23- Les couleurs de nos amours

Ecrit par lpbk

Je n’arrive pas à fermer les yeux.

Elle est quoi ?

Hummm…

Quand on dit que la femme c’est le diable ! Tina c’est pire !

Elle est quoi ?

C’est la 3ème fois que je l’appelle et elle ne décroche toujours pas. Elle veut me faire croire qu’elle est dans les bras de son fiancé ?

Seigneur, il faut que je me calme. Il faut que je me calme !

Je n’y arrive pas !

J’enfile un tee-shirt et je sors en faisant bien attention à ne pas réveiller Nowa. Il faut que je voie Calvin.

 

Ding dong

Bam bam bam

Bam bam bam

Ding dong

« Oh j’arrive ! »

Il ouvre la porte. J’entre.

« Rudy ? Tu fais quoi là à cette heure ? »

Calvin me demande la même chose mais avec le regard.

« Il faut que je te parle. »

« Ca ne peut pas attendre … demain par exemple ? »

« Non ! »

« Ça va ? Tu as l’air perdu. », remarque Iris.

« Iris va te coucher. Je te rejoins. »

Iris vient m’embrasser.

« Je ne sais pas ce que tu as mais j’espère que ça ira. Bonne nuit. »

« Merci Iris. »

Elle retourne dans la chambre.

« Tu vas me dire ce qui ne va pas ? »

« Mets un tee-shirt. Je ne peux pas parler ici. »

« Tu as commis un meurtre ou quoi ? », me dit-il ne comprenant rien à mon attitude.

« Calvin ! Tu es mon frère ! »

« Rudy … »

« Tina est enceinte. »

Bam !

Il vient de me donner un coup dans l’estomac. Et à vrai dire je ne m’y attendais pas du tout.

« Tu es juste un connard ! »

« Je sais ! Mais là j’ai besoin de mon frère. », dis-je en lui tendant une main signe de la détresse dans laquelle je me trouve.

« Viens on va dehors ! », dit-il.

Il retourne mettre un tee-shirt et revient avec ses clés de voiture.

Nous traversons les couloirs en silence. Nous descendons au parking en silence. Nous restons dans la voiture. Silencieux. Ce silence commence à peser sur moi.

« Calvin, je … »

« Je n’ai vraiment pas envie de t’entendre me dire que tu ne sais pas ce qui est arrivé. Contente-toi de répondre à mes questions. »

Il soupire.

« C’était quand et où ? »

J’ai honte de moi.

« Le soir de notre partie de jeux vidéo. Chez moi. »

« Tu es un beau salop ! »

« Calv… »

« La ferme Rudy ! Tu le sais depuis quand ? »

« Ce soir ! »

« Et Nowa ? »

Nowa !

« Je te le demande encore. Et Nowa dans cette histoire ? Je te l’avais dit. Je t’avais prévenu. Mais tu es tellement convaincu d’être un tombeur que tu ne veux rien entendre. Et d’où vient-il que tu n’utilises pas de préservatif avec elle ? »

« Je sais que j’ai merdé ! »

« Non, tu ne sais rien ! Tu as tout gâché. Tu as pensé à moi ? Tu as pensé à ce qu’Iris va s’imaginer ? Et tu as pensé à Nowa ? Tu étais là la bouche en sucre à vouloir faire des plans alors que tu te rachetais juste une bonne conscience. »

« Ce n’est vraiment pas ce que j’ai envie d’entendre à ce moment ! Je me barre. »

Je sors de la voiture en claquant la porte. A quoi servent les potes ? J’ai déjà suffisamment mauvaise conscience s’il veut savoir.

« Eh mon petit père qu’est-ce que tu croyais ? Tu pensais que j’allais applaudir ? Tu te trompais. Tu es juste un enfoiré Rudy. », me crie Calvin en me suivant.

Je continue d’avancer poings formés. Je respire tant que je peux. Je veux oublier. Je veux revenir en arrière.

« Tu m’écoutes Rudy ? Et maintenant j’espère que tu as un plan. Allez vas-y raconte-moi ! Tu sais quoi Nowa avait raison de te fuir depuis le début. », me crache-t-il en me retenant par l’épaule.

« Arrête Calvin ! »

« T’es pas bien toi ? Et si jamais elle t’avais refilé une MST. T’es là avec tes grands airs à traiter Loïc de pute alors que tu es pire. »

Non là c’est bon. Il dépasse les limites du supportable pour moi. Je lui décroche un coup de poing. Il se tord de douleur. M’en donne un aussi. Voilà comment je me retrouve à me battre avec mon frère dans un parking à une heure bien avancée de la nuit.

Bam !

Bam bam !

« Enfoiré ! Frappe-moi ! »

Bam !

Je respire fort. Mon meilleur ami est au sol en train de lécher le sol  tellement il a mal. Moi aussi j’ai mal. Sauf que ma douleur à moi, elle est morale. J’appuie sur le bouton de l’ascenseur alors qu’il est en train de tenter de se lever.

« Félicitations Rudy ! Tu vas être papa ! », me lance-t-il en faisant la grimace alors que les portes se referment.

 

Boxer c’est bien. Ça défoule. Mais sans les gants c’est douloureux.

Je regarde ma main droite. Elle me fait horriblement mal. Je vide mon verre de whisky et je m’en sers un autre que je termine aussitôt. Je relis ce message une bonne centaine de fois. Je tente une nouvelle fois de l’appeler mais rien. Je finis par lui laisser un message. « Il faut qu’on discute. »

 

Je sens son souffle chaud caresser mon visage. Des relents de dentifrice. J’entends les échos de son cœur. J’ouvre les yeux.

« Aïe »

Ma tête me fait terriblement souffrir. Je ferme les yeux ; les images de la nuit dernière défilent.

« Tu m’embrasses ? »

« Pas avant que tu n’ai pris un bain. Tu pues l’alcool. »

C’est plus un reproche qu’un constat au son de sa voix.

« Désolé. »

« Prends ça ! », ordonne-t-elle en me passant du doliprane et un verre d’eau.

J’avale aussitôt le cachet.

« Je ne vais pas pouvoir aller travailler ce matin. Tu as quelque chose à faire ? »

« Mis à part m’occuper de mon alcoolo de chéri tu veux dire ? »

Touché !

« Nowa ! »

« Tu as de la chance d’avoir mal à la tête crois-moi ! Bref je dois travailler sur les cartons de ma sœur, passer deux trois coups de fil pour trouver une personne capable de les réaliser. Ensuite, je vais voir ma grand-mère. »

Je la suis jusque dans la chambre où je la regarde s’apprêter quand elle sort de la salle de bain. Elle se passe un baume sur le corps. Quand elle finit, elle enfile une petite culotte noire assortie à un soutien-gorge. Un de mes tee-shirts et elle s’installe derrière mon bureau pour travailler.

Deux heures après, alors que je me suis assoupi, je l’entends sa voix lointaine. Je sens la chaleur de son corps près de moi puis plus rien. C’est le noir total.

 

Nowa NYANE

Je sors de l’appartement en catastrophe. Déjà 11h alors que j’avais promis à mamie d’être là dans la matinée. Je suis sûre qu’elle est déjà en train de faire la tête.

Comme d’habitude à cette heure, les taxis se font prier. Si seulement celui-là n’avait pas vidé la moitié de la bouteille, il aurait pu m’accompagner. Je n’ai pas le temps de finir de penser, un taxi dépose deux dames. Il faut que je l’attrape… trop tard un connard a déjà sauté dedans.

« Où est donc passé la galanterie ? »

Une voiture est garée juste devant moi. Et son conducteur est en train de me parler.

« Je me le demande aussi ! »

« Montez, je vous dépose. »

Ah non monsieur !

« Je ne suis pas un proche de Jack l’éventreur je vous rassure. », lance-t-il un sourire collé sur ses lèvres.

Et il se croit drôle en faisant ce genre d’allusion ?

Je regard ma montre. 11h28.

« Humm.. »

Biiip !!!

« Ils s’impatientent derrière. Allez monter ! »

Il a raison. Et puis même si je dois mourir ; mamie pourra dire que c’était en allant lui rendre visite. Elle s’en voudra pour le reste de sa vie et elle me fera une belle oraison funèbre.

« Alors à qui ai-je l’honneur ? »

Je savais !

« Nowa et vous ? »

« Vous allez trouver ça marrant mais je m’appelle Noah ! Enchanté homonyme. », me dit-il en tendant la main.

Il ne manquait plus que ça.

« Vous vivez dans le quartier ? »

Ah les pseudos flics de Babi.

« Non ! J’étais chez un ami à la résidence Séquoia. »

« Encore une coïncidence. J’y réside. »

Ca va de mal en pire.

« Alors Nowa, je te dépose où ? »

Je lui indique où je dois me rendre en priant pour qu’il ne me dise pas que c’est chez le voisin qu’il se rend.

Noah vit au dernier étage de l’immeuble. J’imagine la vue qu’il doit avoir à cette hauteur et la terrasse ; elle doit être immense. Il est ingénieur en électricité, béninois et vient de s’installer à Abidjan. C’est un peu le genre d’hommes que les femmes doivent s’arracher. C’est un genre de … Rudy ! Oui, le genre de gars à passer des heures à faire du sport, je genre à vous axphysier sous des centaines de kilo de compliments. Sauf que lui il a presque la même taille que moi. Il est un peu plus grand que moi j’avoue. En fait c’est un tombeur. J’ai déjà le mien !

Je ne sais trop comment mais je finis par lui laisser mon numéro. Je n’ai clairement aucune intention vis-à-vis de lui. Mais dans son genre, il me plait bien. Il est charmeur, drôle. Il a tout pour plaire il faut le dire. Je pense qu’on pourrait devenir de bons amis.

 

« saudação* !»

« Je boude ! »

« Mais pourquoi mamie ? »

« Parce que tu me négliges ! »

« Mais non ma belle ! C’est juste la vie qui me manque de respect mamie. Je n’arrive toujours pas à trouver du boulot et actuellement, je suis dans le rouge à la banque. »

« Viens t’assoir avec moi ! »

Je m’assois et je pose ma tête sur son épaule.

« Ils sont où les vieux ? »

« Attention tu parles à une vieille ! »

« Mais non ! Você é diferente*. »

« Obrigado* ! »

« Mamie ! »

« Oui Nowa ! »

« C’était comment avec grand-père ? »

Elle soupire ! Je me redresse pour la regarder.

« Tu veux la belle histoire ou la vraie histoire ? »

« Mais comment ça la belle histoire ? », demandais-je.

« Mais oui mon bébé ! Il y a cette histoire d’amour qu’on raconte à tout le monde. Celle qui donne l’air d’être dans un conte de Disney. Celle où nous avons été heureux avec nos enfants mais il y a aussi cette histoire que presque personne ne connait. Celle dans laquelle ton grand-père me trompait avec une bonne dizaine de femmes. Il y a cette histoire dans laquelle le soir, je m’enfermais dans ma chambre pour pleurer en silence. Alors laquelle voudrais-tu que je te raconte aujourd’hui ? »

Comme le dit le dicton tel père tel fils. Tout à coup, je ne me sens pas de l’entendre me raconter à quel point mon grand-père était un salop. Je veux continuer à croire qu’elle a été le seul et le grand amour de sa vie. Je suis une grande rêveuse je pense.

« Laisse tomber mamie. »

C’est l’heure de passer à table. Nous rejoignons mes parents à l’intérieur.

Je les salue cordialement et je m’installe.

Personne ne parle. On entend juste tinter les couverts sur la porcelaine. C’est super dérangeant.

« Oula l’ambiance de cimetière ! », lançais-je.

Mes parents se tournent vers moi puis chacun retourne à son assiette.

Mais pourquoi ne divorcent-ils pas une bonne fois pour toute au lieu de rester là à se faire chier.

Je suis tellement dépassée que quand mon téléphone vibre sur la table, je ne me gêne pas à l’attraper. De toutes les façons nous sommes là chacun à vivre sa vie. Je vis la mienne. Je réponds à mes messages.

« Elle va bien ta grand-mère ? »

« Oui. Et toi ? »

« Mieux. Tu me manques. »

Je lâche définitivement ma fourchette. Je souris aux anges.

« Tu dors ici ce soir ? »

« Je ne sais pas. Pourquoi ? »

« Parce que je veux dormir près de toi. »

Nouveau sourire.

« T’aurais pu hier ! »

« Tu souris à qui ? », me demande ma grand-mère.

« A mon mec mamie. »

« Quoi ? »

« Hein ? »

Je plaque directement ma main sur ma bouche. Je les avais complètement oublié ces deux-là. Quand je lève la tête, je vois leurs gros yeux sur moi. Je souris.

« C’est quoi cette histoire de copain Nowa ? », interroge maman.

Elle veut que je lui dise quoi ? Un copain est un copain maman ! Bon sang, tu veux savoir quoi encore ?

« Au cas où ça t’échapperait, j’ai 25 ans et je suis plutôt belle. Donc voilà, il y a un homme dans ma vie. »

« Depuis quand ? », continue-t-elle.

« Mais arrête un peu avec tes questions Moëra. »

« Je veux juste savoir un peu plus sur la vie de ma fille. N’ai-je pas le droit ? »

« Si ! », répond mamie.

Mon père lui est toujours aussi silencieux. Il fait semblant de ne pas nous écouter je suis sûre.

« Nowa ? »

« Maman ?! »

« Alors ? »

« Excuse-moi maman mais vois-tu je n’ai pas vraiment envie de partager cela avec toi. »

« Nowa ! », crie papa.

« Quoi ? C’est bien mon droit non ? »

« Laisse Luis ! Elle a raison. Elle a parfaitement raison. »

Elle quitte la table et on entend la porte de sa chambre se refermer.

Papa me regarde.

« Tu vois dans quel état tu la mets ? »

« Tu te fiches de moi ou quoi ? Tu l’as mis dans cet état bien avant moi. »

Et de deux ! Papa quitte la table à son tour. Je reste avec mamie.

C’est toujours comme ça dans cette maison. Personne ne te demande jamais rien mais quand ils ont le malheur de s’intéresser un peu à toi eh bien, tu as intérêt à coopérer sinon c’est toi la méchante. Je n’ai pas le temps de m’occuper de leurs états d’âme. Qu’ils aillent se faire foutre tous les deux. Ou mieux qu’ils attendent miss parfait. Elle saura leur remonter le moral.

« Ecoute-les ! Toujours à se disputer ! »

« Tu ne préfères pas qu’on aille faire un tour mamie ? »

« Si ! Comme ça tu me parleras de ce jeune homme. Je parie qu’il s’appelle Rudy quelque chose. »

« Il s’appelle Rudy EYA. »


saudação* : salut

Você é diferente* : tu es différente

Obrigado* : merci




Les couleurs de nos...