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Ecrit par Shayanna225

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L’audacieuse

Leïga LÉGRÉ, 

Lundi 27 décembre 2021 

5 h 30 ! Le réveille-matin sonne. 

— Nous sommes lundi et il est 5 h 30, répète le lapin en forme de réveil posé au chevet de mon lit.  

Mon esprit n’est plus dans les vapes lorsque je l'entends répéter cette phrase. Les yeux recouverts d’un bandeau de sommeil, je médite dans le silence de ma chambre. Les souvenirs tous les événements regrettables qui se sont produits récemment et plus particulièrement la bagarre générale qu’il y a eu avec nos mamans refont surface. Bien entendu, les hommes s’en sont mêlés à temps même si leur intervention n’a pas empêché ma mère de m’asséner une gifle monumentale. C’était avant-hier, j’archive ce moment fâcheux!

— Le concept que chaque personne possède à son égard est le noyau de sa personnalité, dixit John’s Brother. 

Je retire le bandeau de mes yeux puis les habitue peu à peu à l’absence d’obscurité. Les lumières tamisées de mes veilleuses apportent de l’éclat à ma chambre obombré par des rideaux sombres. Avec volonté, j’arrive à me détacher du lit. Je ne le contourne pas. La salle de douches est juste à côté et mon peignoir est accroché à la porte d’entrée ; d’un geste simple, je fais tomber ma nuisette, le saisis et m’y enveloppe. Outre cela, un bonnet en satin bleu marine recouvre mes longues mèches. Je me faufile à l’intérieur de la salle de bain à laquelle est annexé mon dressing. Je longe l’allée y menant et parcours du regard le compartiment de rangement de vêtement. L’objet de mon choix établi, je retire du sachet du pressing le vêtement que je mettrai pour ce jour. Je tourne sur moi et jette plusieurs coups d’œil sur les chaussures avant d’opter pour l’une d’elles. Je range le tout sur le petit lit rond capitonné juste en face de ma coiffeuse.

— Leïga, tu es forte, intelligente, magnifique et géniale. 

Je me forge un mental par ces mots devant mon miroir en prenant une profonde inspiration. Il est temps de me préparer pour le boulot. 

Je ressors de la salle de bains apprêtée. Je vais dégager les rideaux de ma chambre sans ouvrir les portes-fenêtres. Le jour se lève sur la ville d’Abidjan. Les premiers rayons de soleil reflètent sur les longs murs du bâtiment de haut standing sis dans la commune de Marcory Bietry dans lequel je loge. Située au troisième niveau d’un immeuble de cinq étages, la seule vue que j’ai est celle des grosses cylindrées déambulant dans la ville. J’ai dû faire contre mauvaise fortune bon cœur, et me contenter de cette vue, n’ayant pas accès à celle donnant sur la mer.

Je retourne sur mes pas en rejoignant mon plumard. Devant la petite vierge Marie et l’Enfant Jésus, je m’agenouille. 

— Sainte-Marie, mère de Dieu, priez pour moi, pauvre pécheresse que je suis ! Seigneur, rends-moi grande même sans le mariage. Je sais que je te demande assez de choses, que mes attitudes laissent quelquefois à désirer, mais je sais que tu es prompt à accomplir tous mes vœux, quel qu’en soit le prix. Maman Marie parle à ton fils ! Qu’il m’aide à me démarquer chaque fois dans mon milieu professionnel et qu’il pardonne mes nombreux écarts de conduite. Car oui… je sais que j’en ai et que j’en fais. Je ne suis pas une personne parfaite. Amen !

Ce sera tout pour la prière du jour. Je me relève. Mon esprit est nettement plus tranquille. Je vais chercher mon équipement de boulot dans mon bureau avant de claquer la porte de mon appartement sans prendre le petit-déj. Ce n’est pas comme si j’en étais friande de toute façon. En plus, sur mon lieu d’activité, un repas matinal très spécial sera servi. Afin de respecter ma condition de femme responsable de bon nombre d’hommes sur le terrain, je suis vêtue d’un jean non moulant noir, d’un t-shirt blanc. Je porterai une blouse de travail une fois là-bas. Pour l’heure, je me fais plaisir dans mes escarpins de huit centimètres en attendant de les troquer contre des chaussures de sécurité. 

En quittant l’immeuble, je dépasse le parking fermé où est stationnée ma voiture. Je me poste sur le trottoir en regardant ma montre. Le bus de ramassage se pointe à 6 h 45. Mon chrono est au top. Il se gare devant moi et la portière s’ouvre automatiquement. Je monte à bord. Le chauffeur me fait bon accueil. Son sourire, en plus d’être radieux, est encourageant. C’est un homme de la soixantaine qui devrait être en pleine jouissance de sa pension, mais qui repousse cette échéance. Son acharnement peut se comprendre. Quand on a des bouches à nourrir, la retraite est un luxe. 

— Bonjour, papa YAO ! 

— Bonjour ma fille ! Bien dormi ?

— Comme d’habitude. 

Je prends place sur le siège passager pendant que les ouvriers murmurent derrière. Je penche le regard en arrière avec une envie de leur répondre, mais il intervient. 

— Ne les écoute pas ! Tu es leur cheffe, ils auront beau gronder, aucun d’eux ne possède ta matière grise. 

— C’est vrai ça ! Mais ça ne va pas m’empêcher de les manœuvrer aujourd’hui. 

Je me le promets intérieurement. 

Papa YAO redémarre le véhicule. Je puise en moi beaucoup de force de caractère pour éloigner la colère qui me monte à la tête. Parfois, je me demande quand ces idéologies sur la gent féminine prendront fin. Nous sommes à une ère où des femmes deviennent Présidentes. Qui a mis dans la tête des Africains qu’il y avait des boulots d’hommes et des boulots de femmes ? Même mon père, un homme très instruit, éminente personnalité de ce pays, n’a jamais compris mon choix. 

Les réflexions de ma mère à ce propos ne m’étonnent pas. Elle est née dans la culture africaine, a grandi dedans et se meut dedans. Pour elle, ce que je fais comme métier est purement diabolique, il n’y a pas à débattre dessus. Elle me voyait bien devenir hôtesse de l’air avec mes longues jambes fines, du haut de mon mètre 80. Selon elle, la nature m’a honoré d’un corps de Miss, alors elle refuse de comprendre comment une femme si bien taillée comme moi peut finir entre du béton, des calculs, du gasoil, mais surtout dans ces choses d’hommes. Les ambitions de mon père pour mon avenir étaient tout autre. Si ça ne tenait qu’à lui, j’aurais fini avocate, magistrate ou diplomate. 

Au départ, j’ai tenté de leur expliquer les enjeux et les raisons de mon choix. Mais à force de le faire, ils ont fini par me faire douter de mon intelligence. Ce n’est pas que mes explications manquaient de rationalité, c’est juste que leurs raisonnements irrationnels étaient inqualifiables. J’en étais arrivée à me demander s’ils étaient mes réels géniteurs. Pour arrêter d’en douter, j’ai arrêté de m’expliquer. Parce que continuer sur cette lancée, c’était comme jeter un grain de sel dans la mer. 

Aussi, j’ai cessé de leur rendre visite. Ça m’a évité une dépression nerveuse. La question fâcheuse du mariage revenait chaque fois. C’est une autre prise de tête que je continue de fuir, moi, l’éternelle célibataire. 

***

Le chauffeur se gare sur le site. C’est un aménagement en préforme préfabriquée et implanté sur l’axe de la côtière. Il est entouré de murs en ferraille et est situé juste en face d’une forêt vierge. Pour installer ce site, les ouvriers ont dû débroussailler une certaine partie de la forêt avoisinante. Si la plupart des ouvriers dorment sur place, les personnes comme moi rentrent chez elles le vendredi soir. En dehors de mon boulot, j’ai une vie. J’aime dissocier les choses. 

Les ouvriers descendent. Je prends mon sac à dos avant de les rejoindre. Ce matin, nous avons une réunion importante. Pendant le week-end, j’ai reçu une note du boulot m’informant qu’un nouveau chef allait faire son entrée sur le site. Il vient apporter une certaine expertise de terrain et je ne suis pas contre ça. Néanmoins, il y a un truc qui me chiffonne dans cette affaire. J’ai la nette impression que les nombreuses plaintes des ouvriers à mon sujet ont finalement porté fruit. Le problème ne se pose pas au niveau de la compétence. Il se situe plutôt sur le genre. La plupart des ouvriers ont du mal à travailler sous mes ordres. Pourtant je les traite avec respect. 

Nous nous dirigeons dans la salle de réunion. Les directeurs techniques, le maître d’ouvrage, les différents chefs départementaux et des ouvriers sont déjà présents. Nous prenons place. Après l’annonce de l’ordre du jour, je confirme mes soupçons. L’entreprise a pris la décision de suppléer mes ordres à l’autorité d’un homme. Pendant que les ouvriers sous mon commandement jubilent et me narguent par leurs regards narquois, je lève les yeux sur l’assemblée puis sur celui que le chef présente comme le nouveau D.T. principal. 

— Celui qui aura la lourde tâche de superviser mademoiselle LÉGRÉ dans ses tâches de directrice technique n’est autre que monsieur Christophe MÉLÈDJE. 

Décontenancée face à l’homme que je vois, je tombe des nues. Sans pouvoir contrôler le flot d’émotions qui m’envahit, je me lève et le pointe du doigt. 

— Lui ? 

— Oui… Mademoiselle LÉGRÉ… un problème ? 

Le chef de projet me questionne. 

— Mais il n’a pas la compétence pour tenir ce rôle ! Sur quel fondement, vous êtes-vous appuyés pour le nommer DT principal à mon détriment ? Est-ce parce qu’il est le fils de quelqu’un ?

Je grogne. La salle fait silence. Le chef de projet a l’air de chercher les mots pour me contredire. Arrêté sur son piédestal, il me reluque sévèrement. Mais je ne faiblis point. Il est absolument hors de question que je travaille sous le commandement de cet homme. Des études, il en a fait certes. N’empêche que sur le papier, j’ai dix fois plus d’expérience que lui et aussi plus de compétence. Je suis experte dans mon domaine tandis qu’il est encore au stade d’apprenti. C’est une véritable insulte à mon intelligence. Et tout ça parce que je suis une femme ? 

— Bien ! reprend le chef de projet. Compte tenu de toutes les plaintes qui ont été portées contre vous et du fait que nous ne pouvions pas nous passer de vos services, nous avons convenu de cette décision qui semble opportune et parfaitement motivée. Mademoiselle LÉGRÉ, vous devez comprendre que devenir co-directrice technique ne fait pas de vous une personne moins experte. Nous respectons votre travail. Les ouvriers faisant partie intégrante de notre équipe, donc du corps de ce projet, nous avons également jugé bon de tenir compte de leurs plaintes. Sans la tête le corps n’est rien, mais sans le corps, qu’est-ce que la tête ? Et si vous voulez un conseil, écoutez celui-ci : tâchez de faire preuve d’humilité à l’avenir ! Des ingénieurs de votre niveau, l’Afrique en a à revendre. Avez-vous autre chose à dire ? 

Je prends sur moi et m’assois. Avant tout autre débordement, j’aime me souvenir de mon parcours. Il a été périlleux… 

Obtenir le diplôme c’était comme envoyer une lettre à la poste, facile comme tout. À 23 ans déjà, j’avais obtenu mon diplôme d’ingénieur en Pont et chaussée avec distinction et félicitations du jury dans une très grande université réputée de l’Afrique. Le diplôme obtenu, j’ai multiplié les stages sur des grands projets continentaux. J’en suis arrivée à payer une place dans des projets que je considérais en ce temps-là comme des expériences capitales pour le complément de ma formation. J’ai été exploitée, bien souvent sous-payée, et parfois même je ne gagnais rien. Les frais de transport étaient très souvent à ma charge. Cependant, cela ne m’a pas empêchée de me faire connaître. Je visais un but, j’étais donc focus dessus. Après des mois et des mois de stage de perfectionnement, mon mérite a finalement été reconnu. La chance m’a enfin souri. L’année venait de se terminer et le mois de janvier débutait à peine. Le temps était glacial, mon sommeil léger comme une plume. Fourrée dans mon drap, je me voyais déjà aller pour une grasse matinée. Mais c’était pile ce jour-là que le bon Dieu avait décidé que ce serait mon jour de gloire. L’appel que j’attendais et qui allait changer ma vie a fait crépiter mon téléphone. Une entreprise étatique ivoirienne qui avait répondu présente à un appel d’offres pour un projet de grande envergure voulait que je leur partage mon expertise. En d’autres termes, mon pays m’appelait. Et cet appel ne signifiait que le commencement. Car juste après ça, les demandes ont explosé. Puisque j’étais désormais reconnue, j’ai continué à apprendre de l’expertise de mes prédécesseurs tout en accroissant mes performances. On dit que la vieille école fait des sages, mais dans une époque nouvelle où le modernisme gouverne, il fallait également s’aligner et faire la différence. La formation ajoutée à l’expertise plus les mises à jour intellectuelles dans mon domaine ont fait de moi une incontournable dans le monde de la construction. Grâce à cela, à 28 ans, j’avais réussi à mettre en place mon entreprise de BTP avec un carnet d’adresses rempli. C’est ainsi que j’ai pu intégrer cette entreprise internationale implantée en Côte d’Ivoire. Je participe à la construction de voies routières de San Pedro (projet actuel et en cours de réalisation en Côte d’Ivoire pour préciser). Dans ce monde où la femme lutte encore pour une égalité des droits avec les hommes, des machos qui sont pour la plupart misogynes et sexistes, il en faut de l’audace pour se trouver à ma place. Il ne suffit pas d’être intelligente, d’avoir des mentions ou un père riche et influent. Il faut oser, frapper à toutes les portes et assumer ce qu’on est. Il ne faut jamais craindre ni s’excuser d’être une femme. La solution est de s’affirmer en prouvant par des actions concrètes qu’une femme peut faire ce que les hommes font, mais en mieux.

Ce projet représente une avancée considérable dans ma carrière. Je ne peux pas me payer le luxe de le perdre. À 29 ans, je suis la plus jeune ingénieure à travailler sur ce site en tant que cheffe… sous-cheffe désormais. Cette place de second ne m’enlèvera pas le privilège d’y avoir participé. Je ravale donc ma fierté et accepte d’être une fois de plus piétinée. 

À la fin de la réunion, ils sont autorisés à quitter la salle sauf moi. Le chef de projet tient à s’entretenir avec moi, seul à seule. Je reste assise pendant qu’il vient à ma rencontre. Il prend place à mes côtés et me tend un papier mouchoir. C’est à ce moment que je constate que ma sensibilité a pris le dessus sur moi et que mes larmes ont afflué sans que je le sache. Je me condamne intérieurement pour avoir fait preuve de faiblesse. Je suis une femme je sais, mais chaque fois que je me retrouve au milieu des hommes, je veux pouvoir tenir tête. Et là, il y a tous les ouvriers qui m’ont vu pleurer.

— Vous pouvez prendre votre journée, vous n’avez pas l’air d’aller bien, mademoiselle LÉGRÉ. 

— Je vais bien, monsieur WAGNER. 

Je renifle doucement avant d’effacer de mon visage ces larmes traîtresses. 

— Avez-vous un problème particulier ou personnel avec monsieur MÉLÈDJE ?

— Non… rien qui ne puisse m’empêcher de faire mon travail correctement.

— Bien ! Les responsables de l’entreprise et moi sommes très admiratifs de votre travail. Nous vous invitons à ne rien lâcher. Vous êtes l'une des plus jeunes et la seule femme de l’organisation et vous faites un travail remarquable. Gardez la même cadence et ne vous laissez surtout pas saper le moral. Votre succès est ce qui va clouer le clapet à vos détracteurs. 

— Je ferai de mon mieux. 

Je réponds avec rapidité. 

— Vous pouvez rejoindre votre équipe pour la réunion privée. 

— Merci monsieur WAGNER, dis-je avant de me lever. 

Je quitte la salle de réunion. Je vais ensuite me changer dans la cabine faisant office de chambre puis je rejoins les autres sur notre lieu de réunion. MÉLÈDJE donne déjà les instructions aux ouvriers. Ceux-ci ne boudent pas. Au contraire, ils démontrent moins d’animosité envers lui. Je le laisse terminer sa petite réunion en restant à un écart de quelques mètres de lui. Quand il termine enfin, les ouvriers se dispersent tous pour le début des travaux. J’emprunte aussi mon chemin. Les ordres de la journée qu’il a partagé aux ouvriers ne sont rien d’autre que ma feuille de route pour mener à bien notre section de construction dans les délais. 

Dans le silence, je rejoins le bureau pour m’enquérir de l’avancement du projet. Alors que je suis en train d'apposer une puce sur le plan de travail pointé sur le mur, il surgit derrière moi. Un vent glacial hérisse mes poils. J’enrage. L'audace de cet homme me sidère encore. Il me vole mon job et c’est à moi de composer avec lui, sentir sa présence et le tolérer qui plus est. Mff ! Je ne me laisse pas distraire et continue mon travail. 

— Tu es toujours aussi en colère contre moi, Leïga. 

Je fais mine de n’avoir rien entendu. 

— Ce qui s’est passé entre nous ne doit pas entacher notre collaboration. Je sais que nous ferons un exploit ensemble. Que je sois le DT principal ne fait pas de toi mon employée. 

Je soupire d’agacement avant de lui faire face. 

— MÉLÈDJE, même si tu es le DT principal, sache que je reste ta supérieure dans ce domaine, compte tenu de mon expérience et de mon intellect qui te fait défaut. 

— Leïga… 

— C’est moi qui parle. Et ne va surtout pas penser que, parce que nous avons été intimes une fois, cela te donne un quelconque ascendant sur moi. Tu n’es rien, nos petits attouchements ne signifiaient rien. Et même ce titre que tu portes à présent ne représente rien. Sur le terrain comme sur le papier, tu ne seras jamais mon égal et jamais au-dessus de moi. 

Il fallait que ça sorte. Je retourne à mes occupations malgré le silence de plomb qui règne derrière moi. Je n’entends que les battements de mon cœur. Il soupire… enfin. 

— Sais-tu pourquoi je suis parti ? 

— Je ne veux pas savoir. C’est de l’histoire ancienne. 

— Tu veux être un homme dans le corps d’une femme. Tu crois dur comme fer que les hommes sont moins bien que toi parce qu’ils ne reconnaissent pas ton mérite. Aucun homme n’est à ta hauteur, à plus forte raison moi. Je suis parti parce que j’ai compris que tu étais ton propre mec. Je n’avais rien à faire dans ta vie. Je n’étais pas à ma place. Ça aurait été une erreur pour moi de rester. 

— MÉLÈDJE, je n’en ai rien à foutre de tes explications. 

— Je tenais à lever le doute et le mal causé par mon départ brusque.

— Tu es juste pitoyable. Si seulement tu en avais conscience, tu ne te ridiculiserais pas davantage. 

— Leïga, tu ne gagneras rien à me rabaisser. Je suis déjà passé à autre chose, rabâche-t-il avec une pointe d’insulte dans le ton. 

Je prends de nouveau sur moi pour le fixer. Sauf que cette fois, je tombe sur l’alliance qui scintille sur son doigt. Ma gorge se noue et mon cœur se comprime de l’intérieur. Le choc ! 

— Je me suis marié il y a trois ans. Je suis un homme heureux et comblé. Je suis peiné de te le dire, mais je crois que tu ne connaîtras jamais ce bonheur. Je ne sais pas quel homme raisonnable voudrait d’une femme comme toi pour épouse.

Étrangement, je m’esclaffe. Arrogante de nature, je ris à m’en rompre les cordes vocales. Puis soudain, ce rire s’efface. Il m’a piquée à vif. 

— Serais-tu en train de me lancer un défi ? 

Je questionne avec virulence. Mon ego vient de prendre un sacré coup. 

— Je n’en ai pas besoin. De toute façon, tu es ton propre échec. 

Il est vraiment en train de dire ce que je pense. Ça tombe bien. On dit que le challenge donne non seulement de l’intérêt, mais un goût exquis à une quête. Je suis disposée à relever ce défi. 

— Et bien, cette femme que tu vois devant toi, sera l’épouse de quelqu’un avant que les cloches de l’année 2023 ne sonnent. Tu peux noter cela dans un carnet et le garder précieusement. 

Le front de MÉLÈDJE se plisse. Durant une minute, son regard devient lointain. Puis il secoue la tête dans un sens avant de tapoter les poches de sa blouse. Il cesse ce geste quand il semble avoir mis la main sur quelque chose. Calmement, il sort un bloc-notes de sa blouse. Mon corps devient lourd. Et me prenant par surprise, il lève le bras et le tend vers ma tête. Je me sens hypnotisée. Il profite de mon inaction pour retirer le stylo servant à retenir mes cheveux en chignon. Les mèches se déversent sur mon dos. J’émerge à ce moment. Il recule d’un pas, sans doute, pour se protéger d’un quelconque coup de ma part, susceptible d’atterrir sur sa nuque. Je fronce les sourcils. Il prend le temps de noter mes propos avec minutie. Et sans que mon expression faciale l’arrête, MÉLÈDJE s’avance vers le tableau des tâches à faire et épingle le bout de note dessus. Il se tourne ensuite vers moi et me nargue, d’un sourire narquois. 

— Dans approximativement 5 jours, ce sera le début de l’année 2022. Cela signifie par ricochet que le compte à rebours commencera à courir. Pour plus de transparence, je colle ta principale tâche à faire au cours de cette nouvelle année sur ce tableau. Ainsi, tu ne pourras prétendre avoir oublié. Leïga, je t’ai à l’œil. 

Il vient ainsi de lancer les hostilités entre nous. Je me sens totalement claquée. Je ne pensais pas qu’il me prendrait au mot. Il revient devant moi et tente de me caresser la joue. Je le refoule comme une sauvage. 

— Je plains déjà le pauvre homme qui va se risquer sur tes sentiers. Il ne s’imagine pas qu’il court droit vers l’abattoir. 

Je lance ma main vers sa tête. Il l’esquive. 

— Tu ne changeras jamais. Tu es toujours aussi agressive et méchante. 

Il tourne le dos sans me donner le temps de lui répondre. C’est seulement quand il se trouve près de la porte que je me rappelle qu’il détient mon stylo. Devant mes yeux, il le fait pivoter entre ses doigts et le range dans la poche de sa blouse. 

— Je te le rendrai le jour de ton mariage, lance-t-il en quittant le bureau. 

Je bondis sur l’objet à proximité et le lance dans sa direction. Trop tard ! Il a déjà claqué la porte. L’agrafeuse atterrit sur la porte fermée dans un bruit d’impact avant de se retrouver au sol.   

— Quel chien ! Grrrrrrr ! Purée ! J’ai les nerfs. 

Je siffle entre les dents tout en rapportant mes mains sur mon visage. Il m’énerve. Ce macaque mérite d’être pulvérisé avec de l’acide. Je me porterais mieux s’il disparaissait de la surface de la Terre. Je reconnais néanmoins que ses mots ne s’effaceront pas de mon esprit même si cela arrivait. Ils vont me tourmenter et finiront par me faire craquer. Je me rapproche du tableau. Je force mon esprit à se soumettre aux mots écrits sur la note. Alors que je les assimile, je calcule dans un coin de ma tête, toutes les possibilités que j’aie de rencontrer THE MAN…


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Il était une fois de...