35. Le retour

Ecrit par Samensa

NANCY

Bien vrai que j’aie les yeux rivés sur le dessin animé diffusé à l’écran, j’ai les idées complètement ailleurs. Caressant la tête de mon fils étendu dans mes bras, je soupire  le cœur lourd. L’épisode d’hier avec Eric m’a vraiment marqué.

Voir cette femme dans son lit, ce lit que j’ai partagé avec lui m’a brisé le cœur. J’ai eu mal et j’ai toujours mal de savoir que peut être qu’à cet instant ils sont ensemble. Je suis bien placée pour savoir l’emprise d’Ela sur Eric. J’ai essayé de le changer pour qu’il m’aime mais rien n’y fit car il l’avait jusque dans l’âme.

Hier, j’espérais secrètement que quelque chose de bien se passe. Que quelqu’un m’explique pourquoi chaque fois que je suis prêt de lui, je n’arrive pas à m’empêcher de me voir dans ses bras. Et chaque jour, mon boulot m’oblige à le voir ce qui n’arrange rien à ma situation. Je souffre.

La solution apparait toute claire : changer d’emploi. J’ai déjà songé à envoyer mon CV ici et là. Et pour sortir totalement de l’univers d’Eric, j’ai décidé de quitter l’appartement. Ce sera certes difficile de joindre les deux bouts mais je compte m’organiser pour atteindre mon objectif.

Mes pensées sont interrompues par les pas de course de la fille de maison qui se dirige vers la porte en criant « c’est tonton ». Le ton avec lequel je lui demande de ne pas ouvrir la porte la surprend. Devant son air plus qu’étonné, je passe aller ouvrir moi-même la porte. Je suis automatiquement frappée par le parfum de l’homme.

-Bonjour Nancy. Dit-il avec un sourire franc.

-Bonjour. Répondis-je sèchement.

-Tu ne me laisses pas entrer ?

-Que veux-tu ?

-Je veux te parler. Tu dois…

-Stop là ! L’interrompai-je d’un geste de la main. Franchement, je n’ai pas besoin d’excuses ou d’explications. Vos histoires de couple ne m’intéressent pas. Bon sang, pourquoi tu ne me laisses pas tranquille ?

-…

-Tu m’as largué comme une merde !

-Ne dis pas ça Nancy.

-Mais tu veux que je te dise quoi ? Criai-je d’une voix brisée. N’est-ce pas ce qui s’est passé ? Tu voulais Ela et elle est venue s’offrir à toi. Prends-là donc !

-Nancy je suis vraiment désolée pour hier. Je voulais juste t’offrir un cadeau.

-Ce n’est pas mon anniversaire. Lançai-je du tac au tac.

-Je sais. Soupire-t-il.

Il sort un écrin qu’il me tend. Lasse, je le prends pour l’ouvrir. Malgré l’extraordinaire beauté du bracelet qui s’offre à ma vue, je reste impassible.

-Reprend le, je n’en veux pas.

-S’il te plait, ça me ferait plaisir que tu l’acceptes.

Je fourre l’écrin dans la poche de sa chemise.

-Le moment de me faire des cadeaux est passé. Garde ton énergie pour ta femme. Vivez heureux !

Je lui claque la porte au nez et repart m’assoir en serrant mon fils contre moi.

 

Environ trois semaines plus tard

 

ERIC

L’ambiance est bonne enfant chez les Aké. Les bras chargés de cadeaux, je suis venu voir le nouveau-né et féliciter la nourrice. Api a mis au monde une magnifique petite fille : Esther. Je ne peux m’empêcher de m’émouvoir devant la bouille de cet ange.

Assise au bout du canapé en face de moi, Ela ne cesse de fixer. Je peux sentir son regard jusque dans mon être intérieur. Je lui jette quelque fois des regards pour essayer de comprendre ce qu’elle me veut. Sa grossesse n’est désormais plus un secret. De là où je suis, je peux voir sa poitrine pleine et son ventre rebondi pointé légèrement dans sa camisole à bras mince.

Je jette imperceptiblement un coup d’œil à ma montre. Rodrigue est en route pour voir Api et j’ai promis l’attendre mais il tarde trop.

A un certain moment, Ela vient vers moi et demande à me parler en privé. A contre cœur, je la suis dans le jardin. Elle se met à me raconter des histoires come quoi je lui manque, au bébé aussi. Elle a besoin de moi pour vivre pleinement sa grossesse. Le médecin lui aurait dit que la présence paternelle est nécessaire pour le développement du bébé. Bref, des histoires à dormir debout. Elle prend mes mains qu’elle pose sur son ventre et plante ses yeux dans les miens.

Je m’apprête à lui annoncer qu’elle perd son temps lorsque je perçois la voix de mon ami qui m’interpelle. Non ! Je ne peux pas être aussi malchanceux. Rodrigue vient d’arriver avec à sa suite Nancy. Le regard de cette dernière s’attarde sur mes mains et Rodrigue semble gêné. Je les retire donc vivement, comme si le feu de l’enfer me brulait. Nous nous saluons puis ils rentrent. Mettant un terme à notre entrevu, j’entre à leur suite.

-Ta fille est magnifique, oh là là. S’émerveille Nancy en regardant Esther dans son berceau.

-On a la beauté dans le sang chez nous donc c’est normal. Dit immédiatement Ela en reprenant sa place.

-Je vois bien cela. Répond Nancy. Mais, il ne faut pas négliger le côté du père, il participe aussi à la beauté.

-Effectivement. C’est pourquoi je suis confiance dans le fait que notre bébé sera magnifique, n’est-ce  pas Eric ?

Silence dans la pièce. Apparemment, mon ex-femme ne s’est pas encore rendue compte que le fait d’être enceinte d’un frère alors qu’on sortait avec l’autre n’est pas un exploit. Qu’est ce qu’elle a dans la tête celle-là ? Elle le fait exprès, c’est certain. Il n’y a qu’à voir le sourire satisfait qu’elle affiche.

Je connais bien Nancy. Elle est touchée bien qu’elle ne le laisse paraitre.

-Tu auras effectivement un beau bébé. Me contraignis-je à répondre.

-Ah, c’est bien ça ! Félicitations à vous. Eric a oublié de m’annoncer cette bonne nouvelle. Déclare Nancy.

-Maintenant tu le sais ! Eric et moi allons bientôt avoir un enfant.

Nancy rit doucement d’un rire sans joie.

-En tout cas, je dois reconnaitre que tu es forte. Franchement, moi je n’aurai pas pu faire la distinction hein. Ou bien vous avez fait un test d’ADN ?

-Qu’est-ce que tu dis ? Bondit mon ex-femme.

-On va pas faire semblant ma chère. Personne dans cette pièce ne mettra sa main au feu en ce qui concerne la paternité de ta grossesse.

Les cris s’élèvent. Ela veut tuer Nancy. Rodrigue sermonne sa sœur. Mme Aké s’indigne. Api nous demande de sortir. Le bébé se met à pleurer.

-Je suis désolée ! crie Nancy au milieu du vacarme.

Elle sort de la pièce après avoir pris son sac. Rodrigue décide de la suivre mais je lui demande de me laisser seul avec elle.

-Où vas-tu ?

-Je rentre chez moi, ça ne se voit pas ?

-Il faut qu’on parle.

- Ah s’il te plait, laisse-moi ! Je n’ai pas envie de savoir.

-Ok mais laisse-moi au moins te raccompagne.

- Je préfère mille fois que le diable me prenne par la main que de te suivre où que ce soit.

-Tu parles trop Nancy.

-Quoi ? S’offusque-t-elle. Comment peux-tu me dire une chose pareille ? Tu es malade de…

Je la fais taire dans un baiser. Complètement à l’opposé de ce qu’elle fait paraitre, Nancy répond à mon baiser en soupirant. Passant ses bras autour de mon cou, elle m’embrasse à en perdre l’haleine. Je décolle mes lèvres des siennes en souriant :

-Tu vois que tu parles trop.

-Pourquoi tu me fais ça ? Eric, je ne mérite pas que tu me traites comme ça. Je suis fatiguée de souffrir à cause de toi. Murmure-t-elle contre ma poitrine.

Prenant son visage en coupe, je l’oblige à me regarder.

-Je promets d’effacer chaque goutte de larmes que tu as coulées par ma faute. Je te ferai oublier toute cette peine ma chérie. Il faut juste que tu m’en laisses l’occasion.

-Tu vas avoir un enfant avec elle ! Et tu veux que je te laisse une occasion ? Ne me prends pas pour une idiote. Je ne veux plus être la perdante de l’histoire. Vas réfléchir encore à ce que tu veux Eric.

Elle se dégage de moi et part monter dans son taxi.

 

DAVID

La chaleur m’accueille à la sortie de l’aéroport pour me souhaiter la bienvenue dans le pays que j’ai quitté il y a même pas deux mois. Les esprits étant calmés, j’ai pris la décision de revenir au pays contre le gré de mes parents. Je ne pouvais pas rester aux Etats-Unis en sachant que j’avais laissé quelque chose qui m’appartenait ici.

Une fois à mon hôtel, je prends connaissance des documents que mon espion m’a fait parvenir. Il faut croire que ça a été la fête ici. Ils ont bien continué leur vie sans moi. Après avoir parcouru plusieurs informations, je me concentre sur celles d’Ela.

Ma femme a apparemment quitté le domicile familial une semaine après l’accouchement de sa sœur. C’est une bonne nouvelle car je n’aurais pas su comment m’y prendre pour la voir dans cette maison. Maintenant, elle loue un appartement dans un immeuble de haut standing pas vraiment difficile à pénétrer. Etudiant les plans de l’immeuble, je peaufine un plan puis me met en route.

Il faut battre le fer lorsqu’il est encore chaud.

Il fait noir quand j’entre dans l’appartement. Profitant du fait que la propriétaire soit absente, je fais un tour dans la maison. Ses vêtements sont jetés çà et là sur son lit. J’en hume quelques-uns pour me rappeler le parfum de celle à qui mon cœur appartient. Aussi, mon cœur se serre douloureusement lorsque j’aperçois sur sa table de chevet des échographies, me rappelant la situation absurde dans laquelle elle s’est mise.

Aux alentours de 20 heures, elle rentre enfin. D’où je suis, je l’aperçois sans que ce ne soit le cas pour elle. Je lui laisse le temps de refermer à clé après elle et sort de ma cachette.

-Bonsoir Ela.

 

 

INDECISE