Un malheur ne vient jamais seul

Write by Nadia.K

La guerre est une chose horrible. Si vous ne le savez pas, je puis vous l’affirmer aujourd’hui. Lors de notre fuite j’ai vu des atrocités, j’ai vu de la cruauté, j’ai vu des hommes se prendre pour Dieu en décidant qui avait le droit de vivre ou de mourir. J’ai vu bien plus qu’une jeune fille à la sortie de l’adolescence devait voir.

Rien que d’y repenser j’ai le cœur qui se serre de douleur, les larmes aux yeux et mon âme qui exprime sa souffrance aux travers de gémissements semblables à ceux d’un animal à l’agonie.

Toutes ces choses que j’ai vues et vécues en à peine une dizaine de jours m’ont à jamais changée, je suis marquée. Je suis passée de la jeune fille imbue d’elle-même à une survivante traumatisée et craintive. Mon regard sur la vie et les gens s’est transformé. Après avoir quitté le pays par de tortueux moyens, le ministre et moi avons fui vers la France. Tout le long de ce périple, je n’ai pu prononcer plus de 3 mots en même temps. J’étais dans un état second dont je ne suis sorti que cinq jours après notre arrivée à Paris.

Lorsque mon esprit s’est décidé à me sortir de cette torpeur dans laquelle il m’avait plongée, je ne pouvais imaginer ce qui m’attendait. Jamais au grand jamais, j’aurais pu le deviner.

En sortant de ma léthargie, ma première pensée cohérente est allée vers ma mère : je venais de me rendre compte soudain que je ne l’avais pas vu, qu’elle n’était pas partie avec nous, qu’on ne s’était pas parlées depuis.

J’ai ressentie au fond de moi une peur que je ne saurais qualifier, une peur qui m’a paralysée l’espace d’une seconde. Ce que je ressentais alors était bien plus intense que ce que j’avais pu connaitre lorsqu’il y a quelques jours, un mercenaire posait le canon de son arme sur ma tête menaçant de me tuer. Ce que je ressentais à ce moment n’avait rien de comparable à toutes mes frayeurs d’antan. Mais presqu’aussitôt mon cerveau me rappela à l’ordre : mon géniteur était un homme puissant, il l’avait surement mise en sécurité. Pas de raison de s’inquiéter. Que Nenni !

Rassurée par cette voix dans ma tête qui me disait que ma mère allait bien, j’ai pris une douche et je suis sortie de ma chambre à la recherche du ministre dans notre appartement. Il n’était nulle part.

J’eu envie d’allumer la télévision et de regarder les informations sur mon pays mais je me ravisai, trop craintive des nouvelles que je pourrais apprendre.

Finalement, je m’assis dans la cuisine, droite comme un i pendant au moins une heure attendant son retour. J’avais besoin de parler à ma mère, il fallait qu’il la contacte.

Le bruit de la clé dans la serrure me fit sursauter, je me levai en un temps éclair et me saisit d’un couteau avant de me raviser : j’étais en sécurité ici.

Je me dirigeais vers l’entrée de la maison plus sereinement :

« - Monsieur…,

-      Ayabba ! Je vois que tu vas mieux. Ce n’est pas trop tôt ! Je commençais à me demander si je devais te faire réagir moi-même ! Fais-moi à manger, j’ai faim !

Sur ces mots, il se remit en route quand je l’interpellai à nouveau :

-      Monsieur, je souhaiterais parler à ma mère. S’il vous plait, dis-je la tête baissée.

Il se retourna promptement, me regarda alors de son regard qui me faisait si froid dans le dos. Ses yeux perçants me scrutèrent de haut en bas et enfin il éclata d’un rire franc. Il rit en se tenant les côtes, s’arrêtant un moment puis me regardant et explosant de rire une nouvelle fois. Je restai stoïque, déterminée je le regardais dans les yeux, il fallait que je parle à ma mère.

-      Ayabba, ma petite, dit-il d’une voix rauque d’avoir trop rit, tu es la personne la plus drôle que je connaisse. Tu veux parler à ta mère ? Ta mère ? dit-il en ricanant. Et bien il n’y a plus de mère, tu n’en a plus. Tu n’as que moi désormais.

Interdite, je le regardais, me refusant à l’évidence. A mon silence, fit écho plus de méchanceté :

-      Ta mère est morte Aya. Elle a été tuée le lendemain des attaques de BOUAKE à sa maison. Et de toi à moi ce n’est pas une grande perte. Tu t’en remettras, dit-il en tournant les talons une fois de plus.

Il ne fit pas trois pas, que je poussais un cri de rage, me jetant sur lui comme une furie pour lui donner des coups qui je l’espérais l’aurait ramené en enfer auprès des siens. Mon élan de courage fut vite arrêté par un coup de poing au visage qui me mit au sol. 3 coups de pieds dans les côtes suivirent.

Je crachais maintenant du sang et mon œil droit me faisait atrocement mal. Il s’arrêta et furieux il me lança : Plus jamais tu n’oses sale merde !! Plus jamais tu m’entends !

-      Pourquoi ? pourquoi vous l’avez laissé mourir ? elle ne vous avait rien fait.

-     

-      Elle ne vous a jamais rien fait.

Passant nerveusement sa main sur son visage : « J’ai juste oublié de la prévenir de l’attaque. Quand j’ai su qu’elle était imminente j’ai juste fuis avec toi. Ta mère était le cadet de mes soucis. C’est une grande fille et pas une enfant. Elle aurait dû se débrouiller pour survivre. Que mon repas soit près dans une heure », tonna-t-il avant de s’en aller vers sa chambre. 

J’avais mal, physiquement et encore plus moralement : je m’étais enfuie sans penser à sauver ma mère. Elle était morte depuis plus d’une semaine et ce n’est que maintenant que je me souciais d’elle. Quelle piètre fille j’étais… Elle était morte et je n’avais rien fait pour la protéger.

La douleur que je ressentais à ce moment n’avait d’égal que la haine que je portais au monstre qui, au final ne m’avait fait voir le jour que pour me torturer.

Les larmes roulaient toute seules sur mes joues, j’essuyais le sang sur ma bouche en tentant de me redresser. J’avais mal, mais il fallait que je me calme, il fallait que je me lève. Ce que je fis, en faisant appel à toute ma volonté.

Je me rendis à la cuisine en boitant, faire le repas du ministre avant de revenir nettoyer le plancher tâché par mon sang.

Comme une automate et toujours en larmes, je dressais la table. En revenant vers ma chambre, l’idée me traversa l’esprit de saupoudrer son repas de « mort au rat » mais je me ravisais rapidement. Cet homme est le diable en personne, il a toujours un coup d’avance sur tout le monde. Ça ne marchera pas, c’est bien trop facile…

Je me couchais alors à même le sol froid, au pied de mon lit, laissant libre court à mes larmes, espérant secrètement qu’elles éteignent le feu de rage et de douleur qui embrasais mon cœur.

Au delà des apparenc...