4. Il reste

Ecrit par Samensa

DAVID

Quand j’ai reçu l’invitation par mail du mariage d’Eric Tra Lou et Ayehla Aké, jamais je n’aurais imaginé que ce serait cette Ayehla. Jamais !

Je me demande comment elle arrive à se regarder dans la glace cette femme. Et puis c’était quoi ce petit cinéma de « je m’évanouie » à son mariage ? Elle pense qu’elle pourra fuir le débat pour toujours ? Elle se met le doigt dans l’œil.

C’est pour elle que je suis encore là. Je devais rentrer le lendemain du mariage mais j’ai décidé de rester pour la confronter d’où ma présence ici. Quand mes parents m’ont parlé de la surprise, je n’ai pas hésité à me proposer pour l’organisation.

Je regarde Ela avec dédain. Apparemment, la lune de miel n’est pas encore terminée. Elle tremble en mettant ses boutons. A quoi bon ? J’en ai déjà vu bien plus. Mon pauvre frère. J’ai vraiment mal pour lui. Sur toute cette terre, il a fallu qu’il tombe sur une moins-que-rien.

Alors qu’ils sont en train de se faire des accolades de retrouvailles, je décide de prendre la parole.

-Votre attention s’il vous plait ! Je souhaiterais dire quelque chose.

Ela devient livide sur le coup et me regarde les yeux suppliants.

-On est là pour manger ou pour parler ? Demande-t-elle, voulant faire une blague.

Les autres se mettent à rire. Je devine aisément que Madame veut détourner l’attention. D’accord. On fera comme elle veut.

-L’amour donne faim on dirait ! S’exclame ma mère en riant.

-D’accord. Je parlerai après le diner alors. Dis-je en souriant.

Nous nous mettons à table.  Je me retrouve avec ma mère à ma gauche et Ela à ma droite qui est près de son mari. Alors que nous en sommes au plat de résistance, je me penche vers elle pour lui chuchoter à l’oreille.

-Tu crois que retarder le moment arrangera quelque chose ?

-…

-Mange bien très chère ! Car à la fin de ce diner, tu n’auras plus le courage d’avaler quoi que ce soit pendant un long moment.

-Tu ne peux pas faire ça.

-Pourquoi ?

-Laisse-moi une chance de tout t’expliquer, s’il te plait.

-Hum.

Je replonge mon nez dans mon assiette de rôti de poulet et entame une discussion avec les autres. Près de moi, Ela est raide comme un piquet, un sourire de circonstance plaqué au visage. Je ne sais pas pour les autres mais moi je sens sa tension jusqu’ici.

Au moment du dessert, je me lève en tintant mon verre. Ma belle-sœur se prend aussitôt la main dans la tête. Ne me dites pas qu’elle va nous faire un malaise encore !

-Je pense que les ventres sont pleins et qu’ils ont les oreilles pour m’entendre maintenant. (Rires dans la salle) Alors, je voulais seulement féliciter mon petit frère pour son mariage. Congratulations ! Tu as beaucoup de chances.

A ces mots, elle lève la tête et me regarde avec incompréhension.

-Je profite de l’occasion pour vous annoncer que j’ai décidé de rester en Côte d’Ivoire pendant 6 mois… au moins.

Alors que tout le monde pousse des cris de joie, Ela elle, ouvre la bouche de surprise.

Je souris intérieurement, content d’avoir atteint mon objectif. Elle ne le sait peut-être pas encore mais je lui ferai vivre l’enfer !

 

ELA

Couchée dans le lit, je compte désespérément les moutons. Éric dort déjà depuis un moment, fatigué suite à nos ébats. Moi, je ne trouve pas le sommeil. D’ailleurs comment je pourrais le trouver ? David est un véritable problème pour moi. J’ai fauté, c’est sûr mais je n’ai pas envie de perdre mon mari, cet homme merveilleux. Qu’est-ce que je peux faire pour arranger tout ça ?

Je me réveille aux environs de 13 heures. Je file sous la douche puis m’apprête pour aller faire un tour au travail. Je suis directrice des Ressources Humaines dans l’entreprise de mon père, « AK-Plastic », entreprise de fabrication de toutes sortes de produits à base de caoutchouc. Oui, je travaille. C’est vrai que je n’en ai pas vraiment besoin avec mon compte en banque plein et mes différents investissements mais je ne suis pas du genre oisif, à passer mon temps à me tourner les pouces.

Je me rends donc à la zone industrielle de Yopougon, où nos locaux sont situés, pour prendre rapidement connaissance et récupérer des dossiers en suspens. J’en profite pour faire le tour des services pour saluer mes collaborateurs. Ensuite, je décide faire un tour dans les bureaux d’Éric. Il est environ 17 heures. Ce serait bien que j’aille le chercher pour aller diner.

J’arrive à « PICI (Property Investment CI) » alors que les employés sont en train de descendre. Je me renseigne et apprends que mon époux est en réunion. Je décide alors de l’attendre dans son bureau. Quelques minutes après, j’entends des pas et sa voix dans le couloir. Je me tiens debout, arrange ma tenue, heureuse de lui faire une surprise.

Mon sourire se fige lorsque je vois qu’il est avec David. Eric ne se rend pas compte de mon mal aise et se précipite pour m’embrasser langoureusement. L’autre détourne immédiatement le regard.

-Ecoute chérie, je vais accompagner les clients en bas, je reviens.

Et il me laisse seul avec David. Ce dernier s’assoit sur un des sièges et me fait signe de m’assoir d’un signe qui ne me donne pas le choix de répliquer.

-Alors, à quand la fin de ce cinéma ? Me demande-t-il.

-David s’il te plait, il faut qu’on parle.

-Euh… Et actuellement, on danse là ?

-Pff. Tu sais de quoi je veux parler… je n’ai pas envie de foutre en l’air ce mariage.

-Il fallait y réfléchir avant de te comporter comme une pute à New-York.

Je tique, blessée de me faire insulter.

-Tu savais que tu étais fiancée mais tu n’as pas hésité à écarter les jambes devant un inconnu… Tu ne sais pas à quel point tu me dégoûtes !... J’ai mal quand je te vois avec mon frère.

-Mais j’aime Eric ! Dis-je en étouffant un sanglot.

-Bullshit ! crie-t-il.  Tu penses prendre qui avec tes airs de femme fragile ?

Il se lève puis s’arrête juste près de moi.

-Mais je suis curieux de savoir ce que tu as comme excuses pour cela. Passe me voir demain à 2 heures.

-2 heures ?

-2 heures de l’après-midi bien sûr ou 14 heures, comme tu veux ! (Il me toise un moment.) Je vis dans l’ancien appartement de mon frère. Je ne crois pas que tu ais besoin d’une carte pour te retrouver.

Effectivement, je ne connais que trop bien cet appartement où j’ai passé les meilleurs moments de ma relation avec Eric. David me laisse au bord des larmes et sort du bureau.

Eric arrive bien plus tard. Je prétexte un mal de tête et nous rentrons directement à la maison. Ce soir-là, je me refuse pour la première fois à mon mari depuis notre mariage. Il faut dire que je n’ai pas vraiment la tête à ça.

Demain est un autre défi.

 

 

INDECISE