17. Une histoire de photo
Ecrit par Samensa
RODRIGUE
Les lundis matin sont les jours
les plus chargés pour moi. Étant responsable de la supervision d’un chantier
que nous avons lancé depuis environ un an maintenant, je dois procéder à des
mises à jour afin d’’être en passe avec ce qui s’est passé le week-end.
C’est à cette tâche que je
m’attèle lorsque la porte de mon bureau s’ouvre avec fracas. Ela fait son
entrée, cintrée dans un ensemble tailleur noir. Je dépose mon stylo pour mieux
me caler dans mon fauteuil.
-Bonjour Rodrigue. Lance-t-elle
en s’asseyant.
-Ne te gêne pas, mets-toi à ton
aise ! Je réponds ironiquement.
-Oh s’il te plait ! Pas de
ça avec moi.
-Qu’est-ce que tu veux ?
-Te parler.
-Eh bien je t’écoute.
-C’est concernant David et moi.
-Je m’en doutais bien.
-Je veux juste que tu comprennes
que c’était une erreur. Je le reconnais. Avec David, ça s’est passé à un moment
sensible, j’étais vulnérable et … Toujours est-il que c’est du passé. Et
j’aimerais que ça ne tombe pas dans les oreilles de qui que ce soit. Tu es un
ami, je suis sûr que tu me comprends.
Elle l’a dit avec une telle
assurance que ça fait peur. Aucun regret.
-Oui, je suis ami à Eric. Et en
tant que tel, il est de mon devoir de le mettre en garde contre vous.
-Tu sais tout le mal que cela
peut lui faire ! Et je crois que c’est la raison pour laquelle tu ne lui
as rien dit jusqu’à présent.
Si elle savait.
-Ela, tu ne vas pas me faire
croire tes histoires de moment sensible. Arrives-tu à te regarder dans un
miroir au moins ?
-Tu n’es pas le mieux placé pour
me juger, d’accord ? Je veux simplement que tu me promettes de ne pas
ébruiter cette affaire.
-Rassure toi, je n’ai pas envie
de mettre la honte à mon meilleur ami.
Nous nous regardons un moment en
silence avant qu’elle ne se lève pour prendre la porte avec un merci au bout
des lèvres.
Je la regarde partir le cœur
gros. Pauvre Eric. Je ne peux pas comprendre comment ni pourquoi elle a dévié
de la sorte. Qu’est ce qui peut pousser une femme à faire du mal à son mari qui
plus est un homme comme Eric ?
ERIC
En rentrant aux environs de 10
heures à la maison, j’ai trouvé la maison quasiment vide, la plupart des
employés faisant des courses et la maitresse de maison déjà au travail. C’est
ce que j’espérais car je ne sais pas comment je réagirai si je tombais sur elle
maintenant.
Ressentant une tension liée au
week-end stressant que j’ai vécu, je fais des longueurs dans la piscine pendant
environ 1 heure. J’en ressors courbaturé et affamé.
Alors que je me dirige à la
cuisine pour me prendre à manger, je reçois un coup de fil de Raïssa. C’est
étonné que je décroche.
-Raïssa ?
-Oui, c’est bien moi. Écoute,
j’ai à te parler d’urgence. Il faut qu’on se rencontre.
-Euh… Je ne suis pas vraiment
disponible là. Je te rappelle pour fixer un rendez-vous ?
-Quand ?
-Je ne sais pas moi, avant la fin
de la semaine.
-Humm… Pas vraiment ce que
j’espérais mais d’accord. S’il te plait c’est urgent.
-Bon, passe demain au bureau.
-D’accord. Je t’appellerais
avant. Merci. Ciao.
-Au revoir.
De plus en plus intriguant. Ça
fait des lustres que nous n’avons pas eu de rapports cordiaux. Qu’est-ce
qu’elle me veut ? C’est à croire que ces derniers temps, dans ma vie, tout
me surprend.
Je monte ensuite dans ma chambre
pour passer des coups de fil. Je repousse la réunion hebdomadaire à demain et
discute avec Rodrigue sur des sujets concernant le boulot. Je m’endors ensuite,
la fatigue ayant raison de moi.
J’ouvre les yeux lorsque
j’entends la porte claquer. Ela m’envoie un sourire désolée, se rendant compte
qu’elle vient de me déranger dans mon sommeil. J’ai dormi longtemps, l’horloge
affiche 19 heures 15.
-Eh bébé tu m’as manqué !
Soupire-t-elle.
Elle vient se blottir dans mes
bras en me caressant la joue. Moi, je suis incapable de la serrer contre moi,
je reste les bras le long du corps, la regardant parler. Je n’entends rien de
tout ce qu’elle peut raconter, je ne vois que ses lèvres bouger. Par moment,
elle me sourit. Ce sourire qui a toujours fait chavirer mon cœur. Je mentirai
en disant que je la déteste en ce moment. Je ne la hais pas mais je ne peux pas
affirmer non plus que je l’aime comme antan.
J’ai une boule au fond de la
gorge que j’ai envie d’expulser en lui crachant mes vérités au visage.
Toutefois, ce serait trop facile.
«Calme-toi », je ne cesse de
me répéter intérieurement. Je veux lui laisser la chance de m’expliquer ce qui
a bien pu se passer. Qu’elle puisse me dire ce que j’ai mal fait, la raison
pour laquelle elle m’a trompé avec mon frère. Peut-être qu’on pourra surmonter
tout ça.
-Alors, tu es d’accord ? Me
demande-t-elle.
-Pour ?
-Eric ! crie-t-elle d’un air
faussement outré. Tu ne m’as pas écouté !
-Je suis désolé, j’avais les
idées ailleurs.
-Donc je disais que je voulais
aller à Assinie, dans la maison des parents, avec ma sœur ce week-end.
-Ah bon ?
-Oui, tu as bien profité à Dabou,
laisse-moi m’amuser aussi. Dit-elle la mine boudeuse.
« Tu ne penses pas que tu
t’es assez amusé ainsi ? » ai-je envie de lui dire.
-Laisser moi réfléchir…
-Allez chéri !
Elle essaie de me couvrir de
bisous. C’est plus que je ne peux supporter. Je lui dis oui pour qu’elle
arrête. Ce qui ne marche pas puisque mon accord l’excite encore plus. Je lui
saisis les épaules pour la repousser lorsque mon téléphone se met à sonner.
Sauvée par le gong.
Elle se rend dans la douche me
laissant décrocher mon appel.
-Eric Tra Lou à l’appareil.
-Bonsoir Eric. Me dit une voix
féminine à l’autre bout du fil.
-Bonsoir, à qui ai-je l’honneur ?
-C’est… c’est Nancy. La petite
sœur de Rodrigue.
-Ah quelle surprise !
-Je m’excuse si je te dérange.
-Non ne t’inquiètes pas.
-Je voulais avoir de tes
nouvelles.
-Je vais bien Nancy, c’est gentil
de ta part. Merci.
-Je t’en prie. Euh Eric ?
-Oui ?
-Vraiment ça me gêne de te
demander ça… J’ai appris par mon frère que tu es chef d’entreprise, j’aurai
besoin de ton aide.
-Pour ? demande-je
sceptique.
-Est-ce que je pourrais venir
déposer mon CV chez toi ? J’ai vraiment besoin de travailler pour être
indépendante… et pour m’occuper de mon fils.
-Là tu me prends de court. Parles-en
à ton frère.
-Non ! s’écrie-t-elle. S’il
te plait, c’est un service que je te demande.
-D’accord. Tu pourrais te rendre
dans nos locaux ?
-Bien sûr !
-Rendez-vous donc demain à 14
heures.
-Merci ! Merci !
Merci !
Cette fille m’étonne de plus en
plus. Je dois reconnaitre qu’elle est quand même culottée de me demander une
telle chose alors qu’on se connait à peine. J’espère qu’elle est compétente car
chez moi, je n’embauche pas par affinité. Mon entreprise n’en a pas besoin.
Dès que je raccroche, je vais
m’enfermer dans une des chambres d’amis promettant de ne retourner dans la
mienne que lorsqu’Ela se sera endormie.
La réunion a déjà commencé et
encore une fois, mon frère n’est pas présent. Je comprends à présent pourquoi
il m’évitait depuis tout ce temps. Je reste distrait pendant toutes les
interventions. Heureusement que Rodrigue est là pour prendre les choses en
main.
Dès que je retourne dans mon
bureau, ma secrétaire m’annonce la présence de Raïssa. Cette dernière entre et
après les civilités d’usage prend place.
-Je ne suis pas venue ici pour
trop parler mais pour ça.
Elle jette des photos sur mon
bureau.
-Je suis désolée que tu doives
l’apprendre ainsi… Ces photos datent de samedi.
Mes membres se mettent à trembler
à un tel point que je n’arrive pas à me contrôler.
Alors comme ça, pendant que je
souffrais comme un fou, madame prenait
son pied avec son amant. Elle continue donc de le voir. Alors là, c’est la
goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Je me lève pour ouvrir mon coffre
afin de sortir mon arme. Je vois Raïssa blêmir sur le coup.
-Où… est ce que tu… tu vas ? Balbutie-t-elle.
Je vais tuer mon frère.