9- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
Rudy EYA
« Elle ne veut pas entendre ne serait-ce que ton prénom. Et crois-moi ce n’est pas du tout ta catégorie cette petite. »
Le message avait l’air d’être passé. Alors je ne comprends pas pourquoi je l’ai retrouvé dans mon rêve. Je regarde mon téléphone. 04h10. Je suis brûlant de fièvre. Je me traine jusque dans la salle de bain où j’avale un doliprane. Et je retourne dans mon lit.
J’ai beau fermer les yeux, compter les moutons et même les étoiles. Rien !je n’ai plus sommeil. La fièvre a baissé, c’est déjà bien. Je vais travailler un peu, ça m’évitera de penser.
Enfin, la pause. Je n’arrive pas à croire ce qui vient de se passer. J’ai eu un bug en pleine présentation tellement mon esprit est préoccupé. Cette Nowa va me rendre fou ou quoi ? Mon téléphone vibre sur mon bureau. C’est le second appel de Tina. Que peut-elle avoir à me raconter. Il est temps que je passe à autre chose je pense. Nowa ne me déplairait pas. Elle a l’air bien sous tous les angles. Il y a juste ce problème de taille avec sa peau. Ça me rappelle qu’il faut que je fasse une petite recherche sur cette anomalie.
Une heure et demie plus tard, je peux enfin mettre un nom sur ce qu’elle a. Vitiligo ! Comme quoi, on apprend chaque jour. J’étais loin de m’imaginer que pareille maladie puisse exister. Je suis déjà bien heureux que ce ne soit pas contagieux. Mais pourquoi ne se blanchit-elle donc pas la peau une bonne fois pour toute, comme il semblerait que Mickael Jackson l’ai fait ? Je me sens tout d’un coup coupable de ce qui s’est passé ce matin-là chez moi.
« Il faut que tu grandisses mon cher ! »
Nowa NYANE
Ce soir, je dors chez mes parents. Mamie ne se sent pas bien et comme j’ai trop peur de la perdre, j’ai décidé de rester avec elle jusqu’à ce qu’elle aille mieux. Pour elle, je suis prête à me farcir mes parents et ma sœur qui passe très souvent.
« Ne crois pas que je vais rejoindre mon Marco cette nuit ma petite. »
« Mais non … Je suis sûre qu’il voudrai que tu restes encore et encore avec moi. Jusqu’à tes 120 ans au moins. »
« Quoi ? Mais je ne pourrai même plus me torcher le derrière ! Qui le fera pour moi ? »
« Je trouverai bien quelqu’un. », fis-je en riant aux éclats.
Mamie est une femme comme on en fait plus. Elle est d’une douce pudeur. Cela lui apporte quelque chose de charmant, de touchant. On dirait presqu’un ange.
« Et toi ? Il n’y a toujours personne qui fasse battre ce petit cœur ? »
« Personne à part toi ! »
Elle secoue la tête.
« Non ! Je veux parler d’un homme. Un vrai ! Tu vois le petit-fils de mon amie Rosa-Maria ! Que penses-tu de lui ? Vous ferez un joli couple. »
« Mamie ! Les mariages arrangés ne sont plus d’actualité. De plus il est comme ton fils, il saute sur tout ce qui bouge. »
Elle garde la bouche ouverte tellement elle est surprise par cette petite révélation.
« Je suis sûre que tu dis des bêtises. »
Je veux lui donner des arguments mais la sonnerie de mon portable m’interrompt.
« Bonsoir ! »
« Bonsoir ! Je peux parler à Nowa ? C’est de la part de Rudy. »
Quoi ? Et puis comment a-t-il eu mon numéro ? Je vais étriper Iris c’est sûr. Je sens la moutarde me monter au nez. En fait je sens du piment me monter au nez. Je raccroche sans lui donner le temps de dire un mot de plus. Il le mérite c’est tout.
« C’était qui ? »
« Personne ! »
La sonnerie de mon portable retentit une nouvelle fois. Il a du mal à comprendre ou quoi ? Je tacherai d’être un peu plus claire cette fois.
« No… »
« Fiche-moi la paix bon sang ! »
Je sens la main de mamie faire pression sur mon bras.
« Visiblement ce n’est pas personne. Alors dis-moi, c’est qui ? »
Je pose le téléphone sur le lit en prenant bien le soin d’activer le haut-parleur et me voilà en train de raconter à ma grand-mère qui est cet individu. Ce Rudy de mes fesses. J’entends son souffle de l’autre côté. Je suis sûr qu’il doit avoir la mâchoire crispée. Mais c’est tant pis pour lui. Parce que tout ce qui arrive, c’est lui qui l’a voulu. Je me garde tout de même de dire à mamie que cette nuit-là, j’ai vraiment pris mon pied.
Mon récit terminé, elle me fait signe de lui passer l’appareil. Je suis bien contente, elle va lui passer un savon et moi pendant ce temps je pourrai songer à la meilleure façon de torturer ma cousine pour sa traitrise.
« Bonsoir monsieur le terroriste. »
Bien fait !
« … »
« Je suis la grand-mère de Nowa. »
« … »
« Moi de même ! »
Quoi ?
« … »
« Rudy ? C’est mignon comme tout ! »
Je ne l’avais pas vu venir. Je manque de m’étouffer en avalant de travers. Elle me passe mon verre de jus de fruit qui trainait sur son chevet depuis un moment.
« … »
« Je ne manquerai pas de lui faire passer le message. »
« … »
« A mon époque, un homme qui voulait s’excuser vous offrait une fleur. Pour toi, je pense qu’un bouquet devrait suffire. »
« … »
Elle recule le téléphone et s’adresse à moi.
« Les roses rouges sont toujours tes préférées ? »
J’ouvre grand les yeux sans savoir quoi lui répondre à cette autre traitresse. Où est donc passée ma mamie ? Celle qui était prête à retourner les terres et à vider les océans pour me défendre ? Je vis donc au milieu d’agents doubles.
« Les roses rouges Rudy. »
« … »
« Merci à toi mon garçon. »
« … »
« Charmant ce jeune homme ! », lance-t-elle en raccrochant.
Leur petit cinéma m’a mis hors de moi.
« Mais à quoi tu joues ? Tu fais ami-ami avec mes ennemis maintenant ? »
« Ce n’est pas ton ennemi ma chérie. Il a juste été maladroit. »
« Ça me dépasse. J’ai cru que tu avais eu un court-circuit dans ton esprit mais là quand tu me sors cette excuse, je me dis que tu vas bien. »
Elle veut prendre mes mains dans les siennes mais je me dégage vite d’elle.
« Viens t’assoir mon amour ! »
« Non, je préfère rester debout ! »
« Nowa NYANE, tu vas me faire le plaisir de poser tes fesses sur ce lit ! Et vite ! »
Je suis sous le choc. C’est la première fois que mamie me crie dessus. Malgré la rage qui m’anime, je suis bien obligée de m’assoir près d’elle. Il ne faudrait pas qu’elle s’énerve en ce moment ou encore que je perde mes bénédictions. J’en ai trop besoin.
« Je vais t’expliquer ce qui vient de se passer. »
Je respire fort tellement je suis en colère contre elle, contre lui, contre Iris. Contre le monde entier.
« Calme-toi ! Tu sais, les différences font peur aux humains. Nous vivons une époque bien triste. Une époque dans laquelle tout le monde veut se conformer à un modèle, tout le monde veut pouvoir rentrer dans une boite et pourtant. Je t’ai vu être prisonnière de ta maladie pendant trop longtemps et aujourd’hui qu’un jeune homme s’intéresse à toi, tu veux le passer au pilori. Et pourquoi ? Parce qu’il a eu la maladresse d’être choqué par ta maladie ? Regarde, il t’a rappelé après combien de temps ? Quelle aurait été ta réaction si tu avais été à sa place ? Il ne faut pas que cette maladie t’empêche de vivre ou qu’elle fasse de ton cœur une forteresse ma petite. Maintenant, si tu veux bien je vais me coucher. »
Elle s’allonge sur le lit et en moins de deux, je me retrouve cohabiter avec ses ronflements mélodieux et ses pets nauséeux. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour ?
Ça va bien faire quelques semaines que je reçois ces maudites roses rouges. Et comme d’habitude, elles finissent à la poubelle.
« Toujours pas de carte avec ? Je suis sûre que c’est le petit binoclard de la comptabilité. Tu verrais les petits regards qu’il te lance. »
Georgette est totalement dans le faux. Je sais très bien de qui elles viennent.
« S’il continue, il risque de te refiler une allergie plutôt que de réussir à faire battre ton cœur. »
Nous nous séparons devant l’immeuble. Elle monte dans une voiture de luxe aux vitres teintées tandis que moi, j’attends un taxi. C’est la misère pour en trouver un à cette heure. Je suis obligée d’en prendre un en mode course et je n’ai pas encore posé mon popotin sur la banquette que déjà je regrette les billets que je devrais sortir.
Dans le taxi, je reçois un message d’Iris.
« Je passe la soirée avec toi. »
Je souris et je lui envoie une réponse.
« Tu as sûrement une invasion de rats. Je t’attends. »
« Tu cuisines ? »
« Non ! Ramène une pizza. »
« OK ! A toute ! »
J’aime ce genre de petite soirée improvisée du vendredi. Nous allons nous goinfrer comme des petits porcs, Iris va se plaindre de tout et de rien, particulièrement de ces filles qui tournent autour de son étalon. Je vais me moquer d’elle. Nous allons assurément nous faire un film et pour finir nous ne nous endormirons qu’à l’aube. Heureusement que l’anticerne existe.
Et voilà un joli billet de FCFA 10.000 qui migre de mon portefeuille à la poche du chauffeur de taxi. FCFA 10.000 c’est abusé ! Je comprends que la vie soit dure mais ce n’est pas de ma faute non plus.
Je monte rapidement l’escalier jusqu’à mon appartement. Je prends une douche et je m’installe dans le salon avec mon roman du moment. Tout est prêt pour que nous nous soulions ce soir. J’ai mis deux bouteilles que j’avais piquées dans la réserve de mon père au frais, ça devrait suffire.
« Tout va bien ? »
« Je suis bientôt là. J’ai des films. »
« Top ! Je fais le pop-corn tout à l’heure. »
Quelques minutes passe et j’entends retentir la sonnerie de l’interphone. Je saute du canapé. J’ouvre la porte et c’est le choc. Ils se sont passés le mot ou quoi ? J’ai l’impression qu’ils ont tous décidé de mettre mon cœur à l’épreuve. L’air de rien, Iris me fait la bise et ils entrent. Je ferme la porte en priant pour me réveiller de ce cauchemar. Je me retourne et je vois deux paires d’yeux braquées sur moi. Je réalise alors que je porte juste une petite culotte en satin assortie à un bustier à fine bretelles et que toutes ces horribles tâches sont bien mises en évidence.
Je crois que la mort me venir, je suis prête à la recevoir.