25-
Ecrit par lpbk
Les jours défilaient et se ressemblaient inlassablement. La même
vieille rengaine jouait en boucle. Zoé se levait, partait en cours, rentrait,
puis bossait. Le lendemain elle recommençait vivant ce mauvais remake du mythe
de Sisyphe scolaire. Pendant que l’école s’animait, que les étudiants
affluaient dans les associations ou s’effondraient en soirée, Zoé, elle,
survivait et peinait à travailler suffisamment pour se maintenir à flot. Si
elle continuait sur ce rythme, elle était persuadée qu’elle redoublerait sa
première année. Et ce scénario catastrophe ne pouvait pas se réaliser. Alors,
elle intensifia ses recherches pour trouver un appartement. Son père avait
tenté un temps de la dissuader de vivre sur Paris. Il lui avait alors parlé de
son adolescence et des soi-disant cinquante kilomètres qu’il parcourait pour se
rendre au lycée. Zoé n’y avait jamais cru.
Elle avait hurlé au monde entier qu’elle était en recherches
d’appartement, si bien qu’elle ne s’étonnerait pas si elle trouvait dans son 20
minutes une annonce indiquant que Zoé Sia désirait un appartement. Zoé avait
exploré les confins des réseaux sociaux pour trouver le graal mais à chaque
fois elle se heurtait à une difficulté de taille, ses finances. Malgré sa
présence dans une des plus prestigieuses écoles de France, son dossier de banlieusarde,
fille de parents aux revenus modestes n’inspirait pas la confiance.
Un soir, lessivée par sa semaine de cours, elle assista à une
dispute entre deux élèves alors qu’elle déambulait dans les couloirs. La plus
grande des deux avaient des braids qui lui tombaient jusqu’aux fesses.
— Je suis désolée mais Adjoua tu comprends…, s’excusa l’autre
jeune fille.
— Mais ça nous fout dans la merde-là, on est quasiment en Décembre
tout le monde a trouvé un appart. On n’aura jamais personne pour te remplacer.
Puis meuf, réfléchit c’est complètement dépassé de vivre en couple.
— T’es sérieuse-là ?
— Mais ouais, il y a plus de passion si vous vivez chacun de votre
côté et puis franchement tu viens de le rencontrer ce mec. Ça se trouve vous
passerez même pas Noël.
— …
— Non s’il te plaît. Réfléchis encore un peu.
Zoé quasiment dans un état second se précipita sur les jeunes
filles puis attrapa la main de la grande fille aux braids. L’autre élève prise
de panique avait bondi en arrière.
— Prends-moi, supplia Zoé, la voix à moitié périclitante.
Adjoua écarquilla les yeux.
— Mais t’es qui toi ? finit-elle par demander.
— Zoé, je…je cherche un appartement. Je suis à sciences po. J’ai
vrai-ment be-soin de cet appart.
Zoé fouilla frénétiquement dans son sac à la recherche de ses
documents. Elle finit par mettre entre les mains d’Adjoua une chemise dans
laquelle se trouvaient les bulletins de paie de ses parents. Elle récita alors
le discours sur les forces de son dossier comme si elle se tenait face à une
propriétaire.
— Ok, ok, l’interrompit Adjoua. Ça devrait le faire.
— Bon bah c’est réglé, se réjouit l’autre jeune fille qui
s’éclipsa aussitôt.
— Hmmm ! Je te souhaite tout le malheur du monde avec ton vieux
mec, lança Adjoua.
Elle avait balancé ses tresses sur la nuque et tiré la langue. La
jeune fille qui s’éloignait lui avait alors répondu avec un doigt
d’honneur.
Tout était allé très vite. Zoé rencontra la propriétaire de
l’appartement et Faty. Puis, les parents avaient demandé à rencontrer les
futures colocataires de leurs filles. Enfin, Zoé put s’installer dans ce nouvel
appartement qui apparaissait comme un miracle, une prière exaucée, une grâce
divine. Bien que la question financière se pose dans un avenir proche, elle
pouvait au moins jouir d’un semblant de vie sociale. La vie semblait s’être
apaisée. Paris resplendissait. Les oiseaux chantaient. Et même quand le ciel
était gris et que des trombes s’abattaient sur la ville le moral de Zoé était
au beau fixe. Elle vivait dans le cinquième arrondissement, à vingt minutes en
métro de l’école. Vingt minutes. Même quand elle était lycéenne, jamais un
trajet ne lui avait paru si court. Cette distance modifia son quotidien. Elle
avait retrouvé le plaisir d’un bol de céréales le matin, le plaisir de rentrer
avant les infos de vingt heures, de se lever après neuf heures. Puis, elle
avait trouvé le plaisir de partager son quotidien de véritables pépites. Zoé
n’aurait pas pu rêver mieux que Faty, Adjoua et accessoirement Bébé comme
colocataires.
Depuis qu’ils avaient présenté leur exposé, Vincent et elle ne
s’étaient pas parlés. Il y avait eu des timides « bonjour », des
regards enflammés, des sourires, quelques clins d’œil mais peu de parole. Ils
ne s’apercevaient qu’en cours d’institutions politiques et même si l’un
mourrait d’envie de parler à l’autre, aucun d’eux ne fut assez courageux pour
tenter une approche. Pourtant, Zoé était passée trois fois chez Vincent
lorsqu’ils préparaient leur exposé. Elle s’était allongée dans son lit, adossée
contre le mur à ses côtés. Elle avait effleuré sa main, posé sa joue contre la
sienne, humé son parfum et même chevauché son scooter, agrippée à sa taille.
Elle s’étonnait de penser à lui, de ressentir des frissons parcourir son corps
quand elle se remémorait leurs contacts physiques. Elle avait nié un moment éprouver
une attirance pour cet énergumène. Puis à force de jeter des regards furtifs,
d’espérer le croiser dans les couloirs, à la cafétéria et même dans la cité,
elle dût se rendre à l’évidence. Ce petit brun hirsute ne la laissait pas
indifférente. Depuis qu’elle s’était avouée ses sentiments, ils s’étaient
décuplés. Vincent occupait toutes ses pensées et ne lui laissait de répit que
lorsqu’elle travaillait. Même dans son sommeil, il se dessinait dans ses rêves.
Était-ce réciproque ? Elle s’était posée plusieurs fois cette terrible question
à laquelle ni ses « bonjour » timides, ni son sourire et ses yeux
éberlués n’apportaient de réponse claire. À certains moments, Zoé était
persuadée qu’il ressentait la même chose qu’elle et puis à d’autres, elle en
doutait.
Elle avait fait la connaissance d’une fille dans un cours
d’histoire dont elle s’était rapprochée. Léa l’avait plusieurs fois invitée à
des soirées mais Zoé avait décliné sachant qu’elle aurait dû mal à rentrer chez
elle. Sa nouvelle position avait changé la donne, elle accepta avec plaisir de
se rendre à l’apéro de Léa samedi soir.
Beaucoup de rumeurs circulaient à propos des soirées
sciences-pistes. Celles-là même qui circulaient à propos des soirées étudiantes
générales : sexe, drogue, rock’n’roll et beaucoup d’alcool. À dix milles lieues
des soirées que Zoé fréquentait en banlieue. Si dans la deuxième, le style
vestimentaire avait une importance capitale dans la première il valait mieux
enfiler une tenue de guerre, au cas où quelqu’un vomirait sur vos chaussures à
la fin de la soirée ou brûlerait votre robe préférée à cause de sa clope. Zoé
avait donc opté pour une tenue décontractée à laquelle elle ne tenait pas
particulièrement. Un simple t-shirt avec un jean taille haute et les vieilles
converses blanches qu’elle portait au lycée.
Zoé qui était la reine du retard s’impatientait sur le canapé du
salon en attendant ses colocs.
— Du calme Zoé, on a tout le temps, dit Faty qui passa en coup de
vent dans le salon.
— Non mais la soirée était à 21h30 et il est déjà 22h, hurla Zoé.
— Non mais t’es sérieuse ? Ça fait pitié d’arriver à l’heure à une
soirée, répondit Adjoua. Ça donne l’impression que t’as pas de vie et
t’attendait cette soirée.
Zoé s’enfonça dans le canapé. C’était clairement son cas. Avant ce
soir, elle n’avait l’impression de n’être étudiante que pour le côté travail.
Le côté vie étudiante, hormis le fait d’être fauchée, elle était passée à côté.
Alors, aujourd’hui, c’était son soir et elle trépignait d’impatience.
C’est à minuit passé que les trois filles sonnèrent à la porte de
Léa. Chacune une bouteille de rosé et de coca à la main. L’hôtesse avait
accueillie Zoé d’un énorme câlin comme si elles avaient toujours été amies.
Elle n’en était pas à son premier verre. Zoé visiblement déboussolée lui rendit
son embrassade et entra dans l’appartement. L’ambiance était plutôt détendue et
loin de la rave party qu’on lui avait décrite. Des invités discutaient, bière à
la main, assis par terre, sur une chaise ou sur le canapé. D’autres se
trémoussaient sur des classiques de rock des années 80, nostalgiques d’une
musique qu’ils n’avaient pas connue. Les moins frileux étaient agglutinés à la
fenêtre, cigarette à la bouche et lèvres tremblantes.
Zoé se rendit dans la cuisine pour mettre les boissons au frais.
Les six bouteilles tanguaient dans ses bras. Elle regretta un instant d’avoir
refusé l’aide de Faty. Elle marcha avec précaution, les yeux rivés sur les
bouteilles et sur ses pieds.
— T’as besoin d’aide ?
Zoé se retourna. Vincent se tenait face à elle, la réaction de la
jeune fille l’avait fait sourire. Zoé garda la bouche entrouverte, sous le
choc, elle n’était parvenu à émettre aucun son. Vincent prit dans ses bras
trois des bouteilles.
— Alors t’as perdu ta langue ?
— Non, je ne m’attendais juste pas à te voir.
— Moi non plus…il est minuit passé Cendrillon, t’as pas un train
qui t’attend, dit-il en regardant sa montre.
— Non j’ai trouvé un appart… Dieu merci c’est fini pour moi les
trois heures de transport.
— Ah ouais, t’es où ?
Vincent ouvrit la porte du congélo et y déposa les premières
bouteilles puis rangea celles de Zoé.
— À Jussieu
Vincent s’appuya contre le réfrigérateur et fit face à Zoé.
— Ah top t’es dans le coin du coup. Tu pourras passer à la maison
comme tu me l’avais promis.
— Je t’ai jamais promis ça moi…
— Si…
— Je suis sûre que non, je ne fais jamais de promesses mo, surtout
celles que je ne suis pas sûre de tenir.
— Mais tu comptes passer un jour ?
— Peut-être…
— Et si je te le demande ?
Vincent décolla son dos du réfrigérateur et s’approcha
dangereusement de Zoé. Elle pouvait à présent sentir son souffle anisé
légèrement alcoolisé sur son visage.
— Hey Vince, tu fous quoi ? Hurla un mec de la promo qui venait de
débarquer en trombe dans la cuisine.
— Euh…Il faut que je te laisse, à plus.
Vincent déguerpit sous les bras de son pote qui s’amusait à remuer
sa touffe de cheveux. Cette rencontre l’avait perturbée un instant mais
pour sa première soirée étudiante, elle avait choisi de passer outre pour en
profiter. Entre les cours, l’argent et les histoires, elle souhaitait mettre de
côté ses petits problèmes pour enfin respirer. Léa un peu plus éméchée que tout
à l’heure avait surgi dans la cuisine.
— Pourquoi tu te caches comme ça Zoé ?
Son amie avinée lui avait alors agrippé le bras et l’entraîna dans
le salon. Elle lui avait également servi un verre de whisky coca bien trop
chargé que Zoé avait abandonné sur derrière une plante. C’était la première
fois qu’elle goûtait cette mixture et se promit de ne plus recommencer. Elle
rejoint Adjoua en pleine discussion avec Bébé dans un coin de la pièce. Toutes
les trois s’amusaient de la débâcle de Faty avec un autre étudiant pour qui
elle avait un coup de cœur. Confortablement installée, elle avait Vincent dans
son champ de vision et elle savait parfaitement qu’elle était dans le sien.
Entre deux éclats de rire et une gorgée de coca, elle tournait légèrement la
tête et l’observait. Elle se rendit compte qu’il la regardait aussi et qu’il
s’était même déplacé pour avoir un meilleur angle. Les effluves d’alcool qui
lui montaient à la tête lui avaient donné un peu plus de courage. Zoé se
sentait d’humeur à flirter comme l’ado qu’elle n’avait jamais été. Elle
multipliait ses assauts et soutenait son regard jusqu’à déstabiliser celui de
Vincent. Après quelques réticences, Vincent avait fini par se prêter au jeu et
semblait même y prendre un certain plaisir. Elle écoutait à demi-mot ce que racontaient
ses amies pour se concentrer sur ce que lui disaient les yeux de Vincent. Elle
n’avait pas une fois cillé. Au bout de quelques heures, Vincent ne s’était
toujours pas manifesté et ce petit jeu finit par agacer Zoé. Qu’attendait-il
exactement ? Se demanda-t-elle. Énervée, la musique lui parut trop bruyante,
l’air irrespirable et le rosé de mauvais goût. Même les vannes d’Adjoua ne
l’amusaient plus. Elle voulait rentrer et vite.
Zoé prit le temps d’enfiler sa veste et son écharpe pour lui
indiquer qu’il n’aurait pas d’autres chances ce soir. Elle mit ses gants un à
un, y enfilant ses doigts délicatement mais il ne vint pas. Elle revêtit son
bonnet mais il ne bougea pas. Elle fit mine de chercher son téléphone ou un
quelconque objet mais il ne se déplaça pas pour autant. Il avait simplement baissé
sa tête contemplait ses pieds qui refusaient de se mettre en mouvement. Elle ne
lutta pas plus longtemps et s’en alla. Elle descendait les escaliers en
colimaçon quand elle entendit le claquement d’une porte. Des pas se pressèrent
alors dans les escaliers. Zoé leva les yeux et vit les boucles de Vincent
s’agiter. Elle marcha un peu plus longtemps pour lui laisser le temps de la
rejoindre. S’il était là c’était forcément pour elle. Zoé en était
convaincue.
— Je rentre aussi, lui dit-il.
— T’es sûr qu’on prend le même chemin ?
— Non mais si je suis avec toi ça me va.
Il lui prit la main comme pour l’arrêter dans son élan. Zoé
s’immobilisa mais craignit de se tourner vers lui. Elle encourait le grand risque
que son cœur ne chancelle si elle se perdait dans ces pupilles couleur noisette.
Elle leva les yeux vers lui puis retint sa respiration.
— Écoute, je crois que tu me plais, dit Vincent. Ses joues
s’étaient légèrement enflammées au même rythme que celles de Zoé.
— Sans blague, rit-elle nerveusement.
— Ouais sans blague, ce n’est même pas je crois c’est que j’en
suis sûr mais je n’avais aucune idée de si tu ressentais la même chose. Ce
soir, j’ai compris que si.
Elle ne l’avait pas laissé finir son monologue qu’elle déposa un
baiser sur ses lèvres. Elle estima avoir perdu bien trop de temps et souhaitait
utiliser celui qui lui restait à profit.
À la suite de ce premier baiser, Zoé avait eu le cœur
tambourinant, la tête qui tournait et un sourire béat que rien n’aurait pu
effacer. Arrivée chez elle, Zoé était restée un bon moment flanquée derrière sa
porte d’entrée, phalange dans la bouche, à se remémorer la soirée jusqu’à son
dénouement final. Elle était avec Vincent. Enfin c’est ce qu’elle pensait. Ils
ne s’étaient rien promis mais un baiser langoureux signait le pacte. Linda lui
répétait souvent qu’au lycée, il n’était plus question de poser la fameuse
question “veux-tu sortir avec moi ?” mais de le faire comprendre par des
cinés, des baisers, des cadeaux. Ça devrait être une évidence. Depuis les
règles du jeu ont changé et les relations de couple ne sont plus aussi claires.
Prise soudain de panique, Zoé voulait en être certaine. Elle prit son téléphone
et envoya un message à Vincent.
Elle lui avait simplement envoyé
Qu’est-ce qu’on est ?
Ce à quoi, il avait répondu
Ensemble, je crois, enfin si ça te convient.
Six mois s’étaient écoulés depuis leur premier baiser. Le premier
d’une longue série. Leur vie de couple était on ne peut plus ordinaire. Ils se
glissaient des baisers entre des heures de cours, révisaient ensemble,
dépensaient un budget monstre dans le combo ciné-Macdo, se promenaient,
flirtaient bref vivaient leur amour au grand jour. On ne peut plus ordinaire, à
l’exception faite que Zoé n’avait jamais franchi le cap et elle en était
angoissée. Elle usait de subterfuges pour se retrouver le moins possible chez
lui ou chez elle, seuls, à l’abri des regards et soumis à la tentation. Vincent
ne s’en était jamais rendu compte et s’en était pas plus mal. Elle voulait
éviter le flot de questions gênantes sur sa non-sexualité dans un monde hyper
sexualisé. Elle n’avait pas envie de s’épandre sur son éducation chrétienne,
sur les conséquences de relations sexuelles hors mariage. Elle n’avait pas
envie de lui confier son angoisse et le sentiment qu’elle serait foudroyée sur
place si elle commettait l’irréparable. Oui son ignorance lui allait très bien
à Zoé mais elle savait qu’un jour ou l’autre cette discussion devait avoir
lieu.
Les baisers de Vincent étaient plus insistants. Ses mains plus
baladeuses. Son corps plus appuyé. Son souffle plus saccadé. Ses invitations
chez lui plus pressantes. Son désir plus intense.
Zoé le savait. Ses excuses pour ne plus se retrouver seule avec
lui ne tiendraient plus. Après une énième invitation à dîner chez lui, Zoé
accepta de se rendre chez Vincent, la boule au ventre.
Une table basse était dressée avec de la vaisselle. Des
photophores orientaux illuminaient la pièce et donnaient une ambiance tamisée.
Une délicieuse odeur d’épices s’élevait du four à micro-ondes. Vincent avait
servi à Zoé un cocktail fait maison à base de citron, gin et gingembre. Si Zoé
avait encore des doutes sur les intentions du jeune homme, ce guet-apens aphrodisiaque
les avait levés.
Zoé ne put avaler ni le curry d’aubergines pourtant excellent ni
le fondant au chocolat. La seule pensée d’être allongée sur le lit de Vincent
dans quelques heures voire dans quelques minutes lui coupa l’appétit. Ses
doigts s’étaient crispés et ses yeux balayaient constamment la pièce. Elle
était incapable de décocher un sourire et ne parlaient que pour dire oui ou
non. Ses jambes contractées et fermées, comme pour envoyer un message
subliminal à son copain, lui donnaient des crampes affreuses.
— T’es sûre que ça va ? Fini par lui demander Vincent intrigué par
son comportement.
— Oui très bien je t’assure
— Je ne sais pas, t’as rien mangé et t’es vraiment bizarre. Il y a
un truc qui ne va pas ?
— Non je t’assure tout est parfait, je n’avais juste pas très
faim.
— Ok
Il la rejoint sur le canapé, s’assit à ses côtés et prit sa
main.
— Tu sais que tu peux tout me dire.
— Sérieux Vince, ça va.
— Ok
Il lui donna un baiser puis un autre. Il déposa ses lèvres sur son
cou et l’allongea sur le canapé. Elle se laissa faire un instant. Il glissa sa
main sous son t-shirt ce qui fit bondir Zoé.
— Je…j’peux pas, balbutia-t-elle.
— Qu’est-ce que t’as ?
— Je…c’est la première….Elle se tortillait incapable de dire ce
qui la dérangeait.
— Quoi ?
— J’ai jamais fait ça…
— L’amour ? Ah ouais ?!
Le regard ahuri de Vincent ne la mit pas davantage en confiance.
Elle avait le sentiment d’être un monstre.
— Ouais, finit-elle par avouer.
— Ok
Elle se redressa à ses côtés et ils restèrent en silence pendant
deux bonnes minutes.
— Dis quelque chose non ?
— Tu veux que je te dise quoi à part qu’on le fera quand tu seras
prête ?
— ….Il faut que tu comprennes que ce n’est pas anodin pour
moi.
— T’as fait un vœu de chasteté, un truc comme ça ?
— Non pas vraiment. Disons que…
— Mais t’as eu d’autres copains non et eux ont réagi comment
?
— J’a eu qu’un seul copain avant toi et la question ne se posait
même pas.
— Woo…enfin…t’as pas l’air vierge…quoi !
— Ça a l’air de quoi une vierge ?
— Je ne sais pas…enfin tu te maquilles, tu portes des vêtements
sexy parfois.
— Non mais n’importe quoi, je ne suis pas bonne sœur non plus. Je
peux très bien m’habiller comme ça sans avoir de relations sexuelles.
— Ouais t’as raison, je suis con.
— Mais non…
— Écoute on le fera quand tu seras prête ok ?
— Merci, je suis contente que tu comprennes.
Zoé était contente d’avoir enfin eu cette discussion avec Vincent.
Elle lui raconta des anecdotes sur le tabou de l’amour chez elle.
L’interdiction d’avoir des relations amoureuses ou encore le malaise ambiant
quand une scène de sexe passait à la télé. Les nombreux prêches où le pasteur
postillonnait et hurlait que la fornication était un péché mortel. Le sexe
était un mot interdit, un acte dont on ne faisait pas mention. Autant de
raisons qui avaient maintenues les cuisses de Zoé fermées pendant toutes ses
années.
Ce soir-là, Zoé resta dormir chez lui. Elle s’était endormie à ses
côtés, libérée d’un poids. Il n’avait rien tenté. Elle s’était réveillée à ses
côtés et su que Vincent en valait la peine. Elle n’eut plus d’angoisse à se
retrouver seule avec lui.
Puis un jour, elle sut que c’était le bon moment. Le lendemain,
elle sourit. Elle ne fut pas morte dans son sommeil. Un camion ne l’avait pas
écrasée en traversant la rue. Elle n’était pas morte foudroyée. Alors elle
recommença.