18. Assinie Mafia
Ecrit par Samensa
RAISSA
-Je suis désolée que tu doives
l’apprendre ainsi… Ces photos datent de samedi.
Je croise les bras, guettant sa
réaction.
Les photos sur la table montrent
David et Ela en train de s’embrasser dans un lounge.
David a tellement démenti cette
histoire avec Api que j’ai mis un ami sur le coup pour avoir des informations.
Vous n’imaginez pas ma surprise lorsque j’ai vu ces photos. Tout ce que j’ai pu
dire c’est : incroyable !
Non mais allô quoi ! Comment
ils peuvent se permettre de faire cela ?
Non seulement je me suis rendue
compte que je m’étais trompée de cible mais aussi ai-je eu à me demander si
c’était un homme comme David que je voulais dans ma vie. Dans tous les cas, il
fallait que je tienne Eric au courant de tout cela.
Eric est tellement en colère
qu’il se met à trembler. Il se lève précipitamment pour ouvrir un coffre caché
derrière un tableau. Lorsqu’il en sort un pistolet, je suis stupéfaite.
Seigneur, qu’est-ce que je suis venue créer ?
-Où… est ce que tu… tu vas ? Essaie-je d’articuler.
Sans un mot à mon égard, il
charge l’arme et s’apprête à sortir. Je le suis pour le dissuader de faire quoi
que ce soit mais il me repousse violemment. Apeurée, je le regarde ouvrir la
porte.
Par ch ance, la porte s’ouvre sur Rodrigue, documents en main. Les documents
se retrouvent au sol à la seconde où il se rend compte de ce qui se passe. Les
voilà donc en train de lutter, l’un pour récupérer l’arme et l’autre pour la
garder. Craignant de me prendre une balle perdue au milieu de tout ça, je me
mets dans un coin du bureau, le cœur battant à une allure folle.
-Laisse cette arme ! Crie
Rodrigue.
-Rodrigue, laisse-moi !
-Donne-moi cette arme.
-Non, je ne t’écouterai pas cette
fois-ci… ôte toi de mon chemin si tu ne veux pas en payer le prix.
-Arrête tes bêtises. Je t’ai déjà
dit que ce n’était pas la manière adéquate de gérer cette histoire.
En suivant leur discussion, je me
rends compte qu’Eric savait pour sa femme bien avant que je n’envoie les
photos. Et elle est encore en vie ? Vraiment, félicitations à Eric pour
avoir gardé son sang-froid jusque-là, malgré tout.
Rodrigue m’ordonne de sortir du
bureau. Je ne me le fais pas répéter deux fois.
Je me rends rapidement à l’étage
du dessus pour voir David. Je compte bien l’avertir de la situation pour qu’il
s’en aille immédiatement. Par chance, je le croise dans le hall en train de
discuter avec des hommes. Quand je demande à lui parler, il m’entraine dans son
bureau.
-Qu’est-ce qu’il y a encore pour
que tu viennes me gêner à mon travail ? Demande-t-il le regard dur.
-Je …
-Ça suffit ! Je suis fatigué
de toi Raïssa !
Je le regarde perplexe.
-C’est la dernière fois que je
t’ai dans les pattes. Je crois que le cinéma a assez duré. On va arrêter cette
pseudo-relation avant que tout ne se gâte.
-Pseudo relation ? Qu’est-ce
que j’ai fait pour que tu veuilles me quitter ? Ou bien c’est à cause …
-Tais-toi de grâce ! Tu me
donnes la migraine. Va récupérer tes affaires à la maison et s’il te plait,
fais comme si je n’existais plus.
-Tu es sérieux là ?
-Oui ! On a passé du bon
temps, merci. Seulement, je ne te supporte plus. C’est fini entre nous, Raïssa.
Avant que je ne puisse placer un
mot, il sort. Je le regarde partir la bouche ouverte. Ça, je ne m’y attendais
pas. C’est vrai que je réfléchissais à une possibilité de le quitter. Mais me
faire humilier ainsi, non ! Je ne le tolère pas.
Qu’il aille en enfer !
ERIC
J’ai mal. Je suis comme vidé.
Vidé de toute mon énergie. J’ai l’impression qu’on m’a arraché le cœur et
l’âme. Je souffre tellement en mon for intérieur. Cette fois ci, la douleur est
telle que je ne sais comment l’exprimer. Ah Ela !
Rodrigue a, comme toujours, pu
avoir les mots adéquats pour m’éviter le pire.
Actuellement seul dans mon
bureau, je ne cesse de regarder les photos. Ils ont l’air d’un couple comme
tout autre, enlacés. Sur certains clichés, il la prend simplement dans ses
bras. Sur d’autres, il l’embrasse et elle semble apprécier.
Moi qui voulais essayer de tout
arranger, ce n’est pas la peine.
Ma secrétaire me tire de mes
pensées en m’annonçant l’arrivée de Nancy. Elle a dû avoir finir avec son
entretien à la comptabilité.
Par politesse, je décide de la
recevoir. Je finis juste de ranger les photos qu’elle entre. Toujours
souriante, toujours joviale.
-Alors Nancy, comment ça a
été ?
-Bien. Très bien même. J’espère
qu’ils me rappelleront.
-J’espère aussi.
-Eric ?
-Oui ?
-Tu vas bien ? Tu m’as l’air,
comment dire, épuisé… C’est à cause de ta femme ? Je t’ai dit de ne pas en
faire une histoire. Tu…
-De quoi je me mêle ? Je la
coupe net.
-Pardon ?
-Tu es psychologue ou quelque
chose du genre ?
-Non …
-Alors tes conseils, tu peux te
les mettre où je pense !
Son sourire s’efface me faisant
prendre conscience du fait que je suis allé un peu loin. C’est un peu de sa
faute, elle parle trop mais je ne devais pas m’emporter ainsi.
-Nancy, je suis désolé.
-Essaie de ne pas déverser ta
colère sur ceux qui veulent t’aider… Je ne me mêlerai plus de tes histoires.
Merci pour l’occasion que tu m’as offerte.
-Nancy…
Elle a déjà quitté mon bureau dans une atmosphère glaciale. Et merde !
ELA
Lorsque j’arrive à la maison, je
trouve Eric assis en tailleur au beau milieu du lit. Je le salue plusieurs
fois, sans réponse. Il est complètement ailleurs. Je dois lui toucher le bras
pour qu’il me regarde.
Son regard a quelque chose d’étrange
qui me fait frissonner. Il me sourit doucement avant de s’enquérir de ma journée.
Je mets son air bizarre sur le compte d’une journée dure au travail et nous
discutons tous les deux de notre journée.
Pendant la nuit, je suis prise
d’un mal de ventre terrible. Mon ventre se bat contre la soupe de carpes que
j’ai pris pour le diner. Je vide mon estomac en jurant que les carpes et moi,
plus jamais. Mon mari veille avec moi toute la nuit pour s’assurer que je vais
bien. C’est dans ces moments que je me sens coupable à mourir pour tout ce que
j’ai pu lui faire.
David lui, choisit 3 heures du
matin pour m’envoyer un message.
« Hâte d’être à ce week-end »
Il veut me créer des
problèmes ?
Eric, quand il voit la
notification du message, me demande de dire à Mme Soro que ce n’est pas une
heure pour envoyer des messages à une femme mariée.
Les jours se suivent et se
ressemblent. Je rentre pour la plupart du temps tôt à la maison. Il faut dire
que je ne me sens pas bien ces derniers temps. Mon mari, je ne le vois que
rarement, il sort tôt et rentre tard.
Le week-end venu, j’embarque pour
Assinie après avoir vérifié que ma petite sœur soit bien au Ghana avec ses
amies. David a promis me laisser tranquille après ce week-end, espérons qu’il
tienne promesse.
ERIC
Le chef comptable m’a raconté
l’entretien de Nacy. Et selon ses dires, elle a été époustouflante. Reste
maintenant à savoir si ses compétences sont avérées.
Depuis mercredi, elle travaille à
PICI. J’ai maintes fois essayé de la voir pour m’excuser. Malheureusement,
c’est comme si on jouait au chat et à la souris : moi le chat et elle la
souris. Elle me fuit carrément.
Rodrigue, lui, n’a pas fait trop
d’histoires avec l’embauche de sa sœur. Il a même été jusqu’à apprécier le fait
qu’elle se soit démerdée toute seule.
Ce matin, Ela s’en est allée pour
Assinie pour être avec sa sœur. Moi, je me rends au bureau. C’est certes samedi
mais j’ai une tonne de dossiers en suspens dû à la semaine catastrophique que j’ai
eue. En effet, je ne venais au bureau que pour compter les points imaginaires
au plafond.
J’entre dans l’ascenseur et
appuie sur le bouton 4. A cet instant, une silhouette semble entrer aussi dans
l’ascenseur mais se rétracte aussitôt. Je lève la tête et je vois Nancy qui se
retourne.
-Nancy ! Reviens ici !
Dis-je d’un ton sans appel.
Elle me lorgne avant de faire non
de la tête. Je tiens la porte de l’ascenseur pour lui faire comprendre que soit
elle monte… soit elle monte. Elle n’a pas le choix.
Nancy finit par entrer et se met
au coin de l’ascenseur. J’appuie le bouton du troisième étage, le sien.
-Bonjour Nancy.
-Bonjour M. Tra Lou. Me
répond-elle du fond de la gorge.
-Tu vas bien ?
-Oui monsieur.
-Et le boulot ? Pas trop
compliqué ? Avec les collègues ?
-Ça va.
-Bien. Et ton fils ? Il
s’appelle comment déjà ?
-Elie.
-Il va bien ?
-Oui monsieur.
Pendant nos échanges, elle garde
la tête baissée, le regard fixé au sol.
-Nancy, tu sais que je suis en
train de jouer ton rôle là ?
Cette fois, elle me regarde avec
incompréhension.
-La bavarde, c’est censé être
toi ! Pas moi.
-Je préfère me taire. La dernière
fois que j’ai fait ressortir ce trait de ma personnalité avec vous, j’en ai eu
pour compte.
La porte s’ouvre et elle sort
comme si elle avait le diable aux fesses.
Me voici donc en train de lui
courir après.
-Nancy attends.
Elle se retourne doucement pour
me faire face. Son expression me cloue sur place. La tristesse sur son visage
qu’elle veut faire passer pour de l’indifférence me touche énormément.
-Nancy, je suis vraiment désolé
pour mon attitude de la dernière fois.
-…
-Je venais d’apprendre une
nouvelle qui m’avait chamboulé à un tel point… Excuse-moi.
-D’accord monsieur. J’accepte vos
excuses à la condition que vous m’excusiez de m’être mêler de vos affaires
privées.
-Ce n’est rien Nancy, vraiment.
Et depuis quand on se vouvoie ?
-Depuis que vous êtes mon
employeur.
-Pas de ça avec moi, s’il te
plait.
-S’il vous plait, j’y tiens.
Devant son air buté, je capitule.
Si elle y tient, qu’il en soit ainsi.
-Et que fais-tu ici un
samedi ?
-Ben je travaille.
Elle me le dit avec un air de
« Si ce n’est pas pour travailler, je fais quoi ici ? »
-Bonne journée Monsieur.
Je la regarde partir en me disant
qu’il faut que je parle avec son supérieur. Dans mon entreprise, on travaille
du lundi au vendredi, pas les samedis. Et quelle histoire de faire travailler la
nouvelle un samedi. L’esclavage a été aboli, que diable !
Je travaille jusqu’à midi lorsque
je suis interrompu par un appel de ma belle-mère.
-Bonjour maman.
-Ah mon fils comment tu
vas ?
-Très bien et vous ?
-Ça pourrait aller mieux si Api
arrêtait ses quatre cent coups !
-Ça ira. Dis-je en riant.
-Tu fais partir des hommes de la
famille et tu devais être parmi les premiers informés. Api aura sa cérémonie de
dot le mois prochain.
-Api ? Dot ? Avec
qui ?
-Eh c’est ça le problème. Un
homme d’une quarantaine d’année. Je ne sais pas ce que cette fille nous veut.
-Waouh… C’est pour cela qu’elle a
voulu être avec sa sœur ce week-end ?
-Etre avec sa sœur ? Ela est
allée au Ghana aussi?
-Ghana ?
-Oui, Api est au Ghana actuellement.
Mon Dieu, quel idiot je
suis !
-Ah ok. Euh maman, je suis super
occupé. On se reparle ?
-Bien sûr. A plus.
J’envoie valser tous les
documents sur mon bureau avec rage. Comment j’ai fait pour ne pas voir ce qui
était sous mon nez ? Ils prennent vraiment du plaisir à me faire passer
pour le dernier des imbéciles.
Direction Assinie en espérant
qu’elle soit vraiment à la villa de ses parents.
J’appuie sur la sonnerie. Des
rires me parviennent ensuite des bruits de pas. La porte s’ouvre sur ma femme,
serviette nouée à la taille sur un bikini noir, que je reconnais comme étant son
préféré.
Le choc est tel qu’elle recule en
trébuchant la bouche ouverte.
Au fond, j’entends mon frère
crier :
-Ayehla, c’est déjà le livreur du
restaurant ?
Que quelqu’un lui réponde parce
que j’ai l’impression que ma femme n’a plus les mots.