28- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
Vendredi, 21h… Dans un hôtel de Conakry… il était une fois… Le début d’une malheureuse fin… Un doux cauchemar !
Nous sommes assis à même le sol de la terrasse. Comme souvent, elle me raconte sa vie, ses rêves, ses envies. De vivre, de disparaitre. D’aimer, d’être aimée.
« Je vais me mettre à mon compte. Qu’est-ce que tu en penses ? »
Nowa est déterminée, de plus c’est une grande gueule, comme il faut l’être dans les affaires.
« Tu es bosseuse, tu es pétillante ! Ça m’étonnerait que ça ne marche pas. Mais autant mieux te le dire ça risque de souvent te sembler très difficile. »
Elle frotte son nez sur le mien.
« Je sais ! Mais vu que je compte beaucoup sur toi, je ne me fais pas trop de souci. »
« Tu sais que je suis derrière toi Nowa. Tant que ça ne fauchera pas nos plans. »
« Espèce d’égoïste. », argue-t-elle en me pinçant la joue.
Je sens glisser sa main dans mon short. Ma mâchoire se crispe et je retiens sa main.
« Tu sais que t’es pire qu’une fille qui a ses trucs de filles ?! »
C’est sa dernière nuit ici, avec moi et je n’arrive pas à passer outre la nouvelle qui m’a été apprise. J’ai trop peur de la toucher.
« Je suis épuisé mon cœur. »
Elle n’insiste pas.
« Je sais. Tu vas me manquer tu sais ! »
Je m’efforce de sourire. Elle me regarde.
« Encore une semaine et on sera ensemble. », répondis-je.
« Et il n’y aura plus de caprices je te promets. Cet amour sera vivable. »
Elle m’embrasse et quitte mes bras pour entrer se coucher.
Une bonne heure passe avant que je la rejoigne. Je m’allonge doucement, je ne veux pas la réveiller mais pas de bol, elle se tourne, m’aperçoit et vient se blottir dans mes bras.
« Nowa ?! »
« Oui ?! »
Je crois qu’elle rêve.
« Il va se passer des choses dans cette histoire. Des choses qui me dépassent mais voilà, se sera ainsi. Je veux que peu importe ce qui arrivera, tu saches que je ne me suis jamais imaginé avec une autre. Jamais ! Il n’y a pas une autre dans mon cœur. »
« … »
« Tu m’écoutes ? »
« … »
Silence.
Elle dort. C’est peut-être mieux ainsi.
Comment on se sent quand on est responsable d’un si grand désastre ? Quand on sait le raz de marée qu’on a provoqué dans une vie !
Nowa ne dort pas longtemps. Je ne dors pas du tout. A 02h, nous quittons l’hôtel pour l’aéroport. Après l’avoir enregistrée, je prends un café avec elle. C’est le moment de se dire au revoir. J’ai comme un poignard sous la gorge. J’essaie de faire bonne figure. Je ne veux pas lui gâcher ce séjour.
« Dernier baiser ! »
« Oui ! Dernier baiser Rudy. »
On s’embrasse une dernière fois.
« Il faut que j’y aille sinon, je vais le manquer cet avion. »
Je ne me résous pas à lui lâcher la main.
« Il faut que je te dise quelque chose Nowa. »
« Ça ne peut pas attendre ton retour ? Il faut que j’y aille Rudy. »
Qu’est-ce que je fais ?
« On se reverra. Je ne vais pas au ciel ! »
Je la prends dans mes bras.
« Dans une semaine, on sera ensemble. »
« Une semaine ! »
« Oui, une semaine ! Mais il faut que tu me lâches Rudy. Je t’aime ! »
Je la regarde passer les portes. Je saisis vite un message pour elle. Elle le verra dès son arrivée.
« Je te retrouve bientôt. »
Rudy EYA
Enfin ! De retour à Abidjan.
Je sors de l’avion épuisé. J’ai sauté dans ce vol après ma dernière réunion de chantier. Je n’ai même pas eu le temps d’avaler quelque chose. J’ai juste eu le temps de faire un message à Calvin pour lui demander de passer me prendre. Et pour me mettre en boule, il n’est pas encore là.
Je l’appelle et ça sonne dans le vide. Je vais le tuer ce gars. Il aime trop les fesses de sa copine je vous assure. Je suis sûr que depuis mon départ, il ne va plus au boulot. Je reste comme un chien perdu dans le hall de l’aéroport. J’ai horreur des taxis donc dans ma tête c’est un vrai dilemme. J’emprunte un taxi ou j’attends. 15 minutes ! Je lui donne encore 15 minutes. Et après ce sera la fin de sa carrière de vivant sur cette terre. Je suis déjà en train d’imaginer la manière dont je vais le tuer quand j’aperçois sa voiture. Je me dirige vers elle. Je monte.
« EYA ! Un bonjour ne va pas te tuer. »
Je préfère me taire.
« Alors les guinéennes ? Elles sont toujours aussi chaudes que Djenaba ? », me demande-t-il.
Djenaba c’est une de mes ex. Une guinéenne. De la Guinée Bissau. Lui, il ne fait aucune différence.
« Je ne trempe pas mon truc partout comme toi. »
Il fait semblant de s’étouffer.
« C’est pour ça que tu es père d’un bébé fœtus ! Ou bien on dit d’une larve. »
Il m’énerve il ne sait pas.
« Si tu veux tu peux dire crevette. »
« On n’est pas chez les blancs, on va dire têtard. », finit-il par dire en démarrant.
Mine de rien, mon pays m’a manqué. Même si les gens disent que la Côte d’Ivoire est un pays en voie de développement seulement, je peux vous dire que sur cette voie, il y en a qui sont loin devant et il y en a qui sont loin derrière.
« Calvin, gare-toi. »
Il me regarde. Je coupe le volume de sa musique.
« S’il te plait. »
« Tu as encore enceinté qui ? Parce que je te promets que je n’aurai même pas la force de me battre avec toi cette fois. »
Je soupire. Il comprend que l’heure est grave. Il se gare sur le côté et coupe le moteur.
« Tu vois Tina … »
« Oui, ta tchoin ! »
Je le regarde.
« Ce n’est pas une tchoin pardon ! »
Il applaudit.
« Tu la défends maintenant ? Comment tu appelles ça une femme qui baise avec un autre alors qu’elle a une grosse alliance accrochée à son doigt ? Bref, c’est une tchoin de luxe mais continues. »
« Je vais être bref ! Tina c’est la sœur de Nowa. »
« Hein ! »
Je garde le silence. Il faut que l’information percute dans son cerveau.
« Attends un peu. Ta Tina est la Tina d’Iris ? La sœur de Nowa ? Tu te fiches de moi ? »
« J’ai l’air de rigoler ? J’ai l’air bien là Calvin ? », hurlais-je.
Je crois que c’est seulement à ce moment qu’il remarque ma tête de mort. Depuis le soir où j’ai su que Tina et Nowa sont sœurs, je me sens mort un peu plus chaque jour. Je ne dors plus. Je n’avale presque rien.
« Type ! Tu es dans la merde ! », fait-il.
« Je sais ! Je compte tout lui raconter ce soir. »
Il ouvre grands les yeux. Même quand tu décides de dire la vérité, il y a une crétin qui est ton meilleur ami qui te conseille de faire le contraire et comme un crétin marche avec un crétin, tu te retrouves à l’écouter.
« Tu ne dis rien ? »
Il soupire !
« Tu sais Rudy ! Cette histoire me dépasse déjà. Je suis ton pote depuis toujours et là, j’ai comme l’impression que ta façon de gérer ta vie va sacrément influencer la mienne. »
Il ne me laisse pas en placer une qu’il démarre déjà.
Oui, ce soir je vais tout lui dire ! Je me rappelle ce passage biblique qui dit que l’amour pardonne tout. Avec un peu de chance elle me pardonnera.
Calvin me laisse juste devant l’immeuble. Il doit retourner à son travail. Je monte et je me dirige droit vers la chambre. Bonne chance EYA.
Nowa NYANE
« J’espère qu’il est beau. Et grand ! Je ne tiens pas à ce qu’il épuise le capital beauté de la famille. », lance grand-mère alors que nous sortons de l’ascenseur.
« Il est grand mamie. Il est intelligent. Il est tout. »
« Tout comme l’était ton feu grand-père ? », me demande-t-elle.
« Mamie, je t’ai dit que je ne veux pas savoir ce qu’il était dans les coulisses de votre vie. Maintenant je veux que tu me promettes de ne pas lui mettre la pression. »
« Mais comment ça la pression ? Tu es en train de me dire que tu veux qu’il t’étudie comme l’a chanté cette femme aux grosses fesses ? Tu sais, celle avec des locks. »
Elle m’arrache un fou rire. J’embrasse ses mains et nous passons la porte.
J’installe confortablement mamie. Un verre de jus dilué à un peu d’eau, quelques bâtonnets de légumes et je peux m’en aller trouver Rudy.
Quand j’ouvre la porte, il fait tout noir à l’intérieur de la chambre. La climatisation est en marche. Il dort. Je présume qu’il est fatigué alors, je sors sous la pointe des pieds.
« Alors, il est où ? », me demande mamie.
« Mais un peu de patience ! Il dort. Mais je te promets qu’il ne tardera pas à se lever. En attendant, tu veux m’accompagner faire le diner ? »
« Je t’accompagne à la cuisine mais je te préviens, je ne vais pas t’aider. »
« Evidement ! »
Avec mamie à mes côtés, je me sens tellement bien. Ici, ce soir, il y a les deux personnes bien importantes dans ma vie. Je pensais que présenter Rudy à mamie allait me stresser mais non, je me sens même trop bien.
Mamie se sert un verre de vin.
« Tu sais que tu ne devrais pas. »
« Rhooo ! Ce soir je rencontre mon futur gendre alors je peux bien me faire plaisir. »
« C’est ça ! Je reviens. »
J’entends du bruit, je m’en vais dans la chambre. Rudy est sous la douche.
« Tu as fait un bon voyage mon cœur ? »
Il ferme le robinet et apparait devant moi avec une serviette nouée à la taille.
« Tu as une sale tête Rudy ! », dis-je en m’approchant de lui.
Il pose ses mains sur mes haches, m’attire à lui et m’embrasse. Mes mains courent sur son dos encore mouillé. Il m’embrasse. Sa langue s’enroule autour de la mienne. Mes mains se perdent sous mon tee-shirt jusqu’à trouver mes seins.
« Il faut qu’on arrête. J’ai une surprise pour toi. »
« Une surprise ? »
« Oui », répondis-je en me dégageant de son étreinte.
Je lui fais un sourire et je sors rapidement de la chambre.
« Toi tu as la tête d’une fille qui vient de faire des bêtises. »
« Mais non ! »
Je mets la table en attendant que Rudy sorte. Mamie ne laisse pas tomber cette affaire de bêtises. Si elle savait toutes les folies que nous avons déjà fait de nos corps. Et ce soir, je sais que je serai K.O. Il aura droit à tout ce qu’il voudra cet homme.
Quand Rudy sort du couloir, je vois bien qu’il est un peu surpris. Je quitte ma place et je m’en vais à côté de lui.
« Mamie, je te présente Rudy. Rudy, je te présente ma grande-mère Paola NYANE. Mamie, Rudy est … »
Il est quoi ?
Les deux sont en attente de la suite de mon discours.
« Rudy est l’homme que j’aime. », dis-je en plongeant mon regard dans le sien.
Ouf, c’est passé !
« Bonsoir madame. Vous êtes beaucoup plus belle que ce que j’imaginais. »
Je souris. Mamie a toujours été fleur bleue mais elle sait quand un homme est un beau parleur.
« Je comprends pourquoi tu es toujours aussi souriante Nowa. »
« Ne l’écoute pas ! Tu sais, elle est vieille. »
Nous partons tous dans un fou rire.
« Sinon, on devrait passer à table sinon ce sera froid. »
Nous passons à table. Mamie raconte ne se gêne pas pour raconter les histoires les plus honteuses de ma vie. J’ai envie de m’enfoncer dans le trou d’une aiguille. Même si Rudy rit beaucoup, j’ai l’impression que quelque chose ne va pas. Je lui caresse la main sous la table. Il répond à cette caresse affectueusement. Il a vraiment l’air fatigué. Pauvre chérie.
Mamie semble très heureuse. Elle rit, mange et boit. Elle a décidé de faire quelques excès ce soir tellement elle est heureuse. Je sens qu’elle et Rudy, ça va marcher.
Après le diner, ils profitent de mon passage sous la douche pour faire plus ample connaissance. Je ne me fais pas de souci quand je les laisse au salon.
« Tu viens, on va la raccompagner. », me lance Rudy alors que j’enfile une robe.
« Tu es content ? », demandais-je.
« On en parlera tout à l’heure. Dépêche-toi, elle est fatiguée. »
Bizarre ! Je finis par sortir et nous raccompagnons mamie.
Je n’entre pas. Je la laisse devant le portail sinon, il faudra que je trouve une belle histoire à raconter à mes parents.
« Il est adorable Nowa. Ne gâche pas tout. », me glisse-t-elle avant de m’embrasser.
« Je te le promets mamie. »
« Je t’aime. »
« Moi aussi mamie. Je t’aime plus que tout. »
« Plus que lui ? »
« Plus que lui ! »
« Ne le lui dis surtout pas, il risquerait de te faire une scène. »
Elle entre et moi, je retourne à la voiture.
Durant le trajet de retour, il ne dit rien. J’ai envie de lui poser une tonne de questions mais cette attitude qu’il a me laisse perplexe. Dans l’ascenseur, c’est pareil. Pas un mot, pas un regard. Jusqu’à ce que nous soyons à l’intérieur. J’en ai marre, je vais briser la glace.
« Tu as passé une bonne soirée ? »
« Tu aurais dû me prévenir Nowa ! »
« Te préve… »
« Oui, tu aurais dû me dire que ce soir, tu allais me présenter ta grand-mère. », dit-il en entrant dans la chambre.
« Je pensais que ça te ferait plaisir de rencontrer un membre de ma famille. Ce soir, je t’ai présentée le membre le plus important … »
« Tu peux arrêter ? »
Qu’est-ce qui lui arrive à ce gars ?
« Tu peux m’expliquer ce qui t’arrive ? »
Il ne répond pas. Il enlève son tee-shirt et le jette sur le sol.
« Je t’ai posé une question. Tu veux bien m’expliquer ce qui ce passe ? Tu as eu un problème sur ton chantier ou quoi ? »
« Je pourrai dormir ? Je suis épuisé. »
« Non ! Tu ne peux pas ! Tu vas me dire ce qui se passe ? »
« Nowa ! Je n’ai rien à t’expliquer. Je suis encore chez moi je pense. »
Quoi ? Il a oublié que j’ai aussi un appartement ou quoi ?
« Ton quoi ? Je pensais qu’il n’y avait plus de toi ou de moi. Que c’était nous. »
« Tu pensais Nowa ! Là, tu vois donc que ce n’est pas le cas. Bonne nuit ! »
« Tu n’es qu’un salop Rudy ! »
Je débranche mon portable et je m’en vais au salon en claquant bien la porte.
Ca fait presqu’une heure que je suis là, toute seule dans le salon de SON appartement. Je me pose mille et une questions et je n’ai pas le moindre échantillon de réponse. J’ai envie de pleurer. De crier. Quelle erreur ai-je commise cette fois ? On dirait qu’il est devenu comme fou tout d’un coup.
Je suis là sur mon portable et je tombe sur ma dernière conversation avec Noah. Oui, Noah ! Voilà ce qu’il me faut. J’ai besoin de rire.
Je me lève, j’attrape mon portable et mon portefeuille. Je prends le soin de poser ses clés bien en évidence avant de sortir.
Mika BIAM
Qui ça peut bien être encore ?
Je me lève et je m’en vais ouvrir.
Tiens ! La fille de la dernière fois. Comment déjà ? Nowa !
Noah se vante tellement qu’elle soit son homonyme que j’ai fini par apprendre son prénom. J’ai vu qu’ils sont même amis sur Facebook. Elle est mignonne et puis, toutes ces taches sur son visage lui donnent un air spécial.
Je cherche dans ma tête mais je crois que la dernière fois, elle ne les avait pas.
« Bonsoir. »
« Bonsoir. Je pourrai voir … »
« Noah ? »
Elle sourit.
« Oui ! Noah ! »
Sourire assassin. Et ses yeux, ils sont grands, on dirait qu’ils portent le ciel.
« Il n’est pas là mais si tu veux, tu peux l’attendre. Il ne devrait pas tarder. »
« Je vais l’attendre. »
Je la laisse passer. Je l’installe au salon et je retourne dans ma chambre.
Combien de temps s’écoule-t-il ?
J’entends frapper à ma porte. Je m’en vais ouvrir.
Elle est là ! Devant moi.
« Tu es sûr qu’il va bientôt arriver ? »
« Je pense. »
« O.K ! »
Elle retourne dans le salon et moi je referme ma porte.
Humm… Il m’en voudra si jamais je lui dis que je l’ai laissé partir. Je sais qu’elle lui plait. Elle fait même plus que lui plaire à Noah.
J’enfile un tee-shirt et je la rejoins au salon. Je vais essayer de lui tenir compagnie. Je ne parie pas de la qualité de cette compagnie.
« Tu veux regarder la télévision ? »
« Non. Je ne suis pas très télé. »
« Et qu’est-ce que tu aimes ? »
« Tout un tas de choses. »
« Comme … »