27. Mise en scène

Ecrit par SSS

******Le Lendemain matin******

… .. Dans la peau de Leilatou Maddo……….

Les voix n’arrêtent pas de siffler dans ma tête. Hier j’ai même vu mes parents décédés assis dans le divan qui me parlaient. Ce sont les personnes que je détestait le plus au monde. Ils avaient gâché mon enfance et ont fait de moi la personne malheureuse que je suis devenue. Ils méritaient de mourir brûlés sur un bûcher ardent. C’est bien fait pour eux s'ils sont morts. Et tout les autres qui m'ont fait du mal les suivront.

Je suis entrain de prendre une douche froide histoire de calmer un peu mes esprits. Je perds la boule petit à petit. Peut-être que je suis folle depuis longtemps. Peut-être que c’est Eugenio qui m'a rendu folle. Mes deux cinquante ne font plus cent et je ne pense qu’à une chose : buter quelqu'un. Soudain, mon téléphone se met à sonner. C’est une surprise puisque depuis un baille personne ne m’appelle ; je me demande bien qui ça peut être. Je rince rapidement la mousse de mon corps et je me sèche.

La sonnerie se coupe et reprend de plus belle. Je prends le téléphone et je vois le numéro de….Eugenio ??? Pourquoi celui-là m'appelle ? C’est pour encore m'humilier je suis sûre. Ce sorcier là me veux quoi ? Mais s'il essaie de mal me parler, je vais lui faire la leçon de sa vie.

- Moi : Allô ? Quelle surprise ! Je ne savais pas que j'aurai l'honneur de t’entendre à nouveau un jour.

- Lui : Dieu merci, tu as décroché enfin. Il faut que tu viennes urgemment à ma résidence principale. C’est vraiment urgent…

- Moi : Tu es vraiment gonflé de me demander ça comme ça. Tu pense toujours que tu es le personnage central de l'univers. Mais pour qui tu te….

- Lui : C’est la vie de Key qui est en jeu !

Quoi ma fille ? Non j'y crois pas, je pense qu’il me raconte n'importe quoi. 

- Moi : Ah bon ? Pourquoi tu me dit de venir chez toi si elle est à l’hôpital ?

- Lui : Ce n'est plus une affaire d’hôpital, les médecins sont dépassés. On l'a ramené à la maison et j'ai dû appeler un prêtre du Fâ sacré. Il dit que ta présence est impérative dans les plus brefs délais. S'il te plaît, viens. Je t'envoie l’argent du transport tout de suite si tu veux.

Il a l'air sincère. Et puis si la vie de ma fille est vraiment en danger, je dois me dépêcher pour y aller. Hey Dieu ma fille ! Qu’est-ce qui se passe encore ?

- Moi : Je vais venir tout de suite. À tout à l'heure.

Je m'habille aussi vite que je peux. Je hèle un taxi et je file en direction de la fameuse résidence Da Silva qui est à au moins 30min d'ici. Mon cœur bat à 100 à l'heure et je m’imagine tellement de scénarios catastrophiques. Même si je suis pas en bons termes avec Dieu, qu'il épargne au moins ma fille !

Le taxi me dépose devant le portail. Tellement de souvenirs me revienne, bons comme mauvais : mon entrée ici en tant qu’épouse, mes débuts difficiles avec Eugenio, la naissance de ma fille….. Je réprime rapidement une larme qui me vient à l'œil. Je ne veux pas paraître faible devant cet homme. Le gardien me fait entrer et m’introduit au salon.

Quel désordre par ici ! C’est curieux, Eugenio exige un niveau de propreté très élevé dans chaque pièce de sa maison et là, il y a un vase brisée, le guéridon déplacé, les portes des armoires ouvertes, les tiroirs ouverts et vidés. Est-ce qu’il y a eu un braquage ici ? Je suis là dans mes questionnements quand la domestique vient en trombe au salon. Elle a l'air essoufflée :

- Elle : Bonjour et bonne arrivée madame. Monsieur Eugenio vous attend à l'étage dans la chambre de la petite.

- Moi : OK mais qu’est-ce qu'il se passe enfin ??

- Elle : je ne saurais vous le dire. En tout cas vous devez impérativement venir.

Hum c'est suspect tout ça. Mais ça concerne ma fille donc je n'ai pas le choix. Je la suis au premier étage et on entre dans la chambre.  Mon Dieu ! Ma fille est étendue dans le lit, droite comme un i, recouverte d'un drap jusqu’au cou et blanche comme un cachet d'aspirine. Eugenio est dans sa chaise roulante en face du lit, la tête entre les mains. Et il y a un vieux type bizarre, assez sale, vêtu d’une tunique rouge en lambeaux sertie de cauris debout près du lit avec un canari tout aussi sale dans les mains. Il a tout l'air d'un féticheur. 

Je me précipite vers le lit pour voir ma pauvre fille mais le féticheur me retient par la main.

- Féticheur : Madame non ! Personne ne doit s'approcher d'elle. Son esprit innocent est en plein ballotage. Il ne faut pas souiller celui-ci avec votre esprit déjà souillé.

- Moi : Mais vous c'est qui ? Qui êtes-vous pour m’empêcher de  m’approcher de ma fille ?? 

- Féticheur : Moi c'est Kaya, guérisseur traditionnel réputé pour toute sorte de problème d'ordre mystique. Et je suis là pour sauver votre fille.

- Moi : Pardon ?? Mais Eugenio, c'est quoi ce délire ? Pourquoi la fille n'est plus à l’hôpital ? Pourquoi la confier à ce type ?

- Eugenio : (soupir) Les médecins ne comprennent rien. Elle était bien partie pour guérir complètement mais elle est tombée dans un état secondaire : ni morte ni vivante. Presqu'un coma mais un peu plus grave. C’est du jamais vu. Ce n'est pas lié à son état de drépanocytaire, ni à l’accident. Toute analyse faite, les médecins eux même ont dit qu'il s’agissait d'un problème probablement spirituel. C’est pour cela que j’ai fait recours à un maître des sciences occultes.

- Moi : Mais tu aurais dû m'en parler d'abord ! Je suis sa mère et tu n'as aucun lien véritable avec elle ! Tu n'es pas son père !

- Eugenio : Je suis désolé, j'ai agi dans l’urgence.

- Moi : Tu parle de problème spirituel ?? Mais quel problème spirituel pourrait-elle avoir ? Elle est très éloignée de tout ces trucs. Et c’est ce type qui est censé le résoudre ?

- Eugenio : Eh oui. Il est d’ailleurs le mieux placé pour t’expliquer ce qui se passe. Monsieur Kaya, expliquez lui !

- Kaya : Madame, votre fille est tout à fait innocente. Elle est néanmoins victime d'un passé lourd qui n'est pas le sien, un passé chargé de mauvaises actions, d'actes douteux, de méchanceté, d'actions troubles…

- Moi : Mais qu’est-ce qu’il raconte même ?

- Kaya : Laissez moi finir au moins. 

Ce gars m'énerve déjà ? De quel passé il veut parler au juste. Il me regarde bizarrement comme s'il cherchait quelque chose dans mes yeux.

- Moi : Quel ânerie voulez-vous dire ? Hein ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

- Kaya : Ça veut simplement dire que les mauvais actes que quelqu'un de proche de cet enfant, en l’occurrence l’un de ses parents est entrain de la poursuivre d'une manière ou d'une autre. Ça s’appelle le karma. C’est sûrement l'un d'entre vous ses parents qui a quelque chose à se reprocher.

Hummm…….. Son regard m'intimide. Je me sens pointé du doigt mais j'essaie de cacher mon trouble. 

- Moi : Et puis quoi encore ? Eugenio franchement ! C’est comme ça que Keyla va s'en sortir ? Avec des bêtises pareilles ?

Eugenio se contente de me regarder sans broncher. Au même moment, la domestique vient de nouveau dans la chambre accompagnée cette fois ci de……Max ??? Qu’est-ce qu’il fout ici lui ?

- Max : Bonjour Eugenio, je suis venu le plus vite possible quand tu m'as……Leila ?? Qu’est-ce qu'elle fait là ?

- Eugenio : Super, vous êtes tout deux là maintenant. Féticheur, voilà les deux parents biologiques de l'enfant.

Quoi ? Depuis quand Eugenio sait pour la paternité de Max ? C’est sûr que c'est lui-même qui lui as dit, ce bâtard. Mais pourquoi Eugi nous invite tout les deux ?

- Moi : Eugenio mais pourquoi cette réunion incongrue ? Qu’est-ce qu’il fout ici ? 

- Eugenio : J'aurais appris que c’est lui le père, c’est donc logique qu’il soit là. Monsieur Kaya a dit que le problème vient de l'un d'entre vous, raison pour laquelle je vous ai fait venir tout les deux pour qu'on détermine d’où ça vient, c'est simple.

La bonne blague ! J'ai envie de le tuer quoi ! Je me demande bien où cela va me mener, merde.

- Kaya : Monsieur Da Silva, vous allez devoir nous laisser seul. Ça ne vous regarde pas vraiment.

Il acquiesce et sort en roulant sa chaise. Le féticheur ferme derrière lui. Il vient se mettre devant nous et nous fixe de ses paupières fripées.

- Kaya : Maintenant que nous sommes seuls, je vais effectuer le rituel permettant de détecter la source d'énergie négative qui affecte la vie de votre fille. 

- Max : Vous voulez dire que c'est l'un de nous qui occasionne cela ? C’est terrible.

- Moi : Mais non, c’est du n'importe quoi. Il raconte sa vie, le mec ! Tu crois vraiment ce qu’il dit ?

- Max : Mais regarde la petite, blanche comme un cachet d'aspirine, malade et inconsciente. Tu ne vois pas qu'elle a besoin d'aide ? C’est notre devoir de tout tenter pour la tirer de là ! Vrai ou pas vrai, je suis son père et par conséquent je décide. Féticheur, effectuons le rituel donc. 

J’ai vraiment envie de me tirer d'ici. Tout ça commence par me filer les chocottes. Et si ce qu’il racontait était sérieux ? Je ne veux pas ouvrir mes dossiers à un inconnu tout de même. Il y a des choses que je ne veux surtout qu'on sache de ma vie. Mais bien sûr, cet imbécile de Max a le don de me mettre des bâtons dans les roues. Je regrette vraiment le jour où j’ai croisé sa route et qu’il a vu la couleur de mon entrejambe. 

Kaya nous fait asseoir par terre en demi-cercle. Il pose devant nous un grand canari rempli d'un liquide verdâtre, nauséeux, avec des feuilles ramollies. Tout ça sent la pisse de mouton, beurk.beurkk.

- Kaya : Trempez les premières phalanges de vos annulaires droits et gauches simultanément dans la calebasse. D'abord Monsieur.

Max trempe ses doigts dans ce caca vert. Au bout de deux secondes, Kaya lui dit de les retirer.

- Kaya : À vous Madame.

- Moi : Jamais ! C’est trop dégueulasse ! Mon doigt ne peux pas entrer dedans.

- Max : Tu es sûr que tu aime ta fille ?? Plonger tes laids doigts là simplement te dépasse ? Exécute toi et ne m'énerve surtout pas ! Tu chies pire.

Imbécile, je vais bientôt te tuer, ce n'est qu’une question de temps. En attendant, il y a plus urgent. Je ravale ma fierté et je plonge mes doigts dans cette mouise. Je les retire presqu'immédiatement. Hich mon corps me démange.

- Kaya : Bien. Merci à tous les deux. Kotokoto yalaïla imayola imayolo ihiihihihi. Eau sacrée des sept rivières du monde supérieur !! Eau du savoir et de la vérité !! Dévoile moi tout, ne me cache rien. Montre moi la noirceur des âmes.

Il nous regarde tout les deux attentivement. Une boule se forme dans mon ventre et je ressens comme de la peur. Ça ne peut pas être vrai quand même non.

- Max : Alors ? Verdict ?

- Kaya : Humm humm humm. Madame Leilatou. Je crois que vous avez beaucoup à avouer aux esprits. Il y a une ombre noir très vaste qui vous suit partout comme une queue. Ça veut dire que l'onde négative émane directement de vous.

- Moi : Quoi ?? Qu’est-ce que vous dites comme ça ? Max, cet homme est un fou allié. Moi je m'en vais d'ici tout de suite.

- Max : Hop hop hop attends. Tu pars où ? Tu n'as pas entendu les mots du féticheur ? C’est toi la sorcière qui détruit notre fille. Eya, raconte madame. Raconte tes crimes pour sauver l'enfant. 

- Moi : Mais ça n'a aucun sens ça…

- Kaya : Madame, ce n'est pas pour vous mettre la pression mais regardez votre enfant. La chair de votre chair, innocente personne faite d'amour. Mérite-t-elle de vivre tout ça ? C’est une injustice de la laisser ainsi. Une injustice que vous seule pouvez réparer. Je vous en prie, un effort.

Là, il vient de me prendre par les sentiments. Mon cœur bat la chamade. Après tout, la vie de ma fille est plus importante pour moi que tout le reste, passé, présent ou futur. Je la regarde, et son doux visage m'attendrit. C’est la seule personne que j'ai aussi profondément aimé, d'amour pure. Une larme coule de ma joue, suivie d'une deuxième. Je ne peux l’éviter, il faut que je parle.

- Moi : Max, tu peux nous laisser s'il te plaît ? Je veux parler au féticheur.

- Max : Hum OK. Ne le soudoie pas comme tu sais bien le faire.

Il sort de la chambre, me laissant nez à nez avec mon destin.

- Moi : Monsieur Kaya, êtes vous vraiment sûr de ce que vous dites ? Elle va se réveiller ?

- Lui : oui avec certitude. Allez- y, parlez sans crainte. Ce sera entre vous, les esprits et moi.

- Moi : Hum….ne dîtes rien à Eugenio ni Max, pitié !

- Lui : Je le jure sur l'eau sacrée des sept rivières.

- Moi : OK je vais tout vous dire.

…………. Dans la peau de Yani Balka……………

Je suis tout ce qui se passe dans la chambre de Keyla via mon PC. Eh oui ! Je suis nichée quelque part au troisième étage de la résidence de Eugenio, au calme dans un silence absolue. Il ne faut pas qu’elle devine que tout ça est évidemment une machination pour recueillir des infos juteuses. Il y a deux caméras et trois micros disséminés dans la chambre qui me permettent de tout voir et tout entendre avec précision.

Ce soi-disant féticheur me fait bien rire. C’est juste un vieux planton qui travaille à la PC-Ds que Eugenio va gracieusement payer. Et si la petite dort ainsi, c’est grâce à une injection faite par le médecin pour la faire dormir quelques heures. Et un peu de poudre a permis de rendre son corps pâle. C'est dingue de voir qu’elle est tombée aussi facilement dans le piège.

Eugenio et Max m'ont rejoint quelques minutes après. Ils prennent place à mes côtés. 

- Eugenio : (chuchotant), alors, tu as toutes les images ? Et le son ?

- Moi : Tout est parfait. La qualité du son est nickel.

- Max : Je pense que la partie croustillante est arrivée…

- Moi : c'est un peu cruel d'utiliser son cœur de mère non ?

- Max : Elle est pire que ça. Taisons-nous et écoutons seulement.

Nous sommes tous concentrés sur l'écran. Leila essuie les larmes de son visage et s'éclaircit la voix.

- Leila : Féticheur ce que je m’apprête à vous dire est très grave et personne ne le sait à part moi.

- Kaya : Adresse toi aux esprits de la rivière. C’est eux tes confidents aujourd’hui.

- Leila : Esprits de la rivière, épargnez ma fille je vous en prie. Écoutez mes confidences.

- Kaya : Ils t'écoutent ma fille.

- Leila : Il y a fort longtemps, dans ma petite jeunesse, j’ai commis une erreur motivée par la souffrance et la douleur. J’ai…. J'ai causé la mort de mes parents.

Hein ??? Elle a fait quoi ?


Au delà de ce que tu...