37- Les couleurs de nos amours

Ecrit par lpbk

Le diner chez mes parents est… comment dire ?

En arrivant, Rudy avait l’air tellement stressé. Je comprends, c’est vrai que rencontrer trois membres de ma famille le même soir, c’est sûr que ça fait quelque chose. Finalement avant de passer à table, il n’en n’a rencontré que deux. Papa n’étais pas encore arrivé et mamie trouvant qu’il allait se faire tard avait convaincu maman de servir le repas.

Papa arriva quelques minutes après que l’entrée ait été mise à table. Rudy qui était bien silencieux commençait déjà à faire la conversation. Malgré le fait qu’elle sache bien qu’il m’avait trompé, maman le traita comme un petit ange.

« Excusez-moi encore de mon retard. », dit papa en prenant sa place.

« Tu aurais pu prévenir au moins Luis. », lance mamie.

« Mais je me suis retrouvée coincé dans une réunion interminable. »

Il dit ça, puis il me regarde. Il ment. Comme d’habitude. Je le sais.

Aux alentours de 17h30, alors que nous nous apprêtions Mika, Quentin et moi à quitter Carrefour où Mika avait acheté à mon frère quelques jeux pour sa console, nous sommes tombés sur mon père.

« Qu’est-ce que tu fais là ? », m’avait-il demandé.

« Je me promène avec ton fils. Tu ne vois pas ? »

Quentin était déjà accroché à son pied. L’amour, c’est vraiment stupide. Ma réponse avait semblé le gêner mais vite, il s’était remis.

« Je suis Luis, le père de Nowa. », dit-il en serrant la main de Mika.

« Mika. Un ami. »

« Enchanté mon garçon. »

Son petit manège me mettait hors de moi.

« Luis ! Tu viens voir ? », Cria une dame depuis la boutique Etam.

Sans écouter Mika, je fonçais déjà à l’intérieur, directement aux cabines d’essayage ou seuls deux rideaux étaient tirés.

Vrammm !

« Mais vous êtes folle ou quoi ? », me lança la dame en train d’essayer un chemisier.

« Excusez-moi ! »

Suivant.

Vrammm !

« Luis ? », dit la jeune femme en se retournant.

Je suis restée là, à examiner son corps.

« Mais qui êtes-vous ? »

« La seconde fille de Luis. Cet homme de 60 ans qui s’apprête à vous baiser. »

« Nowa ! », cria mon père.

Mika portait Quentin dans ses bras. Il avait dû comprendre.

« Nowa, vient on s’en va. », me dit-il en me donnant la main.

Mademoiselle bimbo ne semblait pas gênée par ce qui était en train de se passer. Les employés de la célèbre enseigne nous regardaient comme des fous.

« Nowa ! Je t’en prie vient. Il faut ramener Quentin. »

Oui ! Quentin seul importait à ce moment.

« Tu me donnes envie de vomir. », lançais à mon père en le dépassant.

Mika et moi, avions ramené Quentin, puis Mika m’avait déposé chez moi.

Quelques heures après, il a le culot de s’assoir à cette table et de prétendre qu’il était à une réunion. Je n’arrive pas à le supporter cette fois.

Maman est-elle aussi idiote ? Elle fait les présentations comme si de rien n’était. Et lui, il est déjà en pleine conversation avec Rudy.

« Elle s’appelait comment la dame de tout à l’heure ? J’ai oublié de lui demander son prénom. »

Tous me regardent sans rien comprendre. Papa se racle la gorge.

« Je crois bien que c’est la première fois que je la voyais. Et puis, je ne sais pas si tu es au courant mais Quentin a un début de carie. »

« Quentin ? C’est qui Quentin ? », demande grand-mère.

« Nowa arrête tout de suite. »

« Sinon quoi ? Tu m’as déjà coupé les vivres tu te rappelles ? Ah peut-être que tu me couperas les mains cette fois. »

« Quoi ? », demande ma mère.

Rudy pose sa main sur ma cuisse qu’il caresse tendrement. Il sait qui est Quentin. Il sait que Mimi est la maitresse de mon père.

« Bébé, s’il te plait calme-toi. », me chuchote-t-il à l’oreille.

« J’ai demandé qui était ce Quentin alors vous aller me faire le plaisir de répondre. »

Ma grand-mère a levé le ton. Maman la regarde, elle est surprise. Contrairement à grand-mère, j’ai l’impression qu’elle commence à comprendre.

« Demande à ton fils mamie. Oui papa qui est Quentin ? Et qui est Mimi ? »

« Mimi ! »

« Oui maman, Mimi ! Ouvre les yeux bon sang, papa t’a fait un fils dans le dos. Quentin ! »

Ma grand-mère se lance dans une série d’incantations en portugais. Elle crie. Elle hurle. Et ma mère est toujours là, impassible.

« Nowa, je te demande d’arrêter. »

« Papa, il y a longtemps que tu n’as plus rien à me demander. »

« Nowa, arrête s’il te plait. Regarde ta mère… », me dit Rudy.

Mon père se met à rire. Aux éclats. Faisant sursauter grand-mère au passage.

« C’est l’hopital qui se fiche de la charité. Hein Nowa. Et si toi, tu commençais par nous expliquer qui était cet homme qui vous accompagnait Quentin et toi. Je crois que tu as dit qu’il s’appelle… Mike ! Euh… non pas Mike ! Il s’appelle Mika. »

A la simple évocation de ce prénom, Rudy tourne la tête vers moi.

« Tu m’expliques ? »

« Mika ? Ah ! C’est encore qui là-bas ? », interroge grand-mère.

Rudy serre déjà la mâchoire.

« Je pense que nous allons passer au plat de résistance. », fait ma maman.

Tous, nous la regardons. Sans dire un mot, elle se lève et s’en va dans la cuisine d’où elle ressort avec des assiettes bien odorantes. Quand je vois cette table, j’ai envie de pleurer.

« Il faut qu’on parle. », me chuchote Rudy à l’oreille.

Je secoue la tête.

« Tout de suite ! »

Son regard est violent.

« Excusez-nous un moment. », dis-je en me levant.

Rudy fait pareil et nous sortons. Nous marchons jusqu’au fond du jardin. Il a les poings serrés.

« Ecoute ce n’est pas ce que tu crois ! », commençais par dire.

« Et qu’est-ce que tu penses que je crois ? »

Je crois que je n’aurai pas dû commencer par là.

« Vous aviez rendez-vous ensemble ou quoi ? »

Il recommence à crier. Mais il est fou ce gars ? Il me crie dessus, dans le jardin de mes parents.

« Arrête de me crier dessus, je ne suis pas ta femme. »

« Encore heureux ! »

« Je t’ai demandé d’arrêter de crier. »

Il soupire, puis il s’assoit sur le banc à côté de nous.

« Je t’ai demandé si tu voulais que je reste avec vous et tu as dit non. Tu m’as même dit que c’était une journée rien que pour vous deux. Et là, j’apprends que tu étais avec Mika. Encore et toujours lui. Alors c’était une journée à deux ou à trois Nowa ? »

« A deux. Nous sommes tombés sur lui à la clinique et il nous a proposé de nous … »

« Je t’ai fait la même proposition Nowa ! Tu a été capable de dire non ! »

« Je comprends que tu te poses des quest… »

« Je ne me pose plus de questions Nowa ! Les questions c’est fini. Pourquoi quand je suis arrivé chez toi ce soir tu n’as pas pu me dire la vérité. Pourquoi il a fallu que ce soit lors de votre règlement de comptes que j’apprenne que ma petite amie est sortie avec le gars que je déteste le plus sur cette terre. »

« Nous sommes juste des amis Rudy. Il ne s’est jamais rien passé entre nous. »

« Je m’en fiche ! Tu sais quoi ? Vu qu’il n’est qu’un ami, alors ça devrait être facile pour toi de le dégager de ta vie. »

« Pardon ? »

« Tu as bien compris ! Il est temps de faire un choix. Tu dois décider de celui que tu garderas dans ta vie parce que moi, sincèrement je n’ai pas envie de stresser à chaque fois que je te laisse seule. Je crois que je vais y aller. »

Il se lève et retourne à l’intérieur. Moi je reste là, à essayer de réaliser ce qui vient de se passer. Quelques secondes après, j’entends le moteur de sa voiture.

 

Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise dans le jardin à repenser à chacun de ces mots. Dans ma tête c’est le chaos et là-bas, à l’intérieur c’est pareil. Il fait presque froid. La lune éclaire très bien le jardin. Elle est pleine.

« Nowa ! »

Je me tourne et ma mère est là.

« Je suis désolée maman ! »

« Mais de quoi ? », demande-t-elle en s’approchant de moi.

« De t’avoir brisé le cœur. J’aurai dû me taire. Au lieu de ça, j’ai fichu tout en l’air. »

Elle me prend dans ses bras et nous restons ainsi à écouter les insectes vivre dans la fraicheur du jardin.

« Tu sais, mon cœur il est brisé depuis très longtemps Nowa. Ce soir, c’était juste comme si tu me racontais ce que j’avais écrit. »

Je la regarde. Elle est toujours impassible. Je pose ma tête sur son épaule.

Quelques minutes après, c’est ma grand-mère qui nous rejoint. Elle s’installe près de moi et me tient la main.

Le silence. La nuit.

« Il est comment Quentin ? », me demande ma mère.

« Il vaut mieux pas maman. »

« Vas-y, raconte-nous ! Il est comment Quentin ? », reprend mamie.

Et je me retrouve à raconter la double vie de mon père à sa femme et à sa mère. Double vie ? C’est peut-être même une triple vie qu’il mène le monsieur.

 

Mika BIAM

« Tu t’es finalement décidé ? », me demande Alex en faisant irruption dans mon bureau.

Il parait que ce soir, il y a un grand match de foot. A en croire Noah, ce serait le match de l’année. A l’affiche, le Barca de MESSI contre le Réal de Christiano RONALDO.

« Je suis épuisé Alex. Allez-y sans moi. »

Il ferme la porte de mon bureau et viens s’assoir en face de moi.

« Qu’est-ce qu’il t’arrive mon pote ? Profites-en pour faire sortir ta copine. »

« Je n’ai pas de copine Alex. »

Il sourit.

« Et c’est qui la miss de la dernière fois ? »

« Quelle miss ? »

« Tu sais bien ! La petite de taille là ! »

Il veut sans doute parler de Nowa. Si seulement il savait.

« C’est une amie. »

« Ah d’accord. J’avais cru qu’il y avait un truc entre vous. », dit-il en se mettant debout.

Je regarde mon portable sur la table.

« De toutes les façons, il doit bien y avoir une fille dans ce pays qui pourrait te tenir compagnie ce soir. »

Je ne réponds pas.

« Allez mec, fais un effort ! Je vais finir par penser que tu es gay. »

Il peut bien croire ce qu’il veut, je m’en fiche.

Qu’est-ce que je suis content quand il sort de mon bureau. J’attrape mon portable et je rentre dans ma conversation avec Nowa. J’ai cette envie de lui écrire pour lui demander quelques explications mais je me retiens. Je lui avais promis que tout se passerait comme elle le déciderait.

Je sens que ce soir, je vais encore passer mon temps à regarder ses photos, à penser à elle. Je vais passer le temps à me faire du mal. Alex a peut-être raison, peut-être que sortir me ferait du bien.

Je vais dans mes contacts, des dizaines et des dizaines de numéros de téléphones appartenant à des filles. Je soupire. Il faut pourtant que ce soir je sois accompagné sinon je vais finir par m’emmerder à regarder les autres passer leur soirée en amoureux. Allez, Vanessa !

« Allo ! »

« Bonsoir Vanessa ! C’est Rudy ! »

« Ah ! Je pensais que tu avais supprimé mon numéro Rudy. »

Tu pensais bien.

« Des journées chargées ! Ça te dirait de sortir ce soir ? »

« Euh… non ! »

« OK ! »

Je m’apprête à raccrocher quand elle crie un grand « attends ».

« Oui ? »

« Je rigolais ! Bien sûr que ça me dit. »

« OK ! Tu veux que je passe te prendre ? »

« Donc tu es galant ! »

« Il y a des jours oui et d’autres fois non. Tu vis où ? »

« Cocody ! »

Il ne manquait plus que ça.

Elle m’indique exactement où se situe l’immeuble dans lequel elle vit.

Il est à environ 10 minutes de celui de Nowa. Je lui donne l’heure et je raccroche. Avant de poser mon portable, je relis une dernière fois ce message.

« Je suis vraiment désolée mais, on va arrêter de se fréquenter. Bonne chance Mika. Nowa »

Je soupire et je range mes affaires. Il ne faudrait pas que je sois en retard.

 

Vanessa est juriste. Elle est plus grande que Nowa. Contrairement à cette dernière, elle porte un tissage. Il lui va plutôt bien je dois l’avouer.

« Tu m’avais dit que tu ne m’appellerais pas. Tu te rappelles ? »

« Des fois il y a des imprévus. »

« Du genre ? »

« Ne t’en occupes pas. Tu es très belle. »

Elle sourit. C’était prévisible.

« Merci. »

« J’espère que tu aimes le foot ! »

« Pourquoi ? »

« Parce que je t’emmène voir un match. Autant te prévenir, il y aura mon frère et des collègues. »

« T’inquiètes, je ne suis pas timide. »

Je ne m’en inquiète pas.

Je roule jusqu’au bar qu’ils m’ont indiqué. Vanessa me parle d’elle, de son travail durant tout le trajet. Moi, je ne fais que l’écouter. Souriant quelques fois.

La tête de mon frère quand il nous voit approcher. Il aurait pu parier père et mère que je ne sortirai pas de la maison ce soir. Je fais les présentations. Il est venu avec Sade. Mon frère c’est le roi des enfoirés. Il n’arrête pas de me prendre la tête comme quoi Nowa va juste me faire souffrir mais il ne se gêne pas pour draguer une amie à elle. Et tenez-vous bien il a fait le tour de ses amies sur Facebook et Sade lui a plu. Depuis, il est en mode séduction avec cette belle.

Je n’aime pas vraiment le football. J’aime le sport mais de là à se taper près de 2h pour regarder 22 guignols courir derrière une balle ! Je fais un effort surhumain pour faire semblant d’être un peu intéressé. Au moins, la bouffe est pas mal.

« Tout va bien Rudy ? »

« Oui ! »

C’est déjà la quatrième fois qu’elle me pose la question.

« Tu as l’air bizarre. Tu veux partir ? »

« Non ! »

Sans même que je ne m’en rende compte, elle est déjà en train avec mon téléphone dans ses mains.

« C’est qui elle ? »

Oui, la photo de Nowa est toujours en fond d’écran.

« Une amie. Une très bonne amie. »

« Juste une amie ? »

Au même instant, la salle entre en effervescence. Un but ! Elle fait comme tout le monde, se lève et saute de joie. Quand ça lui passe, elle revient à moi.

« Alors ? »

« Alors quoi ? »

« C’est juste une amie ? »

Mais de quoi elle se mêle ? Franchement premier rendez-vous qui n’est pas vraiment un rendez-vous et elle me pose déjà autant de questions. Elle ne voudrait pas aussi connaitre mon groupe sanguin par hasard ? 

« Je ne pense pas que ça te regarde Vanessa. Nous n’en sommes pas à ce stade. »

Ma réplique a l’air de lui faire de la peine. Elle se tourne et commence à discuter avec Sade. J’aime mieux ça.

Elle ne me dira plus un seul mot de toute la soirée. Avant de monter en voiture, je l’aperçois échangeant ses contacts avec mon frère et avec Sade. Si elle pense s’incruster ainsi dans ma vie elle se trompe royalement. C’est plutôt clair qu’elle et moi, ça ne pourra pas coller. Elle a l’air trop … trop je ne sais pas.

« Merci pour la soirée. », me dit-elle avant de descendre.

Je peux souffler. Mon calvaire a pris fin.

Les couleurs de nos...