22
Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
22-
Vendredi matin, alors que je
suis dans la cuisine en train de faire la vaisselle, en chantant, ma mère
arrive. Elle ne travaille pas ce matin. Les enseignants sont en grève. J'ai la
chance d'être d'un collège privé, car nos professeurs ne font pas grève.
« J'ai reçu tes beaux-parents
hier. »
« C'est quoi cette histoire !
»
« J'ai appelé ta fameuse
belle-mère, Cassandra. Elle est passée en fin de journée avec son époux. Tu
étais chez Jileska à ce moment-là. »
« Et, pourquoi les as-tu
appelés ? »
« Je voulais discuter avec
Cassandra avant votre départ pour Libreville. Tu les as déjà rencontrés, mais
moi, jamais. Alors je voulais m'assurer que tout ira bien. »
« Ok. Et ils sont venus ici. »
« Oui, juste histoire de faire
connaissance. Leur fils est amoureux ; ils veulent s'assurer que tout va bien
de ton côté. »
« Donc Cassandra a accepté de
venir ici !!! ce doit être la curiosité qui l'a emmenée ici. Ça m'étonne d'elle
! »
« Oh ! C'est vrai que j'ai eu
l'impression que c'est Rico, le père de Miro, qui voulait me rencontrer.
Apparemment, ma chérie, leur fils leur a dit qu'il a l'intention de faire de
toi son épouse. »
« Oh ! Je ...Je... »
« Pas la peine de bégayer avec
moi, je ne fais que te rapporter ce qu'ils m'ont dit. Ils disent qu'il a déjà
eu des petites amies, mais que tu es la première à laquelle il tient autant. »
« Bon...je...Euh ! »
« Tout d'un coup, tu ne sais
plus quoi dire, toi que je connais bavarde. »
« Mais que veux-tu que je te
dise, maman. Je sais qu'il discute avec ses parents ; je suis juste étonnée
qu'ils en sachent autant. »
« Donc, si je comprends bien,
Miro ne t'a jamais rien dit de tel ? »
« Maman ! J'en sais rien, moi.
Je... »
« Écoute, je n'ai pas envie de
discuter à tort et à travers. Ce que je veux te faire comprendre, c'est que ce
garçon t'aime et veux faire un long chemin avec toi. De grâce, ma chérie,
comporte-toi sainement et dignement avec lui. »
« Mais maman, je n'ai jamais
eu de comportement indigne avec lui ! »
« Je sais comment tu es, je le
sais. Ce que je veux, c'est que tu ne changes pas. Ne te laisse jamais
influencée, d'accord. »
« Je ne comprends rien à ce
que tu veux m'entendre dire, maman. »
« Viens, suis-moi. Je vais te
confier quelque chose. »
Je laisse la vaisselle et suis
ma mère jusque dans sa chambre. Arrivée là, elle ferme la porte et me conduit
vers son lit. Nous nous asseyons là, l'une à côté de l'autre. Ça m'inquiète un
peu alors, je luis dis :
« Maman, qu'as-tu de si secret
à me dire ? Tu m'inquiètes. »
« Je voulais juste te dire que
quelles que soient les circonstances, reste tranquille. Ces gens que j'ai
rencontrées, sont vraiment très bien. De même pour leur fils. J'aimerais que tu
fasses très attention, ma chérie. Dis-en le moins possible à tes amis.
Cultive-toi un jardin secret. »
« Mais maman, mes copines sont
géniales ! Jamais, il ne leur viendrait l'idée de me chipper Miro !!! »
« Ma fille, écoute-moi quand
je te parle. Je me fais peut-être des films, mais je veux juste que tu sois
vigilante jusqu'au jour où enfin, tu auras la bague au doigt. »
« Ah, ok. Je vois que ton
esprit est déjà loin, ma petite maman. Ce jeune homme t'a vraiment mise dans la
poche. »
« Comme tu dis, j'avoue que
j'aime beaucoup Miro. Il est intelligent et bien élevé. A moins, je n'aurais
pas à me battre avec la mauvaise éducation d'un pauvre type que tu aurais
ramassé, je ne sais où. »
« Ok, madame ma mère. Mais je
te signale que je suis encore loin de me marier. Je dois d'abord finir mes
études et trouver du travail. Ensuite, on verra. »
« Laisse Dieu en décider, ma
chérie. Laisse Dieu en décidé. Tiens, je voulais te remettre ceci. »
« Qu'est-ce que c'est ? »
« Ton cadeau, ma fille.
Ouvre-le. »
J'ouvre le petit paquet que
m'a remis ma mère et je me retrouve avec un très beau bijou entre les mains.
Une chaîne en or avec un pendentif en forme de dauphin.
« Oh, comme c'est beau ! Merci
maman. Mais, ça dû te coûter une petite fortune. »
Elle me regarde alors
intensément. Puis, son regard se perd dans le vide. Un silence nous envahit. Je
le romps en disant :
« Maman, tu es avec moi ?
Maman... »
« Je ne sais pas, ma chérie.
je...en fait, la visite des parents de Miro m'a bouleversée. Je...Je. »
Elle s'arrête de nouveau et
son regard se perd encore dans le vide. J'ai comme l'impression qu'il y a
quelque chose qui lui pèse sur le cœur. Je dois me dépêcher d'aller me
préparer, mais je préfère rester là. Du moins, je n'aurais pas les idées
claires tant que je ne saurais pas ce à quoi pense maman.
« Maman, qu'est-ce qu'il y a ?
Tu sembles tout d'un coup sur une autre planète.
« J'ai acheté ce bijou il y a
26 ans. »
« Non, sans blague ! Et tu
l'as conservé toutes ces années ! »
« J'avais 22 ans, lorsque je
l'ai acheté. Je comptais le porter le jour de mes fiançailles. Elles n'ont
jamais eu lieu, alors, j'ai gardé ce bijou, comme ça, car je ne savais quoi en
faire. »
« Euh, sois plus claire maman.
Tu t'es fiancée à 22 ans !« Cette imbécile de Larissa que tu as revue au marché
et qui était avec ton père ! »
« Bien, je crois qu'il faut
que je te raconte tout. Je fais comme une crise d'angoisse depuis hier. C'est
peut-être bête, mais je ne sais pas pourquoi, J'ai l'impression de revivre une
scène de ma jeunesse. »
« Mais encore, maman ? Sois
claire. »
« Cette imbécile de Larissa
que tu as revue au marché et qui était avec ton père !»
« Oui, Larissa, oui. Je
t'écoute. Que vient-elle faire dans la conversation ? »
« Elle et moi étions amies
autrefois. »
Yo !!!! C'est quoi cette
histoire !!! Me voilà qui saute du lit tellement je tombe des nues.
« Mais maman, si Larissa n'a
que 35 ans, elle ne peut pas être ton amie d'enfance !
« Chérie, j'ai 48 ans
aujourd'hui. Et si cette chère Larrisa a 35 ans, je me coupe une jambe tout de
suite ! Elle a 2 ans de plus que moi. Nous avons été à l'école ensemble. Elle
arrivait de Mandji Ndolo avec sa mère. Sa fameuse mère ! »
« Yo ! Mais maman, c'est pas
possible ! Larrissa ne peut pas avoir 50 ans ! Non, ce n'est pas possible. Elle
est encore toute fraîche et...»
« Ma fille, laisse tomber tout
cela. Elle s'est fait refaire les seins ! Elle n'a jamais eu d'enfant, donc,
elle est bien conservée. Mais elle a 50 ans. »
« Non, là, balance la doc, la
vieille, parce que je suis que dépassée. »
« Bien, j'avais 20 ans. Un
homme blanc est tombé follement amoureux de moi. Le type était directeur d'un
grand magasin de Port-Gentil. Il venait de Toulouse. Il m'offrait des bijoux,
il m'achetait les vêtements les plus beaux. Il me donnait de l'argent. Je ne
manquais de rien avec lui. Le type était tellement fou de moi, qu'e deux ans
après notre rencontre, il a demandé ma main aux parents, parce qu'il devait
rentrer en France et voulait m'emmener avec lui. »
« Et que s'est-il passé, maman
? Pourquoi ne t'es-tu pas mariée ? »
« La copine que j'avais m'a
joué le coup du siècle. J'étais jeune et naïve. Elle était comme une grande
sœur. Votre mère Agnès était trop jeune pour écouter mes histoires de cœur ;
c'est donc à Larissa que je me confiais. Il se trouve que la mère de Larissa
était une grande féticheuse. Les gens allaient la voir pour tout et n'importe
quoi. Les femmes allaient la voir pour attacher les hommes et les hommes allaient
la voir pour rendre leurs femmes maboules d'amour pour eux ; tu comprends. »
« Oui, je vois que les choses
n'ont pas changé aujourd'hui, c'est pareil ! »
« C'est justement là où je
voulais en venir ! Sois vigilante ma chérie et surtout ne te laisse entraîner
par personne vers ces pratiques-là. Miro t'a aimé simplement comme tu es. Reste
telle quelle et ne cherche pas d'artifices pour le rendre dingue et l'attacher.
»
« Maman, que s'est-il passé
entre Larissa et toi ? Aujourd'hui, vous vous parlez à peine ! Si tu ne m'en
parlais pas maintenant, jamais je n'aurais parié que vous vous connaissiez
avant qu'elle n’atterrisse dans la maison de papa. »
« J'ai été bien bête ma
chérie. Ce type était fou de moi. Il subvenait à mes besoins. Il m'avait logé
dans cet immeuble-là, en face du lycée d'état, le Lagon Bleu. J'étais
tranquille. Mon avenir était tracé : on devait se marier et s'envoler pour la
France. Tes grand-parents avaient déjà acheté toute la boisson pour les
fiançailles. Elles n'ont jamais eu lieu. »
« Pourquoi, maman ? Que
s'est-il passé ? »
« J'étais heureuse, au comble
du bonheur. Une sage-femme venait de m'annoncer que j'étais enceinte. Quand
j'ai annoncé la nouvelle à ce type, il est allé voir mes parents et leur a dit
qu'on oubliait les fiançailles et qu'il voulait que l'on célèbre directement le
mariage. Donc, nous devions nous marier à la coutume et à l'ambassade de
France, à Libreville. Mais, je ne sais pas pourquoi et comment je me suis
laissée manipuler par Larissa. Elle m'a convaincue utilisée un soi-disant
parfum que sa mère avait spécialement préparé pour moi. Elle m'a remis un petit
flacon que je devais me pulvériser avant de me mettre au lit avec mon fiancé.
J'ai bêtement cru quand elle m'a dit que cela allait réveiller les sens de mon
fiancé et le rendre plus fougueux au lit. J'ai été bien bête ! »
« Oh ! Je vois. Je parie
qu'elle t'a joué un mauvais tour qui a fait fuir ton fiancé. »
« Oh, figure-toi, que le
fameux parfum était composé des sécrétions vaginales de Larissa. Elle se lavait
l'entre-jambe et gardait cette eau en vue de faire ce fameux parfum. Donc,
quand j'ai à trois reprises utilisé ce parfum, c'était l'odeur de Larissa qui
ensorcelait mon fiancé. C'est comme ça qu'il m’a laissé tomber du jour au
lendemain et a commencé à suivre Larissa comme un chien. Garde bien cette image
en tête : on avait vraiment un chien collant cette fille à la trace. Une
semaine avant la date prévue de mon mariage, elle et lui ont pris l'avion pour
Toulouse. Je suis restée là, à Port-Gentil, avec mes larmes et mes souvenirs.
J'ai été tellement secouée par cet abandon de la part de mon fiancé et cette
tromperie de la part de celle que je voyais comme une sœur, que j'en ai perdu
mon bébé. A la suite de cet événement malheureux, j'ai appris que je ne pourrais
plus avoir d'enfant. »
« Maman ! Comme c'est triste !
Je ne savais pas que tu avais vécu ce genre de chose ! Et je m'étonne que Kaba
qui parle toujours à tort et à travers ne nous ai jamais divulgué tout cela. »
« Mais pourquoi n'as-tu jamais
essayé de refaire ta vie, maman ? Tu vois, elle n'est pas si méchante que ça !
J'ai gardé mes douleurs en moi. Et j'ai loué Dieu quand votre mère a accepté de
me donner un enfant. »
« Mais pourquoi n'as-tu jamais
essayé de refaire ta vie, maman ? A part tonton Steeve avec lequel nous avons
vécu quand j'étais au jardin d'enfants, depuis, rien. »
« Je ne sais pas ; Je ne sais
pas Tania. Je suis heureuse comme ça ! »
« D’accord, si tu le dis. Mais
dis-moi. Comment se fait-il que Larissa ait atterri il y a 3 ans dans la vie de
papa ? Elle ne ressemblait en rien à quelqu'un qui a vécu en France ? Elle
était fauchée comme un rat d'église et vénale avec ça ! Mon pauvre papa. »
« Eh ben, je crois que la
chicote de Dieu lui est tombée dessus. Parait qu'elle a vécu la belle vie pendant
10 ans à Toulouse. Jusqu'au jour où sa mère est morte. Elle ne pouvait donc
plus recevoir ses petits colis de feuilles pour se laver le corps. Le blanc
qu'elle m'avait volé, l'a mis à la porte. Elle a atterri dans la rue. Elle
était tellement bête en classe, qu'arriver là-bas, elle n'a même pas eu la
présence d'esprit de s'inscrire dans un centre de formation pour apprendre un
métier. Elle a soi-disant fait des petits boulots. Mais je pense qu'elle s'est
prostitué. Et pour finir, elle s'est choppé un milliardaire anglais, qui lui payé
la fameuse chirurgie esthétique pour augmenter sa poitrine. Mais là aussi, le
type l'a balancé après l'avoir consommée. Elle a donc trouvé le moyen de
rentrer au Gabon. Mais, tiens-toi bien, elle n'avait que des robes de soirée
dans ses valises. Pas un sou, ni un diplôme et encore moins l récit de la vie
en rose à nous raconter. Elle n'a jamais mis les pieds ici car elle a honte ;
et je ne peux vraiment pas la sentir.»
« Je suis vraiment désolée
pour toi, maman. »
« Ne le sois pas, ma chérie.
Je suis heureuse car je t'ai. Le reste appartient au passé. J'ai juste eu cette
crise d'angoisse dans la nuit à tel point que je n'en ai pas dormi. Sis
vigilante. »
« Il ne m'arrivera rien,
maman. Mes amies n'ont pas l'esprit tordu. »
« D'accord, ma chérie.
Maintenant, va te préparer pour l'école. Tu vas être en retard. »
Je sors dans la chambre de ma
mère, avec cette chaîne en or autour du cou. Je suis tellement heureuse que je
ne veux en aucun cas me gâcher la vie en étant suspicieuse vis-à-vis de mes
amies. Il ne m’arrivera rien, car mes copines ne sont pas aussi sottes que
Larissa.