36. Va au diable!

Ecrit par Samensa

ELA

Je faillis tomber à la renverse lorsque je vis l’homme debout dans mon salon. D’instinct, je protégeai de mes bras, mon ventre en appréhendant une quelconque réaction violente de la part de l’intrus.

-Que… Qu’est-ce que tu fais ici ? Comment es-tu entré ? Que me veux-tu ?

-Oh doucement avec les questions. Assieds-toi. Dit-il en désignant le fauteuil en face de lui.

Comme si j’avais le feu aux fesses, je m’assis sans broncher et le regardai en faire de même. Il me fixa étrangement avant de daigner ouvrir la bouche.

-Tu es magnifique. La grossesse te va bien. Dommage que ce ne soit pas mon enfant. Tu veux un verre d’eau ?

Pétrifiée par la peur, je ne pus même pas répondre.

-Je ne suis pas ici pour te faire du mal Ela. Je veux juste qu’on discute donc essaie de me répondre quand je te parle. Ce n’est pas si difficile à faire, n’est-ce pas ?

-Non. Soufflai-je timidement.

-Tant mieux. Alors, avant tout, je tiens à m’excuser.

Mes yeux s’agrandirent d’étonnement.

-Je me rends compte de tout le mal que j’ai pu te faire ma chérie et je veux te demander pardon. Mille fois pardon. J’ai été un homme aveuglé par la colère et la jalousie qui n’a pas su se contrôler.

-Je t’ai déjà pardonné. Débitai-je trop pressée qu’on en finisse.

-Si tu le dis… Ela, mon cœur, je veux qu’on parte sur de nouvelles bases. Laissons le passé derrière nous et allons de l’avant. Je t’aime et toi aussi, servons nous de cet amour pour surmonter tout ça.

Il est sérieux ? Dites-moi que je rêve. Que Dieu me foudroie, moi la fille d’Aké si je retourne avec ce monstre. Non content de s’être servi de moi comme punching ball, il veut me tirer encore plus bas ? Incroyable.

-Euh…David, je ne crois pas que ce soit possible. Avançai –je prudemment. J’ai compris ce que tu as dit et comme je l’ai dit, je te pardonne. Pour ce qui est de revenir ensemble, ce n’est pas dans mes projets.

-Et pourquoi ? demanda-t-il en haussant les sourcils.

Sans voix, je le regardai un moment la bouche ouverte.

-Regarde-moi David, je suis enceinte. D’un autre homme. Et je veux que mon enfant ait une famille unie.

-C’est-à-dire ?

-Je veux être avec le père de mon enfant, lui permettre de vivre dans un environnement stable.

-Tu veux donc retourner avec Eric ?

Je ne sais pas d’où la force me vient de répondre oui.

David resta calme un moment avant de se lever de son siège pour s’avancer vers moi. Sur les gardes, je me levai aussitôt pour me tenir le plus éloigné de lui. Il sourit face à mon geste.

-Je ne compte pas te faire de mal. Je veux juste te comprendre. Tu étais avec lui, ensuite tu l’as quitté pour me jurer amour. Et aujourd’hui, c’est lui que tu veux. Il se passe quoi avec toi ?

-Tu as raison, je l’ai laissé pour toi. Toutefois, aujourd’hui, je me rends compte que notre histoire n’était qu’un coup de tête, qu’une folie passagère, qu’un simple…

M’étant emportée dans mon discours, je me tus à l’instant où je vis passer dans son regard une lueur assassine. Le regard de David sur moi avait changé. Il partit d’un rire qui me glaça le sang.

-Ah si on m’avait raconté cette histoire, je ne l’aurai pas cru. Tu es sérieuse ? Tu crois que lui a encore envie de toi ? De se taper les restes de son frère ? De te reprendre après tout ce que tu lui as fait ?  Ouvre les yeux, il ne t’aime plus honey. Désormais, tu n’as que moi.

-Qu’est-ce que tu racontes ? Ecoute pars de chez moi, s’il te plait. Assénai-je calmement. Tu n’as rien à faire ici.

-Quand je pense que j’ai fait tout ce chemin pour t’entendre dire des sottises. Tu pouvais tout me sortir sauf ces conneries.

-Tu es décidément fou. Va-t’en avant que je n’appelle la police. Tu es entré chez moi par effraction.

-Par effraction ? rit-il. Arrête ton cinéma ! En tout cas, je t’ai dit ce que j’avais à te dire. Et crois-moi, je ne suis pas prêt à abandonner. Tu te rendras bientôt compte que je suis celui qu’il te faut, de gré ou de force.

-Tu rêves !

En quelques enjambées, il me surprit et je me retrouvai coincée contre le mur. Collé contre moi, David me dévisagea longtemps puis me souffla :

-Il ne sera pas toujours là, moi si.

 

ERIC

Nancy…

Cette femme est têtue comme une mule. En consultant ma boite mail, je viens de voir  un mail de de-souscription à son bail. Elle a décidé de déménager. Où ? Je ne sais pas. Pourquoi ? Je ne sais pas non plus.

Je me demande bien ce qu’elle a comme excuse pour me sortir des histoires pareilles.

Alors que je suis déjà en pyjama et au lit, je me lève. Direction : chez Nancy.

J’arrive chez elle alors qu’il est presque 23 heures. Incapable de contenir ma rage, je frappe avec force à sa porte. C’est elle qui vient m’ouvrir, le regard noir. Sans un mot, j’entre dans le salon.

-Oui. Bonsoir. Tu peux entrer. Récite-t-elle ironiquement.

J’éteins la télévision pour avoir le calme dont j’ai besoin pour lui parler. Mon téléphone à la main, je fais défiler devant ses yeux le mail que j’ai reçu d’elle plus tôt.

-Tu peux m’expliquer ? Demandai-je.

-Je suis sûre que tu comprends très bien le français Eric. Tu n’as qu’à lire pour comprendre. Et je sais que tu as lu et que tu as compris.

-Nancy, est ce que tu te rends compte du fait que tu en fais un peu trop ? Qu’est-ce que tu veux me prouver ? Criai-je presque.

-Baisse d’un ton, mon fils dort ! Je ne veux plus avoir à faire avec toi. C’est si difficile à comprendre ?

-Non, ne t’inquiète pas. Tu ne veux plus me voir, ok je ne mettrai plus les pieds ici. Toutefois, ce n’est pas une raison pour vouloir déménager.

-Eric, tu viens me faire une scène parce que je déménage ? Déménager n’est pas un crime, je le souligne. Reprends ton appartement, je n’en veux plus.

-Mais tu le loues ! Ce n’est pas un don !

-Oh que si ! Je ne paye que le quart du loyer.

-Je t’ai fait venir ici pour que le petit puisse vivre dans de bonnes conditions. Tu connais le cout du logement dans ce pays. Ton salaire ne te permettra pas de vivre décemment, et tu le sais. Mais tu t’entêtes à vouloir faire comme bon te semble.

-Je ferai selon mes moyens. D’autres vivent avec moins que ça.

-Parce qu’ils n’ont pas la chance d’avoir quelqu’un pour les épauler. Ajoutai-je avec exaspération. Je sais que tu es masochiste au point d’aimer la souffrance mais de grâce, ne fais pas souffrir Elie.

-De toutes les façons, je quitterai bientôt PICI.

-Quoi ? M’exclamai-je.

La jeune femme était bien décidée à me faire sortir de mes gonds cette nuit. Debout en face de moi, les bras croisés dans une posture défensive, elle m’affrontait du regard. Le message qu’elle voulait faire véhiculer était clair : je n’ai pas besoin de toi. Malheureusement pour elle, je n’étais pas prêt à céder si facilement. J’étais  tout aussi décidé qu’elle à la faire changer d’avis et surtout à l’avoir près de moi, à tout prix.

-Tu n’iras nulle part. Même s’il faut que j’appelle toutes les entreprises de Côte d’Ivoire, je le ferai. C’est quoi ton problème ? Et tu ne quitteras point cette maison, mets-toi cela dans le crane !

-Ah ben dis donc !pouffa-t-elle. Tu prends des ailes hein. Tu n’as aucun droit sur moi. Je ne suis pas ta femme pour que tu décides de ma vie ainsi. Je fais ce que je veux Eric. Tu n’es pas content ? Alors, va au diable. D’ailleurs, va rejoindre ta Ela. Elle est enceinte non ?

-Ela n’est pas le sujet de notre conversation, je te prie donc de ne pas mentionner son nom. Ce qui se passe maintenant ne concerne que nous.

-Il n’y a pas et il n’y aura jamais de nous.

-C’est ce que tu t’obstines à croire.

-C’est la réalité. Je ne tomberai plus jamais dans ce piège. Plutôt mourir que de revenir avec toi Eric ! Je ne veux plus avoir à faire à toi, à ta famille. Tu es comme une malédiction pour moi. J’ai trop souffert à cause des Tra Lou. J’en ai ma claque. Libère moi !

Son discours fut débité de façon amère. Je reçus comme un coup lorsqu’elle me qualifia de malédiction. Jamais je n’aurais cru qu’on en était à ce niveau.

-Nancy.

Je m’approchai d’elle avant de lui prendre les mains.

-Je reconnais tout le mal que je t’ai fait. Et je t’ai dit que je regrettais. Je veux me racheter pour que tu puisses un tant soit peu oublier la douleur. Mais de grâce, ne prends pas de décisions qui pourraient affecter gravement ta vie. Je veux juste que tu réfléchisses à ce que tu fais. De mon côté, je veillerai sur toi. Je veillerai à ce que tu ne fasses pas de bêtises.

-Parce que tu crois que je ne réfléchis pas ? Me coupa-t-elle en enlevant violemment ses mains des miennes. La seule fois où je n’ai pas réfléchi, c’est lorsque j’ai pensé à une relation avec toi. Je regrette de t’avoir connu.

-Nancy, s’il te plait…

-Je maudis le jour où je suis tombée sous ton charme. Continua-t-elle en tremblant. J’aurais dû ne jamais te rencontrer. Laisse-moi tranquille.

J’essayai de lui parler mais elle refusa de me laisser placer un mot.

-Va en enfer Eric !

-C’est vraiment ce que tu veux ? Demandai-je doucement.

-Bon sang, sors de ma vie pour de bon ! Ne cessait-elle de répéter.

Avec les cris qui montaient et la tension qui se faisait ressentir, je décidai de rentrer chez moi en promettant que cette histoire ne se terminera pas comme ça.

 

NANCY

Je me suis endormie le cœur lourd. Parler à Eric m’a rendu presque malade. Il en a fallu du courage pour lui dire toutes mes vérités. Je sais que je l’ai blessé. Néanmoins, c’était utile. Il essaie de me retenir dans sa vie mais moi, je n’en peux plus. En plus, avec le bébé en route, je sais que les choses ne seront plus pareilles. Il me dit qu’il m’aime aujourd’hui mais demain, lorsqu’il tiendra son enfant dans les bras, il voudra lui offrir une famille. Et là encore, je prendrai les pots cassés. J’ai murement réfléchi et les décisions que j’ai prise sont les meilleures pour moi. La vie ne sera certes pas plus facile, toutefois je m’en sortirai. Vouloir, c’est pouvoir.

Je suis tirée de mon sommeil par la sonnerie de mon téléphone. A l’autre bout du fil, mon frère me demande de me venir immédiatement à la polyclinique de Cocody.

-Qu’est ce qui se passe ?

-Eric a eu un accident… Nancy, c’est grave.

La torpeur du sommeil me quitte instantanément. Mue d’une force soudaine, je m’habille en m’empêchant de penser au pire et en récitant des prières avant de prendre la route.

A la polyclinique, l’infirmière à l’accueil me renvoie vers la salle d’attente au premier. Je prends l’ascenseur en égrenant mon chapelet. Tout en me dirigeant d’un pas d’alerte vers la salle, des pleurs et des cris de détresse me parviennent.

Contre mon gré, des larmes me montent dans les yeux et ma gorge se noue. Je lutte pour reprendre mes esprits en entrant dans la salle car ce serait de mauvaise augure de pleurer pour un accidenté.

Dans la salle, la première chose que j’aperçois est Mme Tra Lou au sol. Ensuite, le regard désolé de mon frère sur moi. Puis j’entends la voix de Mme Tra Lou :

-Il ne peut pas mourir ! Mon fils n’est pas mort !

C’est le trou noir.

INDECISE