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Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
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Je chantonne en mettant la
table lorsque ma grand-mère Ziza arrive à 11h 30.
"A mama, Itchango sè!
Eroumbè zo éré na rwé?"
" Bonjour Mamie. Pupuce
est dans la chambre."
"Ta sœur ne reste que
dans la chambre! À chaque fois que je viens, c'est la même réponse que tu me
donnes ! Fais là sortir de là."
Je m’exécute et ramène Pupuce
dans le salon. Alors, la grand-mère lui demande comment elle va et ce qu'elle
faisait dans la chambre.
"Je lisais, Mamie."
"Et bien maintenant, tu
vas aider ta sœur à mettre la table."
Elle n'ose même pas bouder,
car elle sait qu'avec la grand-mère, c'est pas la peine.
La table à 6 place. Je mets
des assiettes pour maman, Pupuce, mamie et moi. Et je n'oublie pas celle de
MONSIEUR Peter. Je rajoute une assiette pour Albert, qui aujourd'hui vient sans
son épouse qui est malade. Alors que Mamie tente de mettre un peu de bon sens
dans la tête de ma sœur en lui expliquant qu'elle n'a pas à faire la paresseuse
parce qu'elle est enceinte, quelqu'un cogne au portail.
"J'y vais", crie
Pupuce en pensant que c’est Peter qui est là.
Elle revient déçue et me lance
:
"C'est pour toi,
Tania."
Je sors et retrouve Miro au
portail.
"Comment va la plus douce
?", me fait-il.
"Comment va le plus beau
? Je suis heureuse de te voir là."
Avant de me blottir dans ses
bras, je m'assure bien que les yeux de mamie ne traînent pas dans le coin.
"J'avais envie de te
voir. Mes parents sont en week-end à la Pointe Denis avec un couple d'amis. Je
m'ennuie à la maison."
"Reste manger avec nous,
si tu t'ennuies !" fait madame ma mère qui rentre avec des boissons dans
un sac.
Yoooo! Ça va être rock'N'roll
ce repas.
Au loin, j’aperçois Albert qui
arrive. Il semble un peu inquiet. La tante Georgeline son épouse est
hospitalisée à la clinique Bilie.
"Ils disent que ça va
mieux aujourd'hui. Je viens de la quitter. Le médecin lui demande de se
reposer."
"Que lui est-il arrivé ?"
demande Mamie.
"Oh! Juste une hausse de
tension. Comme d'habitude. Dîtes, jeune homme, je ne vous connais pas. Je suis
Albert un oncle à Tania. Et vous?", fait Albert en avançant le bras tendu
vers Miro.
"Je suis Miro, le petit
ami de Tania."
J'ai les yeux qui fixe le sol
à ce moment-là. J'attends seulement que Mamie rajoute du sel dans l'affaire. Et
ça n'attend pas. Elle s'écrie en langue:
"Oh, Bernadette, où est
ce que ta fille a ramassé ce beau garçon ? J'espère qu'il est bien élevé, hein
!"
Tout le monde éclate de rire,
sauf Miro qui, bien sûr, n'a rien compris.
"La grand-mère de Tania
te trouve très beau", lui dit maman.
"Oh, merci", répond
Miro en rougissant. Et sans transition, il s'assoit face à Albert, au salon, et
la conversation entre eux commence.
Je vais dans la cuisine
histoire d'apprêter les plats à mettre à table. Ma sœur est là dans un coin.
Elle semble soit bouder, soit être impatiente.
"Qu'y a t-il?" lui
fais-je.
"Je savais pas que
t'avais invité Miro."
"Euh, non. Il est venu me
faire un coucou et maman lui a demandé de rester manger avec nous. Y a un
souci?"
"Oui, qu'a t-il à venir
voler la vedette à Peter? Je te signale que c'est mon petit ami qui est attendu
pour ce repas."
"Et je te signale,
Akendengue Marjorie, qu’ici, je suis chez ma mère. Je fais ce que je
veux."
"Ok, ok. Je n'ai plus
faim de toute manière. Je vais dormir."
"Tant mieux pour toi. Ça
nous donnera l'occasion de saucissonner ton mec et d'en apprendre plus sur lui.
Et ne compte pas sur nous pour te laisser à manger."
"T'es trop nulle, Tania
Akendengue. Va au large."
"Pareil pour toi! Tu me
les brises, tu entends."
Sur ce, madame s'en va de la
cuisine en pleurant. Cela alerte maman qui arrive et me demande :
"Qu'est-ce qui se passe encore
?"
"Rien du tout maman. Elle
n'en finit plus avec ses crises de larmes. C'est vraiment chiant !"
"Mademoiselle Akendengue,
dis-moi quelque chose. Pourquoi Julien et toi dîtes que Peter est un cancre ?
Il n'a que 20 ans et c'est pas trop vieux pour la terminale."
"Oh, c'est juste qu'il ne
peut pas avoir 20 ans s'il a fait 2 fois la 5ème, 2 fois la 3ème et qu'il
repasse le bac pour la 3ème fois cette année !"
Ça veut dire quoi ça !?"
"Mais maman, ça veut dire
qu'il est né au moins 5 ans avant la date inscrite sur son dossier
scolaire."
"Oh! C'est fort ça !"
s'étonne maman.
"Très fort, mais très
courant aussi.", fais-je en sortant de la cuisine.
Quand je dépose le premier
plat à table, je me rends compte que le fameux Peter est arrivé. Il est vêtu
comme un basketteur, avec la tenue intégrale de Allen Iverson, un basketteur
que monsieur adule. Il me sourit quand il me voit. Comme si lui et moi on a
gardé les vaches ensemble.
Je ne lui ai jamais parlé.
Jamais serré la main. En fait, rien que le voir m'énerve car il a fait tomber
beaucoup de mes copines du collège. Ils les a soit sautées soit bécoquettées.
Donc...je reste gonflée à la vue de la grossesse de Pupuce. Mes fameuses
copines, elles, ont eu "la chance" de ne pas tomber enceinte.
"Bonjour Tania. On dit quoi
?", me fait il en souriant.
Mon Dieu, si je pouvais baffer
ce type et sa gueule de con!!!
"On est là. Rien de
spécial."
Je vois ma sœur qui sort du
couloir des chambres avec le sourire. Elle vient s’asseoir là, sur le canapé, à
côté de son type. Pardon...
Comme nous sommes en nombre
impair, Albert décide que les femmes ainsi que Miro, mangeront à table. Il
invite Peter à manger avec lui sur la tablette du salon.
"Ok, ça me va, vous
savez", fait Peter histoire de montrer qu'il est poli.
J'accompagne Miro et Peter se
laver les mains dans la cuisine. Alors, que mon bof a fini, monsieur mon métis
en profite pour me serrer dans ses bras et me foutre un smack.
"Miro, ma grand-mère est là
!"
"Mlle Akendengue, t'as
intérêt à m'embrasser correctement, sinon, je t'assure que je ferai pire devant
ta grand-mère."
Yooo! Pardon, je n'ai pas
envie que la pauvre vieille se casse les yeux !
À table, les plats sont variés
: poisson salé aux aubergines, poisson fumé au Nyemboué, Poulet fumé aux petits
légumes. Avec du Riz, du manioc et e la banane.
"Ah, ça! On dalle pas mal
chez vous ! Vraiment, je suis content d'être là." fait Peter.
Je souris. J'ai envie de dire
au type, mange en silence, pardon.
Manque de pot pour moi, le
type est très bavard. Il discute avec Albert qui se montre très curieux. L'ami
de maman veut en apprendre plus sur le père de l'enfant à naître de Pupuce; il
se lance dans les questions qui intéressent tout le monde, après avoir parlé
football et basket ball.
"Alors, dis-moi jeune
homme. Comment fait-on pour avoir déjà 4 enfants en terminale. Et plus, il
parait."
Sans même réfléchir, Peter
répond avec une franchise désarmante :
"Ce n'est pas de ma
faute, monsieur. Je dis toujours aux filles de prendre leurs précautions, mais
elles se jettent toutes nues dans mon lit sans que je n'ai besoin de faire
d'effort. Quand je rentre chez moi après un match de basket, il y en a quatre,
cinq parfois plus, alignées là devant la maison. Je fais comment moi pour
m'acheter toutes ces capotes !?"
Je ne sais pas si Albert a
voulu faire de l'humour, mais il a eu réponse à sa question !
Je manque de m'étouffer en
tentant de m'empêcher d'éclater de rire.