro essaye de joindre ton petit frère et ta petite sœur pour les rassurer, Tony veut prendre le premier avion pour venir ici, il risque de finir en prison pour rien, qu’il reste là-bas

-Ok je vais les appeler demain, encore merci

Elle m’a remis les 100.000 francs que maman m’a envoyé, elle a donné la même somme à Greg de la part de maman

-Je n’ai pas besoin d’être payé pour faire du bien

-Ce n’est pas un salaire, il faut bien que vous mangiez, en tout cas je laisse ça là, si Tania a besoin de quelque chose tu pourras le lui acheter, arrête un peu d’être têtu Greg

Puis elle s’en va, en me demandant d’être forte. Greg fini de se préparer pour aller au travail, il n’est pas très bavard depuis le départ de sa tante, son visage est sans expression, je peux comprendre qu’il se demande pourquoi fait-il cela pour moi, en vrai il ne me doit rien. Je le regarde partir, j’ai envie de lui dire merci pour tout mais il s’en va précipitamment, maintenant s’annonce une journée ennuyante. Je prends la serviette qu’il m’a donné pour aller prendre ma première douche, j’attrape le gel de douche, mon gant de toilette et ma brosse à dent. J’enfile ses babouches de douche et je prends mon courage à deux mains, ce n’est pas totalement propre mais ça suffira, au final cette douche me rappelle mon année en cité universitaire, elle est au moins carrelée rien de dramatique, il faut juste remplir son sceau, c’est la partie la plus fastidieuse. Après une bonne douche froide, j’enfile un long T-shirt que j’ai chipé dans son armoire. Je feuillète plus calmement les documents contenus dans le dossier que papa a laissé, vu que j’ai mes compétences en économie je comprends aisément tous ce qui est finance, pour le côté juridique il me faudra un avocat et Maître Faye qui s’est volatilisé. Je mets tous les relevés financiers au sol, je parcours toutes les fiches de payement, tous les retraits. C’est partie pour une matinée de brainstorming. Je suis une bosseuse, une fonceuse, je ne vais ménager aucun effort pour mener à bien tout cela, je remarque que mon nom apparait à plusieurs reprises, je sais que nous sommes les héritiers de papa, c’est normal que nos noms apparaissent mais le mien apparaît un peu trop souvent, si c’est par là que les sorciers de la banque veulent m’atteindre, j’espère qu’ils sont prêts.

 

Grégory Tchibinda

Cette nuit j’ai dormi sur le canapé pour qu’elle puisse dormir toute seule, j’ai terriblement mal au dos, caser mon grand corps sur un canapé de deux places c’était tout sauf agréable, c’est normal que je ne sois pas de bonne humeur ce matin et tata Fifi qui n’arrête pas de débarquer comme-ci une inconnue dans la maison ce n’est pas assez suffisant, il ne manquerait plus que les flics rappliquent chez moi. Je m’arrête chez le gars qui fait le soya au carrefour, manger me mettra surement de meilleure humeur. Ce matin au garage tout le monde ne parle que de l’affaire Boussougou, c’est le kongossa à la mode, la distraction du moment, chacun y va de son petit commentaire, j’aimerai bien qu’ils ferment leurs grosses bouches et parlent de sujets qu’ils maitrisent mais je n’ai pas du tout envie qu’on me pose des questions, je me contente donc de la boucler et de faire le travail pour lequel je suis payé. La journée passe particulièrement vite, en finissant je vais chez Pat mon ami d’enfance pour terminer la décoration de la chambre de sa future princesse. Pendant qu’on se tue à la tâche sa future femme rentre du boulot et court pour raconter sa journée à son homme << Chérie tu ne devineras jamais ce qui s’est passé au boulot >>. Quoi donc dit-il un peu agacer

-Je t’ai dit que ma patronne Tania Boussougou est recherchée par la police non, hier ils sont venus à son bureau pour fouiller ses documents et aujourd’hui pour interroger les gens

-Il l’accuse de quoi au juste, dis-je en feignant l’ignorance

-Apparemment fraude fiscale et arnaque financière

-Et elle est coupable cette femme ?

 -Ne le dîtes à personne mais le bruit court au boulot que c’est le big boss lui-même qui est derrière tout ça, c’est un plan machiavélique en cohésion avec des politiciens pour déstabiliser son père et elle n’est qu’une victime collatérale de cette machinerie

-C’est quand même une histoire de fou

-Moi personnellement elle m’inspire et je l’apprécie bien, elle est sérieuse, rigoureuse et dévouée, je l’ai même invité au mariage mais c’est vrai qu’elle n’est pas beaucoup aimée à la banque à cause de son affiliation et de son tempérament, plusieurs personnes ont pris part à cette mascarade, allant jusqu’à mentir à la police

Je me suis remis à la peinture sans écouter le reste de leur conversation, cette histoire est plus sérieuse que je ne le pensais, moi qui croyais que tout ceci n’allait durer que quelques jours et qu’ils trouveraient un terrain d’entente, je me suis terriblement trompé. Il faut que je finisse vite pour aller dire à Tania ce que je viens d’apprendre et il faut qu’on s’informe plus, je vais brancher l’antenne pour pouvoir capter les chaines locales et suivre le journal télévisé, il y a sûrement des éléments qu’on rate en étant déconnecté.

On a enfin terminé cette jolie chambre, beaucoup d’huile de coude et d’heures d’ouvrage mais au final c’est magnifique, la peinture et les meubles sont déjà en place, on laissera le soin à la maman de décorer la chambre à son goût et d’ajouter toutes les petites babioles nécessaires. Après l’effort le réconfort, Pat et moi allons dans un bar cassez deux bosh (boire deux bières) et manger du bon poulet braisé. Quand ont fini je prends un poisson pour Tania, je suis sûre qu’elle n’a rien fait à manger. C’est à 23h que j’arrive dans le quartier, je cogne et c’est mademoiselle Ingrid qui m’ouvre, je suis surpris de la voir ici.  

 

Tania Boussougou

C’est vers 15h lorsque j’étais lancé dans ma comptabilité que la petite amie de Grégory a fait irruption. Quand j’ai ouvert la porte en ne portant qu’un   T-shirt elle m’a regardé de la tête aux pieds avant de me demander où se trouve son compagnon

-Ma chérie, j’espère que tu es vraiment sa cousine hein, parce que si je découvre que vous baiser ensemble ça ne va pas le faire du tout

    Je l’ai regardé avec un air choqué, je suis une bonne comédienne quand je veux, j’ai mis la main sur ma bouche comme si elle venait de dire un sacrilège

-Ah ma belle je suis obligée d’être franche parce que les filles de Libreville et la vitesse pour arracher le gars des gens mais ne dit rien à ton cousin oh. Greg c’est mon terminus, je sens déjà le mariage arrivé

Elle a enlevé sa robe et a attaché un pagne autour de sa taille puis s’est mis au fourneau. J’ai rangé les documents pour pas qu’elle fouille dedans et j’ai mis ça dans un coin à l’abri des regards, j’ai sorti mon ordinateur pour écouter un peu de musique, ça m’aidera à me détendre. Pendant que j’essayais d’atteindre un degré acceptable de mauvaise humeur, madame s’est ramenée en me demandant de surveiller sa marmite en attendant qu’elle revienne. A ma grande surprise c’est avec un matelas qu’elle est revenue, cette fille ne cessera de m’étonner. Elle le déroule et l’installe dans le tout petit salon, je n’ai même pas posé de question, dans mes fichiers j’ai trouvé mes vidéos de méditation, ça va m’aider à tenir le coup.

J’ai fini par aller dans la chambre pour m’allonger, écouter mes paroles de réconfort et espérer que la vie soit meilleure demain.

Réveiller par des gémissements émanant du salon, je jette un coup d’œil à mon téléphone et il est minuit, monsieur est sûrement rentré et madame s’occupe de lui, ça me donne envie de gerber. Elle crie comme si sa vie en dépend, c’est tellement gênant et pathétique, je remets mes écouteurs sur mes oreilles et je monte le son à son maximum. J’ai les larmes aux yeux, c’est ce qu’on doit supporter quand on n’est pas chez soi, c’est ce que l’on doit endurer quand on est l’intru d’une équation, je finis par me rendormir.

 

Grégory Tchibinda

En rentrant j’ai trouvé un matelas au salon, mademoiselle Ingrid à pousser les meubles du salon et a créé un espace nuit, elle a laissé Tania installé dans la chambre, pour que nous puissions dormir là tous les deux. Je suis bien trop fatigué pour dire quoi que ce soit, je prends ma douche et la rejoins pour dormir. C’est une Ingrid très excitée qui m’accueille dans les draps, ses mains chaudes savent absolument où me toucher pour m’atteindre, comme l’être faible que je suis, je la laisse me mettre le grapin dessus, quelle sportive cette fille. Je suis ébahi devant tant de savoir-faire, mais par contre les voisins vont passer une mauvaise nuit tellement ses cris sont intenses. Après une belle partie de jambe en l’air nous finissons par nous endormir. C’est au petit matin quand j’entends la porte de la chambre s’ouvrir que je me rappelle de la présence de Tania, on a été hyper irrespectueux avec nos bruits hier soir, tout ceci est gênant. Elle passe doucement et sort de la maison. Quinze minutes plus tard elle n’est toujours pas revenue dans la maison, je sors pour voir où elle est, je la trouve devant la porte assise sur la dalle, le visage entre ses mains, se balançant frénétiquement sur place. Je ne sais pas quoi dire, je lui demande seulement si elle n’a pas froid, elle me répond non de la tête, ne sachant quoi ajouter je retourne dans la chambre prendre mon nécessaire pour la douche. Après une bonne douche bien glacé mes idées sont en place, on ne peut pas continuer à vivre ainsi les uns sur les autres, il va falloir que j’en parle avec Ingrid, j’apprécie tous ses efforts mais si c’est comme ça qu’elle pense me cadenasser, qu’elle sache que d’autres ont essayées avant et le résultat a toujours été le même, de plus avec Tania dans la maison, c’est le summum de l’indécence. Madame est en train de réchauffer la nourriture, en discutant avec Tania qui ne semble pas vraiment l’écouter, j’ai envie de lui demander de s’en aller, mais à cause de ma faiblesse hier soir, je ne serai pas vraiment crédible pour l’instant. J’ai vraiment été nul sur ce coup et j’ai vraiment été un mauvais hôte, j’espère qu’on arrivera à passer outre ce petit faux pas.

 
La belle et la bête