10- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
Cinq secondes que j’attends d’être frappée d’un infarctus et toujours rien. N’y a-t-il pas un moyen pour que je me désintègre tout de suite ? Je comprends une nouvelle fois que la vie me fait un doigt d’honneur. Le sourire aux lèvres, le cœur sur le point de défaillir, je prends la direction de la salle de bain dans laquelle je m’enferme. J’attrape un vêtement dans le panier et je le roule en boule, je pourrai crier sans me faire entendre. J’ai besoin de crier.
J’ai à peine le temps de mettre mon projet sur pieds, de me remettre sur pieds qu’on frappe à la porte. Ça tombe bien, j’ai deux mots à lui dire à celle-là ! Mieux, je vais la tuer ici dans cette salle de bain. Furieuse, j’ouvre. Rudy me pousse à l’intérieur et rentre, il referme la porte et s’y adosse. Mon film d’horreur commence à être long. Je veux me réveiller.
On s’accroche à l’éternité. Un ange passe et j’ai bien envie de lui botter les fesses.
« Salut. »
Je croise les bras sous ma minuscule poitrine.
« Tu as reçu les fleurs ? »
« Je ne souviens pas te les avoir commandés. »
Il fait un pas en avant. J’en fais un en arrière. Je suis sûre qu’il les voit bien ces tâches.
« Je pensais que c’était tes préférées. »
« Elles ne le sont plus quand elles viennent d’un inconnu. »
Il expire et ses épaules tombent. Il a l’air moins imposant. Ils massent ses tempes un instant avant de poursuivre.
« Tu me donnes la migraine. », dit-il avec un léger sourire.
« Alors tu devrais vite rentrer chez toi ! »
Quelle réplique ma pauvre ?! Tu aurais pu trouver mieux.
Il baisse la tête. Il doit avoir une sacrée vue sur mes jambes. Je commence à me les tordre tellement il me rend nerveuse. Quand il lève enfin la tête, je le vois avancer vers moi comme une bête sauvage. Je suis prise au piège. Je veux reculer mais ce fichu meuble de lavabo est dans mon dos. Je sens ses mains de part et d’autre de ma taille et bientôt, mes pieds ne touchent plus le sol.
Rudy EYA***
J’espère que nous pourrons discuter maintenant que nous sommes là. Juste elle et moi. J’entends presque son sang circuler dans ses veines.
« Laisse-moi descendre ! »
Elle me donne des coups sur le torse. Elle ne ferait pas peur à un mouche avec ses coups. Ca commence à me fatiguer alors, je maintiens chacune de ses mains sur le meuble. Près de ses cuisses entre lesquelles je me sens pris au piège.
« Tu vas t’arrêter maintenant ! OK ?! »
Elle ne dit rien.
« Nowa ! Stop. »
Elle me lance des flèches mais au moins, elle s’est calmée. Je me surprends à lui caresser les mains, du poignet à la pointe des doigts.
« On va recommencer depuis le début. Tu as reçu les fleurs ? »
Elle boude. C’est mignon. Se rend-t-elle seulement compte de l’effort surhumain que je fais pour ne pas lui ôter ses vêtements tout de suite ? Je soupire.
« Quand est-ce que je pourrai être libre de sortir de ma salle de bain ? »
« Quand nous aurons fini de discuter. »
Elle retire une main pour ranger quelques mèches derrière son oreille. Je fais pareil de l’autre côté.
« Tu as reçu les fleurs ? »
« Oui ! »
« Tu vois que ce n’était pas si compliqué. Bien ! Elles t’ont plu ? »
« Tellement qu’elles ont toutes fini dans le fond de ma corbeille. »
Touché !
« Qu’est-ce que tu veux Nowa ? »
« Je veux que tu me laisses tranquille, que tu sortes de chez moi, de ma vie. »
Et voilà qu’elle recommence avec ses coups.
« Qu’est-ce que tu veux vraiment ? Je ne te poserai plus la question. Moi je sais ce que je veux là, tout de suite mais j’ai besoin de savoir pour toi. »
Elle fait la moue puis se pince la lèvre inférieure. C’est d’une évidence infantile, elle ne dira rien. Quelques fois, un geste vaut mieux que mille mots. J’enfouis mon visage dans son cou, je fais passer mes mains sous ce doux tissu et me voilà en train de lui caresser le dos.
« Je m’appelle Rudy EYA, et je suis désolé de t’avoir fait de la peine. »
Je la sens se détendre, ses cuisses se resserrent autour de moi, elle penche la tête.
« Vous allez manquer le début du film. »
Mais quel est son problème si on manque le début du film ? Voilà, elle vient d’interrompre un grand moment Iris.
« Tu veux descendre ? »
« Oui, je veux bien. », me dit-elle doucement.
C’est bien la première fois qu’elle ne me crie pas dessus ou qu’elle n’emploie pas son ton sarcastique avec moi. Je l’aide à descendre. Elle passe devant moi pour sortir, je lui attrape un bras.
« Tu vas retourner comme ça au salon ? »
Je suis jaloux, il ne faut pas m’en vouloir. Calvin a déjà bien assez vu ses cuisses.
« Tu ne veux pas mettre quelque chose de moins provoquant ? »
« Non ! »
Je la retiens.
« Nowa ! »
« J’ai dit non ! »
Elle me laisse planter là.
Nowa NYANE***
Eh bah dis donc ! Si l’on m’avait dit que ce bellâtre se retrouverai à me faire la cour dans une salle de bain, j’aurais parié toute ma vie que non. Et pourtant, je me trompais.
Je ne suis sûrement pas la seule à ne pas suivre le film. Calvin et Iris n’arrêtent pas de se bécoter, ça commence à devenir gênant. Rudy, quant à lui doit être en train de rager parce que j’ai refusé de mettre autre chose. Le film tire vers sa fin et je commence à me sentir mal. Je n’ai pas envie qu’il parte mais je ne suis pas du tout prête à lui demander de rester. C’est lui qui a merdé la dernière fois alors c’est à lui de recoller tous les morceaux. Moi, je me contenterai d’être belle et d’attiser son désir. Au fait que devient « elle » dans toute cette histoire ? Les triangles amoureux, ce n’est pas mon affaire. J’ai déjà bien assez de mal pour retenir un homme alors s’il faille aussi le partager, je ne le supporterai pas.
Je rallume les lumières, le film est fini. Dieu merci, ils ne sont pas nus.
« Vous voulez faire quoi ? », demande Calvin.
« J’ai envie de sortir faire un tour. Il n’est que 23h25 ! », répond Iris.
Rudy vide son verre de vin. Il ne dit rien. Tant pis pour lui.
« On va à la plage ? », lance-t-elle la voix enjouée.
« Tu as trop bu ou quoi ? La plage à cette heure ? Je ne tiens pas à finir au fond de l’eau mariée à une sirène. Ou on dit un sirène pour les hommes ? »
Nous sommes tous les trois pris d’un fou rire.
Pourquoi il tire la tronche lui ? Il a vu sa maman ici ?
« Tu ne dis rien type ? »
« J’attends que vous décidiez et je vous suis. »
« Va pour la plage alors. », crie Iris.
« Tu viens bébé, on va les attendre en bas. »
Et les voici qui sortent. Je me retrouve à nouveau seule avec lui. Sans rien demander, il s’en va débrancher les câbles et le disque dur de la télévision. Moi, je ramasse tout ce qui traine dans le salon.
« Tu prends tes affaires ? », crie-t-il depuis le salon.
Je saute sur la pointe des pieds pendant cinq longues secondes avant de me reprendre. Je crois que je vais tomber dans les pommes tellement je suis heureuse.
« Pour ? »
Je veux jouer avec ses nerfs. On ne se connait pas, c’est une façon de faire connaissance.
« On ne va pas revenir ici Nowa. Il fait suffisamment tard. Je te ramènerai demain. »
« OK ! »
Je cours dans ma chambre, j’ouvre mon dressing. J’ai l’impression de ne rien voir. Il me faut mettre un truc là maintenant, prendre des sous-vêtements, prendre une ou deux tenues de rechange pour demain avant mon retour, quelque chose pour dormir, mon shampoing, mon après-shampoing, mon dentifrice, mon gel douche, ma brosse, mon tube de fond de teint, mes pinceaux, un chouchou, mon dissolvant au cas où mon vernis s’écaillerait, une lime, …
« Nowa c’est bon ? »
Comment ça c’est bon ? Je n’ai même pas encore trouvé ce que je vais me mettre là maintenant. Il ne serait pas un peu impatient lui ?
« Non ! »
Voilà, il m’a complètement embrouillé le cerveau, il faut que reprenne. Donc je disais qu’il me faut du shampoing, du fil dentaire, des dessous, ma crème hydratante, mon sérum capillaire, …
« Nowa ! »
Il est juste derrière la porte qu’il ouvre finalement.
« Hummm… », fait-il en rentrant.
« Tu veux que je t’aide ? »
« Oui ! »
Il est déjà en train de prendre des tenues. Je suis sûre qu’il les prend au hasard. Je préfère le laisser faire, je file dans la salle de bain récupérer mes produits. J’ai les bras bien chargés quand je reviens et lui, il est dans le tiroir de mes dessous.
« C’est quoi tout ça ? », lance-t-il en pointant les bras du doigt.
« Cosmétiques et autres. »
« Tu ne crois pas que tu exagères ? J’ai du dentifrice, du gel douche, des brosses à dents neuves, du shampoing. Prends juste le strict nécessaire. Par exemple, je ne vais pas prendre dix petites culottes, deux ou trois c’est suffisant. »
Son téléphone sonne. Il le sort de sa poche.
« Tu vois, c’est Calvin. Il faut que tu te dépêches un peu. »
« D’accord ! »
J’enfile rapidement un jean et un débardeur. Je m’emmitoufle dans un châle léger pendant que lui, il range le « strict nécessaire » dans mon sac ainsi que le disque dur.
Je suis agréablement surprise de voir qu’il est venu avec sa voiture, nous allons donc pouvoir passer du temps seul. Il m’ouvre la portière et nous voici sur la route de Bassam à presque minuit.
C’est lui qui brise le silence.
« Tu as froid ? »
« Non ! »
Il ne regarde un instant.
« Alors pourquoi le châle ? »
Comment lui expliquer que c’est pour cacher mes taches ? Je me mords le bout de l’index tellement je suis nerveuse.
« Tu n’en n’as pas besoin, il fait déjà nuit. », me dit-il en passant une main rapide sur ma cuisse. J’en frissonne.
Le reste du trajet, il est silencieux. Quelques fois il se tourne vers moi.
Nous arrivons à Bassam. Heureusement que c’est la pleine lune. L’obscurité n’est donc pas totale. Iris et Calvin marche devant nous, ils sont toujours en train de discuter ces deux-là. Rudy se contente de me prendre la main. Nous nous installons sur une couverture prise dans la voiture de Rudy. Sans attendre, les amoureux se déshabillent et s’en vont se jeter à l’eau.
« Tu as pris un maillot de bain ? »
« Non ! J’ai oublié. Désolé. »
« Ce n’est pas grave. Je vais nager toute nue. »
« Quoi ? »
« Je rigole ! Tu peux te détendre ? »
Sans le regarder, je me débarrasse de mon jean et de mon tee-shirt que je lui balance sur la tête avant de courir rejoindre es tourtereaux.
On s’amuse comme de petits fous dans l’eau froide. Je me sens trop bien. Qui eut cru qu’en rentrant chez moi ce soir, je vivrai tout ceci ? J’ai une folle envie de crier. J’adore ma vie.
Rudy EYA***
Je suis assis tout seul. Le vent caresse délicatement ma peau. Je commence à être fatigué, à avoir sommeil. J’espère qu’ils se décideront bientôt à sortir de l’eau. Le timing est parfait. J’aperçois une silhouette s’avancer. Nul doute, c’est Nowa. J’ai envie de la prendre ici, sur cette couverture, là maintenant. Ses pieds sont couverts de sable.
« Tu ne veux pas venir avec moi ? Juste cinq minutes ? », me demande-t-elle alors qu’elle est accroupie juste devant moi.
« Non ! »
« Et si je t’embrasse ? »
« Ce serait un acte de générosité. »
« Alors, je ne t’embrasserai pas. »
« C’est comme tu veux Nowa ! »
Elle se lève et s’en va. Qu’elle m’embrasse ici ou non, qu’est-ce que ça pourrait changer ? Je sais que nous allons passer une bonne nuit. Elle ne fait que retarder l’inévitable. Je crois qu’elle joue avec moi.
Il est 02h quand nous quittons Bassam. Nowa est terriblement sexy dans mon tee-shirt. Je le lui ai passé pour qu’elle n’attrape pas froid. Ce qui m’excite le plus c’est le fait que sache qu’elle soit totalement nue en dessous. Ses tétons pointent. Il faut que j’accélère.
Nous nous séparons avec Calvin et Iris au 3ème.
Dès que la porte se referme, je l’attrape à la taille et je l’attire vers moi. J’ai envie de l’embrasser mais elle me repousse.
« Où est-ce que je peux ranger mes affaires et faire sécher ceci ? »
Elle veut me rendre fou cette fille. Elle veut jouer avec moi. Alors on va jouer.
« Dans la chambre. Tu connais le chemin. »
Je passe devant elle. J’ai bien l’intention de me doucher et de dormir. On verra demain matin si elle est plus disposée à écarter les jambes.
Les torrents d’eau tiède sur ma peau me font un grand bien. Mes muscles se détendent à mesure que je me laisse happer par le jet d’eau. Je lève la tête au ciel et la sensation de ces grosses gouttes s’écrasant sur mon visage est juste incroyable. L’eau s’infiltre dans mes cheveux naissants, ruisselle sur mon dos, le long de mes épaules, mon ventre, mon sexe, mes jambes. Je veux m’attarder sur cette petite cascade, j’ai besoin de me laver de mes pensées.
Avant, je n’avais pas de copine mais j’avais du sexe comme j’en avais envie. Depuis ce soir, j’ai une copine, une petite amie qui j’ai bien l’impression a décidé qu’il n’y aura pas de sexe entre nous. C’est quoi cette embrouille ? J’ai fait un effort et maintenant, je dois payer pour ça ? Le pire s’est sa façon de jouer à me faire avoir envie pour pouvoir encore me repousser.
« Merde ! »
J’entends le « clap » de la cabine de douche se refermant derrière moi et tout de suite, je suis pris dans une étreinte ardente.