27- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
Nowa NYANE
Alors que Georgette passe sa journée à dormir, moi je suis installée sur mon pc. Je me sens débordante d’inspiration.
Je passe donc ma journée à concevoir les cartons de Tina. Je commence même à penser que je pourrai me lancer dans ce genre de prestation. C’est une idée un peu folle mais voilà, je suis folle d’amour. J’écoute des chansons de Whitney Houston et je chante à tue-tête, en faisant quand même attention à ne pas réveiller ma belle au bois dormant.
En plus, Rudy n’arrête pas de m’envoyer des messages sexys et cochons à la fois. Il ne serait pas un peu pervers ce gars ? Je m’en fiche.
« Ahhhh !!! »
Mon casque s’écrase sur le sol car je viens de sursauter. C’est Georgette qui m’a effrayée. Je ne la savais pas éveillée en plus je ne l’ai pas entendue arriver.
« Tu veux me tuer ou quoi ? », lui dis-je les mains sur ma poitrine.
Elle se traine difficilement son corps et s’allonge sur le tapis.
« Je crois que je vais mourir. »
Je pose mon ordinateur et je m’approche d’elle.
« Tout va bien ? »
« Non ! Rien ne va Nowa. Je suis une idiote je te promets. Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête. »
« Mais tu parles de quoi ? »
Elle soupire, ferme les yeux et pose une main lourde sur son front.
« Je suis sûre qu’il doit me prendre pour une garce. »
Je quitte le canapé. J’aime trop les affairages comme disent mes compatriotes ivoiriens. Il faut vite qu’elle balance la sauce, je me languis déjà.
« Mais soit plus explicite. Je ne comprends rien. Qui doit te prendre pour une garce ? »
Elle soupire à nouveau. Si elle continue je vais lui taillader la langue.
« Loïc ! », finit-elle par dire.
« Lolo ? Il va te prendre pour une salope ? Mais pourquoi ? »
Elle se redresse brusquement.
« J’ai couché avec lui. »
OK !
« Dans sa voiture. »
OK ! Je vois qu’il n’y a pas que Rudy qui aime le danger.
Elle s’effondre à nouveau sur le tapis et part dans des lamentations pires que celles d’une nouvelle veuve.
« Le pire c’est que c’est moi qui n’ai pas arrêté de le chercher. Si tu voyais la pipe que je lui ai taillée… je veux mourir ! »
Je compatis mais je ne peux pas m’empêcher de rire. C’est plus fort que moi.
« Et c’est pour ça que tu te mets dans cet état ? Si ça se trouve, il a déjà tout oublié. Il avait bu ou il était lucide ? »
« Tu penses vraiment que je lui ai posé la question ? »
« Je ne sais pas. », répondis-je avant de continuer à me moquer d’elle.
Elle se redresse et tombe sur l’écran de mon ordinateur. Elle regarde durant quelques secondes puis se tourne vers moi.
« C’est ton travail ? »
J’hoche la tête.
Elle prend l’ordinateur et le pose sur ses jambes.
« Mais c’est magnifique ! Je suis certaine que ta sœur va adorer. En tout cas moi, c’est trop la classe Nowa. »
« Merci ma chérie mais je sais que tes yeux voient flou. », répondis-je en me levant.
Elle se lève et me suis jusque dans la salle de bain.
« Mais je suis sérieuse Nowa. Je serai toi que je monterai une petite boite. »
« Georgette, il faut plus que du talent dans les mains pour mettre sur pied une entreprise aussi petite soit-elle. Je peux avoir un peu d’intimité ? », dis-je en la poussant à l’extérieur.
Rudy EYA
Nowa doit arriver sera bientôt là. Je peaufine les derniers détails.
Ma secrétaire guinéenne Awa mérite une belle prime sur son salaire. Je lui ai demandé de me trouver des fleurs et c’est fait. Là, elle vient de m’apporter une belle bouteille de champagne avec du chocolat et des petites douceurs. Je suis sûre que quand Nowa mettra les pieds dans le container que j’occupe en guise de bureau, elle sera folle de joie.
Je regarde encore l’heure. Je ne veux surtout pas être en retard.
Voilà mon téléphone qui sonne. Tina. Même si j’ai supprimé son numéro, pour l’avoir vu s’afficher un nombre incalculable de fois sur mon portable, j’ai fini par le mémoriser. Qu’est-ce qu’elle veut ? Je laisse sonner. Je ne veux pas gâcher mon rêve.
Je pousse un juron quand je vois à nouveau son numéro s’afficher. Je décroche.
« Salut Rudy. »
« J’ai du boulot Tina, si tu pouvais être brève. »
« Ca fait plusieurs jours que nous avons eu cette discussion. Alors ? »
« Alors quoi ? »
Elle soupire.
« Tina je n’ai pas vraiment le temps. »
« Alors tu vas l’assumer ce gosse ou non ? »
Elle veut faire quoi là ?
« Et toi, tu comptes l’assumer ? Tu comptes dire à ton fiancé que tu attends l’enfant d’un autre ? Tu comptes donner quel nom à mon enfant Tina ? Arrête un peu de faire l’innocente ou de faire comme si de ton côté, tu n’avais rien à gérer à propos de cette grossesse. Fais ta part et je ferai la mienne. »
« Je te déteste Rudy. Je me demande comment j’ai fait pour tomber amoureuse de toi. »
« Stop ! Je me le demande aussi. Tina, tu te rends compte que je ne connais même pas ton nom ? Je ne sais rien de toi mis à part que tu es une femme sophistiquée et que tu portes une alliance au doigt. Ton fiancé Tristan, si ce n’était pas que je t’avais surpris au téléphone, je ne connaitrais même pas son nom. Bon sang, qu’est-ce que tu peux aimer chez moi ? »
« Je pense que c’est ça l’amour. Se perdre dans son propre cœur pour une personne sans aucune raison. », me dit-elle calmement avant de raccrocher.
Voilà pourquoi je ne voulais pas décrocher ses putains d’appels. Maintenant, il est trop tard, il faut seulement que je trouve le moyen de me donner une meilleure mine parce que là, je dois y aller. Nowa va bientôt atterrir.
Nowa NYANE
Il fait hyper chaud. C’est la première fois que je vienne en Guinée. Et je suis tellement heureuse que même les hôtesses l’ont remarqué. Là, je traine mon trolley derrière moi. Je cherche Rudy dans cette foule.
Soudain, j’entends crier mon prénom derrière moi. Je me retourne et c’est l’homme de ma vie que je vois. Manches retroussées comme très souvent. Il sourit. J’ai l’impression de voir des papillons. J’abandonne mon bagage et je cours me jeter dans ses bras. Il m’attrape, me fait quitter la terre.
« C’est comme au cinéma ! », chuchotais-je à son oreille.
« Oui ! Sauf qu’il faudrait que tu descendes, tu sais nous les noirs, il y a des trucs qu’on ne doit pas faire. »
Il a raison. Je vois déjà comment les gens nous regardent. Mais qu’est-ce qu’ils ont à nous jalouser ? S’ils sont coincés dans des relations de merde c’est leur problème pas le nôtre. Je desserre mes jambes que j’avais nouées autour de lui et il me pose au sol.
« Tu as fait un bon voyage ? »
« Oui. »
On récupère le malheureux bagage abandonné tout à l’heure pour raison de sentiments trop forts et nous rejoignons le parking. Une fois dans la voiture, il me donne un baiser assassin. 1, 2, 3 … je crois que je n’arrive plus à respirer.
Il roule jusqu’à son chantier alors que moi, je n’arrête pas de le taquiner. De nous deux, je crois que c’est moi l’enfant et lui l’adulte. Ça change de tous ces couples dans lesquels la femme se sent obligée d’être la grande personne. Quand nous descendons de voiture, tout un tas d’ouvriers accrochés à des harnais me siffle.
« Ça se voit que beaucoup de femmes ne doivent pas franchir cette barrière. »
« Humm… Quand je te dis que tu es la seule tu ne me crois pas. », répond-t-il en me prenant par la taille.
« Fais attention en montant mon petit nain. »
Je lui fais mon regard de terreur, il se met à rire et nous entrons enfin. Le soleil, il me met K.O.
Rudy EYA
« Tu ne dis rien ? »
Je ne devais peut-être pas. Avec elle, je ne sais jamais sur quel pied danser. Un coup elle adhère à mon romantisme niais et vieux jeu et puis la minute d’après, elle prend peur pour un simple baiser.
Je commence à me remémorer mes cours de secourisme au cas où elle ferait une crise de panique.
Là, je n’en peux plus. C’est moi qui risque de faire une crise de panique. Il faut qu’elle dise quelque chose. Je lui prends la main, elle serre la mienne. Elle est plus forte que je ne l’imaginais.
« Tu as fait tout ça pour moi ? », dit-elle de sa voix la plus douce.
« Merci Seigneur ! »
Elle me regarde.
« Quoi ? »
« J’ai cru que tu allais encore me faire une crise de panique chérie. »
Elle me regarde toujours.
« Oui, c’est tout pour toi. J’ai juste jeté des idées et c’est ma secrétaire qui s’est chargée de tout. », avouais-je en l’attirant vers moi.
« Alors c’est elle que je devrais embrasser ? Remercier ? Câliner ? »
« Elle est vieille je te préviens. Moi je suis plus viril et plus beau. »
Ses lèvres se fondent sur les miennes. Elle a changé son baume à lèvres.
« Il faut que je travaille malheureusement mon amour. Mais toi, tu vas t’assoir là, et manger tout ce que tu veux en attendant que je finisse. »
« Et pourquoi je ne me mets pas près de toi. »
« Tout simplement parce que je risque de ne pas être très concentré. », dis-je en regagnant mon fauteuil.
Je mets mon travail en stand-by un moment pour l’écouter se plaindre de tout et de rien. Pour l’entendre rire de tout et de rien. Je suis là, avec elle mais une petite partie de mon cœur est ailleurs. Elle est quelque part en train de prendre le large. Il me reste un peu plus de sept mois pour tout lui dire. J’espère que je trouverai le bon moment.
Vers 16h, je ferme boutique. Nowa est assise sur moi et même si elle m’empêche de travailler, je ne veux pas qu’elle me quitte. Elle est fatiguée. C’est vrai que ce n’est pas un endroit pour vivre l’amour mais elle m’a tellement manqué que je ne pouvais la laisser plus loin de moi.
« Tu finis quand ? », me souffle-t-elle la tête enfouie dans mon cou.
« Bientôt. Regarde j’arrête juste mon ordinateur. »
« Tu m’as dit ça il y a une heure. »
« Allez ! Regarde, il est éteint. »
Elle lève la tête.
« Tu sais que tu es belle ? »
« Maquillée ou pas maquillée ? »
« Je m’en fiche que tu sois maquillée ou pas Nowa. Tu veux faire quoi ? »
Elle réfléchit.
« L’amour ! »
Bonne idée mon cœur.
« C’est vrai ? »
« Non ! Je veux prendre une douche et dormir. »
Nous quittons le chantier pour l’hôtel. Elle prend une douche vite fait et se met dans le lit.
Le soir, à son réveil, nous perdons une bonne heure à discuter dans le lit avant de descendre manger. Nowa c’est comme le big bang. C’est lumineux, c’est vivant et ça fait peur.
« Tu penses que tu pourrais me quitter ? », lui demandais-je en quittant le restaurant.
Elle tourne sur elle-même avant de me répondre.
« Je ne me pose pas cette question Rudy. »
« Pourquoi ? »
« Parce que je t’aime. »
J’aurais trouvé ça divin quelques jours plus tôt.
« Pourquoi est-ce que tu m’aimes Nowa ? Je ne pense pas t’avoir donné des raisons de m’aimer. »
Elle me tire jusqu’à un banc et nous nous installons.
« Tu m’en poses des questions Rudy ! Voyons donc pour quelles raisons est-ce que je t’aime… Hummm… »
Je passe ma main dans ses cheveux pendant qu’elle réfléchit.
« Il n’y a pas de raison Rudy ! Je t’aime depuis le premier jour c’est tout. C’est comme ça. On rentre ? »
« Tu n’es pas bien là ? »
« Si ! »
Nous restons un peu sur ce banc à regarder la vie devant nous. La ville s’exprimer. Des cris, des rires. Du vent. La chaleur.
Elles m’aiment tout court. Sauf que moi, je n’en aime qu’une seule. Et au lieu que mes petits spermatozoïdes courent vers son ovule, ils ont pris une direction que jamais je n’aurai souhaité.
Quand nous rentrons, à peine le pas de la porte passé, je m’engage sur les lignes fuselées de son corps.
« Mon avion de chasse. », chuchotais-je à son oreille la voix rauque.
Elle se défait vite de ses vêtements, me laissant admirer chacun des territoires de sa personne dans une danse langoureusement sensuelle. Assis sur la chaise, je la regarde se contorsionner telle une danseuse exotique. Une Mata Hari venue du passé rien que pour moi. Elle s’effeuille. Son soutien-gorge tombe à ses pieds.
« Aïe ! Tu es une frappe Nowa. »
« Je sais ! »
« Et toi ? Pourquoi tu m’aimes ? »
La sonnerie de mon portable vient nous interrompre. Moi je suis bien décidé à ne pas décrocher mais Nowa veut que je prenne cet appel tardif. Selon elle, un appel tardif est toujours important.
Je sors décrocher sur le balcon. Parce que oui c’est Tina.
« NYANE ! »
« De quoi tu parles ? »
« Je m’appelle Tina NYANE. Tu as dit que tu ne savais rien de moi. »
Elle raccroche. Je regarde la nuit de Conakry envahir mon esprit.
Tina NYANE ? Tina ? Non !
Elle ne peut pas être cette sœur dont Nowa parle très rarement.
« Eh ! Tu viens ? », me demande Nowa qui a bien vu que mon appel a pris fin.
« Qu’est-ce qu’il y a mon cœur ? », fait-elle en prenant mon visage entre ses mains douces et chaudes.
« Je crois que je ne me sens pas bien. »
« Tu as mal à la tête ? Tu veux te coucher ? »
Je ne dis rien. Je la regarde seulement. Je réalise que je l’ai détruite.
« Viens te coucher Rudy. »