1. Vives les mariés !

Ecrit par Samensa

ELA

Je descends l’allée de la cathédrale St Paul d’Abidjan accompagnée de la marche nuptiale de Mendelssohn. Devant moi, une vingtaine de personnes, hommes et femmes faisant partie de mon cortège. Dans ma robe blanche de créateur, style princesse, avec une traine de plus de 2 mètres, je marche au côté de mon père. La salle est pleine à craquer : famille, amis proches et éloignés, connaissances…

L’église a été magnifiquement décorée avec des bouquets de fleurs et du tulle blanc et jaune or. Et des confettis jonchent déjà le sol, jetés par mes demoiselles d’honneur. Elles aussi sont habillées dans de belles robes de créateur, blanches pour certaines et jaunes or pour d’autres. Je vous le dis, rien n’a été laissé au hasard dans ce mariage. C’est le mariage du siècle et je sais qu’à partir de demain, les gens jaseront.

Mon père m’accompagne jusqu’à mon fiancé qui me prend la main avec un sourire. Nous nous tournons vers le Père pour débuter la cérémonie.

-Tu es magnifique Ela. Je t’aime.

-Moi aussi.

Nous échangeons nos vœux avec plein d’émotions puis le Prête donne la dernière bénédiction. Me voici devenue Madame Tra Lou devant Dieu et devant les hommes.

Direction le Sofitel Hôtel Ivoire pour la réception. Notre voiture est une limousine noire devancée par des motards et suivie de plusieurs dizaines de voitures de nos invités. Dans la voiture, nous ne cessons de nous câliner et de nous embrasser espérant secrètement que tout ça finisse pour qu’on aille en lune de miel.

Dès que nous arrivons à l’hôtel, nous montons à la chambre réservée pour nous pour qu’on puisse changer de tenue. Cette fois-ci, je suis habillée en robe pagne, longue et moulante avec dentelles en ornement et mon mari, lui, arbore une chemise en tissu blanc avec des motifs du même pagne.

C’est tout euphorique que nous rejoignons nos invités dans la salle. Accueillis par des chants et des danses de joie, nous nous installons à la table d’honneur aux côtés de nos parents et de nos témoins.

-Ta robe, j’ai envie de la déchirer et de prendre sur la table. Me chuchote Eric à l’oreille.

-Arrête ! Tes parents sont à côté. Ils peuvent nous entendre.

-Orh arrête ! Tu crois qu’ils ne savent pas qu’on couche ensemble.

-Eric ! Crie-je en lui tapant l’épaule.

Il se penche pour m’embrasser le front. Ma belle-mère vient à cet instant à notre niveau.

-Mon chéri ! Bonne nouvelle ! Crie-t-elle enthousiaste.

-Qu’est-ce que vous nous réservez encore ? Demande-t-il sceptique.

-Devine qui est là actuellement.

-Qui ?

-Ton frère !

-David ? (Il se lève.) David est là ?

-Ouiiii.

-Oh mon Dieu ! Ma chérie. (Il me prend la main pour m’aider à me lever.) Tu t’en rends compte, David a pu venir.

En fait, David, je ne l’ai jamais vu. Il a toujours vécu à l’étranger. Eric m’a juste parlé de lui de temps en temps et je n’ai vu que des photos de lui encore enfant. Techniquement, je n’ai pas de raison de me mettre en joie mais à la vue de la bonne humeur de mon mari, je jubile aussi. Je leur demande ensuite de me devancer, le temps pour moi d’aller changer mes chaussures qui me font un peu mal aux pieds. Vous savez, nous les femmes, on achète parfois des choses qui ne nous vont pas forcément juste parce que c’est mignon. Celles-là sont trop petites.

En chemin, je croise plusieurs personnes qui me prennent dans leurs bras pour me féliciter. C’est donc avec le sourire que j’arrive dans la salle de rechange du rez de chaussée mais ce sourire s’efface vite lorsque j’y rencontre Raïssa. Que fait-elle ici ? Je feins de ne pas la voir mais évidemment, elle ne me laisse pas d’autres choix que de lui dire deux mots.

-Beau mariage !... Tu peux me remercier hein…

-Raïssa, qu’est-ce que tu me veux ?

-Rien, juste te féliciter Ela.

-Ok. (Je me mets à fouiller mon sac pour sortir ma chaussure)

-Hum, tu as tellement lutté pour ce nom… Tra Lou !

-C’est quoi ton problème ? (je dépose mon sac) Ce n’est pas de ma faute si Eric m’a choisi à tes dépends, d’accord ? Désolée mais je ne suis pas comme toi, arriviste !

-Ah bon ?

-Oui, comme tu peux le constater, mes parents sont riches, je suis riche alors l’argent des Tra Lou ne m’intéresse pas. Contrairement à toi. Et ce n’est toujours pas de ma faute si tu ne m’arrives pas à la cheville. Bonsoir !

Enervée, j’en oublie même de changer de chaussures pour sortir de la pièce lorsque j’entends dans mon dos : « Sale petite fille gâtée de riche ! »

Dans la foule, je cherche mon époux que je réussis à apercevoir très vite grâce à sa tenue. Il est tout souriant, en grande discussion avec un homme. Je vais jusqu’à lui.

-Ah mon amour ! Viens que je te présente.

L’homme en face de lui se retourne. Ma respiration se coupe instantanément, je ne peux plus avancer.

-Bébé, je te présente David, mon grand frère. David, voici ma tendre épouse, Ela.

Jésus, Marie, Joseph ! Cet homme, je le reconnais. Et lui aussi apparemment puisque je le lis dans son regard et son froncement de sourcils. Toutefois, il se reprend rapidement puis me prends dans ses bras.

-Félicitations belle-sœur ! Dit-il en prenant le soin d’appuyer sur les mots « belle » et « sœur ».

Comment je suis censée réagir lorsque je me rends compte le jour de mon mariage que j’ai déjà couché avec mon beau-frère ?

INDECISE