Partie IX

Write by Ornelia de SOUZA

- Safi, viens manger stp!

-NON ! hurla la petite.


Elle se tenait loin et observait sa mère d'un regard noir. Cela faisait déjà quelques jours qu'elle s'était installé auprès de sa mère chez la sœur Mina mais elle n'acceptait toujours pas la situation. Très souvent, elle réclamait la tante Adéossi et très rarement, elle approchait sa mère. Ayant arrêté l'école car trop loin du domicile de la sœur Mina, la petite pouvait demeurer silencieuse dans un coin de la chambre où elle dormait jusqu'à ce que la sœur soit rentré. Là, elle pouvait manger, sourire, jouer et se détendre. Inès vivait très mal la situation et surtout la proximité entre la sœur et la petite Safi. Elle ne voulait surtout pas que le scénario de la tante Adéossi se reproduise. Safi était sa fille et personne n'allait la lui voler.


-Écoute Safi, je ne te comprends pas.  Je suis ta mère mais tu refuses de manger ce que je te prépare et tu me boudes toute la journée.

-...

-Qu'est-ce que tu veux? Tu veux retourner chez tanti Adéossi?

-Oui; répondit aussitôt la petite en relevant la tête.

-Eh bien non! cria Inès. Moi je suis ta mère et que tu le veuilles ou non, tu vas rester ici et manger ce que je te cuisine.


Inès venait de s'emporter. Elle sortit de la pièce en claquant la porte laissant la petite fille seule. Elle en avait marre. Elle n'arrivait pas à comprendre comment la chair de sa chair pouvait la rejeter. Elle était encore dans ses pensées lorsqu'un bruit se fit entendre. Quelqu'un frappait à la porte. Elle passait ces journées dans cet appartement et en l'absence de la sœur Mina, jamais personne n'était venu. Elle appréhendait. Elle se demandait si elle devait ouvrir ou pas mais un deuxième "toc toc" la décida. Devant elle se tenait le magnifique docteur Carin. Il portait un superbe Bazin marron bien huilé et bien brillant comme le portait les musulmans, le vendredi jour de mosquée. Inès ne dit mot. Soit elle s'étonnait de cette visite, soit la beauté du jeune médecin lui avait coupé le souffle. Elle-même n'arrivait pas à déterminer ce qui lui arrivait.


-Allo la lune,ici la terre! lança le médecin en agitant sa main.

-Que faites-vous ici? fit Inès d'un ton presque agressive.

-Wow! Bonjour Inès! Sachez qu'on ne m'a jamais aussi ma reçu de ma vie.

-Désolée... ; fit Inès gênée.

-La sœur Mina m'a donné votre adresse parce que vous n'êtes plus venu à l'hôpital alors j'ai décidé de passer vous voir... Je peux rentrer?


Inès hésita un instant mais finit par se pousser et laissa entrer Carin. Il se tenait debout tel un de ces hommes de grande classe qu'on apercevait de loin. Une main dans la poche,il explora la pièce du regard, toucha trois petits trucs et finit par s'installer dans un fauteuil bien confortable. Inès se tenait toujours à l'entrée et l'observait. Elle n'avait pas détourné le regard une seule fois et Carin venait de le remarquer.


-Viens t'asseoir Inès; murmura t-il. Si bien sûr, je peux te tutoyer...


Il semblait regretter de l'avoir tutoyé sans sa permission mas elle ne fit pas de remarque concernant cela et se contenta de s'asseoir face à lui. Elle ne disait mot et maintenant elle fuyait son regard.


-Inès, je ne veux pas vous mettre mal à l'aise... Je voulais juste te voir et te parler.

-Ne vous inquiétez pas docteur; fit Inès.

-Non, je te l'ai déjà dit. Tutoie moi et appelle moi Carin. Je vois que maintenant que tu n'as plus besoin de soin,tu ne viens plus à l'hôpital. Et pourtant on s'amusait bien.

-Oui mais maintenant je me suis remise et j'ai d'autres priorités dans la vie. Je ne...


Elle fut coupé par la petite Safi qui fit son entrée à cet instant là. Une colère broya soudainement les entrailles d'Inès. Que faisait cette petite ici? Jamais elle ne sortait de sa chambre lorsqu'Inès se trouvait seule et maintenant que le docteur était là, elle se décidait à sortir. Elle ne comprenait pas sa colère mais elle supportait de moins en moins cet enfant.


Hé petite ! lança le docteur à l'égard de Safi. Qui est-ce?

-C'est la nièce de la sœur Mina; se dépêcha de répondre Inès.


Elle venait de mentir avec un aplomb surprenant. Elle refusait de se l'avouer mais ce docteur lui plaisait et même si elle savait qu'avec son visage défiguré, elle n'avait aucune chance, elle ne tenait pour autant pas à ce que sa fille lui gâche ses chances. Qui voudrait d'une femme défiguré ? Personne! Mais qui voudrait d'une femme défiguré qui soit de surcroît mère ? 

Elle croisa le regard de sa fille et s'en voulut tout de suite.


-Carin, il faut se tu partes maintenant !


Carin l'observa d'un air interloqué. Il ne comprenait pas cette femme et il comprenait encore moins l'attirance qu'il ressentait à son égard. Une femme défiguré et désagréable de plus. Il voulait d'elle. Était-il un fétichiste ? Il sourit face à cette question qu'il se posait intérieurement.


-D'accord mais avant je voudrais que vous m'accordiez un rendez-vous !

-Un... Un quoi? fit Inès en manquant de s'étrangler avec sa propre langue.

-Un rendez-vous; répéta Carin.

-Non, je n'ai pas le temps ! fit sèchement Inès 

-Je vous en prie...


Elle voyait bien qu'il ne partirait pas et cette petite Safi qui les regardait avec insistance.


-D'accord ; finit-elle par lâcher. Mais pas un rendez-vous. Je promets venir vous rendre visite à l'hôpital.

-Très bien! Ça me va! dit joyeusement le docteur en se levant et en se dirigeant directement vers la porte suivie par Inès.


Il se retourna soudainement et se retrouva face à elle. Il sentait si bon. Elle recula en titubant. Ce qui fit sourire Carin. Maintenant, il savait qu'il lui faisait de l'effet tout autant qu'elle lui en faisait.


-J'espère que vous tiendrez votre promesse!


Il déposa un bisou sur sa joue et se retira sans se retourner laissant une Inès ultra silencieuse. La jeune femme referma la porte sur cette entrevue très bizarre et sourit. Mais dès qu'elle croisa le regard de Safi, son sourire disparut. Cette petite la haïssait.

Cris de femmes