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Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
21-
Je laisse là le problème de
Pupuce et de bébés. Ma sœur a décidé de nous faire voir double et on n’y peut
rien. On aura bien le temps de penser à tout ça !
Je cours vers MTK. Je vais
chercher encore la robe de rêve.
Je marche assez vite. J’ai
hâte d’avoir cette robe-là sous les yeux. Je la veux rose ou bleue, jolie en
tout cas. Pas décolleté, car mes seins sont tellement sauvages qu’ils
pourraient se retrouver dehors en pleine piste de danse. Donc, pas de
décolleté. Je n’en mets jamais ; alors que Pupuce, elle, aimait bien mettre ses
seins en valeur. Nous avons une grosse poitrine, qui me dérange fortement,
surtout pendant les cours d’EPS. Je préfère mettre mes jambes en valeur parce
qu’elles sont minces et belles. Quand maman me voit habillée en short jean,
elle me dit tout le temps : « j’étais comme toi une époque, jeune et mince.
Regarde-moi aujourd’hui. » ce me fait rigoler. Je me demande ce que je dirai à
ma fille quand elle aura 20 ans et que je me trouverai bien moche face à elle !
Il fait chaud et il y a foule
à la fripe. Les gens se battent devant les tables et les brouettes en bordure
de route, où sont exposés pelle mêle les vêtements. Pardon, je préfère alors me
jeter à l’intérieur, loin de la route et des curieux qui pourraient me
reconnaître. J’arrive là et je tombe sur cette Larissa, l’ex de mon père.
« Huuuummm ! Akendengue, tu
fais quoi ici ? »
« C’est mon anniversaire dans
ce weekend ; je viens m’acheter une robe. »
« Eh ! Les jeunes ! y a quoi
même ! »
« Mais, tata Larissa, j’aurais
18ans. »
« Pardon, ne viens pas
m’appeler tata devant les gens. Est-ce que j’ai l’âge de ta mère ! Allez, tiens
les 50 mille là et disparais. »
« Oh ! Merci Larissa ! Merci.
»
Alors que je la remercie
encore, je vois un blanc qui arrive vers elle et lui passe le bras autour du
cou.
« Alors poupée, avec qui
discutes-tu ? », fait-il après lui avoir donné une tape aux fesses.
« Oh, Louis-Georges, je te
présente Tania, une amie de Toulouse. »
Yo ! Cette femme-là a mis les
pieds à Toulouse, quel jour ? Et moi d’abord, en quelle année ai-je habité en
France ? Jusqu’à preuve de contraire, je ne sors pas en vampire, donc…
« Tania a dû rentrer
précipitamment de France parce que son papa est malade. »
« Oh ! Enchanté de faire ta
connaissance, Tania. Allez poupée, on rentre. »
Yo ! Donc cette go de Sindara
a laissée tomber mon père pour aller faire la vie aux blancs ! Papa ne pouvait
pas lutter. Car vu la manière dont ce blanc-là la bécote alors que je les
regarde s’éloigner, mon père aurait attrapé une rage de dents.
Vraiment, il faut vivre pour
voir ces choses-là ! Bref, je les laisse partir et j’ai envie de rire en voyant
cette Larissa se battre pour avancer avec ses talons aiguilles de 21 cm. Elle
est vêtue d’une jupe en sky, à raz des fesses et sur la tête, elle a des rastas
de couleur bleue qui lui tombe dans le dos. Bref, un véritable sketch ambulant.
Le plus important est qu’elle
m’a donné ces 50 milles francs. Du coût, je décide de me prendre une robe,
Morgan, fin de série, avec une paire de chaussures. Le tout me coûte 30mille.
Je rentre tranquillement à la maison en sifflotant. J’ai bien l’intention de
garder dans ma tirelire les 20mille que maman m’a remis. Avec les autres 20
mille, je vais m’acheter un glosss, un parfum et ma crème Mixa pour le corps.
La vie est belle, tout d’un
coup !
Quand j’arrive à la maison, je
trouve maman dans le salon en grande discussion au téléphone avec quelqu’un que
je ne reconnais pas tout de suite. Je n’ai pas envie d’en savoir plus. Je dois
travailler avec mes amis, donc, le mieux est de ne pas poser de questions pour
ne pas avoir l’esprit embrouillé.
Je vais dans la cuisine et me
sert à manger une assiette de riz accompagné de ragoût aux lentilles. Je
m’assois à la table de derrière pour manger. Je suis là tranquille en train de
bouffer et de pianoter sur mon téléphone, histoire d’envoyer des baisers par
whatsapp à Miro, lorsque Pupuce vient s’assoir à mes côtés. Elle me glisse tout
doucement dans l’oreille :
« Kaba est complètement folle
! Elle pète les plombs au téléphone comme si c’est moi qui ai demandé à Dieu de
m’envoyer deux bébés au lieu d’un. Elle n’y connaît rien en hérédité ! »
Je la regarde sans trop savoir
quoi dire. Elle repose sa tête sur mon épaule et me confie :
« Je suis complètement perdue
Tania. Je sais plus quoi penser. »
« Ne pense pas. Repose-toi et
laisse Dieu faire le reste. Le bac avant tout. »
« Heureusement que tu es là !
», me fait-elle en me posant un bisou sur la joue.
Elle s’en va en douceur, comme
elle est venue.
Je reste là bien décidée à ne
pas poser de question.
Le groupe arrive quelques
instants plus tard alors que maman est partie faire un tour au Super CkDo pour
acheter les noix de cajou que réclament tous les jours à 22heure, les bébés de
Pupuce.
Nous nous installons à la
table de la salle à manger. La bosse peut commencer. Les cerveaux se mettent en
ébullition. Tout le monde a bien sûr arrêté son téléphone. Jacques et Fidolin
sont les garçons les plus acharnés que je connaisse ; ils sont déconneurs quand
il faut mais lorsqu’il s’agit de bosser, on peut compter sur eux. Fidolin a
l’intention de tourner tout Raponda à poil s’il décroche le bac au premier
tour. Jacques, lui, ira danser toute la nuit à La Villa. Il s’interdit d’aller
en boîte de nuit tant que le bac n’est pas passé. Moi, je me gratte la tête et
je prie fort pour avoir ce diplôme. Jileska, elle, est pleine d’assurance et
refuse d’imaginer le pire. Sharonna et Gaëlle se disent que pour elles, c’est
juste une formalité à remplir.
Maman arrive quelques instants
plus tard. Elle a pensé à nous acheter deux grands paquets de chips, histoire
de nous motiver.
Alors que nous continuons de
travailler, Jacques demande à Jileska si elle est libre ce samedi. On comprend
vite que le type a une idée derrière la tête et que la petite lui plait
drôlement. Et elle lâche.
« Au non, je suis à Libreville
ce weekend. »
« A Libreville !! », fais-je
étonnée. « Depuis quand passes-tu des weekends à Libreville. »
Jileska se mord les lèvres et
lance :
« En fait, je viens de
l’inventer. Je… »
« Je comprends », fait
Jacques. « C’est une manière de me dire que tu n’as pas mon temps. »
Elle sourit sans rien ajouter.
Je pense qu’elle aussi, en pince pour lui.
« Qu’est-ce que Pupuce fait
pour son anniversaire ? », demande Gaëlle.
« Je ne sais pas. Je suppose
que nos frères viendront diner avec elle samedi. Maman a dit qu’elle fera à
manger pour vingt. »
« Oh ! en tout cas, si je
m’ennuie, je viendrai manger ici pour fuir un peu la maison. C’est un peu tendu
ces temps-ci. », lance Sharonna.
« Oh ! que se passe t-il ? »
demande Jileska.
« Oh ! les parents se rentrent
dedans ces derniers temps. Je ne sais pas trop ce qui se trame. Mathis et moi,
on regarde et on ne comprend rien. Ca l’énerve même de savoir qu’il va rester
tout seul avec eux quand je serai partie après le bac. C’est moche ! »
« Oh ! Dommage. Tes parents
sont si beaux ensemble », lance Gaëlle.
« Tu regardes trop de films,
Gaëlle », fait Fidolin.
« C’est bizarre que tes
parents se disputent comme ça alors qu’ils sont heureux ensemble depuis plus de
20 ans ! C’est dommage. », fais-je.
« Oui, comme tu dis. Le plus
surprenant, c’est que jamais encore, ils ne se sont disputés comme ça devant
nous. », lance Sharonna.
« Ca ira ! », conclut Jacques.
A 2 3 heures, nous nous
séparons. Le père de Sharonna est là. Il se propose de déposer tout le monde,
même Jileska qui n’habite pas loin. Quand j’arrive dans la chambre, Pupuce est
là, couchée sur le lit ; elle lit un roman de Maryse Condé.
« Je pensais que tu dormais. »
« J’ai pas sommeil. Ce roman
est trop intéressant. Il faut que je le termine. »
« T’as une grossesse assez
particulière, Pupuce. Sais-tu combien de livres, tu as lu depuis que tu es ici
? »
« Je sais pas ; je compte pas.
J’ai envie de lire, c’est tout. »
« Tu y passes des nuits
entières, Pupuce. A ce stade de la grossesse, tu devrais penser à te reposer. »
« Non, j’ai envie de lire. Si
la lumière te dérange, je vais au salon. »
« Non, c’est bon. C’est moi
qui vais dormir au salon. Bonne lecture. »
Cette fille trouve le moyen de
lire 4 romans par semaine alors qu’elle est enceinte et passe le bac dans
quelques semaines ! Je n’en reviens pas. Mais comme elle lisait beaucoup avant,
sa folie des livres en ce moment ne m’inquiète pas plus. Cela même si je pense
qu’elle frôle l’overdose. Si elle ne nous fait pas des enfants intellectuels…
J’envoie des messages à Miro
avant de m’endormir.
Il me répond : « Dors dans mes
bras cette nuit. Je t’aime. »