Prise de court

Write by Farida IB



Yumna…


Ça y est, nous venons de terminer toutes les épreuves pour mon plus grand soulagement. Il est évident que ça ne fait pas de moi une physiothérapeute pour le moment, mais là au moins je suis sûr que mon certificat de synthèse clinique et thérapeutique est en poche et qu'il ne me reste plus que quelques années pour parachever mes objectifs. Normalement, je devais être aux anges, encore que le fait d’avoir validé tous mes stages me laisse le temps de vadrouiller avant l’examen national classant. Cependant, mon bourreau de frère m’oblige à aller voir le psy une fois sorti de l’école. C’est pour ça que je traîne un peu les pas en ce moment parce que ça ne me dit pas du tout d’y aller. La séance de la dernière fois m’a ennuyé qu’autre chose, il s’est contenté de m’écouter répéter la scène tout le temps que cela a duré pfff. Quand je pense qu’Ussama s'est senti obligé de lui graisser la patte juste pour ça !! Tchiippp.


Je me faufile entre les autres étudiants, tête baissée en longeant le couloir lorsque la voix d’Eddie me parvient au loin derrière. Je me retourne et quand nos regards se croisent, il me fait un sourire béat auquel je réponds. Son pote et lui se tchèque pour se dire au revoir puis il me rejoint tout sourire. 


Moi pendant qu’on marche : ça se voit que tu as tout déchiré. 


Eddie : non, c'est plus parce que nous avons gagné une partie de la bataille.


Moi : vrai.


Eddie : qu’est-ce que tu as ? Tu n’as pas l’air si heureuse que ça d’avoir terminé cette manche.


Moi : au contraire, je suis soulagée de ouf, c’est le passage chez le psy que je ne blaire pas. En plus, Ussama veut qu’on s'y rende directement.


Eddie (passant la main autour de mon cou) : je t'accompagne rencontrer le docteur si ça te dit.


Moi lui souriant : si seulement, c’était possible de le faire. Je m’ennuierais moins dans ce cas.


Eddie : alors c’est ça le problème ? Tu t’es ennuyée avec lui ?


Moi : wep, encore qu’ennuyer, c’est peu dire.


Eddie : ok, on va faire une parade, si la séance d’aujourd’hui est pareille, tu n’auras qu’à penser à moi. Et pourquoi pas à ma tof avec la moue de canard ?


Moi riant : moue de goret weh.


Il me tire l’oreille.


Moi : Aie, mais c’est vrai ! Tu ressemblais plus à un goret qu’à un canard.


Eddie : je vais te donner la fessée bécasse.


Je rigole.


Voix d’Ussama au loin : les amoureux, j’en ai marre de vous attendre.


Je lève les yeux au ciel alors qu’Eddie sourit en bousculant la tête. On arrive à son niveau et je lui donne une claque sur l’épaule.


Moi : tu es obligée de mettre les gens mal à aise ?


Ussama : bah quoi ? Je dis ce que je vois ! 


Eddie ignorant sa remarque : salut bro.


Ussama : salut mon petit, ça se sent que tu as terminé ton examen sur le bon pied. 


Eddie sourire ravi : ça, il faut le dire !


Ussama se tournant vers moi : pourquoi tu fais la tronche ?


Eddie qui répond : elle ne veut pas voir le psy.


Ussama : lol si ce n’est que ça, on y va !


Moi : pfff !


Eddie riant : je t’ai déjà trouvé la solution.


Moi : ça ne fera qu’empirer les choses.


Ussama faisant son pointu : quelle solution ?


Moi haussant l’épaule : ce ne sont pas tes oignons.


Ussama rictus moqueur : de toute façon ça ne m’empêchera pas de te conduire chez le docteur.


Moi : tchiippp !!


Les deux s'esclaffent de rire et j’ai simplement envie de leur foutre des baffes. Je les laisse discuter entre eux jusqu’à ce qu’on arrive à la clinique où le docteur me reçoit après quarante-cinq minutes d’attentes, vous me voyez les choses comme ça ? 


Je rentre la bouille bien amarrée et prends place sur la chaise en face de lui, une autre chose qui m’agace. Je dois parler en le fixant du coup, je ne peux même pas faire les grimaces que je veux. Il me donne le top et cette fois, il ne s’agira pas de raconter là scène, mais les rêves que j’en fais. Ce qui revient à la même chose parce que c’est la scène que je revis dans ces rêves, enfin je n'arrive pas à franchir le cap où  je sens son membre frôler mon entrejambe. Ça me glace toujours le sang d’y penser et le raconter, c’est juste plus fort que moi.


Doc (à la fin de mon monologue) : et ça s’arrête toujours là ?


Moi : oui ça s’arrête toujours là.


Doc : réessaie encore mademoiselle, ce n’est pas tout à fait ce que je veux. 


Je pousse un long soupire, je pense qu’il a compris pourquoi. il s’est redressé et me fixe intensément.


Moi lasse : d’accord.


Je veux reprendre, mais il me stoppe d’un geste de la main.


Doc : tu sais, comme je te l’ai déjà dit, le cauchemar est l’une des manières par laquelle on revit une expérience déjà vécu surtout si cela nous a profondément perturbé. Il n’y a donc rien d’anormal à ce que tu fasses des cauchemars, par contre le récit que tu viens de faire est incomplet. Ce qui sous-entend que tu cherches à fuir la réalité qui est pourtant transcendante. J'ai besoin que tu me racontes tout ce qui s’est passé, dans les moindres détails.


Je prends une grande inspiration avant de me lancer, je reprends le récit concentré à rechercher toutes les informations dans mon cerveau. À un moment la proposition d’Eddie me vient en tête et l’image à l’appui.


Doc m’interrompant : qu’est-ce qui te fait sourire ?


Moi perplexe : euhh, je ne m’étais pas rendu compte que je souriais.


Doc : ok, tu as dû penser à quelque chose.


Je hoche la tête.


Doc : tu peux m’en parler ?


Moi (d’un geste évasif de la main) : rien d’important, juste une blague de mon ami.


Doc l’air intéressé : ça tombe bien, parle-moi un peu de ton entourage. Tes parents, comment ils prennent eux cet incident ?


 Moi cherchant une excuse : euhhhh, en fait euhh.


Doc fronçant les sourcils : tu ne leurs as rien dit, je suppose.


Moi : à mon frère et à mon pote oui.


Doc : c’est bien, mais tu as besoin de ta famille et de tes amis au complet pour t’aider à dépasser cela. 


Moi : mais docteur, c’est un peu compliqué pour les parents, en plus ils ne vivent pas ici.


Doc : raison de plus pour les tenir informés de la situation.


Moi (secouant vigoureusement la tête) : je ne veux pas mêler mon père à cette histoire et en parler à ma mère reviendrait au même.


Doc : tu devras le leur en parler tôt ou tard si tu veux réellement t'en libérer.


Moi : oui un jour, mais pas maintenant.


Doc : et tes autres frères ?


Moi : il y en a qu’un, l'aîné.


Doc : parfait, ton prochain exercice consistera à lui en parler. Tu me feras le compte-rendu à notre prochaine séance. De ce fait, tu verras mon assistante pour qu'elle te communique la prochaine date.


Moi : suis-je vraiment obligée ?


Doc : oui.


Je sors de son cabinet un peu perplexe, franchement, je ne veux pas réveiller le volcan. Je n’ose pas imaginer avoir cette discussion avec Khalil, ça revient au même que d’en parler aux parents. Décidément je ne suis pas sortie de l’auberge avec ce docteur pfff !!


Je prends attache avec son assistante pour mon prochain rendez-vous comme il me l'a enjoint et vais rejoindre les garçons. Dès qu'Eddie me voit, il me fixe avec de la compassion dans le regard.


Eddie : c’est pire que ce que j'avais pensé.


Moi : il m’oblige à en parler à Khalil.


Ussama : et je crois que c’est une bonne chose, je n’étais vraiment pas à l’aise par rapport à lui.


Moi boudant : moi, je ne veux pas le faire, je ne veux pas parier sur sa réaction. En plus lui en parler, c'est en parler indirectement aux darons.


Eddie : tu n’auras qu’à lui demander de ne pas le répéter.


Moi : c'est vrai, enfin à condition  qu’il soit réceptif.


Ussama : il le sera, avec le Khalil dont nous avons affaire dernièrement, je pense que tu as peur pour rien. Fin, j'espère.


Moi : ça aussi, c’est vrai.


Ussama se levant : great, tu le feras d’aussitôt que nous serons rentrés.


Moi (pendant qu’on le suit) : pourquoi si pressé ? J’ai encore une semaine avant la prochaine séance.


Ussama : et moi, je veux dormir  le cœur en paix ce soir.


Moi : donc tu lui diras toi-même.


Ussama : nan toi, commences par préparer ton discours.


Ce que je prends pour de la plaisanterie jusqu’à ce qu’il me colle le téléphone au nez dès que nous franchissons le pas de la porte de mon studio et Khalil qui ne laisse même pas sonner avant de décrocher.


Khalil avec enthousiasme : oui mon petit.


Moi hésitante : c’est Yumna.


Khalil : princesse ? C’est quoi cette voix, qu’est-ce que vous avez tramée ton frère et toi ?


Moi : nous n’avons rien fait.


Khalil : alors pourquoi ta phrase sonne faux ?


Moi : en fait, euhh.


Je roule des yeux en direction d’Ussama qui mime « haut parleur » depuis tout ce temps. Ils m’encerclent tous les deux du genre, ils m’ont déjà mis sur le banc des accusés. Tchiiipp !


Khalil : je t’écoute princesse.


Je finis par mettre l’appel sur écoute avant d’entamer la conversation.


Moi : ne te fâche pas s’il te plaît.


Khalil : et pourquoi devrais-je me mettre en colère contre toi si tu dis n’avoir rien fait ?


Moi : promets-le moi et aussi que ce que je m’apprête à te dire restera entre nous.


Khalil : tu me fais peur Yumna, qu’est-ce qu’il y a ? Tu es malade ? Tu t’es fait engrosser par un imbécile ? 


Il se lance dans un amont de questions insensées.


Moi : rien de tout ça.


Khalil avec humeur : mais tu vas finir par me dire ce qui se passe ?


Mon cœur rate un battement.


Voix au fond : Khalil calme-toi.


Il prend un pause et finit par soupirer bruyamment.


Khalil ton plus calme : je t’écoute.


Moi : je… Il y a deux semaines, Je...j’ai failli me faire violer.


Khalil : QUOI ??


La voix : Khalil !!


Moi d'un trait : calme-toi, je t’en prie. Il a tenté de le faire, mais un inconnu est arrivé à temps pour me sauver. Je vais bien ne t’inquiète pas, je ne voulais pas vous alarmer et je ne veux surtout pas que papa interrompe mes études à cause de cet incident. Je redoutais que tu t’emportes et qu’il finisse par le savoir. Ussama et moi avons entrepris des démarches pour le faire coffrer avec l’aide de mon ami Eddie, l’enquête est déjà lancée donc très bientôt, il sera hors d’état de nuire.


Il reste silencieux un moment pendant lequel je frôle l'AVC avant de reprendre la voix enrouée par la colère.


Khalil : tu es sûr que vous pouvez vraiment le mettre hors d’état de nuire sans l’aide de papa ?


Moi : oui, nous avons fait appel à un expert dans le domaine.


Khalil : je vais quand même joindre mes contacts là-bas pour qu’ils vous portent un coup de main. 


Moi la petite voix : ok.


Khalil : c’est pour ça que ton frère est avec toi ?


Moi : oui.


Khalil : pourquoi ça ne m’étonne pas que vous m’ayez mis à l’écart  une fois de plus ?


Moi : ce n’était pas du tout notre intention de te pestiférer, c’est papa que j’évitais.


Khalil : je comprends tes motivations et j’aurais compris si tu me l’avais expliqué de cette façon. Je suis d’accord que tu veuilles préserver tes études, mais ce genre de choses ne se cache pas. Nous sommes une famille Yumna et tu as besoin de notre soutien en ce moment plus que jamais.


Moi me rapetissant : je sais, je suis désolée, je ne voulais pas t’offenser.


Khalil : j’espère que ça n’a pas empiété sur ton examination.


Moi : non, Ussama m’a fait voir un psychiatre en plus de ça lui et mon pote me sont d’un grand soutien.


Flottement


Khalil reprenant : je pense que j'ai tort de continuer à vous prendre pour des enfants, vous êtes à même de voler de vos propres ailes. De toute façon, je n’ai jamais été là donc.


Moi (avec un pincement dans le cœur) : ne dis pas ça s’il te plaît.


Khalil : ce n’était pas pour être méchant, je ne peux pas nier que ça me fait mal que vous m’ayez caché une chose aussi importante, mais je suis fière de vous. De la façon dont vous avez géré la situation.


Je regarde Ussama qui me retourne mon regard surpris.


Khalil : il ne reste plus qu’à enfermer le souillon et trouver le moyen de t’éloigner de ces pervers. Commence déjà par te prendre un taser, je t’enverrai de l’argent pour ça. 


Moi : euhh nous…


Khalil me coupant net : ok, je vois, s’il y a quelque chose que je peux faire n’hésites pas à me le dire.


Moi : d’accord big bro. 


Khalil : ok, passe-moi ton frère et si ton ami est là, je veux lui parler à lui aussi.


 Eddie me regarde perplexe.


Moi : je te passe Eddie.


Eddie (me faisant de grands signes) : mais pourquoi moi en premier ?


Moi : prends juste !


Ce qu’il fait.


Nous étions tous en émoi, mais le frère voulait simplement prendre connaissance de la procédure que nous suivons et donner de fermes instructions à Ussama de me dorloter comme il faut. Je sens que je ferai un tour à Paris dans pas longtemps krkrkr…


Ussama posant le téléphone sur le guéridon : Eddie, demain nous irons dans ton pays.  


Eddie le regarde perdu.


Ussama : tu l’as entendu comme nous n’est-ce pas ?


Moi roulant des yeux : tu ne vas pas faire l’étonné à chaque fois que tu lui parleras !


Ussama : j'ai encore du mal à le croire, comprend moi.


Moi : l’amour est dans l’air.


Ussama : hmm, vois pour les autres ne vois pas pour toi.


Je le fixe le sourcil arqué d'interrogation, il hausse l’épaule.


Eddie : maintenant que c’est réglé avec votre frère et si nous parlons de demain ?


Ussama se levant : ne comptez même pas sur ma présence.


Moi sur un ton autoritaire : comme si tu avais le choix !


Il arque un sourcil interrogateur, mais n’émet aucun commentaire.



Nahia…


Je décolle mes yeux des papiers épars devant moi pour les hisser quelques minutes sur Khalil. Il est assis droit comme un "i", le buste tendu à l'avant, le regard assombri et ça fait plus de trente minutes qu’il est assis comme ça fixant un point imaginaire devant lui. Ça doit être grave ce que sa sœur lui a raconté pour qu'il soit dans cet état. J’aimerais bien m'informer, mais je n’en ai pas le courage de lui demander. Actuellement, il a l’air d’être en plein meeting avec Satan et je ferais mieux de ne pas les interrompre. 


Peinant à me concentrer sur mon travail, je range tout et vais nous chercher des boissons que je pose devant lui pendant que je m’assois sur la chaise en face.


Moi lui tendant la main : hey, my name is miss bigmouth. Nice to meet you sir. “Coucou, je m’appelle miss grande gueule. Ravi de faire votre connaissance monsieur”.


Il lève enfin les yeux sur moi et me sourit pendant que je décapsule la cannette d’Orangina que je lui tends.


Moi : tu veux en parler ?


Khalil : pour le moment, non, j’ai la rage au cœur et c’est sur toi que je risque de tout déverser.


Moi : vaut mieux pas pour nous deux, je sais me défendre, tu sais ? Après tout, je suis miss bigmouth.


Il éclate de rire alors qu’il portait la canette à ses lèvres. Je l’imite dans son geste et vide la mienne à moitié avant de reprendre.


Moi : parlons des choses gaies, tu n’as toujours rien dit à propos de la fête des enfants. (la petite voix) Dois-je m’inquiéter ?


Khalil : du tout pas, je vous prépare une surprise.


Moi dubitative : je n’aime pas les surprises.


Khalil (haussant l'épaule avec nonchalance) : tu vas devoir t’y faire.


Moi regard insistant : c’est samedi, après demain.


Khalil : je t’en donne ma parole. 


Moi : ok, sinon j’ai eu l’idée de contacter une société de déménagement pour ma sœur. Cela nous ferait gagner en temps et en repos. Je suis prête à parier qu’elle n’a fait aucun tri et que c’est le jour-J nous ferons les cartons.


Khalil : pourquoi en es-tu si sûr ?


Moi (avec un geste évasif de la main) : bah, c’est ma sœur, je la connais comme ma poche. La formule complète irait bien avec elle d’ailleurs.


Khalil riant : arrête de vilipender ta sœur.


Moi faisant la moue : mais c’est vrai en plus, tu auras le temps de faire toi-même le constat.


Il rigole.


Moi plissant les yeux : qu’est-ce qui te fait marrer ?


Khalil : je me disais que c’est de toi que tiens Laïla, vous faites la même mine toutes les deux quand vous boudez.


Moi : elle c’est la championne de la bouderie. 


Khalil : c’est normal, elle a un bon mentor.


Il se lâche quand je fais encore plus la moue, au moins j’aurai réussi mon coup. Nous sommes interrompus par le bourdonnement de mon téléphone dans ma poche.


Moi décrochant hilare : mon unique mari.


Liam : ma belle-sœur qualité.


Moi : tu peux le dire que je suis ta femme, tu n’as rien à craindre. Et puis Amou elle-même sait que c’est moi ta femme.


Liam riant : tu cherches la troisième guerre mondiale ?


Moi : lol j’ai les minutions qu’il faut pour ça.


Liam : je n’en doute pas une seconde, sinon comment tu vas ? On n’a pas le temps de se voir ces derniers jours.


Moi : oui, oui, nos heures de retour ne se coïncident plus. Sinon, je me porte comme un charme, et j’espère que toi aussi.


Liam : oui même si je suis débordé au CHU en ce moment.


Moi : oui, j’ai appris ça.


Liam : c’est par ailleurs le but de mon appel, ta sœur est rentrée tôt, aujourd’hui. Elle s’est plainte de fatigue et moi, j’en ai encore pour quatre heures maximum ici.


Moi : du coup, vous avez besoin de moi pour aller récupérer les enfants à l’école. 


Liam avec un rire de gorge : tu devines juste.


Moi : ok, pas  de souci (regardant l’heure) j’y vais de ce pas, il est presque l’heure.


Liam : merci ma chérie, je te revaudrai ça.


Moi taquine : compte sur moi pour te le rappeler.


Il rit avant de raccrocher, je me tourne ensuite vers Khalil qui se met debout.


Moi arquant le sourcil : tu vas où ?


Khalil : j’ai cru comprendre que nous allons chercher les enfants.


Moi faussement sévère : Ben Zayid arrête de suivre mes conversations téléphoniques.


Khalil fronçant les sourcils : mais tu étais juste devant moi !


Moi : lol je plaisante monsieur.


Il fait un drôle de grimace qui me fait éclater de rire. 


……..


Ça nous a pris quarante minutes environ pour arriver devant l’école des enfants. Je stationne à peine que nous les voyons sortir et avancer vers nous perplexes, mais très contents de nous voir. Après les effusions habituelles, les jumelles s’empressent d'ouvrir la portière avant et furent interrompues par Khalil.


Khalil : c’est Nabil qui monte avec moi ce soir.


Laïla : mais pourquoi ?


Khalil : parce que c'est la nouvelle règle désormais. Après demain, ce sera le tour de Yusef. Du plus grand au plus petit, vous voyez ?


Nabil/Yusef content : yessss !!!


Naïla : d’accord tonton Lil


Khalil montant la joue à Laïla : tu es d’accord aussi princesse ?


Elle sourit.


Laïla : Naïla vient, nous allons monter derrière.


Eh beh !!???


Ils s’installent tous euphorique et ça discute anniversaire jusqu’à la maison. Là, je monte directement voir Amou dans sa chambre laissant Khalil en grande discussion avec mamie et les enfants. J'ouvre la porte et la trouve allongée de dos sur le lit, le regard dans le vide, l'air torturé. J’avance vers elle inquiète.


Moi : sœurette ? 


Elle se tourne vers moi et acquiesce un sourire, enfin quelque chose qui ressemble à un sourire. Ce qui m’inquiète encore plus.


Moi : je t’en prie dis-moi que tout va bien.


Elle se redresse et s’adosse au montant du lit pendant que je prends place à côté.


Moi : tout va bien ?


Elle hoche lentement la tête.


Moi lui caressant le ventre : mon bébé va bien ?


Amou la voix pâteuse : tes bébés vont bien.


Moi sans tourner autour du pot : combien cette fois ?


Elle me montre quatre doigts et je pouffe de rire.


Amou boudant : c’est pas drôle, j’ai failli gifler le docteur après l’échographie.


Moi : mais est-ce que c’est sa faute ? Il faut plutôt réserver la gifle à ton mamour.


Amou : lui, je l’attends ici. (l'air horrifié) Dix enfants, tu te rends compte ? Je vais mettre ça où ?


Moi : bah là où tu mettais les autres, je ne vois pas pourquoi tu te plains.


Amou l’air déboussolée : je n’en peux plus, Nahia, je ne voulais même pas de cette grossesse. Ça nous a pris de court et nous avons décidé de le garder par dépit, voilà que maintenant, j’en ferai quatre. Dix enfants, dix enfants Nahia, je vais mettre ça où ?


Moi doucereuse : tu peux compter sur nous, nous t’épaulerons comme d’habitude.


Amou remuant la tête : c’est plus que ce que je peux supporter, avec les six, je ne sais déjà plus où me donner la tête. Je n’ai plus de vie, je… Je.


Ses mots se perdent dans un torrent de sanglots, je la prends dans mes bras ne sachant quoi faire. Ça me fend le cœur de la voir ainsi, ça se sent qu’elle est vraiment déroutée.


Moi : tu devrais plutôt être heureuse d'être autant bénie, tout le monde n’a pas cette chance.


Amou : tu appelles ça de la chance toi ?


Moi : oui oui, une véritable grâce.


Elle se détache et pose un regard insistant sur le mien l’air de vouloir déceler une pointe d’humour, je hoche la tête compatissante.


Moi : nous serons là pour toi comme nous l’avons toujours fait. Nous nous en sortons plutôt pas mal depuis tout ce temps.


Amou : je peux compter plus sur toi, mais tu devras faire ta vie un jour.


Moi : on avisera au moment opportun (lui caressant la joue) pour le moment, je suis calée.


Elle me fait un petit sourire.


Moi : j'ai hâte de voir ces chenapans.


Amou faisant la moue : pas moi.


Moi : lol, c'est un exploit qui mérite d'être fêter et avec la manière. Ah ouais, vous avez le secret de ça même !!


Elle sourit la tête baissée.


Moi lui prenant la main : je te dois quatre compliments, tu es belle, une maman formidable, une sœur géniale et par-dessus tout une femme forte. Si tu as réussi à te marier à un blanc malgré que tu sois la fille de Nayo Adja, c’est que tu es suffisamment préparée pour  gérer ta marmaille d'une main de fer.


On se fait un autre câlin.


Moi : ça ira d’accord ?


Amou : d’accord petite sœur, merci.


Moi : oh de rien ! (enchaînant) Au fait, j'ai pris un rendez-vous avec une société de déménagement pour toi, tu n'auras qu'à choisir la nouvelle date. Ils se chargeront de tout.


Amou arquant le sourcil : tout du genre ? 


Moi : l'emballage des effets, le déménagement et le réaménagement.


Elle me saute au cou.


Amou : tu me soulages d'un gros fardeau. J'en suis encore à l'étape du tri.


Moi : lol je m'en doutais, par contre tu n'avais pas besoin de demander l'aide de Khalil pour ça. Je pense que ce n'est pas bienséant.


Amou : j'ai pensé que deux bras costauds ne seront pas de trop.


Moi : vrai, mais tu pouvais m'en parler d'abord. 


Amou (arborant une petite mine) : désolée.


Moi : c'est pas grave, il ne l'a pas mal pris, c'est l'essentiel.


Amou : je l'aime bien, il est très sympa.


Moi : mouais. 


Amou ouvrant les yeux : tu le trouves sympathique ?


Moi riant : ce serait de la sorcellerie que de le nier, après tout ce qu'il a fait pour moi dernièrement.


Amou hochant la tête : ça c'est vrai.


Moi : bon, on descend maintenant ou quoi ?


Amou : d'accord, mais attend j'ai autre chose à te dire.


Je plisse les yeux.


Amou : je t'aime sœurette, merci d'être là pour nous, bref merci d'être ma sœur.


Moi : je n'ai pas le choix que de l'être hein.


Amou riant : en effet !


Moi : je t'aime aussi Mamour.


Amou : lol.


Nous rejoignons les autres au salon et passons ensuite à la cuisine puis dînons avec toute la maisonnée avant que Khalil et moi, nous retirons. Pendant que je boucle ma ceinture sur le siège passager avant, Nabil débarque apprêté, son sac accroché à l'épaule.


Moi : tu vas où ?


Nabil : je rentre avec vous.


Moi plissant les yeux : tu as école demain, en plus samedi, tu devras revenir ici pour la fête des jumelles.


Nabil haussant l’épaule : tu m’amènes à l’école demain et samedi, on vient à la fête ensemble.


Moi : c’est le caprice de ce soir ?


Nabil riant : oui


Moi : monte, quand je vais t’appeler bébé maintenant, tu vas me sortir que tu es grand.


Nabil : mais je le suis, hein tonton Lil ?


Khalil amusé : tu l’es mon petit gars.


Nabil faisant la grosse voix : même si je ne suis pas si petit que ça.


Nous rions seulement.


Khalil démarre et roule quelques minutes à peine que mon téléphone sonne, c’est un numéro inconnu. J’hésite un instant avant de décrocher.


Voix d’homme : bonsoir, c’est monsieur Dosseh pour madame Adja de Famous communication.


Moi : bonsoir, oui, c'est moi.


M Dosseh : gloire à Dieu, toutes mes excuses pour l’heure tardive. 


Moi : ce n'est pas un problème.


M Dosseh : au fait, vous m’avez été recommandé par le responsable commercial de CAT qui m’a rassuré que je peux compter sur vous pour couvrir une vente privée demain à Tsévié (ville). 


Moi : euhh…


M Dosseh : je vous en prie madame, je suis aux abois, je sais que je vous prends de court, mais rendez-moi ce service s’il vous plaît. Vous pouvez me donner votre prix, je serai votre homme.


Je réfléchis cinq secondes.


Moi : ça dépendra du nombre de jours que ça me prendrait.


M Dosseh : c'est seulement pour toute la journée de demain.


Moi :  c'est d'accord.


M Dosseh : merci infiniment madame, je vous ferai parvenir toutes les informations dont vous aurez besoin. J'espère que c'est votre e-mail personnel sur la carte de visite de l'entreprise.


Moi : oui oui.


Nous concluons l’affaire puis il raccroche et je me tourne vers Khalil.


Moi : nous allons devoir faire demi-tour pour redéposer Nabil à la maison.


Les deux : pourquoi ?


Moi : je dois voyager demain dans le cadre du travail, je serai probablement de retour samedi. 


Khalil : samedi ?


Moi : t'inquiète, je serai là à temps pour peaufiner les derniers préparatifs avec toi.


Khalil : ok, mais Nabil peut rester avec moi.


Moi : non.


Nabil : maman !?


Khalil : il peut rester, je n’aurai qu’à l'emmener à l’école demain et les récupérer ensuite.


Moi : Khalil tu en fais trop.


Khalil : je t'ai déjà dit que ça ne me dérange pas faire tout ça, je n’ai rien d’autre à faire. (me jetant un coup d’œil) La fête ce n’est pas moi qui m’en occupe en fait, j’ai fait appel à un organisateur.


Moi : lol je m'en serais doutée.


Nabil : dans tout ça, je ne sais toujours pas si je peux rester avec tonton Lil.


Moi : c'est oui mon loulou.


Nabil : whoupiiiiiiieee.


Nous : lol.


Moi (fixant Nabil) : à condition que tu restes sage jusqu’à mon retour.


Nabil : je le serai.


Moi le fixant : promis ?


Nabil : promis mamounette.





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