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Ecrit par kony ariane
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J’attends avec impatiente que Chris revienne. Il est
rentré me chercher quelques affaires…
Avec
Chris, la première chose que j’ai découverte est que plusieurs traits de la
personnalité peuvent s’avérer aussi motivant qu’handicapant pour l'évolution émotionnelle, personnelle,
professionnelle et même familiale.
Tout
est possible à celui qui croit, tout est question de décision. Il faut seulement
savoir faire des choix et s’y tenir jusqu’à leur réalisation.
Nous
allions avoir des bébés, lorsque j’ai reçu le plus angoissant des messages.
L’hôpital
général me dit que Christophe a eu un accident. Comment ? Quand ?
Où ? Il devrait revenir d’une minute à l’autre…
Je
m’étais rendu à l’hôpital dans tous mes états, contre l’avis de mon obstétricien. J’avais du mal à marcher. On aurait dit que je
portais deux fois mon poids sur mes épaules.
Lorsque
j’ai été conduite à son chevet, il m’avait dit « maintiens toi à ce que je t’ai
appris. Ne l’oublie pas et sois heureuse pour nous deux. Prend soin des petits,
j’aurais été pour eux un merveilleux père . Je vous aime».
Christophe
YUKI, s’était éteint. Il s’en était allé mon mari, sans m’y avoir préparé au préalable.
Nous avions tellement de projets ensemble.
Je
m’étais effondrée. J’aurais voulu être
forte, mais la perte que je venais de subir était trop grande. La seule
personne qui me comprenait et qui me forgeait à être une meilleure personne
venait de me quitter.
Pourquoi
et comment est ce arrivé ? Je me souviens que nous venions à peine de nous
quitter. Il avait promis ne pas tarder. Nous allions avoir des enfants.
Lui
comme moi savions que ces enfants viendraient renforcer notre relation.
Non
c’est trop pour moi. Je n’aurai pas la force de continuer sans lui. Chris m’a
abandonné… Encore une fois je me retrouve seule.
Papa
a été informé du décès de Chris.
J’ai
bien vu ses appels en absence mais je n’ai pas la force de parler. Je n’ai pas
été plus surprise que ça de le voir débarquer.
Je
me suis jetée dans ses bras.
-papa,
comment Chris a-t-il pu me faire ça ? Il m’a abandonné. Qu’est ce que je
vais faire sans lui ?
-shut…
ne pleure plus ma fille. Il est bien mieux là bas. Il veille sur vous…
-non
il l’était ici avec moi… et les bébés ? Il avait hâte de les voir.
Je
n’avais même pas vu que Jean Luc se tenait là…son meilleur ami était là.Il
avait l’air encore plus peiné de mon désarroi que de la perte de son frère.
J’ignore comment j’ai fait pour rentrer chez nous.
J’avais
passé les vingt quatre derrières heures à pleurer, à lire nos échanges
téléphoniques. Je m’étais plongée dans ce qui était notre truc. J’avais allumé
sa playlist préférée qui devait tourner en boucle pour la énième fois.
J’étais
toujours dans les bras de papa lorsque Jean Luc tirait les rideaux et ouvrait
les fenêtres.
-Non
ne fais pas ça, Chris déteste avoir la lumière dans les yeux. Ils préfèrent
quand s’est fermé.
Papa
m’avait entraîné dans la salle de bain. Il m’avait lavé et je me voyais comme l’enfant
triste que j’avais été le matin où j’avais compris que ma mère était parti pour
ne plus revenir.
J’étais
restée sous l’eau, je ne sais pas combien de temps. Il m’a fait enfiler un
boubou et m’a demandé de prendre quelques affaires.
-des
affaires, pourquoi ?
-nous
retournons à l’hôpital. Tu ne peux pas
rester ici. Tu es censé donner naissance à vos enfants
-mais
papa, Chris doit passer me chercher…
Pour
la première fois de ma vie, je venais de me prendre un soufflet. Une claque mémorable
que mon père m’a appliqué avec expertise.
-je
ne peux pas comprendre ton chagrin, mais je ne te donnerai pas le droit de
perdre la tête. Chris est mort. Il ne s’est pas suicidé. Il a eu un accident et
n’a pas survécu. Il ne t’a pas abandonné. Il ne sera plus jamais là
physiquement mais il restera à jamais dans ton cœur. La première fois où je
l’ai vu, j’ai remercié le Seigneur car il t’avait donné la personne qu’il te
fallait. Il a été une perle dans ta vie, un trésor qui n’a pas de prix. Il
serait triste s’il te voyait dans cet état. Il ne l’accepterait pas. Alors tu
vas te ressaisir et pleurer ton mari comme cela se doit. Tu imagines le
désarroi de son ami ? Il vient de perdre son frère. Ne crois tu pas qu’il
aurait aimé que tu sois un soutien pour lui? Christophe était orphelin et il
voulait cette famille avec toi. Mets au monde ses bébés et aime-les avec encore
plus d’intensité. Aime-les pour deux. Tu le lui dois.
Je
pleurais tant les mots de papa me touchaient.
Mon
père a raison. Chris aurait voulu que je sois une épaule pour Jean Luc.
Lorsque
je suis retournée au salon, il tenait dans ses mains un des bouquins que j’avais acheté à Chris
une semaine au paravent. Il pleurait en silence. Je l’ai serré dans mes bras et
nous avons pleuré tous les deux, la personne qu’on avait et qui nous était
chère.
Chris
et moi n’étions pas amoureux, lui l’étais de moi et moi j’avais pour lui ce
respect, cette reconnaissance et cette profonde tendresse. Nous partagions
quelques choses de fusionnelle. Je crois qu’il était mon âme sœur. La personne
faite pour comprendre la personne que je suis. Et moi, je l’inverse pour lui.
Je
me suis laissée conduite à l’hôpital afin de mettre au monde nos bébés.
J’étais tellement épuisée
émotionnellement que je n’avais pas la
force physique de pousser.
J’ai
été conduite sur bloc. Lorsque je me suis réveillée, papa était à mon chevet.
J’allais demander à voir Chris lorsque je me suis souvenu.
Chris s’en était allé, il était passé de la vie à trépas. Les larmes se sont
mises à couler encore et encore.
J’ai pu voir les bébés. Il a quelques heures encore
nous riions des prénoms du seizième siècle qu’il avait choisi pour eux.
Chris
m’avait donnée la chance d’avoir ce dont j’avais toujours rêvé et la vie venait de me prendre
une partie de ce don reçu.
J’ai
fait une semaine à l’hôpital avec les bébés. Jean Luc et son épouse étaient
venus nous voir tous lesjours.
Je
recevais des messages de félicitations et de condoléances. L’ironie de la vie
me direz-vous.
Chris
ne voulait pas de nounou en permanence. Il avait recruté deux jeunes femmes
afin qu’elle fasse la journée. Il avait
prévu s’occuper d’eux lui-même le soir.
Je
suis dévastée. C’était la meilleure
personne qui soit et je l’ai perdu. Mes
enfants ont perdu leur père.
J’ai reçu tellement de fleurs que je ne sais pas où
donner de la tête.
Jean
Luc est passé me voir car cela fait une semaine que Chris est mort. Il n’a
aucune famille donc personne à prévenir.
-il
faut qu’on organise ses obsèques
-je
ne peux pas. Je n’arrive même pas à
croire qu’il ne soit plus là.
-il
était fou amoureux de toi et tu le rendais heureux. Il a été heureux
jusqu’à la dernière seconde.
-je
n’ai pas su lui témoigner de l’amour et
je le regrette Jean Luc
-il
savait dans quoi il s’était embarqué. Il
aurait attendu le temps qu’il fallait. Il t’aimait pour vous deux. Il était heureux
-j’ai
si mal…
--je
le sais
J’ai avec l’aide
de Jean Luc organisé les funérailles de Christophe. Je savais qu’il
était apprécié mais je ne me suis jamais imaginé à quel point.
À
un moment, répondre aux présentations de condoléances est devenu tellement
agaçant que j’eu envie de tous les virer. Papa et Jean Luc l’avaient senti et m’avaient encadré. Ils me tenaient
chacun par une main.
Il
y a eu à un moment un vacarme jusqu’à ce
que je comprenne. Georges avait fait le déplacement. Tout le monde devait
s’interroger sur la nature de la
relation du président avec Chris.
-mes
sincères condoléances Madame YUKI