3 - Yacine

Ecrit par ACLIRL

Coucou à tous! Encore une fois merci de suivre l'histoire. Vous êtes les best ! Commentez, laissez vos impressions, critiquez (ce n'est qu'instructif). Bonne lecture les amis.

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- Au Verre de Nuit

Cela fait maintenant un bon quart d'heure que l'on joue à ça. Enfin, si le terme de jeu est approprié. Je me sens comme une gamine de 11 ans. Lorsque je tourne la tête, je sens son regard s'attarder sur moi. Et lorsque je le regarde, il feint ne pas m'avoir vue, mais son rictus moqueur le trahis. Jamais je n'avais vu ce client. Un nouveau du coin je présume. Je pense que je l'aurai remarqué même si nous ne jouions pas. Malgré la distance qui nous sépare et le box à la lumière tamisée dans lequel il se trouve, je ne peux que fondre en apercevant la beauté de ses traits. J'aimerai tellement le voir de plus près que j'hésite à feindre une envie pressante étant donné que le chemin des toilettes m'obligera à passer près de son box. Sans m'en rendre compte, je me suis mise à le fixer. Lui aussi d'ailleurs. Avec un petit sourire qui vint flatter mon ego. 

- Yass ?! Moins de rêves, plus de travail ! Si je voulais te voir rêver je ne te ferai pas venir jusqu'ici !

- Désolée...je...

- T'apprêtais à doubler d'efforts ? Je n'en doute pas une seconde, me dit Nora tout sourire.

- C'est que j'allais dire.

Ce n'est pas ce que j'allais dire. Nora est adorable et rieuse. Mais ça c'est tant qu'on bosse plus dur qu'on ne le peut.

Il est déjà 1h du matin. Plus que 2 heures de travail... je peux le faire ! Sans m'en rendre compte j'oublie rapidement l'autre.

M'acharnant dans ce que je fais de mieux, j'enchaîne le service et aperçoit 2h20 du matin sur l'horloge entre un Sex on the Beach et une Tequila. Nora m'accorde une pose pipi. Je marche dans le bar en passant les box où ce qui me semble être des étudiants célèbrent le début des vacances à coup de bières et de shots.

Je passe maintenant devant le box de l'autre. Vide. Bon, il s'est en allé. Je ne saurais peut-être jamais à quoi il ressemble de près. Pourquoi jouait-il avec moi ? Et que faisait-il seul dans un bar un vendredi soir ? Le verrai-je demain ?

Mon portable se met à sonner, ce qui interrompt le fil de mes pensées. Vous connaissez ces moments j'en suis sûre. Ces moments où vous espérez désespérément qu'une personne ne vous appelle pas. Vous le souhaitez tellement fort que vous ne retournez pas l'écran et priez avant de le faire - comme si cela changerai l'émetteur de l'appel. 

J'hésite longuement avant de répondre puis enfin, lentement, je retourne l'écran et voit s'afficher le nom de la dernière personne à laquelle je souhaiterai parler. J'ai arrêté de compter les appels de Thomas à partir du trentième. Et ça, c'était il y a plus d'un mois. J'ai fuis la conversation que nous devons avoir depuis que je l'ai surpris dans la pire situation qu'une petite amie puisse voir celui qu'elle aime. Dans les bras d'une autre.

Avant cette fois-là, je ne connaissais pas le sens du mot trahison. Je me suis toujours sentie en sécurité avec lui. Jamais je ne m'étais imaginé qu'il ferait une telle chose, alors que j'étais sous le choc de l'inexplicable départ de mon géniteur. Je ne lui avais jamais été infidèle en 2 ans. Je sais pertinemment que je n'ai rien mérité de tout cela.

Visiblement, il n'a toujours pas compris que parler avec lui n'étais plus une option. Je vais décrocher et lui faire comprendre que nous n'avons absolument plus rien à nous dire et que tout est clair. Je peux le faire ! J'accélère le pas, et décroche en longeant le couloir.

- Allô ? Dis-je.

- Yass... tu décroche enfin, dis Thomas le soulagement plein la voix. Tu aurais pu...

- J'aurais pu quoi Thomas ? L’engueulai-je. Te répondre ?

- Oui, tu aurais-pu me laisser une chance de m'expliquer. Tu prends des conclusions hâtives...

Je lève les yeux au ciel, n'entrant pas dans les toilettes auxquelles je fais dos à la porte. En quoi le fait d'ignorer le petit ami qui vous a trompé pendant Dieu sait combien de temps est-il hâtif ? Je fais abstraction de la porte qui claque derrière moi. Trop énervée pour me soucier d'être entendu ou non, je balance :

- Tu sais quoi ? Tu as raison. Vous êtes probablement accidentellement tombés l'un sur l'autre et je vous ai trouvés au mauvais endroit au mauvais moment...

- Ne sois pas sarcastique ! On peut avoir une conversation sérieuse ? Tu es libre un jour de la semaine ? dit-il la voix pleine d'espoir.

- Non, je ne peux pas, ni cette semaine, ni jamais. Passe à autre chose apparemment t'y arrivais déjà avant d'y avoir le droit.

- Comment veux-tu que je passe à autre chose après deux ans ? Je ne vais pas me lever et ...

- Thomas, je ... j'ai quelqu'un, le coupais-je.

Plus un son à l'autre bout du fil. Je sais qu'il est mauvais de mentir. Mais non seulement j'étais en rogne, mais en plus j'étais sincèrement blessée en découvrant son infidélité. Je m'étais habituée à notre petite routine. S'il pense que je suis avec quelqu'un d'autre, il ne verra peut-être plus d'intérêt à me joindre.

- Quoi ? Je le connais ? Depuis quand ?

- Je n'ai aucun compte à te rendre, dis-je dans un souffle. Au moins, je n'ai pas de doute sur lui et il n'insiste pas lorsqu'il voit que je ne suis pas prête. Et tu sais pertinemment à quoi je fais référence...

Au moment où cette phrase franchis mes lèvres, je sens une peau douce longer celle de la main dans laquelle je tiens le téléphone. Tout se passe si vite. Je n'ai pas le temps d'arrêter quiconque tente de se saisir de mon téléphone. Je faillis tomber en tentant de me retourner et une main me rattrape par la taille, me collant contre le voleur. Pourquoi ne s'enfuit-il pas ?

Je me retourne, coincée contre le voleur dont le bras me tient en équilibre. Je me retrouve alors en face d'un homme qui me dépasse d'une bonne tête. Je lève la tête et la scène ressemble à un ralenti : je découvre d'abord un menton orné d'une barbe naissante. Je fais ensuite face à des lèvres roses et pulpeuses dont le propriétaire s'humecte discrètement. Mes yeux longent le nez long et fin du voleur et rencontrent enfin les siens. Je me noie lentement dans les yeux émeraude de l'autre. Je m'y noie au point d'oublier ce qui se passe.

Je reviens à la réalité lorsque l'autre prend la parole en s'adressant à Thomas. Qu'est-ce qui lui prend ? Ceci n'a rien à voir avec un jeu. Rien à voir avec notre jeu en début de soirée. Je le remercie intérieurement de me tenir. S'il ne le faisait pas, mes jambes auraient cédé depuis longtemps et je me retrouverai à même le sol.

- Thomas, dit-il sûr de lui, Je crois qu'elle sait fait comprendre.

Il fronce légèrement les sourcils pendant qu'il écoute la réponse de Thomas. Je le sens se contracter, ce qui resserre notre 'étreinte'. Soudain, un sourire curieux - qui creuse une fossette dans se joue droite - parcours ses lèvres pulpeuses. Je décide de suivre le reste de la conversation en les regardant bouger.

- Oui, réplique-t-il. Et quel que soit ce que tu t'imagines, c'était encore meilleur. Et puis, c'est MA copine. Il va falloir que tu changes de terme. Le plus approprié serait celui d'ex. Vu comment tu t'es comporté à son égard tu dois être familier avec le concept.

Silence. Les lèvres se ferment et l'autre incline la tête. Je plonge les yeux dans son regard. Il m'observe curieusement. Ses traits s'adoucissent.

- J'y compte bien, continue-t-il visiblement distrait. C'était le dernier appel que tu lui passais de toute manière. Et puis... si je te croise je te refais la face connard.

Il coupe. Dois-je attendre qu'il me relâche ? Dois-je parler ? Pourquoi m'observe-t-il de cette manière ? Est-il en couple ? S'il l'était ou ne l'était pas, qu'est-ce que cela changerai ?

C'est alors qu'il s'humecte les lèvres en observant les miennes de près. A imaginer ces dernières collées aux siennes, j'en ai la bouche sèche. Je sens son souffle chaud sur mon visage. Il se penche lentement et mes doigts effleurent son torse. Je sens les battements de son cœur accélérer. Le mien bat à tout rompre. Il bat si fort que je pourrais jurer qu'on le voit cogner contre ma poitrine.

C'est à ce moment là - par le plus grand des hasards - que Nora m'interpelle la voix non loin de l'autre et moi :

- Yass ! A moins que t'ais une gastro ramène tes fesses ! dit-elle alors que ses pas se rapprochent.

Je m'éloigne à la hâte de l'autre de crainte que ma patronne ne réinterprète cette étreinte involontaire - je pense.

Avant que je n’aie la moindre chance d'intervenir il me devance et s'adresse à Nora dès qu'elle est à notre stade. En face de la porte des toilettes.

- Je me sentirai terriblement mal si votre employée se voyait contrainte parce que je l'ai retenue quelques instants.

Nora s'empourpre. C'est bon signe. Je me défends d'intervenir en priant intérieurement pour qu'il me sauve comme il l'a fait avec Thomas, qui n'a pas encore daigné rappeler.

- Ma batterie est morte et il me fallait passer un appel urgent. Veuillez m'excuser si j'ai perturbé le service.

- Ne soyez pas stupide. J'exagère toujours un peu sur les pauses. Il te reste quelques minutes. Prend ton temps, me sourit-elle avant de s'en aller en titubant.

C'est une blague n'est-ce pas ? Je sais que l'autre est charmant mais quand même...

Il ne reste que nous deux désormais. Là je suis obligée de parler. D'une timide voix je lui dis:

- Hum... je ...hum merci.

Il se contente de m'écouter en réprimant un sourire, les dents implantées dans sa lèvre inférieure. Visiblement, je dois continuer à parler.

- Je vous en dois une, dis-je dans un souffle presque inaudible.

Il fronce les sourcils, le regard amusé. Il m'approche lentement. Lorsque nous nous retrouvons aussi proches qu'avant d'être interrompu il se penche et j'hume la douce odeur d'eau de Cologne qui émane de sa chemise blanche. Si son interlocution avec Thomas ne m'avait pas autant perturbée, j'aurai probablement remarqué à quel point il sentait bon.

- Non ma belle, il murmure. Le petit ami et la patronne. Tu m'en dois deux.

J'observe sa longue silhouette s'éloigner à mesure qu'il me contourne. J'apprécie la vue de son corps musclé jusqu'à ce qu'il s'éloigne, tétanisée.

Maintenant que l'autre est loin je me rends compte de ma stupidité.

Et merde... mon portable !

***

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