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Ecrit par lpbk
— Zo-é ! Zoé !
Elle parvenait enfin à s’endormir quand sa mère entra en furie
dans la chambre. Décidément, chaque membre de sa famille débarquait dans son
intimité sans y avoir été invité. Zoé songea à suspendre une
pancarte do not disturb comme dans les hôtels. Ou encore,
coller des stickers délimitant la chambre de Zoé comme une zone à ne pas
franchir telle une jeune en pleine crise d’adolescence ; mais elle savait
pertinemment que les notions d’intimité et de respect de la vie privée étaient
inexistantes chez les Sia. Sa mère lui rappellerait que tant qu’elle vivait
sous son toit, s’éclairait à son électricité et se lavait grâce à son eau, elle
devrait se plier à ses règles. Autrement, la porte était grande ouverte.
D’ailleurs, elle prenait un malin plaisir à ouvrir réellement celle de l’entrée
quand l’une de ses filles se sentait pousser des ailes.
— Oui maman ! répondit Zoé la voix encore enrouée.
— J’ai croisé la vieille dame du 12e, tu sais celle que je
vois souvent quand je vais au marché le samedi.
— Oui et ?
— Et tu sais ce qu’elle m’a dit ?
Épuisée, Zoé s’était de nouveau assoupie.
— Lève-toi ! hurla sa mère.
— Quoi ?
Zoé se réveilla en sursaut.
— Où étais-tu hier soir ?
— Je t’ai prévenue que je bossais pour un cours très
important.
— La dame du 12e t’a vue sur une moto avec un garçon. Je
n’aime pas ça Zoé. Je n’aime pas ça du tout.
Et merde, pensa Zoé. La vieille voisine du 12e avait au moins
quatre-vingts ans. Impossible qu’elle ait aperçu quoi que ce soit de chez elle.
Que foutait-elle dehors à minuit passé alors ? Était-ce important ?
Vraisemblablement, sa mère était au courant que Zoé était bien avec Vincent et
rien que pour ça elle aurait des problèmes.
— Tu m’entends ? Je ne t’ai pas envoyé à l’école pour que
t’ailles courir les rues avec des garçons.
— Maman, je travaillais. Le temps est passé trop vite, il n’y
avait plus de trains et donc il a gentiment proposé de me raccompagner. S’il
n’avait pas été là, j’aurais dormi sous un pont.
— Tu mens, elle t’a vu l’embrasser.
— Quoi ?
Face à ce mensonge éhonté, Zoé avait bondi hors de son lit.
— Mais c’est faux maman, je te jure, poursuivit-elle.
Face à la réaction de Zoé, le visage de sa mère s’était détendu.
Elle venait une fois de plus d’user d’une de ses stratégies préférées :
prêcher le faux pour savoir le vrai.
— Hum, bon je te crois, mais évite de rentrer trop tard.
— O… OK.
Sa mère quitta la pièce.
Ce sursaut d’adrénaline avait maintenu Zoé éveillée. Impossible
pour elle de retrouver le sommeil. Elle regarda alors son téléphone et vit un
message de Vincent. Il la remercia pour l’agréable soirée passée ensemble et
l’assura d’être bien rentré chez lui. Elle ne sut exactement pourquoi, mais ces
quelques mots la firent sourire. Depuis son entrée à Sciences Po, elle avait
sympathisé avec beaucoup de personnes, mais ces relations restaient très
superficielles. Pas de coups de cœur amicaux, de fou rire ou encore de
complicité, mais des conversations futiles, des verres dans le nez et quelques
soirées écourtées pour espérer attraper le dernier train. Elle n’avait pas
réellement d’amis et pourtant on lui avait juré qu’elle vivrait les meilleures
années de sa vie. Zoé voyait en sa relation avec Vincent l’aube d’une belle
amitié. Une amitié solide, une amitié de celles qui ne meurent jamais et qui ne
souffrent ni des affres du temps ni de ceux de la distance. Ils avaient parlé
politique, économie et même philosophie, étaient sur la même longueur d’onde
sur bon nombre de sujets et en désaccord sur d’autres. Elle avait hâte de le
retrouver dimanche pour la préparation de leur exposé.
Ce dimanche matin, elle échappa au culte bien que sa mère l’ait
priée de reporter sa séance de travail. Zoé finit par rétorquer qu’autrement
elle devrait dire au revoir à sa carrière de ministre. La jeune femme avait
toujours fait miroiter à sa famille un statut social prestigieux pour
s’affranchir de son devoir dominical. Après tout, quelques présidents français
avaient été formés dans son école.
Zoé, à présent, connaissait par cœur le chemin de la station de
métro jusqu’à l’appartement de Vincent. Elle avait emprunté cette route
plusieurs fois et s’était repérée grâce aux diverses boutiques de luxe. Attirée
par la vitrine d’une boulangerie, elle y acheta des chouquettes. Cette délicate
attention lui avait coûté un bras, mais qu’importe, elle souhaitait attaquer
cette journée de boulot en douceur.
Lorsque Vincent, blafard, ouvrit sa porte d’entrée, Zoé tout
sourire brandissait le paquet de chouquettes encore chaudes.
— J’ai apporté le petit-déj.
— Oh merci ! dit Vincent qui s’empara aussitôt du sachet.
Zoé pénétra dans le studio de Vincent. Le lieu qui était
d’ordinaire rangé ressemblait à un champ de bataille. Un champ de bataille
opposant des soldats sciences-pistes tombés ivres morts au combat. Des
bouteilles de bière vides et quelques déchets jonchaient le sol. Un paquet de
chips renversé siégeait au milieu de la pièce. Zoé manqua d’en écraser
quelques-unes. Des traces de chaussures avaient laissé des marques noires sur
le sol. Sur la table, deux gobelets en plastique étaient remplis de balles de
ping-pong ne laissant aucun doute sur leur jeu phare de la soirée. Une tonne de
vaisselle emplissait l’évier empêchant Zoé d’en apercevoir le fond. Une
vieille odeur qui avait imprégné le canapé-lit flottait dans l’air. Zoé avait
même décelé des notes de cannabis. L’état du studio expliquait mieux le teint
blême de Vincent.
— Désolé pour le bordel, s’excusa Vincent agenouillé qui
ramassait les derniers détritus.
— Pas de soucis.
— J’ai fait un petit apéro avec des potes de Sciences Po hier
soir et ça a un peu dégénéré.
— Ah, lança Zoé, une pointe d’amertume dans la voix.
Elle s’était bercée d’illusions avec cette histoire d’amitié
naissante. Elle n’était qu’une camarade de classe avec qui il travaillait le
temps d’un exposé, rien de plus. Il se pourrait même que leur devoir terminé,
ils ne gardent plus aucun contact. Étrangement, cette pensée lui fit un
pincement au cœur.
— Et t’es d’attaque pour bosser alors que t’as fait la fête
toute la nuit hier ?
— Oula qu’est-ce que t’imagines là ? La fête, c’est un
bien grand mot. Il y avait juste trois potes de l’école. On a fait un beer pong
d’où le bordel. Je ne me suis pas pris une cuite non plus. Je range deux, trois
trucs et on s’y met.
Vincent lui avait suggéré qu’ils se répartissent chacune des
sous-parties pour garder un rythme dynamique. Il était hors de question que les
auditeurs s’endorment devant son exposé. Il s’était assuré d’une alternance de
la prise de parole intéressante. Il débuterait avec une accroche humoristique
façon british, enchaînerait sur l’énoncé et la définition des termes toujours
sur fond d’humour britannique ouvrirait au débat sur sa problématique et sa
collègue Zoé Sia prendrait la suite. Il avait répété son entrée. Il s’était
exercé à jouer plusieurs classiques de la culture britannique. Il avait mimé
une première version aristocratique où il s’évertuait à allonger outrageusement
chacune de ses voyelles ; une version tragédie shakespearienne où il
accompagnait ses paroles de grands gestes comme s’il se produisait dans un
théâtre; version Mr Bean, où chaque phrasé donnait lieu à une grimace et
même version James Bond, où il avait usé du champ lexical de l’espionnage et
accéléré sa diction pour y mettre du suspense et de la tension. Tous les
costumes que Vincent avait enfilés firent rire Zoé aux éclats. Son tour venu,
elle se sentait incapable de faire preuve d’autant de dérision. Elle avait déjà
du mal face à lui, alors dans quel état serait-elle le lendemain devant l’œil
réprobateur de ses camarades de classe ?
— C’est mort, jamais je ferais ça ! La honte.
— Quoi t’es en train de dire que je m’affiche là ?
— Mais non, mais toi, ça te va bien, t’es drôle enfin c’est
toi quoi, moi, ça sonnera trop faux et je serai hyper mal à l’aise.
— T’as déjà fait du théâtre ?
— Non ! Enfin, si… vite fait au collège, mais c’était une
heure par semaine avec ma prof de français.
— Tu serais mal à l’aise pourquoi ?
— Parce que…
— Parce que…
Vincent s’assit près de Zoé.
— À cause des autres, j’ai peur qu’on me juge.
— Séreux qu’est-ce que t’en as à foutre du regard des
gens ?
— Facile à dire.
— Le jour où tu apprendras à t’en détacher, crois-moi, tu
seras beaucoup plus épanouie.
— Facile à dire, toi t’es légitime… toi t’es à ta place… toi
c’est carrément ton monde.
Vincent soupira.
— Tu viens de ZEP et alors ? Ouais t’es rentrée avec un
traitement de faveur et alors ? Certains sont nés avec une cuillère en argent
dans la bouche, ont déjà une carrière toute tracée et penses-tu qu’ils sont
gênés ? Non. Est-ce que tu penses que je suis gêné parce que ma tante peut
me filer son appart ? Non. Alors pour une fois que t’as ton petit privilège ne
te sens pas gênée pour les autres. Ce monde est aussi le tien vu que tu as
intégré Sciences Po et il faudra t’y faire. On peut bosser sérieusement
maintenant ?
— Oui, balbutia Zoé. Je vis ma vie. Rien à foutre de ce que
pensent les gens.
— Ba voilà. Même si j’ai l’impression que tu n’y crois
toujours pas.
— Si je t’assure…
Ils s’étaient regardés un instant. Vincent lui avait alors souri
et Zoé sentit ses joues chauffer.
— Pour… euh… en revenir à l’exposé, j’ai une préférence pour
la version aristo, bafouilla Zoé.
— Mouais, huit minutes en parlant comme un lord, je pense
qu’on va mourir et les autres auront envie de nous tuer à la fin de l’exposé.
La version James Bond ? Ça te dit ? En plus, on pourrait jouer le jeu à fond,
moi en smoking et toi en robe noire façon James Bond girl. On serait un putain
de couple.
Il avait plongé ses yeux dans les siens en lançant cette dernière
phrase. Zoé n’avait pu masquer sa gêne. Elle était à la fois flattée et
embarrassée. Aussi loin qu’elle se souvienne, elle n’avait jamais été douée
pour flirter. « Était-ce même un flirt ? » pensa-t-elle. Elle ne voulait pas
être de ces filles à s’imaginer une romance dès la première attention. Il avait
juste eu envie de la complimenter.
— On irait bien ensemble, lança Vincent. Enfin… je parle de
l’exposé bien sûr, rectifia-t-il.
— Euh… on continue de bosser…
Zoé avait détourné son regard du jeune homme et faisait mine de
chercher quelque chose dans son sac. Ils avaient repris l’entraînement et la
trame. Peu avant midi, leur pitch était bouclé. Leur enchaînement bien huilé.
Leur exposé bien chronométré. Ils en étaient persuadés, ils allaient tout
déchirer.
Zoé avait passé la veille au soir et le lendemain matin dans sa
salle de bain face à son miroir à répéter son exposé. Elle ajustait ses
mimiques, haussait le ton, se déplaçait en récitant son argumentaire à la
manière des grands orateurs. Elle dégageait une certaine prestance dont elle
était fière. Dans vingt ans, elle se voyait bien siéger à l’ONU. Parfois, ces
prises de paroles étaient entrecoupées des images de Vincent qui
l’assaillaient. Elle apercevait de nouveau le regard chaud de Vincent sur elle
et la douceur de ses mots quand il lui disait qu’ils feraient un beau couple. Zoé
haussait la voix quand Vincent venait la perturber dans ses révisions.
Elle repassa la robe noire que Ruby lui avait prêtée, puis elle
l’emballa avec soin et mise dans un sac. Il était hors de question qu’elle se
promène en tenue de soirée, échasses aux pieds pendant un trajet d’une heure
trente. Elle serait ridicule. Puis par ce froid, elle serait bonne pour choper
la crève. Elle se changerait dans les toilettes de l’école quelques minutes
avant l’exposé. Puis, elle prit le train, élégamment coiffé d’un chignon bas si
plaqué qu’il lui avait étiré ses yeux déjà bien en amande.
Vincent et elle s’étaient donné rendez-vous à la cafétéria pour
répéter une dernière fois leur numéro. À ce niveau-là, il ne s’agissait plus
d’un simple exposé, mais bien d’un spectacle. Ils se sont sentis fin prêts et
ont éclaté de rire.
Vincent n’avait pas encore enfilé son smoking, mais arborait une
coiffure qui lui donnait une sacrée allure. Sa longue chevelure ébouriffée
avait laissé place à une coupe courte nette, des cheveux impeccablement peignés
et ramenés avec élégance derrière l’oreille. Il suivait la pure tradition de
l’espion au nom de code 007.
— Bon bah on est prêt. On se change dans les toilettes et on
se retrouve à la péniche ?
— OK j’en aurais pour un quart d’heure à peu près.
— Un quart d’heure ! C’est une robe de mariée que tu vas
porter ?
— Non, je dois me maquiller aussi, mais t’inquiètes pas, je
fais ça vite.
Zoé se vêtit rapidement et réalisa un smokey eye pour un regard
séducteur. Si elle n’était pas elle-même, elle aurait envie d’embrasser son
reflet. Elle enfila sa paire de chaussures et se rendit à la péniche. Elle
avait cinq minutes de retard par rapport au temps qu’elle avait prédit. Vincent
dans son beau smoking parfaitement taillé attendait au milieu, les yeux rivés
sur sa montre et s’immobilisa lorsqu’il l’aperçut. Zoé s’avançait vers lui dans
une élégante robe noire dont le décolleté en V dévoilait la naissance de ses
seins. Perchée sur ses escarpins, elle s’élança vers Vincent dans une démarche
chaloupée.
— Ça te va bien, avoua timidement Vincent.
— Merci toi aussi, avait-elle répondu un large sourire aux
lèvres. On est au top.
— Tu vois ? Je t’avais dit qu’on ferait un beau couple…
— …
— Il faut qu’on y aille, Zoé.
Zoé avait le ventre noué et la respiration haletante en se rendant
dans leur salle de cours. Elle avait du mal à marcher et ne parvenait pas à
sortir le moindre son de sa bouche. Elle avait senti tous les regards sur eux
lorsqu’ils traversèrent les rangées pour rejoindre leurs places : les
regards amusés, les regards moqueurs, les regards intrigués, les regards
affligés. Malgré tout, Vincent gardait la tête haute, pas une once d’embarras
ne se lisait sur son visage. Il n’y avait aucune honte à ressentir, il avait
raison sur toute la ligne. Et puis, une attitude de victime ne rendrait pas
honneur à cette robe élégante, ce chignon distingué et ce smokey eye
renversant. Zoé se redressa. Elle garda la tête haute et marcha avec toute
l’assurance qu’avait eue Halle Berry en sortant de la mer.
Ce jour-là, trois groupes devaient présenter leurs exposés. Le duo
d’espions était le dernier groupe à se présenter. Ils assistèrent donc aux
exposés de leurs autres camarades. Le premier groupe était un cas d’école de
tout ce qu’il ne fallait pas faire à un oral : lire ses notes, les yeux
rivés sur sa feuille, avoir fait approximativement des recherches entre deux
sources Wikipédia, le fond comme la forme était catastrophique et la note s’en
ressentirait probablement. Zoé avait plusieurs fois remarqué le professeur
lever les yeux aux ciels, exaspéré. Le deuxième groupe avait le fond, mais la
forme n’y était malheureusement pas. Les yeux qui ne quittaient pas les notes.
Une voix tremblotante, inaudible et un ton monotone qui faisaient décrocher les
auditeurs au bout de trois minutes d’exposé. Zoé avait fait un effort surhumain
pour rester concentrée tout le long de leur oral.
Le cœur de Zoé ne fit qu’un bond lorsque le professeur les appela.
Vincent, ayant perçu son angoisse, lui glissa quelques mots d’encouragement à
l’oreille et lui caressa la main discrètement sous la table. Ce simple geste
l’avait rassurée. Elle s’avança triomphante sur le devant de la scène. Même le
regard interrogateur du professeur qui avait baissé ses lunettes sur son nez ne
la fit pas douter. Elle ne se concentra que sur Vincent et lui seul.
Heureusement, il était le premier des deux à parler. Zoé était subjuguée.
C’était comme s’il avait fait ça toute sa vie. Il occupait l’espace en se
déplaçant la main dans la poche. Il glissait deux, trois blagues dans le thème
qui firent rire l’assemblée. Il captivait l’auditoire. Zoé avait balayé la
salle de son regard et ils étaient tous en train d’écouter attentivement
Vincent. Elle aperçut même un petit sourire au coin des lèvres du professeur.
Puis vint son tour. Son discours, elle l’avait récité parfaitement de
nombreuses fois dans sa salle de bain. Alors, elle s’imagina devant le miroir
de chez elle et déroula son exposé. Elle ne le vit pas, mais le sentit le
regard fier et rassuré de Vincent. Euphorique, elle s’était même permise une
pincée d’humour. Zoé fut soulagée lorsque Vincent conclut leur exposé.
Finalement, ce ne fut pas si terrible. La vie paraissait plus douce avec de la
confiance.
Le professeur se leva et prit la parole.
— Merci ! Ma foi que de créativité ! Je pense que de toute
ma carrière vous avez fait l’exposé qui m’a fait le plus rire. Cependant, nous
ne sommes pas là pour ça. Sur la forme, vous méritez clairement des
applaudissements pour vos talents d’acteur. Songez à une reconversion si jamais
Sciences Po ne vous convient pas. En revanche, sur le fond, vous avez bien su
cerner la problématique, mais j’aurais apprécié le parallélisme entre le
système français et le Britannique. Vous ne vous êtes concentré que sur la
Grande-Bretagne sans jamais questionner, critiquer leur fonctionnement ou le
nôtre. Vous voyez ce que je veux dire ?
Ils ne saisissaient que trop bien ce qu’il entendait.
— Mais ne vous inquiétez pas la note devrait vous plaire,
mais s’il y avait eu ce petit point elle serait encore meilleure. Vous pouvez
retourner à votre place.
Des regards de soutien et de félicitations avaient remplacé ceux
du début de cours. Zoé se sentait fière d’elle. Elle n’avait pas foutu en l’air
son exposé. Elle se tourna vers Vincent.
— Tu vois ? Je te l’avais dit, lui
reprocha-t-elle.
— Ouais je sais, désolé j’aurais dû t’écouter.
— Mouais, j’accepte tes excuses.
— Mais si t’avais un peu plus confiance en toi, tu
convaincrais le monde Zoé et tu m’aurais convaincu. Mais, chaque fois que tu
proposes une idée, tu dis, « je ne sais pas », « peut-être », « ça se trouve ».
C’est con, si tu ne crois pas toi-même en ce que tu dis comment veux-tu que les
autres y croient ?
— …
Il avait raison encore une fois et Zoé le savait.
Le reste du cours, elle eut du mal à se concentrer sur la voix du
professeur. Elle pensa de nouveau à la paume de Vincent posée sur sa main et
sentit cette même chaleur diffuse parcourir son corps. Il lui avait souri de
temps en temps et murmuré quelques mots à l’oreille.
À la fin du cours d’institution politique, ils restèrent quelques
instants devant les portes de l’amphi.
— Bon et bien mademoiselle Sia, mission accomplie. Ça a été
un plaisir d’avoir été votre partenaire.
— Plaisir partagé monsieur Héron.
Ils éclatèrent de rire puis se regardèrent attendant que l’un
d’eux se décide à tourner les talons.
— On se reverra en cours, lança Vincent.
— Ouais.
— Et puis si tu en as envie, tu passeras à l’appart pour
qu’on parle bouquin ou autre chose. On peut même mater un film si ça te
dit.
— OK, sourit Zoé.
Ils se firent alors la bise. Une bise plus longue, plus tendre,
plus appuyée que les précédentes. Une bise qui exprimait des sentiments que les
mots ne parvenaient à prononcer. Zoé le regarda s’éloigner et repensa à la
première fois où Vincent et sa touffe bouclée s’étaient éclipsés vers la
cafétéria.