Partie XXIX
Write by Ornelia de SOUZA
-Dine! murmura Safi après un rapide coup d'oeil à l'horloge murale
Il sonnait exactement trois heures. Une impression de froid glacial l'avait réveillé. Elle avait un mauvais pressentiment comme s'il s'était passé quelque chose ou comme si quelque chose allait se produire. Elle avait la chair de poule mais elle savait qu'il ne faisait en réalité pas assez froid pour qu'elle en tremble. Le père de ses jumeaux était allongé près d'elle et dormait paisiblement. Elle remercia le ciel qu'il ne se soit pas éveillé à son appel. Il se mettait facilement en colère ces derniers jours ci et il était clair qu'il n'allait pas apprécié qu'elle le réveille en pleine nuit pour des futilités.
Elle saisit son téléphone portable sur la table de nuit. Elle constata une dizaine d'appels manqués. Tous de sa mère. Elle soupira. Sa mère l'avait appelé aujourd'hui plus que les autres jours. Pourquoi insistait-elle ? Ne pouvait-elle pas comprendre le choix de Safi?
Elle sortit du lit et se dirigea vers les berceaux de ces enfants. Eux aussi étaient paisiblement endormis. Comme si ce froid n'avait atteint qu'elle. Elle sourit et s'assit à même le sol au chevet de son lit. Un sentiment étrange l'habitait. De la tristesse. Il était vrai que le rapprochement entre Dine et Candie ainsi que le mauvais comportement de Maman Dine la touchait mais ce sentiment qu'elle n'arrivait pas à comprendre était lié à autre chose. Une chose qu'elle n'arrivait pas à identifier. Elle serra le téléphone portable contre sa poitrine en se laissant tomber à même le sol. Là dans un silence total, elle laissa échapper toutes les larmes de son corps avant de s'endormir prise par la fatigue.
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-Réveille toi! fit Dine faisant sursauter Safi. Il est presque 8h. Pourquoi tu dors ainsi?
Safi se redressa difficilement. Elle avait dormi là par terre sans couverture. Dine ne s'en était même pas inquiété. Il était bien loin de l'homme qu'elle avait connu et aimer. Parfois les conseils d'Oumar lui revenait en tête. Oumar qui lui conseillait de partir car cet homme ne méritait pas qu'elle souffre. Elle en avait juste marre.
Le téléphone était tombé par terre près d'elle. Elle le saisit s'attendant comme à son habitude à voir apparaître sur l'écran quelques appels manqués de sa mère mais il n'y avait rien. Elle se dit qu'elle avait peut-être abandonné, qu'elle avait peut-être compris que Safi ne voulait plus d'elle dans sa vie. Et pourtant aussi sûre d'elle qu'elle l'était, Safi ne put s'empêcher de ressentir un pincement au cœur.
-Maman a besoin de toi! continua Dine
-Non, pas aujourd'hui ! contesta une Safi épuisée.
-Comment ça pas aujourd'hui ? Je te dis que ma mère a besoin de toi et tu me dis...
-Pas aujourd'hui ! le stoppa une Safi remontée. Je ne suis pas une servante Dine. Ayez juste pitié !
-De quoi tu me parles?
-Tu crois que je ne vois pas ce que vous faites? Ta mère se dit peut-être que si elle m'épuise avec les travaux domestiques, je m'en irai mais ce n'est pas ça qui me fera partir.
-Écoutes Safi; dit Dine excédé. Je t'ai laissé dormir jusqu'à 8h. Tes enfants sont où ?
Safi lança un regard paniqué aux berceaux des jumeaux pour se rendre compte qu'ils étaient vides.
-C'est Candie qui est venu s'en occuper ce matin. Tu penses que c'est digne d'une femme. On t'eduque Safi. Ce que tu prends pour de la maltraitance, c'est de l'éducation pour moi. Il faut que tu apprennes le rôle d'une femme. Si je voulais que tu partes...
-Pourquoi tu t'arrêtes? Tu ne veux pas que je partes?
-Bien sûr que non ma Safi. Tu es la mère de mes enfants, la femme que j'aime mais on arrive plus à s'entendre. Je n'arrive plus à supporter cette naïveté que tu feins et qui te sers d'excuse pour ne rien faire ou pour faire des choses déplacées.
-Tu penses que je suis comme ça ? questionna Safi. Tu penses que je suis fausse à ce point?
-...
Dine ne répondit pas occupé à boutonner les manches de sa chemise. Il ne voulait pas répondre mais son silence avait affiché une réponse bien plus nette que s'il avait parlé.
-Safi lève toi et va aider maman... Moi je vais à l'aéroport avec papa.
-Tu t'en vas avec lui?
-Non mais il veut que je commence à m'intéresser aux affaires de la famille alors je vais le rejoindre dans son voyage mais pas aujourd'hui. J'ai encore certaines choses à régler ici. Dans deux jours...
-Et tu comptais me le dire quand?
La réponse de Dine n'arriva jamais parce que Candie poussa la porte avec l'un des nourrissons dans les bras. Elle jeta un regard désapprobateur à Safi.
-Toujours pas debout? Maman va s'énerver. Elle t'attends à la cuisine depuis un moment. Et il faut aussi que tu viennes faire la valise de Dine pour son voyage dans 2 jours.
Bien entendue, elle était au courant. Elle l'avait dit avec une certaine malice dans le regard sûrement pour signifier à Safi qu'elle était plus au courant de ce qui se passait dans la vie de Dine. Elle avait clairement écouter au porte.
Safi se releva et se dirigea vers la douche mais avant de disparaître derrière la porte, elle lança:
-Dites à maman que je ne suis pas disponible. J'ai besoin de repos.
Non seulement, elle en avait marre d'être traité comme une domestique mais elle était vraiment fatiguée physiquement comme émotionnellement.
Elle fit couler de l'eau dans la baignoire et elle s'y glissa. Elle demeura là loin de tout bruit pendant près d'une heure puis elle sortit. La chambre était vide. Dine et Candie ne s'y trouvait plus. Elle enfila rapidement une tenue avant que quelqu'un ne toque à la porte.
-Entrez! ordonna t-elle
Une des domestique apparut l'air timide et embarrassé. Elle resta debout là silencieuse. Safi en déduit qu'il s'agissait sûrement de Maman Dine qui envoyait encore quelqu'un pour la chercher.
-Dites à maman que je suis fatiguée et que j'ai vraiment besoin de repos
-Ce n'est pas maman qui m'envoie ; dit la domestique. Je ne sais justement pas si je peux me permettre de vous chager la commission.
-Qui t'envoie donc? demanda Safi
-C'est Oumar...
-Oumar ? répéta Safi
-Oui, Oumar. Il m'envoit vous dire qu'il est très malade et qu'il a besoin de vous. Il ne fait confiance qu'à vous seule.
Le cœur de Safi fit un bon. Oumar était le seul qui la considérait et qui l'appréciait dans cette maison. Son soutien était vraiment l'une des choses qui importait le plus à Safi et le fait de le savoir en mauvaise posture ne la rassurait point. Il n'y avait pas à réfléchir. Si Oumar avait besoin d'elle, elle serait là pour lui.
-Très bien! Vous pouvez vous retirer. Je vais le voir de ce pas.
Les actes suivirent les mots. Safi se rendit dans la cours. L'appartement du gardien n'était qu'un modeste entrée coucher construit non loin du portail. Elle s'y dirigea d'un pas décidé. La porte était entrouverte. Elle toqua une fois puis elle entra. Elle n'y avait jamais mit pied. L'endroit était fort modeste. Une chaise au milieu de la petite pièce et un lit contre le mur sur lequel était allongée Oumar était les seuls meubles présents. Il dormait. Elle avança dans sa direction mais un grand bruit la força à se retourner rapidement. La porte venait de se refermer dans son dos. Quelqu'un tourna la serrure à l'extérieur. On l'y avait enfermé. Le bruit avait aussi réveillé Oumar. Safi et lui se jetèrent sur la porte dans l'espoir de l'ouvrir mais c'était peine perdue. On les avait vraiment enfermé de l'extérieur.
-Mais que fais-tu ici Safi ? questionna Oumar les yeux encore rouges de sommeil
-Comment tu te sens?
-Ça va mais réponds à ma question s'il te plait. Que fais-tu ici?
-C'est toi qui m'a fait appelé. Tu ne t'en souviens pas? Tu as demandé à ce que je vienne parce que tu étais malade.
-QUOI?!! Je ne me suis jamais porté aussi bien et je ne t'ai jamais fait appelé Safi. Jamais! Je dormais c'est tout.
-On nous a piégés!
C'était une évidence. Safi l'avait compris au moment même où la porte s'était refermé derrière elle et elle savait parfaitement qui était derrière tout ça: Candie. Mais elle ne comprenait pas encore ce qu'elle y gagnait. Pensait-elle que Safi se jetterait dans les bras d'Oumar uniquement parce qu'ils étaient enfermés ensemble? Safi pensa qu'elle était bien folle.
-Comment ça piéger?demanda Oumar qui ne comprenait rien
-C'est Candie ! Je pense qu'elle veut que l'on sorte ensemble pour pouvoir se débarrasser de moi et récupérer Dine.
-Mais c'est absurde! protesta Oumar. Il faut qu'on sorte ici. Moi, je ne peux pas me permettre de perdre mon boulot pour des bêtises pareilles.
Oumar s'acharna sur la porte. Il tenta désespérément de l'ouvrir mais rien n'y fit.
-Je vais essayer de la défoncer; fit-il
-Calme toi Oumar! Elle sera obligée de nous ouvrir tôt ou tard alors patientons.
Safi se dirigea vers le lit sur lequel elle s'assit car il avait l'air plus confortable que le siège. Oumar qui sembla suivre son conseil s'installa sur la chaise pour maintenir une certaine distance entre eux.
-Je ne comprends pas toutes ces histoires moi. Cette femme est une vrai vipère !
-Calme toi Oumar.
L'attente fut longue. Safi tapait la causette pour détendre l'atmosphère mais Oumar était visiblement nerveux. Et cela était compréhensif. Il pouvait perdre son travail s'il n'était pas à son poste. Près d'une heure plus tard, la porte se deverrouilla. Oumar se leva instinctivement.
-Ben voilà ! fit Safi en se redressant sur le lit.
Elle s'etait un peu trop vite rejouie. Dine entra dans la pièce une veine battant nerveusement sur son front. Il jeta un regard empli de haine à Safi toujours sur le lit puis il se rua sur Oumar qu'il saisit à la gorge.
-Tu baises ma femme ?!! cracha t-il les yeux rouges
-NON! hurla Safi
Elle se leva pour séparer les deux hommes mais Dine la repoussa au loin. Les deux hommes ne se faisait pas de cadeau. Un coup de point par ici et un coup de point par là. Safi criait à s'en rompre les cordes vocales. Candie et Maman Dine ne tardèrent pas à apparaître dans l'embrasure de la porte suivies par les domestiques.
Pendant ce temps Oumar qui était plus grand et plus baraqué que Dine n'eut aucun mal à prendre le dessus. Il asséna à Dine des coups qui arrachèrent des cris d'effroi aux femmes présentes.
-Laisse mon enfant! vocifera Maman Dine. Il veut tuer mon enfant! Appeler la police!
-Pitié arrêtez ! suppliait Safi. Oumar, pitié laisse le!
Oumar s'exécuta car après tout il ne faisait que se défendre mais Dine se releva et saisit le col d'Oumar.
-Tu vas regretter ce que tu viens de faire! Quand à toi la pute; dit-il en s'adressant à Safi. Tu vas me le payer! Maman, sors la d'ici!
-Dine, je te l'avais dit! Regarde comme cet homme t'a frappé à cause de cette fille légère. J'ai appelé la police.
-Tu as bien fait maman; lança Dine qui tenait toujours Oumar pas le col.
-Sors d'ici toi! ordonna Maman Dine en poussant Safi hors de la pièce.
Celle-ci ne détacha pas une seule fois son regard embué de larme de Dine. Comment pouvait-il croire cela d'elle?
-Dine, tu sais parfaitement que je n'en suis pas capable.
-Sors! cria Maman Dine en la poussant.