Partie 8 : les frères BADJECK
Write by labigsaphir
[ BLESSING ]
- Qu’y a-t-il, Blessing ?
- J’ai mal aux pieds, Myriam. J’ai l’impression d’avoir marché toute la journée.
- Ça se comprend.
- Heureusement que nous avons pu terminer les courses à temps.
- Heureusement que Dounia et Aicha, ont accepté de se charger de la moitié des courses.
- C’est vrai.
- A un moment donné, j’ai cru qu’elles allaient s’étripper ?
- Ah bon ?
- Dounia et Aicha, ont un précédent, tu sais. En fait, nous avons tous un précédent avec Aicha.
- Je vous comprends, soupirai-je en me massant les pieds.
- Tu as pu faire frire les barres et les cuisses de poulet.
- Oui. Meme si j’aurai souhaité laisser mariner plus longtemps.
- Blessing, l’on n’a pas toujours ce qu’on veut. Où sont tes belles-sœurs ?
- Ce sont aussi les tiennes, Myriam ?
- Aka, où sont les sorcières ?
- Myriam, je n’aimerai pas que tu les appelles comme ça devant moi.
- Je ne comprends pas. C’était une blague.
- Myriam, je pars du fait que si tu n’as pas peur de le faire devant moi alors que tu les connais à peine, tu feras surement pire en ce qui me concerne.
- Oh ! Je m’excuse, je le faisais pour détendre l’atmosphère.
Des pas approchent rapidement, Fatima et Lubna apparaissent aussitôt. Elles font le tour des bassines et seau avant de prendre un banc chacune et s’asseoir.
- Vous avez mis long, embraie Fatima.
- C’est vrai. Alors que vous étiez quatre, renchérit Lubna.
- Tout ça a fait combien ? Demande Fatima en regardant ca sœur.
- Je vais voir ce que font les autres à coté, dit Myriam en se levant.
Je fais comme si je n’entends pas, vais chercher le matériel pour les entrées et reviens m’asseoir.
- Blessing, ne m’as-tu pas entendue, insiste Fatima.
- …
- En plus, nous ne mangeons pas le porc dans la famille, continue Lubna.
- Blessing, tu es encore une enfant. C’est nous qui aurions dû faire ces courses.
Je pose les carottes que j’étais en train de laver, me tourne vers elles.
- Avec le respect que je vous dois, poser cette question est déjà un manque de respect mais insister lourdement est pire, méprisant.
- Blessing, répond Fatima. Tu sais, les copines de Malick sont souvent des vraies femmes, des femmes accomplies différentes de toi.
- C’est vrai, renchérit, Lubna en allant se prendre un verre d’eau.
- Femme ou pas, c’est moi qui suis là, fais-je coupante.
Je me remets à cuisiner et rentre dans ma bulle, oubliant qu’elles sont là et jacassent. J’ai juste envie de les gifler en ce moment, mais ce sont les sœurs de Malick. Achab rentre dans la cuisine quelques minutes plus tard, s’arrête en voyant ses tantes puis se tourne vers moi.
- Achab, mon petit, viens, Dis-je en me redressant.
- Que viens-tu faire ici ? Lui demande Fatima avec un ton bourru.
- Euh…Fait Achab en posant la main sur sa tête, perdu.
- J’ai souvent dit que cet enfant est bête, Fatima. Dit Lubna en secouant la tête.
- Je te dis. A beau dire à notre frère que l’on ne se multiplie pas avec n’importe qui, ils ne comprennent pas, rétorque Fatima ; je suis choquée par leurs propos mais préfère les éviter.
- Qu’y a-t-il ? M’enquis-je en me levant et allant lui prendre la main.
- J’ai faim, tata, avoue-t-il en se laissant faire.
- Viens, je vais te faire un plat avec les frites de plantains et le poulet. Va t’asseoir là-bas, je viens.
- Tu comprends pourquoi je disais à Brahim que sa mère est villageoise ? Dit Fatima.
- Je te dis, grimace, Lubna. Le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre.
- Il manque vraiment de manière, renchérit sa sœur.
- Avec Dounia, on ne peut même pas rattraper le coup, lâche Lubna.
- Si Brahim ne fait pas attention, tous ses enfants seront des totos.
- Avec des mères pareilles, que veux-tu ? De vraies consommatrices qui ne pensent qu’avec leur ventre et leur sexe.
Je m’arrête quelques secondes en les entendant. Elles n’ont aucune retenue, aucune pudeur et dire que c’est l’enfant de leur frère. Je sers le petit, pose le plat sur la table et invite le petit à me suivre, pendant que Dounia rentre dans la cuisine, portant Amir et en panique.
- Achab ! Crie-t-elle. Où es-tu, Achab ?
- Achab, Achab, où étais-tu, toi ? L’apostrophe Fatima avec violence. Tu ne fais rien, ne travailles pas, rien de rien mais n’arrive pas à surveiller Achab.
- Il jouait avec son frère et m’a échappée, avoue Dounia.
- Si c’est comme ça que tu fais chez mon frère, je comprends pourquoi Achab est souvent blessé, intervient Lubna.
- Humm, fait simplement Dounia.
- Ça se comment, là-bas, Dounia ?
- Ça avance, Blessing. Tout est presque prêt et de ton coté ?
- Je commence avec les salades.
- Il faudra mettre les saucisses de poulet à la place du porc.
- C’est ce qui avait été prévu.
- Ok. Je vais attendre qu’il finisse son plat, propose Dounia.
- Non, tu peux y aller, je vais m’en occuper.
- Ok. Merci Blessing.
- De rien.
Elle quitte la cuisine pendant que le téléphone de Fatima se met à sonner. Elle regarde l’écran et attache la figure avant de décrocher.
- Oui, tu veux quoi ? Explose-t-elle en faisant signe à sa sœur.
- Que veut-elle ? Demande Lubna en grimaçant ; Fatima lui demande d’attendre.
- Quoi ? …Et que voudrais-tu que je fasse ?...Quand tu le faisais avec lui, je n’étais pas avec vous…Non, non, Salima…Non, tu as son numéro, il faut l’appeler…Mais, rien !
Elle raccroche, secoue la tête et se tourne vers sa sœur, goguenarde.
- Quand on parlait, elle voulait montrer qu’elle connait tout. Elle voulait jouer à la femme indépendante et ça l’a emmenée où ?
- Je ne peux me sentir concerner s’il ne me dit rien, déclare Lubna en levant les bras.
- Vraiment !
Achab qui a terminé, est en train de racler son assiette, faisant crisser la cuillère sur le plat, ce qui énerve Fatima.
- Sauvage, pose ça ! Etais-tu obligé de le faire ? L’on sait que ta mère est villageoise et sauvage mais il ne faut pas abuser !
- Je te dis, renchérit Lubna.
Je pose le couteau et les carottes, vais enlever le plat et le tire vers l’évier pour laver ses mains. Il est très doux, cet enfant, ne parle presque jamais et regarde toujours ses pieds à la différence d’Amir.
- Va rejoindre maman, mon petit, lui dis-je en essuyant ses mains.
- Amin, tata. Répond-il en esquissant un sourire.
Il quitte la pièce pendant que je vais m’asseoir, oubliant que mes belles-sœurs sont là. J’y suis encore lorsque Dounia, Myriam et Aisha, rentre dans la cuisine, portant de grosses marmites.
- Avez-vous terminé ? Demande Fatima en se limant les ongles.
- Oui, répond Dounia.
- On va gouter parce qu’on ne sait jamais, lâche Lubna.
Un coup d’œil aux trois autres, elles ont la figure bien amarrée, l’air de vouloir s’exprimer mais se retiennent.
- Merci, fais-je doucement. Posez ça, ici.
Elles posent les marmites dans le coin que je leur montre et semblent attendre un ordre de ma part.
- L’on peut commencer à ranger le salon, propose Myriam.
- Il est rangé, Myriam, ne t’inquiète pas.
- Avec tous les invités que tu attends, il faudrait ranger les chaises, le long du mur. Insiste Dounia.
- Oui, faites donc.
Elles s’en vont, ferment la porte derrière elle, lorsque j’entends une voiture garée sur le perron. Je reconnais quelques minutes plus tard, la voix de mon chéri. Ils échangent avec ses belles-sœurs avant de rentrer dans la cuisine.
- Bonjour. C’est comment ?
- Bonjour Malick. Nous avons fait connaissance avec ta femme, elle a du caractère, dit Fatima.
- Mais je vous l’avais dit, rétorque Malick en souriant.
- Mine de rien, elle est belle ; c’est le premier mot gentil de Lubna.
- Il ne faut pas la menacer, c’est ma petite femme là-bas. N’est-ce pas chérie ?
Je fais mine de ne rien entendre et attache mon foulard au bout d’un moment, ce qui attire l’attention de Malick.
- Chérie, qu’as-tu sur la tête ? S’enquiert Malick.
- Mon tissage. Pourquoi ?
- J’ai horreur de ça.
- …
- Ah oui, je ne te l’avais jamais dit. Je n’aime pas les affaires de tissage, les cheveux de morts. Quand tu dors avec ta femme et veux passer la main dans ses cheveux, tu retrouves une grande partie sur le lit.
- …
- J’aime les femmes au naturel, pas de tissage. Mieux tu fais des tresses au fil comme Fatima ou ne défrises pas comme Lubna. C’est comme ça que nous aimons les femmes.
- Ah ça ! Tu as bien fait de le lui dire, parce qu’à cette allure, elle allait te demander de lui acheter les tissages brésiliens de 200 000fcfa ; Fatima a l’air de m’énerver, cette cruche.
- Je te dis, fait Lubna.
- Nous ne sommes pas encore mariés, elle peut se permettre ce qu’elle veut. Conclut Malick en tirant une chaise et s’asseyant.
- Blessing, ton mari rentre du boulot, tu ne proposes pas une chaise et un rafraichissement ?
- Fatima, elle est pire que Salima, lâche Lubna.
- Les filles, doucement, dit Malick en se tournant vers moi. Chérie, ça été la journée ?
- Une journée, marathon ; je réponds en grimaçant.
- Va me chercher les babouches dans la chambre, s’il te plait.
Je laisse ce que je faisais, me lave les mains et vais chercher les babouches dans la chambre. En rentrant dans la cuisine, Fatima est en train de s’exprimer.
- S’il y avait une vraie femme dans cette maison, elle aurait déjà changé tes rideaux.
- C’est vrai. La dernière fois que maman était là, elle m’a confié ne pas aimer les rideaux.
- N’est-ce pas, Malick ? Voilà pourquoi nous te demandions de prendre une vraie femme et non, une enfant.
- Fatma !
- Quoi, ai-je tort ? Réplique-t-elle en levant les bras au ciel.
- Merci, fait-il en chaussant les babouches.
Je prends son sac et les chaussures, vais les mettre dans la chambre en pestant. Le jour où j’ai tout changé dans cette maison, Malick m’avait encensée. Aujourd’hui, devant ses sœurs, il prétend que je n’ai aucun gout. J’ai la rage mais me calme, il me sentira passer.
- Oui, il faudra que tu ailles avec elle, Fatima.
- Oui, nous allons refaire toute la maison. Mais attends un peu,
- Quoi ? Demande son frère.
- Elle prend des cours et est souvent occupée.
- Oui. Pourquoi ?
- Au lieu de la déranger, je vais y aller seule. N’est-ce pas, Blessing ?
- Nous en reparlerons, si ça ne te dérange pas.
- Il faudrait que je sache maintenant, insiste-t-elle en osant sa main sur la cuisse de Lubna.
- Ton frère et moi, allons en reparler et je te dirai.
- Blessing, y a-t-il un problème à ce que je m’occupe de ta maison ?
- Comme tu l’as dit, Fatima, c’est ma maison.
- Est-ce ma faute si tu n’es pas à la hauteur ? Mon frère est un responsable et sa maison doit refléter sa personnalité et non, celle d’une gamine.
- Fatima, n’abuse pas, s’il te plait. Elle prendra ton numéro de téléphone et t’appellera.
- Ok.
Le téléphone de Lubna sonne, elle sort répondre, revient une minute plus tard, faire signe à Fatima qui la suit. Avant de fermer la porte, elles font signe à Malick qui y répond en souriant. Le silence s’installe dans la cuisine telle une Chappe de plomb.
- J’ai eu mon frère au téléphone, tout à l’heure, commence-t-il en bougeant sur la chaise.
Je me lève, lui fais aussi plat que je pose devant lui avec un verre d’eau et rentre continuer ma tâche.
- Brahim te trouve gentille, serviable mais il y a un hic.
- Humm.
- Ton habillement n’est pas décent, Blessing. Je crois t’avoir fait cette remarque.
- Malick, tu m’as connue ou rencontrée, je mettais les mini-jupes, petits matelots, petites robes et autres. Non, seulement cet habillement te plaisait mais mes tissages ne te dérangeaient pas.
- Ça, c’était avant.
- Pourquoi changer ?
- Je suis musulman et ma femme devrait s’habiller selon un certain code.
- Je peux comprendre que les mini-jupes, culottes et mini-robes, je doive y mettre un frein mais le reste. Aujourd’hui, qu’avait ma tenue ?
- Tu portes un pantalon près du corps et un chemisier. Toutes tes formes sont dessinées et les hommes te regardent, ce n’est pas bien.
- J’ai un chemisier, oui mais il est long.
- Tu aurais pu faire un effort, sachant que tu vas rencontrer un de mes frères !
- Les remarques, tu n’avais pas à les faire devant tes sœurs !
- Tu baisses d’un cran, je ne suis pas ton pote.
- Excuse-moi. Les remarques, c’est entre quatre yeux et non, devant ta famille.
- Ma famille sait tout de moi, Blessing.
- Si mon frère te tenait de tels propos, le supporterais-tu ?
- …
- En passant, ta sœur ne s’occupera pas des rideaux de ma maison.
- Nous ne sommes pas encore mariés, elle a encore le droit de s’en occuper.
- Quoi ?
- Blessing, c’est elle qui s’en occupait avant que tu ne sois là.
- Malick, je ne perturbe pas son foyer.
- Fin de la discussion ! Tu m’as coupé l’appétit.
Il repousse son assiette et se lève en grommelant. Je soupire, débarrasse et lave les assiettes. Je fais un tour au salon où les autres sont en train de ranger. Rien n’a spécialement été changé. Myriam et Dounia sont dévouées mais Aisha est une vraie teigne. Je donne des indications et suis rejointe dans la cuisine par Myriam.
- J’ai entendu des éclats de voix, tout à l’heure. Fait-elle simplement.
- Ce n’était rien.
- Blessing, je sais que nous ne sommes pas proches mais tu ne devrais pas parler fort à ton mari.
- Myriam.
- Je sais que ce ne sont pas mes affaires mais tu ne devrais pas.
- Merci du conseil mais je ne souhaite pas en parler.
- Ok, je comprends.
QUELQUES HEURES PLUS TARD…
Notre maison est pleine de convives. Les amis et famille de Malick sont là. J’ai fait la connaissance de ces cousins et attends impatiemment faire celle de ses deux autres frères, Moktar et Omar qui tardent à se montrer. Je suis dans la cuisine en train de réchauffer n plat en discutant avec Dounia lorsqu’Achab ouvre la porte et rentre.
- Tonton Malick demande que tu viennes.
- J’arrive, Achab. Fais-je en me tournant vers Dounia. Pourrais-tu apporter le plat au salon ?
- Bien sûr, Blessing.
- Merci.
Je cherche Malick du regard et le repère dans un coin du salon, près de Brahim et deux autres hommes avec qui la ressemblance est forte. Le regard des deux frères sur moi est éloquent, j’ai l’impression qu’il n’apprécie pas et pour cause, je portais une longue chemise sur un pantalon que j’ai enlevé et remplacé par un bustier à manche courte, dévoilant mes bras et la naissance de mes seins.
- Voici Blessing, ma femme, dit Malick en serrant les dents.
- Moi, c’est Moktar, le mari de Myriam et lui,
- Omar. Je suis le mari de d’Aisha.
- Enchantée, messieurs ; les yeux de Malick lancent des éclairs.
- Humm, Malick, fait simplement Brahim en regardant ses frères.
- Dounia, Myriam et Aisha, pouvez-vous, vous occuper de Moktar et Omar ?
- Bien sûr, répond Dounia.
Malick prend ma main, j’ai l’impression qu’il la broie. Nous traversons la salle à une vitesse folle. Il prend le couloir et une minute plus tard, nous sommes dans sa chambre.