36- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
Mika BIAM
J’ai mal à la tête.
Quand je suis comme ça, je préfère aller rester dehors, à la terrasse et regarder le monde aux pieds de l’immeuble. De notre étage, je distingue parfaitement chacune des personnes qui marchent dans notre rue, les voitures, même les couleurs. J’entends aussi les grosses disputes et les gros éclats de joie.
Si je suis installé là, c’est aussi pour penser. À elle bien sûr. Humm… c’est tellement bête la vie. On se serait rencontré quelques mois plus tôt que je suis sûr que nous vivrions la parfaite histoire.
« Tchalè, tu fais quoi là ? », me demande Noah.
« Rien. »
Hors de question que je lui dise que je pense à elle. Noah a déjà une idée de ce qui se passe entre nous. Il me trouve con. Con d’attendre qu’elle se sépare de son mec pour pouvoir lui mettre le grappin dessus. Selon lui, je devrais passer à autre chose. Comme lui, à qui elle plaisait. Il lui aura fallu moins de deux semaines pour se dire qu’elle n’est pas pour donc il ne se casse plus la tête. Je crois même qu’il a repéré une autre fille.
« Il n’y a plus de lait donc il faut aller en acheter. »
Je le regarde comme s’il blaguait. C’est lui le buveur de lait et c’est à moi d’aller en acheter ? Il rêve.
« J’irai même traire une vache pour toi. »
Vexé, il retourne à l’intérieur puis j’entends la porte principale se fermer avec fracas. Il est vraiment temps que chacun de nous ai son espace.
Je m’en vais m’allonger sur le transat qu’il a installé et j’écoute le vent caresser mes oreilles en me chatouillant le visage. Et j’ai alors l’impression de rêver. Rêver de sa voix à elle. Ces inflexions flottantes, ce rire gourmant et entrainant. Je crois que je ne rêve pas. Je me lève et je m’en vais me pencher sur le garde-corps. Ce que je vois est assimilable à une injection létale. Mes poings se referment tous seuls.
Nowa est en bas, elle marche main dans la main avec un homme. Ils parlent et elle rit. Aux éclats. Il la fait tournoyer sur elle-même comme si elle était une toupie. Je regarde la femme que j’aime être heureuse avec un autre homme. Je ne suis pas jaloux. J’ai mal. J’ai horriblement mal.
Puis une fille crie son nom. Elle aussi, elle tient la main d’un homme. Quand elle se retourne, malgré la distance, je crois qu’elle m’a vue. Elle abandonne la main qu’elle tient. J’ai l’impression d’être à quelques centimètres d’elle, j’ai l’impression de sentir son souffle sur moi. Elle est obligée de se retourner et de poursuivre son chemin avec les autres.
« Qu’est-ce que je croyais ? Elle aime ce gars, elle me l’a dit elle-même. », murmurai-je en retournant à l’intérieur.
Nowa NYANE
Un mois est passé depuis ma dispute avec Rudy.
Je crois que maintenant, il est convaincu qu’entre Mika et moi, il n’y a strictement rien. En plus, depuis ce matin où perché sur sa terrasse il a dû nous apercevoir, il ne répond plus à mes messages. Il ne répond pas à mes appels.
Je ne comprends pas pourquoi il a réagi de la sorte. Je ne lui avais jamais menti. Il savait depuis que je suis en couple. Et malgré tout, je le comprends. J’ai de la peine pour lui. Et il me manque. Nos discussions me manquent énormément.
Entre temps, j’ai créé une page Facebook comme il me l’avait suggéré. J’y publie des ébauches de mes travaux. A chaque « like », j’ai envie de crier de joie. Je n’aurai jamais pensé que ça marcherai autant et aussi vite. Je continue de travailler chez moi, j’ai beaucoup de temps vu que je suis au chômage.
« Tu m’as manqué. », me souffle Rudy qui vient d’entrer dans ma chambre.
Il pose un bisou sur mes cheveux.
« Dis-moi que tu ne vas pas les couper. »
Je lève ma tête au ciel.
« Je ne te promets rien. »
Il sourit, m’embrasse et va s’installer sur mon lit. Je quitte ma chaise et je vais le rejoindre pour un petit moment câlin-câlin, bisou-bisou.
« Je pensais à un truc. »
« Dis toujours bébé. »
Je prends son visage entre mes mains parce que je suis sérieuse et lui, il ne veut pas arrêter de m’embrasser. Et ses mains qui se baladent sur moi.
« Arrête ! »
« Non, j’ai envie de toi. »
Je me dégage de lui, pour le fuir. Je me mets dans un coin de la pièce.
« Tu sais bien qu’on ne peut pas le faire ici. »
Oui, je refuse de coucher avec lui sur mon lit. C’est là-dedans que Georgette dort, Iris aussi quelques fois. Je trouve ça un peu dégoutant. Il tend sa main dans ma direction.
« Tu promets de garder les mains dans les poches d’abord. »
« Non ! Je ne vais rien te promettre. »
« Dans ce cas, je ne viens pas. On va parler comme ça. »
« Si tu veux ! »
Je lui fais mon regard de killeuse. Il doit coopérer ! Ca l’amuse. Je roule des yeux, je me sens ridicule.
« Je vais distribuer des cartons dans les boutiques spécialisées genre mariage, anniversaire, fêtes de famille et tout le truc. Donc, là je travaille sur quelques échantillons sauf que je n’ai pas le budget pour les faire réaliser. Alors, je me disais que je pourrais emprunter de l’argent pour un taux de 0% chez un certain monsieur et bien entendu, je le lui rendrai quand fortune et gloire m’auront souries. »
Il m’a fallu un courage de dingue pour lui demander cet argent. Mon cœur bat vite comme si je venais de courir un marathon. L’argent c’est le nerf de la guerre et même si Rudy me couvre de cadeaux, je préfère éviter qu’il ne me donne de l’argent.
« Pourquoi aujourd’hui tu accepterais de l’argent venant de moi sachant que je t’ai proposé de t’aider pour ton loyer, tu as dit non. Pour le quotidien toujours non et là, tu fais un pas de géant en demandant. Viens ici, que je te regarde. »
Je m’en vais à nouveau le rejoindre.
« C’est que je suis vraiment coincée je crois. »
Sourire.
« Je vais éviter de te torturer en parlant de ça. Tu passes demain prendre le chèque à mon bureau ? Comme ça ma secrétaire va arrêter de me draguer. »
« Je vais lui casser les dents ! »
On s’embrasse tranquille.
« Tu veux venir avec moi samedi ? Je vais voir ma mère, ma grand-mère et mon père. Je suis sûre que tu meurs d’envie de baver sur ma sœur mais pas de bol, elle est en voyage. »
Il soupire.
« Tu m’écoutes bébé ? », lui demandais-je inquiète.
« C’est d’accord. »
« Cool ! Il faut que tu y ailles maintenant sinon on va se retrouver à faire des cochonneries ici. »
Il plonge ses mains dans mon short et commence à me caresser les fesses, m’arrachant au passage de petits gémissements.
« Arrête Rudy. », soufflais-je dans son cou en titillant son lobe de bout de ma langue.
« Tu sais quoi ? Je vais juste le faire avec mes doigts. »
Ce qu’il vient de dire m’excite tellement que je me retrouve à écartes un peu plus mes jambes sur lui. Il agrippe l’une de ses mains sur mes fesses tandis que de l’autre, il se fraye un passage entre mon pubis et le tissu de mon vêtement. Je me languis déjà de le sentir.
« Hello Mimi ! », dis-je en lui plaquant une bise.
« Toi, tu te fais de plus en plus rare ma chérie. Même Quentin s’en plaint. »
Je m’assois sur son lit et je la regarde ranger sa penderie. Il y a des vêtements partout. De belles coupes pour une femme de son âge. Je suis en train de l’aider à faire son rangement quand Quentin arrive comme une fusée dans la chambre de sa mère.
« Nowa ! », crie-t-il en se jetant dans mes bras.
Nous roulons sur le lit de Mimi, comme de petits fous. On se fait des papouilles de dingues.
« Tu sais que tu me manques ? », me confie-t-il à l’oreille.
Je le regarde, je souris. Toi aussi tu me manques petite canaille.
« Choisis un jour et toi et moi, nous passons la journée ensemble. On fera ce que tu voudras. Un tour au manège, un moment glaces, un ciné… ce sera ce que tu voudras. »
Il saute sur le sol pour aller chuchoter quelque chose à l’oreille de sa maman. Quand leurs confidences prennent fin, il revient vers moi et me dit.
« Samedi. »
« OK pour samedi. »
« D’abord, c’est avec toi que j’irai chez le dentiste. »
« Le dentiste ? Rien que ça mon cœur ? On demande à ta maman d’abord. »
Vu que Mimi ne sait rien lui refuser, je me retrouve à caler un rendez-vous chez le dentiste pour mon petit-frère.
Quand je finis de m’amuser avec Quentin, je rejoins Mimi dans la cuisine. Elle n’a pas trop l’air dans son assiette.
« Ca va Mimi ? »
« Oui Nowa ! Tout va bien. »
« Mimi, tu sais je n’ai plus dix ans. On dirait que tu as pleuré. Tu veux bien me dire ce qui te rend triste ! »
Elle coupe le feu sous la crêpière et m’invite à m’assoir à la petite table dans la cuisine.
« Ton père devait passer ce soir et il vient de me faire un message comme quoi il n’aura pas le temps. Tu sais, ça fait un moment, qu’il me sort cette excuse. Il a toujours une excuse. Quentin me demande tout le temps si nous sommes fâchés et je ne sais pas quoi lui dire. »
Comment lui dire là maintenant que mon père se fait une autre femme. Et qu’elle, elle est un produit dépassé, voir périmé.
« Mimi, regarde-toi, tu es trop bien pour te mettre dans ces états pour un homme. Même s’il s’agit de mon père ! Pourquoi tu ne lui poses pas simplement la question pour savoir où est-ce que vous en êtes ? »
Oui, c’est à mon père de régler ce problème. C’est son bordel ! Je l’incite donc sans vraiment l’inciter à lui poser des questions et si le bonhomme a des couilles, il saura lui dire ce qu’il en est de leur relation. Il va lui briser le cœur c’est certain.
Je quitte Mimi et Quentin le ventre bien rempli. Pauvre Mimi, je sais ce que c’est que d’être déçue. Elle est forte, elle s’en sortira. Mon père… je préfère ne pas penser à lui.
Samedi matin…
Je saute de mon lit de fortune. Il est déjà 7h25 et je dois accompagner Quentin tout à l’heure chez le dentiste. Je donne un coup de pied à Rudy pour qu’il se réveille. C’est de sa faute si je n’ai pas entendu sonner mon réveil.
« Viens te coucher Nowa. »
« Je suis déjà en retard. Et c’est de ta faute. Il va me tirer la tronche toute la journée maintenant. »
Je regarde le salon. Ma petite culotte est posée sur la table. Je suis sûre que Georgette a bien rigolé en sortant ce matin. J’attrape mes petites affaires et je m’en vais dans la salle de bain. Une douche rapide, c’est le seul luxe que je peux m’offrir à cette heure. Rudy vient se laver les dents. Il n’arrête pas de me regarder avec un sourire hyper coquin en coin.
« Ce n’est pas drôle. Je suis sûre que Georgette a tout entendu. »
« Et où est le mal ? Elle le fait bien avec Loïc non ?! »
« C’est un peu gênant Rudy. », expliquais-je en sortant de la salle de bain. Il se rince la bouche et me rejoins dans la chambre.
« Est-ce que tu n’as pas aimé ? »
Mais bien sûr que j’ai aimé.
« Tu ferais mieux de t’habiller, c’est toi qui va nous déposer »
Il sourit. Je sais, il est content parce qu’il va rencontrer Quentin.
La rencontre entre Rudy, Mimi et Quentin s’est très bien passée. Je regardais Mimi discuter avec lui comme de vieux amis et je souriais seule. Ca doit être l’amour.
« Comme ça Mimi est la maitresse de ton père. », me chuchote-t-il avant de monter en voiture.
« C’est compliqué bébé. »
« Mais ce n’est plus un bébé Nowa. »
« Merci Quentin ! Ça fait un moment que je lui demande de ne plus m’appeler ainsi. Alors champion, elles ont quoi tes dents ? »
Il hausse les épaules.
« Maman dit que je mange trop de sucrerie. »
« Ah les mamans ! Elles vous en donnent et elles se plaignent. J’espère au moins que tu n’as pas peur. »
« Non ! Tu l’as dit, je suis un champion. »
Rudy et lui se mettent à rire. Rudy sera bientôt père c’est vrai ! Il fera un bon père je pense bien. Il nous dépose devant la clinique et propose de passer nous récupérer.
« C’est gentil mais avec Quentin, nous avons tout prévu et toi, tu ne fais pas partie de ce programme bébé… mon cœur. »
On s’embrasse une dernière fois avant qu’il ne s’en aille. Laissant un Quentin tout excité d’avoir rencontré un architecte. Qu’est-ce que c’est facile d’impressionner un gamin de cet âge !
Alors que j’observe le dentiste faire son boulot, mon portable sonne. Il me fait comprendre que je ne peux décrocher à l’intérieur. Je sors donc prendre cet appel dans le couloir. C’est Georgette qui appelle pour se payer ma tête. Elle me dit qu’elle m’entendait crier de plaisir. On se marre bien et là, Mika sort d’une pièce et lève les yeux. Je crois que c’est trop tard. Il ne m’aurait pas vu que les choses se passeraient différemment.
« Bonjour Nowa. », dit-il.
Je mets fin à ma conversation. Et comme d’habitude, nos regards s’accrochent jusqu’à ce que son collègue à côté se racle la gorge.
« Nowa je te présente Alex mon collègue, Alex je te présente Nowa. »
On se fait la bise.
« Je ne savais pas que tu travaillais dans cet clinique. »
« Je sais ! Sinon tu l’aurais évité. Sinon, tu fais quoi là ? »
« J’accompagne mon frère. Il est chez le dentiste. »
« OK ! »
« OK ! »
Il y a comme un blanc. Comme un trou.
« Je crois que je vais vous laisser Mika. Il faut que je rentre me reposer. Enchantée d’avoir fait votre connaissance Nowa. »
« Moi de même ! »
Alex s’en va en nous laissant là. Qu’est-ce qui se passe.
« Je t’ai appelé. »
« Je sais ! »
« Je t’ai écrit. »
« Je sais ! Et je suis désolé mais je ne savais pas trop quoi te dire. »
« Tu aurais pu juste me dire Nowa, je ne veux plus te voir, je ne veux plus te parler. J’aurai compris Mika. »
Il me tire par le bras et nous passons une porte bien lourde pour nous retrouver dans la cage d’escalier. Il s’adosse au mur et me regarde puis il sourit.
« Tu es belle et moi, je suis un con. »
Je souris.
« Je t’ai… »
« Noooooon ! Ne dis pas ça Mika. », dis-je en faisant de grands gestes.
« Je sais que toi et moi ce n’est pas possible. »
« Je suis désolée. »
« Ce n’est pas de ta faute si tu me plais, encore moins si tu es en couple et que cela me fasse autant de mal. Tu vois, je pensais qu’en essayant de m’échapper de toi, tout reviendrait à l’ordre et pourtant. »
« Je suis désolée Mika. Je ne voulais pas que les choses se compliquent entre nous. Tu es un gars extra avec qui je me sens bien et avec qui je voudrai toujours pouvoir discuter. Mais si ça te fait autant mal que je sois avec un autre, alors il vaudrait mieux que nous prenions des directions opposées. »
« Non ! Ce n’est pas ce que je veux. »
Ouf !
« On peut juste être des amis. », demandais-je.
« Amis ! », dit-il en me tendant la main comme pour faire un pacte.
C’est clair maintenant, nous sommes des amis.
« Alors, tu m’as dit que tu accompagnes ton frère chez le dentiste. »
« Oui, d’ailleurs je crois qu’il faut que j’aille les rejoindre. »
« Je t’accompagne. »
« OK ! »
On entre chez le dentiste ensemble. Je fais les présentations et les deux accrochent tout de suite.
« Euh nous allons y aller. »
« Je vous dépose ? »
« Euh, on ne vas pas te plomber ta journée. En plus on a un programme chargé. Hein mon amour. »
« Oui. On va se faire un film, puis un tour au manège et des glaces. N’est-ce pas Nowa. »
Je lui rends son sourire.
« Ca me ferait plaisir de vous accompagner. Si tu es d’accord Nowa. »
« Allez, dis oui Nowa. », me presse Quentin.
Je finis par accepter. Mika va se changer et nous sortons tous les trois de la clinique pour une journée de folie.