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Ecrit par Lilly Rose AGNOURET

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Je laisse là le problème de Pupuce et de bébés. Ma sœur a décidé de nous faire voir double et on n’y peut rien. On aura bien le temps de penser à tout ça !

Je cours vers MTK. Je vais chercher encore la robe de rêve.

Je marche assez vite. J’ai hâte d’avoir cette robe-là sous les yeux. Je la veux rose ou bleue, jolie en tout cas. Pas décolleté, car mes seins sont tellement sauvages qu’ils pourraient se retrouver dehors en pleine piste de danse. Donc, pas de décolleté. Je n’en mets jamais ; alors que Pupuce, elle, aimait bien mettre ses seins en valeur. Nous avons une grosse poitrine, qui me dérange fortement, surtout pendant les cours d’EPS. Je préfère mettre mes jambes en valeur parce qu’elles sont minces et belles. Quand maman me voit habillée en short jean, elle me dit tout le temps : « j’étais comme toi une époque, jeune et mince. Regarde-moi aujourd’hui. » ce me fait rigoler. Je me demande ce que je dirai à ma fille quand elle aura 20 ans et que je me trouverai bien moche face à elle !

Il fait chaud et il y a foule à la fripe. Les gens se battent devant les tables et les brouettes en bordure de route, où sont exposés pelle mêle les vêtements. Pardon, je préfère alors me jeter à l’intérieur, loin de la route et des curieux qui pourraient me reconnaître. J’arrive là et je tombe sur cette Larissa, l’ex de mon père.

« Huuuummm ! Akendengue, tu fais quoi ici ? »

« C’est mon anniversaire dans ce weekend ; je viens m’acheter une robe. »

« Eh ! Les jeunes ! y a quoi même ! »

« Mais, tata Larissa, j’aurais 18ans. »

« Pardon, ne viens pas m’appeler tata devant les gens. Est-ce que j’ai l’âge de ta mère ! Allez, tiens les 50 mille là et disparais. »

« Oh ! Merci Larissa ! Merci. »

Alors que je la remercie encore, je vois un blanc qui arrive vers elle et lui passe le bras autour du cou.

« Alors poupée, avec qui discutes-tu ? », fait-il après lui avoir donné une tape aux fesses.

« Oh, Louis-Georges, je te présente Tania, une amie de Toulouse. »

Yo ! Cette femme-là a mis les pieds à Toulouse, quel jour ? Et moi d’abord, en quelle année ai-je habité en France ? Jusqu’à preuve de contraire, je ne sors pas en vampire, donc…

« Tania a dû rentrer précipitamment de France parce que son papa est malade. »

« Oh ! Enchanté de faire ta connaissance, Tania. Allez poupée, on rentre. »

Yo ! Donc cette go de Sindara a laissée tomber mon père pour aller faire la vie aux blancs ! Papa ne pouvait pas lutter. Car vu la manière dont ce blanc-là la bécote alors que je les regarde s’éloigner, mon père aurait attrapé une rage de dents.

Vraiment, il faut vivre pour voir ces choses-là ! Bref, je les laisse partir et j’ai envie de rire en voyant cette Larissa se battre pour avancer avec ses talons aiguilles de 21 cm. Elle est vêtue d’une jupe en sky, à raz des fesses et sur la tête, elle a des rastas de couleur bleue qui lui tombe dans le dos. Bref, un véritable sketch ambulant.

Le plus important est qu’elle m’a donné ces 50 milles francs. Du coût, je décide de me prendre une robe, Morgan, fin de série, avec une paire de chaussures. Le tout me coûte 30mille. Je rentre tranquillement à la maison en sifflotant. J’ai bien l’intention de garder dans ma tirelire les 20mille que maman m’a remis. Avec les autres 20 mille, je vais m’acheter un glosss, un parfum et ma crème Mixa pour le corps.

La vie est belle, tout d’un coup !

Quand j’arrive à la maison, je trouve maman dans le salon en grande discussion au téléphone avec quelqu’un que je ne reconnais pas tout de suite. Je n’ai pas envie d’en savoir plus. Je dois travailler avec mes amis, donc, le mieux est de ne pas poser de questions pour ne pas avoir l’esprit embrouillé.

Je vais dans la cuisine et me sert à manger une assiette de riz accompagné de ragoût aux lentilles. Je m’assois à la table de derrière pour manger. Je suis là tranquille en train de bouffer et de pianoter sur mon téléphone, histoire d’envoyer des baisers par whatsapp à Miro, lorsque Pupuce vient s’assoir à mes côtés. Elle me glisse tout doucement dans l’oreille :

« Kaba est complètement folle ! Elle pète les plombs au téléphone comme si c’est moi qui ai demandé à Dieu de m’envoyer deux bébés au lieu d’un. Elle n’y connaît rien en hérédité ! »

Je la regarde sans trop savoir quoi dire. Elle repose sa tête sur mon épaule et me confie :

« Je suis complètement perdue Tania. Je sais plus quoi penser. »

« Ne pense pas. Repose-toi et laisse Dieu faire le reste. Le bac avant tout. »

« Heureusement que tu es là ! », me fait-elle en me posant un bisou sur la joue.

Elle s’en va en douceur, comme elle est venue.

Je reste là bien décidée à ne pas poser de question.

 

Le groupe arrive quelques instants plus tard alors que maman est partie faire un tour au Super CkDo pour acheter les noix de cajou que réclament tous les jours à 22heure, les bébés de Pupuce.

Nous nous installons à la table de la salle à manger. La bosse peut commencer. Les cerveaux se mettent en ébullition. Tout le monde a bien sûr arrêté son téléphone. Jacques et Fidolin sont les garçons les plus acharnés que je connaisse ; ils sont déconneurs quand il faut mais lorsqu’il s’agit de bosser, on peut compter sur eux. Fidolin a l’intention de tourner tout Raponda à poil s’il décroche le bac au premier tour. Jacques, lui, ira danser toute la nuit à La Villa. Il s’interdit d’aller en boîte de nuit tant que le bac n’est pas passé. Moi, je me gratte la tête et je prie fort pour avoir ce diplôme. Jileska, elle, est pleine d’assurance et refuse d’imaginer le pire. Sharonna et Gaëlle se disent que pour elles, c’est juste une formalité à remplir.

Maman arrive quelques instants plus tard. Elle a pensé à nous acheter deux grands paquets de chips, histoire de nous motiver.

Alors que nous continuons de travailler, Jacques demande à Jileska si elle est libre ce samedi. On comprend vite que le type a une idée derrière la tête et que la petite lui plait drôlement. Et elle lâche.

« Au non, je suis à Libreville ce weekend. »

« A Libreville !! », fais-je étonnée. « Depuis quand passes-tu des weekends à Libreville. »

Jileska se mord les lèvres et lance :

« En fait, je viens de l’inventer. Je… »

« Je comprends », fait Jacques. « C’est une manière de me dire que tu n’as pas mon temps. »

Elle sourit sans rien ajouter. Je pense qu’elle aussi, en pince pour lui.

« Qu’est-ce que Pupuce fait pour son anniversaire ? », demande Gaëlle.

« Je ne sais pas. Je suppose que nos frères viendront diner avec elle samedi. Maman a dit qu’elle fera à manger pour vingt. »

« Oh ! en tout cas, si je m’ennuie, je viendrai manger ici pour fuir un peu la maison. C’est un peu tendu ces temps-ci. », lance Sharonna.

« Oh ! que se passe t-il ? » demande Jileska.

« Oh ! les parents se rentrent dedans ces derniers temps. Je ne sais pas trop ce qui se trame. Mathis et moi, on regarde et on ne comprend rien. Ca l’énerve même de savoir qu’il va rester tout seul avec eux quand je serai partie après le bac. C’est moche ! »

« Oh ! Dommage. Tes parents sont si beaux ensemble », lance Gaëlle.

« Tu regardes trop de films, Gaëlle », fait Fidolin.

« C’est bizarre que tes parents se disputent comme ça alors qu’ils sont heureux ensemble depuis plus de 20 ans ! C’est dommage. », fais-je.

« Oui, comme tu dis. Le plus surprenant, c’est que jamais encore, ils ne se sont disputés comme ça devant nous. », lance Sharonna.

« Ca ira ! », conclut Jacques.

 

A 2 3 heures, nous nous séparons. Le père de Sharonna est là. Il se propose de déposer tout le monde, même Jileska qui n’habite pas loin. Quand j’arrive dans la chambre, Pupuce est là, couchée sur le lit ; elle lit un roman de Maryse Condé.

« Je pensais que tu dormais. »

« J’ai pas sommeil. Ce roman est trop intéressant. Il faut que je le termine. »

« T’as une grossesse assez particulière, Pupuce. Sais-tu combien de livres, tu as lu depuis que tu es ici ? »

« Je sais pas ; je compte pas. J’ai envie de lire, c’est tout. »

« Tu y passes des nuits entières, Pupuce. A ce stade de la grossesse, tu devrais penser à te reposer. »

« Non, j’ai envie de lire. Si la lumière te dérange, je vais au salon. »

« Non, c’est bon. C’est moi qui vais dormir au salon. Bonne lecture. »

Cette fille trouve le moyen de lire 4 romans par semaine alors qu’elle est enceinte et passe le bac dans quelques semaines ! Je n’en reviens pas. Mais comme elle lisait beaucoup avant, sa folie des livres en ce moment ne m’inquiète pas plus. Cela même si je pense qu’elle frôle l’overdose. Si elle ne nous fait pas des enfants intellectuels…

J’envoie des messages à Miro avant de m’endormir.

Il me répond : « Dors dans mes bras cette nuit. Je t’aime. »

       
PUPUCE- (tome 1)