perdre la tete !
Write by leilaji
****Leila****
A un moment donné, il a bien fallu que j rentre
chez moi. Il faut dire que les hôpitaux indiens sont assez stricts sur la
sécurité des patientes et des bébés et le repos absolu auquel, ils ont droit.
Ici, on ne donne de prénom au bébé que plusieurs
semaines après leur naissance. Moi, j’en suis très étonnée car au Gabon, ça ne
se passe pas du tout ainsi. Sur le berceau du bébé ou ses papiers, aucun autre
nom que celui de sa mère ne figure. Karisma dit que c’est dû aux lenteurs
administrative qui forcent les parents à attendre parfois jusqu’à trois
semaines pour obtenir un certificat de naissance. Hum ! Les lenteurs
administratives, ça on connait aussi au Gabon !
Je ne savais pas qu’un jour Neina me ferai pitié à
ce point. Je ne pardonne pas ce qu’elle a voulu me faire mais je me rends tout
simplement que ce n’est encore qu’une enfant. La mère d’Alexander est à
l’origine de beaucoup de malheur de son fils. C’est triste à dire mais au
final, je pense bien qu’elle ne mérite pas mon respect ni celui de son fils. Ce
que j’aimerai par contre comprendre c’est pourquoi elle agit ainsi. Ce ne peut
être tout simplement une question d’argent !
Afin de m’occuper et de ne pas trop m’impliquer
dans ce qui se passe, je fais ce que je sais faire le mieux : regarder les
factures. A chaque étape, on nous en apporte une. Y’a rien à dire, ils sont
efficacement organisés. Les factures sont tellement détaillées qu’on s’y perd
presque. Y figurent : les honoraires du gynécologue, du pédiatre, de
l’anesthésiste, des sages-femmes, ainsi que tout ce qui a été utilisé pour les
soins : gants, compresses, médicaments, pansements …
De nouveau, mes pensées dérivent vers Alexander qui
n’est toujours pas là. Neina l’a demandé une dernière fois avant se s’écrouler
morte de fatigue. Pour lui, j’ai voulu être mère ! Mais en réalité, dans ma
tête, je n’étais pas encore prête. C’est pourquoi, je comprends tout à fait le
désarroi de Neina face à l’absence d’Alexander. Les choses ont évolué entre mon
homme et moi, on a survécu à nos drames personnels, appris à mieux se
connaitre, mieux s’aimer. Et maintenant que je ressens en moi, cette envie de
franchir cette étape, je dois m’avouer que c’est encore plus douloureux.
La petite est tout simplement magique. Elle est
belle, adorable et mon cœur fond devant ses petites mimiques de bébé. Elle n’a
rien demandé elle. La guerre qui va se dérouler entre tous les membres de sa
famille n’est pas de son fait. Tout ce qu’elle sait faire c’est sucer ses
petits doigts d’ange. Elle me trouverait folle si elle savait à quel point ma
vision des choses a évolué.
Je suis une dame de fer ! C’est vrai. Dans une entreprise,
je mène la danse même devant les hommes, je n’ai pas honte de le dire. J’ai
placé ma réussite au dessus de tout, j’ai appris à endurcir mon cœur pour faire
face aux coups durs.
Mais ce bébé. C’est un ange. La dame de fer a envie
d’enlever son armure et ses gants en métal pour caresser un bébé !
Un ange qui n’est pas à moi. Et dont
apparemment, personne ne veut.
Je soupire et Karisma me regarde. Elle est assise
avec moi dans la chambre. Je ne voulais pas être seule avec Neina dont le
sommeil est un peu agité.
— Leilaji,
il ne faudrait pas que tu sois en colère contre uncleji à cause du bébé.
— Ne
t’inquiète pas Karisma. Je n’ai aucune colère contre ton oncle ou contre ta
nièce. Du moins, je n’en ai plus.
—
C’est
mamie qui va faire une crise ! A part le sale caractère des Khan, elle a tout
pris des Oberoi. Pas de peau claire, pas d’yeux verts…
C’est vrai. Je regarde Karisma avec des yeux …
de grande sœur, à mon plus grand étonnement. Quand on s’en ira, elle va
énormément me manquer.
— Qu’est-ce
qu’il y a ?
—
Rien.
—
Vas-y
dis moi !
—
Tu sais
que ton oncle et moi, on finira par rentrer un jour ou l’autre…
Karisma, je lui fais constater d’une voix triste.
—
Ah oui,
ça…
—
Je
pourrai lui demander… que tu viennes avec nous. Si ça ne te dérange pas de
vivre au Gabon.
Elle se fige et secoue la tête.
— Mamie ne voudra jamais me laisser partir si son
fils part.
— Laisse moi m’en occuper tu veux ! On en reparlera
plus tard.
— D’accord Leilajaan.
****Karisma****
Déjà qu’elle n’est pas née sous de bons auspices,
en plus elle a le malheur d’être une fille !
Leila ne le sait pas encore mais elle la
regarde avec tellement d’amour alors de Neina ne s’en occupe même pas. La fille
chérie de son père aurait été tellement fière de faire plaisir à sa belle-mère
en lui donnant un petit-fils ! Mais les dieux en ont décidé autrement. Et c’est
une juste punition.
Ici en Inde, une grande préférence est marquée
pour la naissance des petits garçons. Quand une femme accouche d’un fils,
l’évènement est annoncé et fêtée avec grandeur, alors qu'aucune bénédiction
n'est faite pour une fille.
Ah ma petite, aucune bénédiction n’a été faite pour
moi et aucune ne sera faite pour toi. Nos textes védiques prônent l'importance
des lignées de fils et non de filles. Les garçons transmettent le nom de la
famille, et surtout ils honorent certains rites religieux alors que les filles
ne le peuvent pas. Uncleji a réalisé le rite pour nana (grand-père maternel).
S’il avait été une femme, il n’aurait pu le faire et ainsi accorder la paix à
l’âme de son père. Ma naissance a été vue comme une source de dépenses et c’est
pour cela que mon père m’a abandonnée chez la sœur de sa femme quand elle est
morte en couche. A juste titre : je n’apporterai jamais d’argent à la famille,
pire j’en emporterai avec moi lors de mon mariage pour le remettre en tant que
dot à mon futur mari. Qui voudrait d’une telle charge ?
Des chants traditionnels de la région de mamie
relatent la différence entre fille et garçon :
"Ecoute, O Sukhma, quelle coutume s'installe
chez nous !
Quand un garçon naît, on bat le tambour,
Mais c'est sur une assiette de laiton qu'on a
frappé à ma naissance"
J’espère que tu ne seras pas abandonnée de tous
comme moi, petite fille.
Puis je me lève et vais serrer très fort dans ses
bras Leila en lui chuchotant bien malgré moi: « s’il te plait Leilaji, ne
m’abandonne pas ici ! »
Je le lui ai dit parce qu’elle m’a apporté en très
peu de temps, ce que ma mère m’aurait donné en toute une vie !
*
**
****Alexander****
J’ai quitté la demeure des Oberoi rempli de haine à
l’égard du père de Neina. Je ne comprends pas qu’on puisse être aussi vil. Un
homme qui possède tout pour être heureux. Une fortune colossale, une fille
aimante et respectueuse… Pourquoi ne peut-il pas se contenter de ça ? L’être
humain peut se montrer parfois tellement avide. Que croit-il ? Qu’il emmènera
toute cette fortune avec lui dans son autre vie ? Il sera brulé et ses cendres
seront jetées dans l’eau du fleuve sacré (Gange). Rien d’autre. Que l’ont soit
riche ou pauvre, c’est la seule fin possible pour nous tous sur cette terre.
Je pense à ma vie.
A celle que j’ai envie de vivre avec Leila,
rien qu’elle et moi.
A celle que je vis réellement, avec Neina et
toute ma famille.
Non mais quel gâchis !
Des pas s’approchent dans le couloir. Je lève la
tête et vois Leila fouiller son sac à la recherche des clefs de son studio. Je
reste assis par terre devant la porte. Quand elle me voit, elle s’arrête.
— Bébé ?
Elle vient s’agenouiller près de moi.
— Tout le monde
te cherche. Je n’ai pas arrêté de t’appeler… Il y a Neina qui…
Je la coupe net. Je ne suis pas en état de
parler sereinement de la famille Oberoi et le regard que je lui lance en dit
long.
—
Je suis
fatigué et je veux dormir. J’ai besoin de me reposer.
Elle comprend tout de suite que quelque chose me
perturbe et que je ne suis pas encore disposé à en parler. Leila et moi c’est
comme ça depuis un moment. On se comprend du regard, parfois à demi-mot. La
connexion entre nous est toujours aussi présente malgré le temps qui passe.
Elle se lève, ouvre sa porte et s’efface pour me
laisser entrer. Mais je la connais, Leila c’est une forte tête. Demain, elle
exigera des explications.
*
**
Dès que j’ouvre les yeux, je me sens mal. J’ai
envie de replonger dans les bras de Morphée… Leila est endormie près de moi.
Elle dort, la bouche légèrement entrouverte. Ses cheveux me manquent. Sa petite
coupe lui va bien mais ce n’est pas la même chose. Je pose un baiser sur son
front et me lève du lit. Il fait encore nuit. A ma montre, il est 5 heures du
matin. Je vais prendre une douche en faisant le moins de bruit
possible, je ne veux pas qu’elle se réveille et qu’on ait déjà à attaquer la
discussion que j’évite. Une longue journée m’attend, je dois prendre mes dispositions
le plus rapidement possible.
Je laisse un mot à Leila sur sa table de chevet : «
Ne me cherche pas, on se voit ce soir ». Et je m’en vais.
*
**
****A Libreville****
****Didier****
Elle me trompe, j’en suis désormais convaincu. Le
pire c’est que je ne suis même pas en droit de lui réclamer des explications.
Après tout je ne suis pas son mari. Mais la douleur que me causent ses
mensonges me mettent hors de moi. Je suis marié à une femme que je n’aime pas.
Si je pouvais m’assurer qu’Elle divorce de Gaspard pour se mettre avec moi, ça
fait longtemps que j’aurai quitté ma femme.
Me voici moi, un gaillard de quarante ans en train
de suivre en voiture depuis une heure de temps cette petite femme.
Je veux en avoir le cœur net, la surprendre en
flagrant délit et pouvoir lui jeter au visage son comportement ignoble. Je
l’aime moi. Je lui donne absolument tout ce qu’elle veut. Il lui suffit de
demander mais apparemment à présent, je ne lui suffis plus.
Elle veut le fils Onbinda ! C’est vrai que lui et moi
ne boxons pas dans la même catégorie. Si je peux lui offrir une soirée dans le
restaurent le plus chic de la capital, lui c’est tout le restaurent qu’il peut
lui acheter.
BORDEL ! Elle me trompe.
Je me demande en fin de compte ce que j’ai bien pu
représenter pour elle. Un passe-temps pour animer sa vie ennuyeuse avec son
mari ? Un bon coup qui le remplace quand il part en voyage et qu’elle a envie
d’un homme ? Qu’ai-je été pour elle durant ces quatre dernières années ?
Je n’arrive même pas à croire que ça fait quatre
ans qu’on est amant. Je me souviens encore comme si c’était hier de notre
première rencontre dans une boite de nuit de la place. Elle était accompagnée
d’un de ses nombreux frères que je connaissais très bien. J’ai glissé un mot au
frère en question qui est allé la questionner et qu’est-ce qu’elle lui a
répondu ?
— Ah pardon,
je suis mariée à un avocat, lui là je vais l’emmener où ?
Je l’ai très distinctement entendu puisque je me
trouvais juste derrière Elle. Hum ! Les femmes ! « Je vais l’emmener où » dit
avec autant de dédain que de mépris, comme si je n’étais pas à la hauteur de sa
situation ! Du coup, ça m’a tellement énervé que je me suis dit que j’allais
tout mettre en œuvre pour coucher avec elle, JUSTE UNE FOIS.
Juste une fois et m’en débarrasser après comme d’un
vieux mouchoir en papier. C’était ça le plan. A quel moment je me suis retrouvé
lié à elle à un point où je ne dors pas la nuit tant qu’on ne s’est pas parlé
par messagerie ? Je ne le sais pas.
Bien que marié, toute ma famille la connait et
l’apprécie. Que les gens nous jugent ou pas, ça ce n’est pas mon problème.
Et quatre ans plus tard où en sommes-nous ?
Elle me trompe. Merde alors !
*
**
****Mumbai****
****Leela****
Je ne comprends pas ce qui se passe. Où me suis-je
trompée ? Neina a donné un enfant à Devdas mais il ne s’est pas pour autant
rapproché d’elle. Ce n’est pas un fils comme je l’avais espéré mais c’est tout
de même un enfant que Leila ne pourra jamais lui donner.
Cette femme a envouté mon fils, c’est certain.
Je suis déçue par le tour que les évènements
prennent.
A la naissance, avant que le cordon ne soit coupé,
nos traditions auraient voulu que Devdas touche les lèvres du bébé avec une
cuillère en or, ou avec ses doigts trempés dans du miel et du ghee (beurre
clarifié). Le mot "vac" qui signifie en sanskrit parole, aurait été
répété trois fois dans l'oreille gauche de l’enfant et des mantras récités pour
assurer lui une longue vie.
Mais rien de tout ça n’a été fait, quel honte pour
moi. Et cette petite sotte de Neina qui choisit ce moment pour se rebeller !
C’est inadmissible. Je dois absolument en discuter avec son père afin qu’il
la remette sur le droit chemin. Mais avant toute chose j’appelle mon fils.
Il ne décroche pas. Quelques minutes après,
Karisma vient me dire que son oncle lui a envoyé un message pour lui expliquer
qu’il rentrait bientôt.
Je suis soulagée. Mais je veux parler à Oberoi
avant qu’il ne revienne. C’est primordial que lui et moi nous mettions
d’accord.
*
**
Il n’est pas très heureux d’avoir été « convoqué »
par moi. Mais il est tout de même venu. Oberoi.
Depuis qu’on se connait je l’appelle toujours
par son nom de famille pour mettre de la distance entre nous. D’aussi loin que
je m’en souvienne nos trois familles ont toujours été très proches, la mienne,
la sienne et celle de Khan. Mon mariage avec le fils Khan s’est décidé sur nos
horoscopes communs.
Mon "janampatri" (horoscope établi
dans un petit carnet qui détermine la date et l’heure précise de la naissance
et emplacement des planètes. Indique les 36 qualités ou "gunas" pour
chaque personne) a été pris en considération lors de la quête de mon conjoint
par ma mère. Mes parents, ainsi que les leurs, les ont remis à l'astrologue qui
a étudié les qualités et compatibilités à mettre en commun avec le futur
partenaire. Et le choix de ce
dernier s’est porté sur Khan au lieu d’Oberoi.
Mon destin n’a été que la conséquence du choix de
ma famille pour moi. Pourquoi Devdas devrait-il échapper aux règles établies
depuis des millénaires ?
L’un des domestiques m’annonce la venue d’Oberoi et
me sort ainsi de mes pensées.
— Faites-le
entrer.
Je suis dans le bureau qu’occupait jadis mon mari.
Il n’y a que dans cette pièce aux murs chargés de photos souvenirs que je peux
le rencontrer sans me laisser influencer par l’homme qui s’apprête à me
rencontrer.
Il ouvre la porte et s’avance vers moi. Nous nous
saluons respectueusement et il prend place face à moi.
— C’est un
réel plaisir pour moi de te rencontrer Leela.
Je soupire, je n’aime pas le regard qu’il pose
sur moi.
—
Ta fille me pose problème.
—
Ton fils aussi me pose problème.
—
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