1- LA DAME DE FER
Ecrit par Loraine valérie
UNE MERE POUR MIA
-1-
JHONSON
CONSTRUCTION a encore cousu les bouches de ses concurrents. Un nouvel hôtel
sans précédent vient de voir le jour grâce à la DAME DE FER et son équipe de
choc. La dame en question sera donc au premier rang pour l’inauguration de ce
palace qu’elle a fait pousser de terre. Apres cela, nul doute que les appels
d’offre pleuvront plus. Chers concurrents, le jeu est serré !
D’après le journal quotidien « Togo presse »
Assise à sa place habituelle dans cette salle
de réunion face à ses employés, ALEMIA écoutait d’une oreille attentive Mr
BOUMIER qui exposait ses propositions pour le nouveau projet. Elle a toujours
su déceler à l’avance les risques que présentaient chaque projet et comment les
éviter. Qui l’aurait cru ? Ce n’était pas évident mais sa détermination et
la bonne dose de colère qui l’habitaient ont facilité les choses. Ce grand bâtiment
peint en blanc sur lequel était inscrit JHONSON CONSTRUCTION faisait sa fierté
mais pas plus que sa passion secrète de l’autre côté de la ville. Elle conduisait sa société d’une main de fer,
habile et juste. Elle n’hésitait pas à faire recadrer des têtes qui pourraient nuire
à la réputation de sa société, sans pitié en affaire et craint de tous c’était
elle LA DAME DE FER. A la fin de l’exposé de Mr BOUMIER, personne n’osait
applaudir, on pouvait entendre les mouches volées. Tous étaient suspendus aux lèvres
d’ALEMIA, la seule à pouvoir donner son approbation ce qui était évidemment
très rare…
-
Avez-vous
fini Mr BOUMIER ?
-
Oui
madame.
-
Il
est bon votre manière de voir les choses mais ici le client est roi et ce sont
ses désirs qui comptent. Je me tue à vous le répéter chaque jour, chaque projet
est unique en son genre et si vous le prenez en compte vous verrez que votre
travail sera plus réussi. Alors vous me reprenez ça depuis le début et je veux
que cela me soit présenté à la fin de la semaine prochaine.
-
Bien
madame, c’est noté.
-
La
réunion est terminée, tout le monde à son poste et n’oubliez surtout pas le mot
d’ordre
-
« minimisation
du cout, maximisation du profit »
-
Bien,
bonne journée à tous
-
Bonne
journée madame.
Cette
journée semblait différente des autres. Pour la première fois depuis cinq ans
elle avait hâte d’être à dix-sept heures et de pouvoir enfin retrouver son
refuge. D’habitude elle est la première à arriver et la dernière à partir, elle
préférait travailler que rentrer chez elle où personne ne l’attendait. Ce sera
différent aujourd’hui elle rentrerait à la même heure que tous les autres. Un
congé de quelques semaines loin de son travail où elle partirait se relaxer, se
détendre était hélas un luxe qu’Alémia ne pouvait se permettre. Elle connaissait trop bien
son personnel pour savoir que des qu’elle tournera le dos ce sera du
laisser-aller de tous les côtés. Elle ne pouvait pas se le permettre. Elle a
une réputation à garder….
Une fois les
réflexions terminées, Alémia se plonge à nouveau dans son travail comme elle a
toujours su le faire. Etre chef projet quel que soit le projet c’est savoir
qu’on est responsable à cent pour cent de tout et ça elle en avait conscience.
L’erreur n’est pas permise. Il faut savoir plaire au client, savoir l’offrir quel
que soit ses moyens plusieurs options, un produit fini qui le ferait
revenir ; c’est ce pour quoi elle travaille jour et nuit.
La montre
faite en bois accrochée au mur de son bureau venait d’afficher dix-sept heures.
Elle s‘empressa de ramasser ses affaires puis sortit de son bureau. Elle se
dirige dans le bureau d’Anna, sa secrétaire et aussi son unique amie. Elles
avaient fréquenté ensemble à l’extérieur mais s’étaient séparées à la licence.
L’effet du hasard, elles se sont retrouvées quand Alémia devait monter sa boite,
Anna était à la recherche de boulot alors elle lui a proposé de travailler pour
elle. Anna était donc là depuis la fondation de sa société. C’était la seule avec
laquelle elle arrivait par moment à parler d’autres choses que le travail…
-
Anna,
je rentre, je suis vraiment épuisée. On se retrouve lundi.
-
Ça
alors ! la dame de fer épuisée ? je sens que la terre va prendre une
forme carrée
-
Mais
n’exagère pas. Je suis humaine faite de chair et d’os comme toi, j’ai besoin de
répit à un moment.
-
Qui
l’aurait cru ? cinq ans que je te demande de te reposer un peu !
-
Tu
sais bien que je ne peux me le permettre.
-
Je
sais que tu as peur de ce qui se passera ici en ton absence mais tu peux
compter sur moi pour les cadrer le temps d’une semaine ou deux.
-
Oui
je sais. Mais tu sais, ils sont têtus ces gens et j’ai peur que tu ne craques
au bout de deux jours.
-
C’est
vrai que je n’ai pas un ton imposant comme toi mais crois-moi je sais me faire
entendre.
-
Ok.
Je vais y réfléchir ma belle.
-
Ok.
Demain samedi tu iras de l’autre côté ?
-
Je
me sens vraiment épuisée je ne pense pas
-
C’est
une première ça ! Repose-toi alors. On se fait un truc Dimanche?
-
Dimanche, ce sera l’éternel rituel, un diner
en famille chez maman. Tu le sais.
-
Oui !
Donc on se dit à lundi ma cocotte.
-
Tu
ne changes pas toi. Oui à lundi.
Après leur
échange, la jeune femme sortit du bâtiment pour se diriger vers le parking où
était garée sa BMW de couleur bleue. Elle prit place derrière son volant puis
activa la lecture en boucle de la musique. Elle manœuvra entre les autres
voitures puis engagea la route qui mène à son domicile.
Lomé la
capitale du Togo a tellement changé. Elle n’avait plus rien à voir avec celle
de son enfance. Les lumières et les décorations étaient installées un peu
partout, les rues nettoyées au moins deux fois par semaine, les bancs publics
pour se poser un peu et les infrastructures actuelles donnaient envie de
parcourir la ville.
A un moment
la chanson de Céline DION intitulé « s’il suffisait d’aimer » se
faisait entendre dans la voiture. Cette chanson décrivait tellement son
vécu ; c’était si vrai, elle le savait, elle l’avait expérimenté. L’amour
n’avait pas empêché la mort d’emporter son père alors qu’elle n’avait que dix-huit
ans laissant derrière lui sa femme et ses trois enfants. L’amour qu’elle portait
pour Darwin n’avait pas empêché ce dernier de partir sans un au revoir. L’amour
que portait sa mère pour ses enfants n’avait pas payé l’écolage…. Tant de
choses que l’amour n’avait pas empêchées alors oui, il ne suffit pas d’aimer
pour faire de ce monde un rêve. Ne dit-on pas qu’il suffit que la galère frappe
à la porte pour que l’amour s’enfuie par la fenêtre ?
Un quart
d’heure, c’était le temps qu’il a fallu à Alémia pour arriver chez elle. Le
gardien reconnaissant sa voiture venait ouvrir le portail. Elle habitait dans
l’un des quartiers les plus peuplés de la ville. Sa petite villa était composée
de trois chambres, un grand salon, une salle à manger puis une cuisine moderne.
Le jardin était son coin préféré même si elle a rarement le temps de le
contempler. C’est vrai que trois chambres pour quelqu’un qui vit seule c’est
trop mais sa sœur et son frère viennent pendant les congés et les vacances alors
il fallait qu’ils soient à leur aise.
En pénétrant
le salon, elle sentit une fraicheur et une odeur qui lui était à présent
familière. C’est si bon de rentrer chez soi pensait-elle. Et dire qu’elle n’a
jamais su profiter de sa maison en réalité ni de sa vie d’ailleurs. La sonnerie
de son téléphone ramena la jeune à la réalité. C’était sa ligne privée un
numéro que seuls quatre personnes (sa mère, sa petite sœur Ella, Freddy leur
benjamin et Anna) connaissaient. Le nom affiché sur l’écran était celui de sa
mère.
-
Allo
maman ?
-
Bonjour
ma fille.
-
Bonjour
maman,
-
Toujours
au bureau ?
-
Non
maman, je suis rentrée plus tôt aujourd’hui.
-
Ah
Dieu merci. Et ça tombe bien, les enfants et moi avons décidé de passer le
week-end chez toi alors on arrive !
-
D’accord
maman.
Elle ferait
mieux de remplir les marmites d’une bonne soupe avant leur arrivée si elle ne
voulait pas se faire sermonner par sa mère. Son âge n’avait rien changé, sa
mère lui tirait toujours les oreilles et leur plus grand désaccord c’était
l’allure de travail de sa fille. Pour elle, le temps passe et elle ne veut plus
voir sa fille mettre sa vie sur pause pour se concentrer uniquement à sa boite.
Elle
s’activait dans la cuisine depuis deux heures lorsqu’elle entendit des bruits
provenant de la terrasse. C’était la voix d’Ella sa petite sœur, toujours
autoritaire sur Freddy leur benjamin. Ella était une jeune fille très belle.
Contrairement à sa grande sœur Alémia, elle était svelte et grande de taille.
Le teint chocolat de sa peau était celle qu’ils avaient tous hérité de leur
défunt père. A 21ans Ella venait
d’obtenir son Baccalauréat avec mention, on peut dire qu’elle est dotée d’une
intelligence assez rare. Freddy est en classe de seconde. Il est grand de
taille et vraiment beau sauf que c’est un timide depuis sa naissance et
personne n’arrive à changer cela.
Alémia alla
à leur rencontre au salon et aida sa mère à se débarrasser de sa valise alors
que les deux autres continuaient toujours par se chamailler.
-
Bonne
arrivée maman.
-
Merci
ma fille. J’ai supporté ces deux durant toute l’année scolaire, je te laisse
les calmer je vais me chercher à boire.
-
Je
peux savoir c’est quoi le problème cette fois-ci ? demanda Alémia à
l’endroit d’Ella et Freddy.
-
N’SA,
bonjour.
N’SA dans sa langue maternelle signifiait grande sœur. Le
respect qu’ils portaient à leur grande sœur les empêchait de l’appeler par son
prénom
-
Bonjour
N’SA répondit Ella à son tour.
-
Vous
n’êtes pas âgés pour ces comportements de gamins ?
-
Désolé
N’SA mais c’est Ella qui a commencé, répondit le jeune garçon.
-
Non,
c’est faux en fait je demandais juste à Freddy de porter les bagages vu que
c’est lui l’homme, repris Ella espérant se défendre.
-
Je
ne cherche pas un coupable. Prenez chacun vos bagages et en silence allez dans vos chambres !
-
D’accord
N’SA répondit les jeunes en chœur…
La dispute
estompée, Alémia retourna dans la cuisine où elle aperçut sa mère en train de
finir la cuisson.
-
C’est
prêt ma chérie. Appelle ces bambins, on passe à table.
-
Ok
maman.
Ils se
réunissent tous autour de la table à manger. Le repas se déroulait dans une
ambiance plaisante. Entre les discussions sans grandes importances et les
grimaces d’Ella envers Freddy… En les voyant ainsi Alémia savait pourquoi elle
se battait, sa famille était sa force et leur bonheur arrivait à la combler
elle. Les soins de leur mère à payer, l’écolage de Freddy et d’Ella, les vivres
de sa famille, en général leur besoin était assuré par elle et c’était la
raison pour laquelle elle n’avait pas droit à l’erreur.
Le repas
terminé chacun regagnait sa chambre. Elle et sa mère dormirait ensemble dans le
même lit, elle savait déjà que les conseils et reproches allaient pleuvoir à
l’aube.
-
Bonne
nuit ma fille.
-
Bonne
nuit maman.
Comme Alémia
s’y attendait, elle fut réveillée par sa mère tandis que toute la maisonnée
dormait encore. Le réveil sur sa petite table de chevet indiquait quatre
heures…
-
Bonjour
maman.
-
Bonjour
Alémia, bien dormi ?
-
Oui
maman, et vous ?
-
On
rend grâce.
-
Ok
maman.
-
Dis-moi
Alémia, tu as quel âge ?
-
J’aurai
29 ans dans quatre mois
-
Exactement.
A la mort de ton père, je t’ai vu grandir plus vite que ton âge. Tu étais
toujours au four et au moulin pour nous. Tu séchais les cours pour faire des
petits travaux et ramener à la maison un pain pour la journée. Mon petit
commerce n’était pas suffisant, c’est grâce à toi, à ta force et ta
détermination que nous sommes tous ici aujourd’hui. Tu as toujours été un
modèle pour les plus jeunes.
-
Nous
sommes fiers de toi, reprit la mère face au silence de sa fille. Le jour où
l’on m’a annoncé que tu avais obtenu ton baccalauréat avec une bourse de
surcroit, je n’en revenais pas. Tu avais manqué tant de cours par manque de
moyens… durant ton séjour à ANGERS(France), jamais tu ne nous as oubliés.
Aujourd’hui c’est nous qui voulons te voir heureuse. Pourquoi te renfermes-tu
ma chérie ? ta vie se limite juste au bureau, tu renvoies tous les
prétendants. Sais-tu au moins que le rôle le plus merveilleux qui peut combler
une femme c’est celui d’épouse ? de mère ? vous étiez ma force à la
mort de votre père. Si je ne me suis pas suicidé c’est grâce à vous. Je veux te
voir heureuse ma fille, que tu aies une raison à part nous de vivre de
t’accrocher.
La jeune
femme essayait tant bien que mal de refouler les larmes qui menaçaient de
tomber mais c’était trop tard, elles commençaient déjà par couler. Sa mère
avait pour l’habitude de lui crier dessus et elle l’écoutait à peine; mais
aujourd’hui c’était différent. Avec ce ton calme qu’elle avait abordé, ses mots
l’avaient percé. Elle se sentait vulnérable sans savoir pourquoi.
-
Ne
pleure pas ma fille, dit sa mère en essayant d’essuyer ses larmes. Je veux
juste te voir heureuse que tes larmes soient des larmes de joies, que tu aies
une famille à toi. A quoi ça sert de partir si personne ne t’attends ton retour ?
-
C’est
compris maman.
-
Tu
peux retourner au lit ma chérie. Je serai au salon si tu as besoin de moi
-
Ok
maman, répondit la jeune femme sachant qu’elle ne pourrait plus retrouver le
sommeil.
Les mots de
sa mère lui donnaient matière à réfléchir. Elle était décidée à remédier à cela
même si au fond d’elle, elle savait que plus jamais elle n’aimerait quelqu’un
comme elle a aimé Darwin. Oui elle a aimé cet homme et c’est du passé parce
qu’aujourd’hui la seule chose qu’elle éprouvait à son endroit c’était de la
colère, elle le détestait du plus profond de son âme. Il a laissé son cœur en
miette et hélas le mot aimer pour elle était parti avec lui.
Elle se leva
d’un bond puis se dirigea vers sa salle de bain où elle se coula un bain. Cela
lui permettrait de se détendre. Une fois son corps plongé dans le liquide
mousseux, elle laissa ses idées s’envoler vers le passé…
Sa mère avait raison ; elle s’était donné
corps et âme pour sa famille mais ce que sa mère ignorait était qu’elle l’avait
promis à son père. C’était un homme qui faisait tout pour que sa famille soit à
l’abri de besoins mais avec sa maladie tous ses économies y sont passées,
malgré cela il avait succombé à cette maladie dont elle préfère taire le nom.
Son seul soutien était Darwin, ce jeune homme qui était sa lumière dans les
moments sombres, sa joie au milieu des tumultes, il s’était envolé du jour au
lendemain. Il n’avait pas tenu ses promesses…non, l’amour, le vrai c’était pour
les romans et les feuilletons pas pour la vraie vie et elle l’avait compris
assez tôt.
A SUIVRE…
Auteur :
alors vous pensez quoi du style d’écriture ? jours de publication :
lundi, mercredi et vendredi.